Le secteur bancaire, un vecteur incontournable de la réussite de la transition énergétique et environnementale
Le secteur bancaire est au cœur des transitions qui redessinent nos sociétés. Depuis 2010, le groupe BNP Paribas accompagne les entreprises dans la réduction de leurs impacts négatifs sur l’environnement et soutient celles qui ont une activité qui contribue à la transition énergétique, environnementale et à la lutte contre le réchauffement climatique. Le point avec Sébastien Soleille (X95), Responsable Transition énergétique et environnement du groupe BNP Paribas.
La question de l’ESG est aujourd’hui incontournable dans le secteur bancaire. Pourquoi ?
L’état d’avancement de la transition énergétique et écologique, les constats scientifiques portés notamment par le GIEC pour le climat ou encore l’IPBES pour la nature et la biodiversité nous poussent à mieux prendre en compte cette dimension. En parallèle, c’est aussi une demande plus marquée de nos différentes parties prenantes, nos clients, nos partenaires, nos collaborateurs, nos régulateurs… Au-delà, c’est également une responsabilité que nous devons tous assumer.
Comment votre établissement appréhende-t-il cette dimension ?
Nous nous sommes saisis de ces enjeux dès le début des années 2010. Nous avons alors mis en place les premières politiques sectorielles pour limiter les impacts des activités de nos clients dans les secteurs les plus émetteurs (électricité, pétrole, gaz, agriculture…). En 2015, un cap important a été franchi avec la COP21 de Paris, en termes de prise de conscience. Chez BNP Paribas, cela s’est notamment traduit par la décision de sortir du charbon, du pétrole et du gaz non conventionnels.
Plus récemment, nous avons publié notre plan stratégique GTS 2025 dont les piliers sont la croissance (Growth), la technologie (Technology) et le développement durable (Sustainability). Pour mener à bien ce plan stratégique, nous nous appuyons sur l’ensemble des équipes du groupe, plus de 180 000 collaborateurs, que nous formons à ces enjeux. Dans le cadre de la transformation de nos processus, nous embarquons aussi nos clients afin de viser ensemble la neutralité carbone. Les premiers résultats sont là ! En 2012, près de 90 % de nos financements étaient destinés aux énergies fossiles et 10 % aux énergies bas carbone. Fin 2023, nous sommes passés à 35 % pour les énergies fossiles et 65 % pour les énergies bas carbone, qui représentent désormais la majorité de notre portefeuille de crédits à l’énergie. BNP Paribas continuera dans cette trajectoire pour atteindre son objectif à horizon 2030 de 90% minimum de bas carbone et 10% maximum de fossile dans son portefeuille de crédits à l’énergie. C’est une illustration concrète de la traduction des engagements pris par le groupe.
Alors que le monde vise la neutralité carbone à horizon 2050, il s’agit aussi de financer la transition environnementale, écologique et énergétique. Dans ce cadre, quel rôle joue l’ESG ?
Le principal enjeu est de financer toujours moins d’activités qui ont un impact négatif sur l’environnement et le climat et de financer, au contraire, celles qui ont un impact positif. Pour relever ce défi, nous actionnons essentiellement deux leviers. Le premier consiste à travailler avec nos clients à la réduction de leurs impacts négatifs. Nous élaborons des politiques sectorielles incluant des critères restrictifs pour les secteurs et les activités les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Le second consiste à soutenir nos clients qui opèrent dans le domaine de la transition énergétique. En Europe, BNP Paribas est ainsi un acteur majeur du financement des énergies renouvelables et dispose de pôles d’expertise en la matière, comme le « Low Carbon Transition Group » qui rassemble près de 250 banquiers experts de la finance durable.
En parallèle, nous avons défini des critères ESG pour s’assurer de l’impact positif des projets sur le plan environnemental, sociétal et en matière de gouvernance. Cette démarche permet de garantir une transition énergétique et écologique juste en minimisant les dommages collatéraux.
Comment ces éléments impactent-ils votre stratégie ?
L’ESG est au cœur de notre plan GTS 2025 et guide l’ensemble de nos financements. Nous nous sommes dotés d’un certain nombre d’outils de suivi pour évaluer et suivre nos progrès, comme notre tableau de bord de pilotage de la performance RSE avec dix indicateurs et des objectifs associés. Pour accompagner nos clients dans leur transition vers une économie bas carbone, nous avons un objectif de 200 milliards d’euros à horizon 2025 via des crédits durables, des obligations vertes et des financements aux technologies bas carbone. Nous avons aussi l’objectif de financer à hauteur de 4 milliards d’euros d’ici 2025 les entreprises qui contribuent à protéger la biodiversité terrestre et marine (objectif d’ailleurs déjà dépassé avec 4,3 milliards d’euros en 2023). Pour mener de front ce chantier, nous accordons une attention particulière à la formation et la montée en compétences de nos collaborateurs afin qu’ils puissent appréhender leurs métiers via le prisme des transitions.
Sur le terrain, comment cela se traduit-il concrètement ?
Nous échangeons beaucoup avec nos clients. Nous développons des produits adaptés, comme des crédits indexés sur des objectifs de durabilité fixés d’un commun accord avec les clients (SSL – Sustainibility Linked Loans) : réduction des émissions de gaz à effet de serre, formation d’un certain nombre de collaborateurs, amélioration de la traçabilité, lutte contre la déforestation… Si l’entreprise atteint les objectifs fixés, le taux de son crédit est réduit. Le cas échéant, il est augmenté. En parallèle, nous proposons aux particuliers des crédits avec un taux bonifié pour la rénovation énergétique de leur logement, l’achat d’un véhicule électrique…
Quel est le niveau de maturité des entreprises sur ces sujets ?
Il diffère beaucoup d’un pays et d’un secteur d’activité à l’autre. En Europe, les grandes entreprises ont un bon niveau de maturité qui s’explique par une réelle prise de conscience de la nécessité de prendre en compte l’urgence climatique, de préserver la biodiversité, de lutter contre la pollution ou encore de promouvoir l’économie circulaire. Néanmoins, de nombreux freins persistent. Pour réussir cette transition vers un monde neutre en carbone, les efforts doivent être collectifs. Les entreprises doivent proposer des produits ou des services plus respectueux de l’environnement. Les clients doivent revoir leurs habitudes de consommation pour privilégier ces produits. Les pouvoirs publics doivent mettre en place un cadre réglementaire et fiscal favorable à ces nouveaux produits et qui limite, par ailleurs, aussi les importations de produits qui ne répondent à des critères d’ordre ESG. Enfin, les acteurs financiers doivent accompagner ces changements en mettant à disposition des financements.
Prenons l’exemple des véhicules électriques. Le marché existe avec une offre de véhicules et des clients qui en achètent. L’électricité utilisée pour faire avancer ces véhicules doit être la plus décarbonée possible. Les pouvoirs publics doivent garantir un cadre incitatif pour accélérer l’adoption de ces véhicules. Côté acteurs du financement, il faut financer les producteurs de véhicules électriques, de batteries et de bornes de recharge. Dans ce secteur, BNP Paribas finance plusieurs projets de gigafactories, alors que notre filiale Arval spécialisée dans le leasing automobile propose des offres de financement couplées couvrant le véhicule et la borne de recharge.
L’enjeu est de trouver les bonnes dynamiques et d’écrire un récit collectif pour réussir ensemble cette transition écologique. Avec de nombreux acteurs français, BNP Paribas s’engage dans diverses initiatives comme l’Association française EpE (Entreprises pour l’Environnement), qui a notamment été présidée par notre Directeur Général. Pendant son mandat, l’association a publié l’étude ZEN 2050 (Zéro Emission Nette en 2050) dont l’objectif était d’imaginer une France neutre en carbone en 2050 et de promouvoir justement un récit collectif, afin d’insuffler cette dynamique collective à tous les niveaux de la chaîne de valeur et de la société.
Comment accompagnez-vous les entreprises dans cette démarche ?
Au cœur de cet accompagnement, on retrouve la notion de dialogue entre le banquier et son client. Il y a un peu moins de cinq ans, un directeur financier ou un dirigeant qui s’intéressait à la transition écologique de son entreprise se tournait plutôt vers des cabinets de conseil. Aujourd’hui, ils sollicitent de plus en plus leur banquier sur ce sujet. En parallèle, nous avons également une démarche proactive et allons à la rencontre de nos clients, afin de discuter avec eux de leur transition. Par exemple en 2019, nous avons créé le Green Desk, une équipe de banquiers qui accompagne nos clients PME et ETI françaises spécialisées dans la transition énergétique. Tous les métiers et les filiales de BNP Paribas participent à ce mouvement. En sa qualité de gestionnaire d’actifs, BNP Paribas fait notamment partie de la coalition d’investisseurs appelée Climate Action 100+, qui incite les entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre dans le monde à pivoter vers des stratégies moins nocives pour le climat et l’environnement.
Et aujourd’hui, sur l’ensemble des sujets, comment vous projetez-vous ?
À l’horizon, 2050, nous visons la neutralité carbone collective. Sur le plus court terme, nous avons opté pour une approche sectorielle. Nous faisons partie de la coalition Net Zero Banking Alliance et publions nos objectifs en fonction des secteurs d’activité. Nous avons déjà réalisé ce travail pour neuf secteurs qui émettent d’importants volumes de gaz à effet de serre : le pétrole et le gaz, la production d’électricité, l’automobile, l’aluminium, le ciment, l’acier, l’aviation, le transport maritime, l’immobilier commercial. Pour chacun de ces secteurs, nous comparons la trajectoire de notre portefeuille de crédit, au regard de l’empreinte carbone et des scénarios scientifiques afin d’être alignés avec l’objectif de neutralité carbone en 2050 et les trajectoires recommandées par les différents organismes externes. Selon les secteurs, nous nous sommes fixés des objectifs à horizon 2025 ou 2030.
Avez-vous des pistes de réflexion à partager avec nos lecteurs ?
En France, en Europe et même dans le monde, nous avons besoin que tous les acteurs de la société construisent ce récit collectif afin de proposer à nos concitoyens une vision commune de la transition écologique qui ne soit pas anxiogène, mais qui en valorise tous les bénéfices.