Le sablier de nos souvenirs
Dans sa préface, le président de l’ATA (anciens taupins d’Alger), Charles Pompéi, expose la motivation de ses auteurs et le climat unique de ces témoignages.
Ouvrage collectif d’une trentaine d’entre nous, ce livre est le résultat d’une rencontre entre une idée, une envie et un anniversaire.
Une idée : celle d’un des nôtres qui, en automne 2010, proposa à l’ATA de transposer une expérience personnelle à partir d’entretiens à bâtons rompus avec des collègues de son entreprise, il avait participé à la rédaction de « Cahiers d’histoire » d’une grande industrie métallurgique.
Une envie : celle de beaucoup d’entre nous de se souvenir, avant que nos fenêtres ne se referment, de tous ceux qui nous les avaient ouvertes, de revivre les paysages, les chemins parcourus et les liens tissés ensemble, et le désir d’en laisser une trace à ceux qui nous suivent.
Un anniversaire : il y a cinquante ans que ces classes préparatoires, matrices de notre communauté, ont terminé leur histoire plus que centenaire. Nous avons voulu rendre, avec ce modeste ouvrage, un hommage à tous ceux et toutes celles qui, de l’école primaire à la « Taupe d’Alger », nous ont aidés à devenir ce que nous aurons été.
Ces souvenirs remontent parfois à plus de quatre ou cinq générations. Comme dans un sablier, ils convergent vers le point singulier commun de nos « années Bugeaud » pour diverger ensuite sur les nombreuses routes où nous avons conduit nos propres aventures.
À travers ces témoignages de nos origines, on trouve une image remarquablement cohérente du peuplement de cette aventure unique que fut la colonisation française en Algérie, sans oublier ceux dont les ancêtres étaient déjà là-bas en 1830. Des arrière-arrière-arrière-arrière-grands-parents, parfois venus des fins fonds de toutes les provinces françaises, mais aussi de Malte, de Grèce, d’Italie, de Roumanie, d’Espagne, de Cappadoce ou de Palestine, etc.
Des « bouseux » de Corrèze, des soudeurs de boîtes de sardines de Bretagne, des terrassiers indigents d’Espagne. Et pour les plus démunis d’entre eux, la fuite devant la misère, l’antisémitisme, les conflits du Moyen-Orient (déjà) ou les remous politiques du Second Empire, tous à la recherche d’un « Eldorado ».
Cet Eldorado, ils le trouvèrent dans les « marais de la Mitidja », « les forêts de la zone semi-désertique des hauts plateaux de Tlemcen », et un peu plus tard dans l’administration coloniale naissante : écoles, postes, chemins de fer, gendarmerie, etc. Pour ceux qui survécurent à la malaria, au découragement ou à des choix hasardeux d’entrepreneurs, l’ascenseur social fonctionna bien, soutenu par un respect familial quasi religieux de l’instruction et de l’éducation.
Tous ces témoignages disent, souvent avec émotion, ce que nous devons à nos enseignants d’alors et comment nous avons été lentement « programmés » pour nous retrouver un jour au-dessus de la cour claustrale d’une grande bâtisse, à la terrasse du second étage, dans les classes de la « Taupe » du lycée Bugeaud.
Ces années de taupe, puis d’écoles ou d’universités, nous marquèrent si profondément de leurs impitoyables exigences qu’aujourd’hui encore elles cimentent notre amitié.
Pour certains d’entre nous elles coïncidèrent, parfois sous l’uniforme, avec la fin dramatique de l’Eldorado rêvé par nos ancêtres.
Mais, pour d’autres, c’était la naissance d’une nouvelle nation. Années de déchirements, de tragédies, et de douloureuses controverses au regard de l’Histoire. À cette aune, d’autres Eldorados n’ont-ils pas laissé de plus lourds souvenirs à des peuples disloqués dont ils étaient les berceaux ?
Mais, à la lecture des derniers chapitres, comment ne pas être frappé par l’optimisme et une certaine fierté qui s’en dégagent, en essayant de ne retenir de l’Algérie que « ses paysages, ses lumières, et ses odeurs » restés inscrits dans nos mémoires.
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le sablier de nos souvenirs
Quel est le coût de ce livre dont j’aimerais commander un exemplaire ?
Avec mes remerciements