Le secteur bancaire, un vecteur incontournable de la réussite de la transition énergétique et environnementale

Dossier : Vie des entreprises, FintechMagazine N°798 Octobre 2024
Par Sébastien SOLEILLE (X95)

Le sec­teur ban­caire est au cœur des tran­si­tions qui redes­sinent nos socié­tés. Depuis 2010, le groupe BNP Pari­bas accom­pagne les entre­prises dans la réduc­tion de leurs impacts néga­tifs sur l’environnement et sou­tient celles qui ont une acti­vi­té qui contri­bue à la tran­si­tion éner­gé­tique, envi­ron­ne­men­tale et à la lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Le point avec Sébas­tien Soleille (X95), Res­pon­sable Tran­si­tion éner­gé­tique et envi­ron­ne­ment du groupe BNP Pari­bas.

La question de l’ESG est aujourd’hui incontournable dans le secteur bancaire. Pourquoi ?

L’état d’avancement de la tran­si­tion éner­gé­tique et éco­lo­gique, les constats scien­ti­fiques por­tés notam­ment par le GIEC pour le cli­mat ou encore l’IPBES pour la nature et la bio­di­ver­si­té nous poussent à mieux prendre en compte cette dimen­sion. En paral­lèle, c’est aus­si une demande plus mar­quée de nos dif­fé­rentes par­ties pre­nantes, nos clients, nos par­te­naires, nos col­la­bo­ra­teurs, nos régu­la­teurs… Au-delà, c’est éga­le­ment une res­pon­sa­bi­li­té que nous devons tous assumer.

Comment votre établissement appréhende-t-il cette dimension ?

Nous nous sommes sai­sis de ces enjeux dès le début des années 2010. Nous avons alors mis en place les pre­mières poli­tiques sec­to­rielles pour limi­ter les impacts des acti­vi­tés de nos clients dans les sec­teurs les plus émet­teurs (élec­tri­ci­té, pétrole, gaz, agri­cul­ture…). En 2015, un cap impor­tant a été fran­chi avec la COP21 de Paris, en termes de prise de conscience. Chez BNP Pari­bas, cela s’est notam­ment tra­duit par la déci­sion de sor­tir du char­bon, du pétrole et du gaz non conventionnels.

Plus récem­ment, nous avons publié notre plan stra­té­gique GTS 2025 dont les piliers sont la crois­sance (Growth), la tech­no­lo­gie (Tech­no­lo­gy) et le déve­lop­pe­ment durable (Sus­tai­na­bi­li­ty). Pour mener à bien ce plan stra­té­gique, nous nous appuyons sur l’ensemble des équipes du groupe, plus de 180 000 col­la­bo­ra­teurs, que nous for­mons à ces enjeux. Dans le cadre de la trans­for­ma­tion de nos pro­ces­sus, nous embar­quons aus­si nos clients afin de viser ensemble la neu­tra­li­té car­bone. Les pre­miers résul­tats sont là ! En 2012, près de 90 % de nos finan­ce­ments étaient des­ti­nés aux éner­gies fos­siles et 10 % aux éner­gies bas car­bone. Fin 2023, nous sommes pas­sés à 35 % pour les éner­gies fos­siles et 65 % pour les éner­gies bas car­bone, qui repré­sentent désor­mais la majo­ri­té de notre por­te­feuille de cré­dits à l’énergie. BNP Pari­bas conti­nue­ra dans cette tra­jec­toire pour atteindre son objec­tif à hori­zon 2030 de 90% mini­mum de bas car­bone et 10% maxi­mum de fos­sile dans son por­te­feuille de cré­dits à l’énergie. C’est une illus­tra­tion concrète de la tra­duc­tion des enga­ge­ments pris par le groupe.

Alors que le monde vise la neutralité carbone à horizon 2050, il s’agit aussi de financer la transition environnementale, écologique et énergétique. Dans ce cadre, quel rôle joue l’ESG ?

Le prin­ci­pal enjeu est de finan­cer tou­jours moins d’activités qui ont un impact néga­tif sur l’environnement et le cli­mat et de finan­cer, au contraire, celles qui ont un impact posi­tif. Pour rele­ver ce défi, nous action­nons essen­tiel­le­ment deux leviers. Le pre­mier consiste à tra­vailler avec nos clients à la réduc­tion de leurs impacts néga­tifs. Nous éla­bo­rons des poli­tiques sec­to­rielles incluant des cri­tères res­tric­tifs pour les sec­teurs et les acti­vi­tés les plus émet­teurs de gaz à effet de serre. Le second consiste à sou­te­nir nos clients qui opèrent dans le domaine de la tran­si­tion éner­gé­tique. En Europe, BNP Pari­bas est ain­si un acteur majeur du finan­ce­ment des éner­gies renou­ve­lables et dis­pose de pôles d’expertise en la matière, comme le « Low Car­bon Tran­si­tion Group » qui ras­semble près de 250 ban­quiers experts de la finance durable.

En paral­lèle, nous avons défi­ni des cri­tères ESG pour s’assurer de l’impact posi­tif des pro­jets sur le plan envi­ron­ne­men­tal, socié­tal et en matière de gou­ver­nance. Cette démarche per­met de garan­tir une tran­si­tion éner­gé­tique et éco­lo­gique juste en mini­mi­sant les dom­mages collatéraux.

Comment ces éléments impactent-ils votre stratégie ?

L’ESG est au cœur de notre plan GTS 2025 et guide l’ensemble de nos finan­ce­ments. Nous nous sommes dotés d’un cer­tain nombre d’outils de sui­vi pour éva­luer et suivre nos pro­grès, comme notre tableau de bord de pilo­tage de la per­for­mance RSE avec dix indi­ca­teurs et des objec­tifs asso­ciés. Pour accom­pa­gner nos clients dans leur tran­si­tion vers une éco­no­mie bas car­bone, nous avons un objec­tif de 200 mil­liards d’euros à hori­zon 2025 via des cré­dits durables, des obli­ga­tions vertes et des finan­ce­ments aux tech­no­lo­gies bas car­bone. Nous avons aus­si l’objectif de finan­cer à hau­teur de 4 mil­liards d’euros d’ici 2025 les entre­prises qui contri­buent à pro­té­ger la bio­di­ver­si­té ter­restre et marine (objec­tif d’ailleurs déjà dépas­sé avec 4,3 mil­liards d’euros en 2023). Pour mener de front ce chan­tier, nous accor­dons une atten­tion par­ti­cu­lière à la for­ma­tion et la mon­tée en com­pé­tences de nos col­la­bo­ra­teurs afin qu’ils puissent appré­hen­der leurs métiers via le prisme des transitions.

Sur le terrain, comment cela se traduit-il concrètement ?

Nous échan­geons beau­coup avec nos clients. Nous déve­lop­pons des pro­duits adap­tés, comme des cré­dits indexés sur des objec­tifs de dura­bi­li­té fixés d’un com­mun accord avec les clients (SSL – Sus­tai­ni­bi­li­ty Lin­ked Loans) : réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre, for­ma­tion d’un cer­tain nombre de col­la­bo­ra­teurs, amé­lio­ra­tion de la tra­ça­bi­li­té, lutte contre la défo­res­ta­tion… Si l’entreprise atteint les objec­tifs fixés, le taux de son cré­dit est réduit. Le cas échéant, il est aug­men­té. En paral­lèle, nous pro­po­sons aux par­ti­cu­liers des cré­dits avec un taux boni­fié pour la réno­va­tion éner­gé­tique de leur loge­ment, l’achat d’un véhi­cule électrique…

Quel est le niveau de maturité des entreprises sur ces sujets ?

Il dif­fère beau­coup d’un pays et d’un sec­teur d’activité à l’autre. En Europe, les grandes entre­prises ont un bon niveau de matu­ri­té qui s’explique par une réelle prise de conscience de la néces­si­té de prendre en compte l’urgence cli­ma­tique, de pré­ser­ver la bio­di­ver­si­té, de lut­ter contre la pol­lu­tion ou encore de pro­mou­voir l’économie cir­cu­laire. Néan­moins, de nom­breux freins per­sistent. Pour réus­sir cette tran­si­tion vers un monde neutre en car­bone, les efforts doivent être col­lec­tifs. Les entre­prises doivent pro­po­ser des pro­duits ou des ser­vices plus res­pec­tueux de l’environnement. Les clients doivent revoir leurs habi­tudes de consom­ma­tion pour pri­vi­lé­gier ces pro­duits. Les pou­voirs publics doivent mettre en place un cadre régle­men­taire et fis­cal favo­rable à ces nou­veaux pro­duits et qui limite, par ailleurs, aus­si les impor­ta­tions de pro­duits qui ne répondent à des cri­tères d’ordre ESG. Enfin, les acteurs finan­ciers doivent accom­pa­gner ces chan­ge­ments en met­tant à dis­po­si­tion des financements.

Pre­nons l’exemple des véhi­cules élec­triques. Le mar­ché existe avec une offre de véhi­cules et des clients qui en achètent. L’électricité uti­li­sée pour faire avan­cer ces véhi­cules doit être la plus décar­bo­née pos­sible. Les pou­voirs publics doivent garan­tir un cadre inci­ta­tif pour accé­lé­rer l’adoption de ces véhi­cules. Côté acteurs du finan­ce­ment, il faut finan­cer les pro­duc­teurs de véhi­cules élec­triques, de bat­te­ries et de bornes de recharge. Dans ce sec­teur, BNP Pari­bas finance plu­sieurs pro­jets de giga­fac­to­ries, alors que notre filiale Arval spé­cia­li­sée dans le lea­sing auto­mo­bile pro­pose des offres de finan­ce­ment cou­plées cou­vrant le véhi­cule et la borne de recharge.

L’enjeu est de trou­ver les bonnes dyna­miques et d’écrire un récit col­lec­tif pour réus­sir ensemble cette tran­si­tion éco­lo­gique. Avec de nom­breux acteurs fran­çais, BNP Pari­bas s’engage dans diverses ini­tia­tives comme l’Association fran­çaise EpE (Entre­prises pour l’Environnement), qui a notam­ment été pré­si­dée par notre Direc­teur Géné­ral. Pen­dant son man­dat, l’association a publié l’étude ZEN 2050 (Zéro Emis­sion Nette en 2050) dont l’objectif était d’imaginer une France neutre en car­bone en 2050 et de pro­mou­voir jus­te­ment un récit col­lec­tif, afin d’insuffler cette dyna­mique col­lec­tive à tous les niveaux de la chaîne de valeur et de la société.

Comment accompagnez-vous les entreprises dans cette démarche ?

Au cœur de cet accom­pa­gne­ment, on retrouve la notion de dia­logue entre le ban­quier et son client. Il y a un peu moins de cinq ans, un direc­teur finan­cier ou un diri­geant qui s’intéressait à la tran­si­tion éco­lo­gique de son entre­prise se tour­nait plu­tôt vers des cabi­nets de conseil. Aujourd’hui, ils sol­li­citent de plus en plus leur ban­quier sur ce sujet. En paral­lèle, nous avons éga­le­ment une démarche proac­tive et allons à la ren­contre de nos clients, afin de dis­cu­ter avec eux de leur tran­si­tion. Par exemple en 2019, nous avons créé le Green Desk, une équipe de ban­quiers qui accom­pagne nos clients PME et ETI fran­çaises spé­cia­li­sées dans la tran­si­tion éner­gé­tique. Tous les métiers et les filiales de BNP Pari­bas par­ti­cipent à ce mou­ve­ment. En sa qua­li­té de ges­tion­naire d’actifs, BNP Pari­bas fait notam­ment par­tie de la coa­li­tion d’investisseurs appe­lée Cli­mate Action 100+, qui incite les entre­prises les plus émet­trices de gaz à effet de serre dans le monde à pivo­ter vers des stra­té­gies moins nocives pour le cli­mat et l’environnement.

Et aujourd’hui, sur l’ensemble des sujets, comment vous projetez-vous ?

À l’horizon, 2050, nous visons la neu­tra­li­té car­bone col­lec­tive. Sur le plus court terme, nous avons opté pour une approche sec­to­rielle. Nous fai­sons par­tie de la coa­li­tion Net Zero Ban­king Alliance et publions nos objec­tifs en fonc­tion des sec­teurs d’activité. Nous avons déjà réa­li­sé ce tra­vail pour neuf sec­teurs qui émettent d’importants volumes de gaz à effet de serre : le pétrole et le gaz, la pro­duc­tion d’électricité, l’automobile, l’aluminium, le ciment, l’acier, l’aviation, le trans­port mari­time, l’immobilier com­mer­cial. Pour cha­cun de ces sec­teurs, nous com­pa­rons la tra­jec­toire de notre por­te­feuille de cré­dit, au regard de l’empreinte car­bone et des scé­na­rios scien­ti­fiques afin d’être ali­gnés avec l’objectif de neu­tra­li­té car­bone en 2050 et les tra­jec­toires recom­man­dées par les dif­fé­rents orga­nismes externes. Selon les sec­teurs, nous nous sommes fixés des objec­tifs à hori­zon 2025 ou 2030.

Avez-vous des pistes de réflexion à partager avec nos lecteurs ?

En France, en Europe et même dans le monde, nous avons besoin que tous les acteurs de la socié­té construisent ce récit col­lec­tif afin de pro­po­ser à nos conci­toyens une vision com­mune de la tran­si­tion éco­lo­gique qui ne soit pas anxio­gène, mais qui en valo­rise tous les bénéfices.

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