Le secteur de la forêt et du bois
Le bois, un produit universellement utilisé, à la source d’un commerce mondial actif
Le bois demeure un produit essentiel qui se récolte, s’échange et s’utilise partout dans le monde. Ainsi, en 2000, la récolte mondiale a été de 1 765 millions de m3 (Mm3) de bois de feu et 1 585 Mm³ de bois ronds industriels. L’usage comme combustible reste prépondérant sur le continent africain et en Asie (80 %), il est minoritaire en Europe et en Amérique du Nord.
Les échanges internationaux de bois et dérivés, bien que produits pondéreux, sont très actifs. Estimé à 132 milliards de dollars en 1998, le marché du bois et des produits dérivés (sciages, panneaux, pâtes, papiers et cartons) représente environ 3 % du commerce mondial pour 2 % du PIB mondial.
À côté du Canada et des USA, traditionnellement fournisseurs de bois et sciages résineux sur le marché mondial, on notera l’émergence de nouveaux pays producteurs comme le Brésil, le Chili et la Nouvelle-Zélande. Les plus gros importateurs de bois ronds et de sciages sont le Japon et la Chine.
Avec une récolte d’environ 50 Mm3, la France est au sein de l’Union européenne le 4e producteur de bois ronds, derrière la Suède, la Finlande et l’Allemagne, mais le 1er producteur de bois feuillus. Elle occupe également le 4e rang pour la production de sciages, le 2e pour celle de panneaux et celle des pâtes et le 4e rang européen pour la production de papiers et cartons.
Sur ces segments, la France occupe les rangs de 10e ou de 11e producteur mondial. Elle est le 9e pays consommateur de bois et produits dérivés et son déficit de la balance du commerce extérieur reste élevé : 3,5 milliards d’euros en 2001, très majoritairement dû aux secteurs des pâtes, papiers et cartons (1,7 milliard d’euros ensemble) et de l’ameublement (1 milliard d’euros).
L’horizon européen avec une prévision de croissance des besoins en bois et fibres
Si le marché du bois est de plus en plus mondialisé et s’il convient de prêter la plus grande importance à l’émergence de l’Amérique du Sud et de la Nouvelle-Zélande dans les flux internationaux, l’horizon le plus immédiat de la filière forêt-bois française reste le continent européen, et c’est d’abord sur le marché de l’Union européenne que doit s’apprécier sa compétitivité.
L’étude de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)1 prévoit, dans les deux scénarios de base retenus, qu’au niveau du continent européen (hors Russie, Ukraine et Biélorussie) les besoins en produits dérivés du bois continueront de croître jusqu’en 2020, au moins à un rythme voisin de celui du PIB.
Selon les experts, ces prévisions conduiraient en 2020 à une récolte supérieure de 90 Mm3 à celle de 1990 (qui était de 380 Mm3), à un fort développement de l’utilisation des fibres recyclées (vieux papiers et déchets) jusqu’au maximum technique et à un accroissement net des importations européennes.
Le taux de couverture des besoins en bois et en fibres par la récolte européenne qui était de 70 % en 1990 chuterait à environ 55 % en 2020.
Dans ce contexte, même si la grande inconnue reste le niveau de mise en valeur des formidables ressources de la Fédération de Russie (près de la moitié du volume sur pied mondial des forêts tempérées et boréales), le potentiel de production forestière de la France, qui est en forte croissance, pourrait être davantage sollicité. Les unités industrielles de transformation implantées en France en tireront parti dans la mesure où pourront être dès maintenant surmontés un certain nombre de difficultés et handicaps qui obèrent leur compétitivité et freinent les décisions de modernisation et d’investissement.
ffff
Passerelle à Nantes, Loire-Atlantique. Architecte : SEVE de Nantes.
Une ressource abondante et diversifiée
La ressource en bois du continent européen (hors Russie, Ukraine et Biélorussie) est de 25 000 Mm3 de bois sur pied. Au sein de l’Union européenne, elle se répartit pour 90 % du volume entre six pays : Allemagne, France et Suède (3 000 Mm3 chacune), Finlande (2 000 Mm3), Autriche et Italie (plus de 1 000 Mm3 chacune). La France fait donc incontestablement partie des pays européens dont le potentiel pour l’industrie du bois est le plus élevé.
Avec un taux de boisement de 28 %, la France se situe dans la moyenne européenne, à peu près au même niveau que l’Allemagne, mais très en deçà de la Finlande et de la Suède (plus de 65 %), ou de l’Autriche (un peu moins de 50 %), pour ne citer que les grands pays exportateurs de bois de l’Union européenne. Mais à l’échelle des bassins d’approvisionnement des grandes industries du bois, le taux de boisement du quart nord-est de la France et de certaines zones du Massif central est compris entre 30 et 55 %, et celui du massif aquitain entre 40 et 65 %. La grande diagonale forestière française qui va des Vosges à l’Aquitaine fait partie des zones européennes a priori intéressantes pour l’implantation d’industries du bois compétitives.
Depuis 1989, l’affaiblissement de la consommation de bois feuillus en Europe, déjà amorcé depuis plus de cinquante ans, s’est encore accéléré, avec une chute de 21 % en sept ans. La part nettement dominante des feuillus dans la forêt française (63 % des surfaces, 61 % des volumes sur pied et 55 % de l’accroissement biologique), si elle est un atout pour le » bois d’œuvre » (bois en grumes pour le sciage, le tranchage et le déroulage), n’en est pas un pour le » bois d’industrie » (et de trituration, pour les panneaux de fibres et de particules, les pâtes à papier et les poteaux).
Même si la diversité des espèces d’arbres est très forte en France, avec 136 essences pouvant être rencontrées assez fréquemment en forêt, huit d’entre elles (chênes rouvre et pédonculé, hêtre, peuplier, sapin, épicéa, pin maritime et pin sylvestre) fournissent à elles seules 90 % des grumes récoltées.
Sur le total européen des accroissements biologiques (677 Mm3 par an), la France pèse pour un peu moins de 14 %, supérieure à l’Allemagne, à la Suède et à la Finlande. Concernant l’accroissement biologique par hectare, la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Irlande bénéficient a priori d’un réel avantage compétitif pour la production de bois résineux, notamment par rapport aux pays nordiques, dès lors que les qualités produites peuvent trouver leur marché.
L’importance des plantations effectuées depuis cinquante ans donne actuellement à la France une situation privilégiée en Europe, avec une ressource récoltable de plus en plus abondante, un palier devant être atteint entre 2020 et 2030.
Une offre de bois en pleine croissance, malgré des handicaps
Avec 4 millions de propriétés forestières, la France compte 52 % des effectifs de l’Union européenne, secteurs public et privé inclus, ce qui rend difficile l’organisation d’une offre structurée. Néanmoins seulement 213 000 propriétés (dont 202 000 privées) possédant chacune au moins 10 ha de forêts pèsent ensemble 10,1 Mha. En se limitant aux propriétés de plus de 50 hectares, la France compte 7,3 Mha de forêts (surface moyenne de 206 ha), l’Allemagne 7,7 Mha (surface moyenne de 72 ha), la Finlande 6,2 Mha (surface moyenne de 103 ha), mais la Suède 19,3 Mha (surface moyenne de 307 ha).
Un propriétaire n’est pas nécessairement un vendeur régulier de bois, intégré dans une logique économique d’approvisionnement sécurisé des industries. La situation française est très différente de celle de la Suède, de la Finlande ou même du Portugal, où respectivement 37 %, 8 % et 7 % des forêts sont sous le contrôle direct de grands groupes industriels. En France, les quelques études sociologiques disponibles montrent toute l’importance de la dimension patrimoniale de la propriété dans les décisions de gestion, confortée d’ailleurs par une fiscalité privilégiant la conservation du patrimoine.
En l’absence de structures collectives puissantes et maîtrisées par les propriétaires forestiers, l’aspect psychologique de la politique forestière est très important : la perception subjective du contexte créé par les pouvoirs publics influe fortement sur la motivation des gestionnaires, sur leurs investissements et sur leurs mises en vente.
Après le Portugal, la France possède la plus faible proportion (4,4 Mha, soit 26 %) de forêts publiques (domaniales et communales essentiellement) de l’Union européenne. Or celles-ci sont généralement de surface unitaire beaucoup plus vaste que les propriétés privées et bénéficient d’une bonne organisation des mises en vente de bois. Dans un pays où la propriété privée est relativement peu structurée en matière de développement forestier et de mise en vente commune, c’est dire l’enjeu de l’Office national des forêts (ONF) et du » régime forestier » qu’il est chargé de mettre en œuvre dans les 3,8 Mha de forêts publiques susceptibles d’aménagement et d’exploitation régulière, pour la compétitivité des approvisionnements des industries françaises du bois (voir tableau ci-dessous).
Données 1998 | Poids en surface | En volume de bois sur pied | En vente de bois d’œuvre |
Forêts privées | 74 % | 67 % | 58 % |
Forêts domaniales | 10 % | 13 % | 19 % |
Forêts communales | 16 % | 20 % | 23 % |
Il convient de noter que les coopératives forestières, qui ne regroupent encore que 1,2 Mha de forêts privées, commercialisent désormais 4 Mm3/an, soit un ratio de 3,3 m3/ha/an, chiffres à comparer aux 13 Mm3/an commercialisés par l’ONF à partir des 3,3 Mha de forêts relevant du régime forestier (ratio de 3 m3/ha/an).
Une récolte en croissance mais qui reste en deçà des possibilités biologiques de la forêt, malgré l’impact des tempêtes de 1999
Les prélèvements de bois opérés sur le continent européen sont très inférieurs à l’accroissement biologique annuel net, dont ils représentent moins de 70 %. La France n’échappe pas à ce constat, qui est d’ailleurs valable au niveau mondial pour l’ensemble des forêts tempérées et boréales.
La récolte de bois française est en croissance régulière sur les dernières décennies et elle a atteint sur la période 1990–1999 la moyenne annuelle de 32 Mm3 (hors bois de chauffage) contre 29,6 Mm3 sur la période 1980–1989. Suite aux grands chablis dus aux tempêtes de décembre 1999, la récolte 2000 a dépassé 45 Mm3 (hors bois de chauffage) et un haut niveau a été également maintenu en 2001.
Avec le bois de chauffage, qu’il soit commercialisé ou autoconsommé, estimé à 15 à 20 Mm3, le prélèvement total atteint 50 à 55 Mm3 en année normale, pour un accroissement annuel estimé à plus de 80 Mm3, soit un taux d’utilisation inférieur à 65 %.
Cette sous-utilisation entraîne une » surcapitalisation » sur pied dans de nombreux peuplements forestiers.
La production française de bois a ainsi une marge de progression importante, soulignée dans le rapport du député Jean-Louis Bianco2 qui a préconisé de l’accroître de 6 Mm3 en dix ans pour la seule forêt publique par une dynamisation de la sylviculture.
La réduction de cette forte sous-utilisation est l’un des axes de la politique forestière, qui s’est traduit par la loi d’orientation sur la forêt votée en juillet 2001, ainsi que dans le plan de développement rural national, les préoccupations de gestion durable des forêts rencontrant ici le souci de développement économique et de maintien de l’emploi en milieu rural.
Les tempêtes de décembre 1999 ne remettent en effet nullement en cause l’objectif global de développement
Les deux tempêtes exceptionnelles de décembre 1999 ont abattu environ 140 Mm3 de bois (« chablis ») et entraîné des dégâts significatifs sur 5 % des surfaces forestières. Il ne s’agit pas d’une catastrophe écologique car les capacités de régénération des peuplements forestiers, même dans les zones les plus touchées, ne sont pas atteintes. Ces tempêtes ont toutefois provoqué un réel choc économique en déstabilisant les marchés du bois.
Les tempêtes ont décapitalisé de façon brutale. Dans les zones les plus fortement touchées, le rajeunissement résultant de la forêt sur de vastes surfaces va entraîner un déséquilibre dans les classes d’âge et perturber la régularité des récoltes qui caractérise la gestion durable.
Toutefois, la forêt française comprend plus de 2 000 Mm3 de bois sur pied et continue de s’accroître, tant en surface (soit la superficie moyenne d’un département en sept ans) qu’en volume par hectare (augmentation de 13 % de 1989 à 1999). Il restera demain, dans de très nombreuses zones, des peuplements trop denses, en dépit des importants volumes de chablis. Avec une gestion raisonnée de l’étalement des coupes dans le temps et une approche territoriale responsable, la filière forêt-bois devrait pouvoir rapidement renouer avec ses priorités stratégiques de développement.
Des objectifs essentiels pour les industries de première transformation du bois : la régularité et la sécurité de leur approvisionnement et la maîtrise de son coût
Dans un contexte marqué par l’absence d’intégration économique et financière entre l’amont et l’aval, confrontés à la faible taille et à la dispersion des chantiers de récolte, ainsi qu’à l’hétérogénéité qualitative et spatiale de la ressource, les partenaires professionnels sont à la recherche de tout progrès d’ordre technique, logistique, économique ou réglementaire réduisant les coûts de prospection et de mobilisation des bois. En effet, une part significative de leur compétitivité sur les marchés européens et mondiaux se joue au niveau du coût de la matière première rendue usine.
Lycée de l’Albanais à Rumilly en Haute-Savoie. Architecte : D. Molard.
Scieries, entreprises de tranchage et de déroulage, unités de fabrication de panneaux et de pâtes à papier sont en nombre inférieur à 3 000 en France. Leur approvisionnement annuel provient de près de 90 000 lots de bois, majoritairement vendus sur pied, et dont la mobilisation dépend de nombreux propriétaires qui ne sont pas spontanément des vendeurs, et ne sont pas tous des vendeurs réguliers.
En outre, de l’arbre sur pied marqué pour la coupe au mètre cube de bois rond rendu usine, il y a plusieurs opérations – prospection des coupes mises en vente, achat selon le mode choisi par le vendeur, exploitation de la coupe (abattage et débardage), tri et allotissement si nécessaire, transport des bois – et les divers acteurs, prestataires de services, et parfois intermédiaires qui y participent.
L’ONF joue un rôle économique et commercial déterminant dans l’approvisionnement des industries puisque le bois qu’il met en vente chaque année, issu des forêts domaniales et des forêts des collectivités, représente 40 % du marché en volume et environ 50 % en valeur.
La dynamisation de la sylviculture et la mise en œuvre de contrats d’approvisionnement pluriannuels, que la loi autorise désormais l’ONF à utiliser plus largement, devraient contribuer à sécuriser davantage l’approvisionnement d’entreprises qui évoluent dans un système de très faible structuration des relations entre acheteurs et vendeurs, à la différence de la situation qui prévaut chez nos principaux concurrents des pays nordiques.
Dans le coût du bois rendu usine, celui du transport, qui en est une composante importante, reste très dépendant des conditions réglementaires de circulation des grumiers et en particulier des tonnages autorisés. Son incidence est d’autant plus stratégique que les rayons d’approvisionnement s’accroissent avec la taille des unités de transformation et jouent à l’opposé des économies d’échelle réalisées par les outils industriels, en particulier dans la trituration. Pour une scierie dont le rayon moyen d’approvisionnement est de l’ordre de 80 km, le transport représente 15 % du coût du bois d’œuvre rendu usine ; ce ratio passe facilement à 30 % pour le bois d’industrie rendu dans une unité de panneaux ou de pâtes dont le rayon d’approvisionnement dépasse 150 km.
Prévues par la loi d’orientation sur la forêt, les nouvelles mesures réglementaires de transport routier des bois ronds sont fortement attendues. La rationalisation des circuits d’approvisionnement devrait également apporter des progrès significatifs.
En France, les secteurs d’activité du bois se différencient fortement entre eux, et parfois de leurs homologues européens, par les données structurelles, les résultats et les performances des entreprises qui les composent.
La récolte est l’affaire de très petites entreprises, implantées au plus près des massifs forestiers. Environ 6 000 entreprises ont une activité d’exploitation forestière (c’est-à-dire d’achat des coupes et d’organisation de la récolte) et 95 % d’entre elles ont moins de 6 salariés. Le secteur emploie 10 000 salariés permanents et de nombreux saisonniers. La grande majorité des entreprises d’exploitation forestière fait appel, pour tout ou partie de leur activité, à de la sous-traitance fournie par des entreprises de bûcheronnage et de débardage, souvent unipersonnelles.
Bien que handicapée par les facteurs structurels (taille des parcelles, relief, diversité des peuplements et forte présence des essences feuillues), ainsi que par la faible taille économique des entreprises concernées, la mécanisation de la récolte se développe régulièrement.
En raison des investissements motivés par l’énorme volume des bois chablis à récolter, les années 2000 et 2001 marqueront un saut qualitatif et quantitatif important dans le parc de machines d’abattage et de débardage. Le taux de mécanisation de la récolte des résineux en France (50 % avant les tempêtes dans les régions les mieux équipées) reste cependant beaucoup moins élevé que celui des pays nordiques (98 % de la récolte résineuse en Suède), ce qui a une incidence négative sur la productivité du secteur.
Deux types bien contrastés de première transformation : les PMI du bois d’œuvre et les sites industriels lourds de la trituration
La première transformation du bois d’œuvre est le fait des scieries, essentiellement des PMI familiales, au nombre de 2 500 en 1999, dont 90 % ont moins de 20 salariés et qui emploient au total 24 400 salariés.
À côté d’un grand nombre de petites unités rurales (près de 1 000 scieries produisent moins de 1 000 m3 de sciages par an) se développe un secteur de scieries moyennes : 60 % des sciages proviennent désormais d’entreprises produisant de plus 8 000 m3 par an.
Mais la disparité structurelle des outils industriels en Europe reste très forte : en Suède, en Finlande et également en Allemagne, l’essentiel de la production émane d’unités de scieries d’une capacité de plus de 100 000 m3, taille que n’atteignent que peu d’unités en France.
Malgré une forte diminution du nombre d’entreprises, l’industrie française du sciage voit sa production stabilisée depuis une dizaine d’années à un niveau voisin de 10 millions de m3, cependant que la production européenne a crû de 25 % environ, portée notamment par la situation favorable du BTP de la fin de la décennie. Les freins sont l’absence d’une offre massifiée à des prix permettant d’asseoir des projets de développement ambitieux, une rentabilité insuffisante de cette industrie et la faiblesse des fonds propres des entreprises.
Dans ce contexte, de nombreuses scieries se sont développées en offrant une grande souplesse dans le choix des sections et des longueurs de débits pour s’adapter à la diversité des demandes de leurs marchés et assurer une livraison rapide de débits spécifiques dits » sur liste « . D’autres ont choisi l’intégration de secondes transformations et de services (parquets, lambris, mobilier de jardin, kits pour les aménagements extérieurs…).
Cependant, le développement et la modernisation des scieries restent un enjeu capital pour la filière, car la ressource forestière augmente et ces industries assurent 80 % du revenu des producteurs forestiers. En outre, pour répondre aux objectifs de développement de l’emploi du bois en construction, il est indispensable d’améliorer la qualité des sciages et leur finition (en particulier le séchage des résineux), ainsi que d’effectuer leur classement selon les caractéristiques de siccité et de comportement en structure, toutes opérations qui supposent des investissements.
La trituration est une industrie lourde qui travaille par voie mécanique ou chimique les fibres ou le bois fragmenté.
Elle est actuellement détenue presque exclusivement par des groupes de dimension internationale.
L’industrie papetière a fait l’objet d’une forte vague d’investissements étrangers à la fin des années quatre-vingt pour moderniser ou développer des unités de pâtes aux normes internationales, tandis que l’industrie des panneaux poursuivait la concentration des entreprises au sein de groupes européens et le développement de la taille des unités.
Ces industries ne présentent pas aujourd’hui en France de caractéristiques qui les différencient de celles des autres pays européens. Mais les sites d’un même groupe sont en concurrence forte entre eux pour leur développement et les atouts français qui ont attiré les investissements étrangers sont toujours à défendre : l’importance de la ressource, le coût modéré de l’énergie, la qualité de la main-d’œuvre et la croissance de la consommation intérieure.
On compte en France 17 usines de pâtes (dont 11 sites d’une capacité supérieure à 100 000 tonnes de pâte), désormais toutes intégrées dans des groupes à activité papetière.
Une trentaine d’usines de fabrication de panneaux de particules et de fibres de bois, dont certaines se rapprochent des usines de pâtes par la taille et l’importance des investissements, répondent à une demande croissante (en particulier en panneaux » medium density fiberboard » MDF) et assurent à la France une progression de ses parts sur le marché européen.
Ces industries de la trituration consomment environ 30 % des volumes de bois produits et assurent 20 % des revenus des producteurs forestiers. Elles utilisent aussi une part importante des déchets de bois des autres industries (au premier rang desquels les produits connexes de scierie) et la fabrication des pâtes intègre par ailleurs une proportion croissante de fibres recyclées (vieux papiers dont le potentiel de récupération n’est pas encore atteint en France).
À l’aval de la première transformation du bois d’œuvre, un ensemble de métiers et d’entreprises artisanales ou industrielles assurent des secondes transformations variées et la mise en œuvre des produits dans le bâtiment : industries de l’emballage lourd ou léger ; fabrication d’articles ménagers et d’objets en bois ; industries des parquets et lambris ; charpente artisanale ; menuiseries et charpentes industrielles ; ameublement artisanal et industriel…
Ces familles d’entreprises, très dissemblables les unes des autres dans leurs activités, leurs structures et leurs marchés ont conservé pour la plupart d’entre elles un lien étroit avec le bois, même s’il n’est plus leur seule matière première et si les activités de services prennent parfois le pas sur la transformation.
Le bois matériau : un produit forestier parmi d’autres
La forêt fournit un grand nombre de produits autres que les bois d’œuvre et d’industrie. Le bois de feu, et plus généralement le bois pour la production d’énergie, fait encore l’objet d’une consommation notable en France (voir l’article de G.-A. Morin dans ce numéro). D’autres productions ont considérablement décru (liège, gemme), alors que certaines continuent à occuper une place importante : venaison (plus de 150 millions d’euros par an), champignons (environ 100 millions d’euros), châtaignes et autres graines et fruits.
Il existe aussi les éléments de décoration issus de la forêt (arbres de Noël, mousses, lichens), et celui des produits utilisés en cosmétique, chimie et pharmacie… Comme le bois de feu, tous ces biens ne s’échangent pas forcément sur le marché et il est difficile de les évaluer avec précision ; cependant, additionnés, ils représentent vraisemblablement de l’ordre de 10 % de la valeur des bois récoltés.
Outre des biens, la forêt procure de nombreux services : la protection des sols contre l’érosion, les avalanches et autres glissements de terrain, la régulation et l’épuration des eaux, l’amélioration de la qualité de l’air et la réduction de l’effet de serre, la conservation de la biodiversité animale et végétale ainsi que les loisirs et la qualité de vie, y compris les paysages.
La politique de la forêt et du bois se trouve finalement potentiellement écartelée entre ces multiples rôles qui, souvent, sont complémentaires mais, parfois aussi, entrent en conflit les uns avec les autres. D’où son importance, sa difficulté et son intérêt.
Un peu de prospective : quels liens forêt-industrie demain ?
Si le bois n’est ainsi qu’un parmi les nombreux produits et services – la plupart non marchands – que procurent les forêts, il fournit l’essentiel du financement de la gestion durable des forêts et nourrit le secteur bois-papier-ameublement qui, au total, pèse 35 milliards d’euros de chiffre d’affaires et procure plus de 250 000 emplois.
Comme on l’a souligné, ce secteur a des fragilités liées à son amont forestier que ne rencontrent pas d’autres secteurs industriels et la logique économique de son développement peut entrer en conflit avec d’autres rôles des espaces forestiers, voulus par leurs propriétaires ou commandés par l’intérêt général. D’où le légitime questionnement des industriels : vers quelle(s) forêt(s), remplissant quelles fonctions conduit la politique forestière française ? Un découplage forêt-industrie est-il à craindre ?
À la fin des années quatre-vingt-dix, une analyse prospective réalisée par l’INRA privilégiait la vulnérabilité aux évolutions brutales en donnant une importance particulière au secteur de l’industrie lourde du bois où un petit nombre de décideurs peut conduire à un basculement profond dans la logique actuelle de fonctionnement de la filière.
Le premier scénario est dit » tendanciel instable « . Optant pour le statu quo, il met au premier plan la ressource forestière française et ses atouts, en prolongeant la gestion multifonctionnelle traditionnelle qui s’efforce de concilier sur un même territoire les fonctions écologique, économique et sociale de la forêt, dans un contexte où l’articulation entre la forêt et les industries du bois reste assez faible.
L’enjeu est alors d’augmenter les parts de marché à l’exportation pour les produits forestiers peu transformés, pendant que les industries lourdes s’efforcent d’importer des produits forestiers peu coûteux et bien adaptés aux caractéristiques de leurs marchés, pour l’élaboration de produits à forte valeur ajoutée. Cette option n’est pas forcément défavorable au départ pour la forêt française mais peut conduire à terme à la perte du débouché actuel pour le bois d’industrie, conduisant à des révisions sylvicoles très difficiles à mener, et à la fermeture simple ou à la délocalisation de certaines unités de transformation des produits forestiers.
Le deuxième scénario, dit » industrie et multifonctionnalité de la forêt « , met au premier plan des priorités la fixation en France des grosses industries de transformation du bois, actuellement très majoritairement contrôlées par des sociétés de dimension internationale, et les préoccupations en matière d’emploi et de valeur ajoutée. Il suppose la poursuite d’une exploitation de l’ensemble de la forêt, dans une logique multifonctionnelle actualisée à la lumière des connaissances scientifiques et des demandes sociales, ainsi qu’un effort significativement accru de plantations de peupliers et de résineux, dont le bois est de plus en plus demandé depuis cinquante ans.
Il repose sur une amélioration très significative des relations contractuelles entre les producteurs forestiers et les transformateurs du bois. Il est inséparable d’une clarification contractuelle des contraintes environnementales, actuelles et à venir, et de la vérification de leur compatibilité avec l’ensemble des autres contraintes qui pèsent en France sur la compétitivité de l’approvisionnement des industries du bois.
Le troisième scénario, dit du » tout territorial « , mise, volontairement ou par absence de décision claire dans un autre sens, sur les fonctions spatiales et non marchandes de la forêt, auxquelles est de plus en plus sensible une opinion publique majoritairement citadine, qui revendique de plus en plus une interférence avec le libre exercice du droit de propriété en forêt, pourtant déjà encadré par les lois et règlements. Il met en valeur les effets bénéfiques de forêts à la gestion très extensive sur le tourisme, l’aménagement des territoires ruraux, l’amélioration du cadre de vie, l’accroissement de la biodiversité locale, la qualité de l’eau, etc. Il est inséparable d’une forte régression industrielle et d’une probable démotivation, brutale ou progressive, des propriétaires forestiers, privés ou communaux, à qui les progrès des cinquante dernières années sont largement dus.
Il peut poser des problèmes de recrudescence mal acceptée par la société de certains phénomènes caractérisant les grands espaces naturels (incendies, fermeture du couvert à certains endroits, phases d’ouverture à d’autres…) et de réaction de certains propriétaires interdisant l’accès de leur forêt. De façon plus stratégique, il pose la question difficile du financement des fonctions non marchandes à grande échelle, par l’impôt (option de certains pays européens, comme les Pays-Bas) ou par une écotaxe.
Le quatrième scénario, dit de la » séparation des fonctions « , opte pour la spécialisation des fonctions et des espaces, avec des forêts cultivées relativement intensivement et des forêts consacrées à la protection de la nature et à la détente. C’est la situation qui caractérise la Nouvelle-Zélande, le Chili, le sud des USA, et dans une moindre mesure la Suède, tous pays dont les performances industrielles et commerciales sont spectaculaires en matière de bois.
Il préconise une forte intégration entre la forêt et l’industrie, sous contrôle foncier ou économique des industriels, sur une partie seulement du territoire boisé, en raccourcissant les durées de production, en recourant davantage à des techniques agricoles et en imposant un cahier des charges technique fondé sur la demande du marché. Les territoires boisés restants sont alors clairement dévolus aux fonctions non marchandes, soit par libre choix du propriétaire, soit par contrainte réglementaire environnementale ; ils peuvent néanmoins faire l’objet d’un entretien minimal, financé par l’impôt ou une taxe, ou par une exploitation très épisodique de bois.
Compte tenu du morcellement de la structure foncière forestière, de l’importance des forêts privées sur plus de 70 % du territoire boisé, d’un certain savoir-faire en matière de gestion durable des forêts, des emplois et de la valeur ajoutée que représente aujourd’hui la filière, de la cohérence souhaitable avec les lourds investissements forestiers consentis depuis cinquante ans, et de la faible probabilité que nos concitoyens acceptent de rémunérer significativement les fonctions non marchandes de la forêt, la logique veut que la France se donne les moyens de passer du premier au deuxième scénario.
C’est cette option qui a prévalu dans la conception de la loi d’orientation sur la forêt de juillet 2001, qui vise à créer un contexte réglementaire, institutionnel, économique et fiscal susceptible de convaincre les partenaires forestiers qu’ils ont tous plus à gagner qu’à perdre dans une telle évolution et de favoriser le renforcement de leurs relations devenu indispensable.
L’avenir du secteur forêt-bois se joue sur ces relations rénovées entre acteurs qui lui permettront de mobiliser toutes ses capacités de développement et d’innovation technologique. Mais il sera également conditionné par la faculté qui lui sera donnée d’exploiter son meilleur atout : le bois, matière première renouvelable, issue d’une éco-filière, c’est-à-dire une filière économe en intrants et en énergie, bénéfique pour l’environnement et la stabilité climatique et respectueuse des équilibres écologiques. Le choisir est donc aussi un choix de société.
______________________________________________
1. Tendances et perspectives du bois en Europe à l’aube du XXIe siècle – ECE/TIM/SP/11 – 1996.
2. » La forêt : une chance pour la France « , Rapport au Premier ministre – août 1998.