Le service maintenance au sein de quelques industries tunisiennes
L’équilibre réalisé dans la répartition des équipes » centrales » et celles décentralisées permet de voir que l’époque des frictions (production-maintenance) est révolue. Malgré les progrès et le degré de maîtrise réalisés, le souci de mieux faire et de cumul d’expérience est permanent.
On voit par les exemples décrits que l’activité de la maintenance au-delà de la simple maîtrise technique s’élargit à l’efficacité de la gestion et au dialogue avec le marché par la sous-traitance et l’échange de prestations.
La raffinerie
La raffinerie de Bizerte traite 1 700 000 tonnes de brut par an (produits finis 96,7 %, consommation interne de combustibles 2,9 % et 0,4 % de pertes).
Le matériel est classique et relativement ancien ; il a subi des rénovations et quelques extensions. La capacité de stockage (brut + produits) est de 950 000 tonnes.
Rattachée à la direction du matériel, la maintenance s’articule sur deux services essentiels : l’un fonctionnel (études, méthodes, inspection, magasin et suivi budgétaire) l’autre opérationnel (ateliers, instrumentation, laboratoire électronique). Une équipe également opérationnelle, auprès de la production assure les réglages, les dépannages et l’aiguillage des mouvements de produits dans les conduites.
Cette équipe traite sur place près de 35 % des demandes d’intervention ; le solde va pour 45 % aux méthodes (programmation) et pour 20 % aux ateliers. Ici, comme ailleurs, on s’efforce de réduire le taux des pannes et le nombre des arrêts préventifs systématiques. Ceux-ci sont coûteux car l’arrêt et les changements de pièces s’avèrent souvent prématurés. On s’efforce par contre de faire plus d’arrêts préventifs conditionnels sur le vu de paramètres physiques, mécaniques, thermiques ou d’analyses.
La périodicité des visites (et éventuellement interventions) est de un à trois jours pour le matériel jugé vital ou important pour la production ; la périodicité est l’année pour les matériels électriques et l’instrumentation ; l’arrêt général est triennal, actuellement.
Depuis 1994, la maintenance est aidée par un système de GMAO qui a fait la synthèse de l’informatisation précédente réalisée par étapes.
La raffinerie sous-traite une partie des travaux (chaudronnerie, soudure, certains travaux mécaniques). D’autres sous-traitances sont possibles.
La maintenance s’appuie sur un centre de formation actif. Ses programmes sont adaptables aux besoins avec le soutien d’intervenants extérieurs. La maintenance représente 22 % environ des effectifs et son coût à la tonne de brut traitée se situe à 14 %.
Le taux global de disponibilité est estimé à plus de 95 %.
Le transport ferroviaire
C’est l’activité de la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT). L’activité de maintenance y est traditionnellement très large. Nous n’en évoquerons ici qu’un seul aspect : la place qu’occupe la maintenance dans l’organisation nouvelle. Celle-ci distingue sept unités d’affaires distinctes : cinq pour le transport (voyageurs, fret, pondéreux), une unité pour le réseau (affectation de voies, répartition des trains) et une unité de maintenance industrielle. Cette unité-ci fournit de la maintenance aux unités de transport. Le matériel est réparti sur trois divisions principales : locomotives, voyageurs et wagons de divers types.
La maintenance dispose d’ateliers (ou d’ensembles d’ateliers) qui sont répartis en divers sites du territoire et qui prennent en charge un ou plusieurs types de matériels. L’activité des ateliers d’une zone reflète en général la nature des transports prévalant dans la zone.
Les tâches de la maintenance obéissent aux mêmes conceptions et procédures qu’ailleurs dans l’industrie. La mise en place d’une aide par un système de GMAO est prévue. Pour certaines zones comme Tunis, ces tâches sont très diversifiées et nombreuses. Cela vient de la complexité de certains matériels (une locomotive par exemple). L’organisation de la maintenance en unité industrielle répond à un souci d’efficacité de la gestion. L’unité est fournisseur de prestations aux autres unités de transport avec la contrainte de base du chemin de fer : régularité et qualité de service. L’unité s’organise pour s’ouvrir progressivement sur le marché : un certain nombre de travaux sont déjà confiés à la sous-traitance (sablage, peinture, boiserie, confection de pièces). Des prestations (montage, démontage, mécanique diesel, ateliers électroniques) sont fournies aux tiers. Une filiale existe déjà pour les travaux de la voie.
La société nationale dispose d’une école pour la formation et le perfectionnement interne de ses techniciens. Sa coopération technique avec les entreprises homologues dans le Maghreb et en Europe (France, Allemagne, Suède) lui permet de situer ses résultats et ses performances.
La production de l’électricité
La STEG (Société tunisienne de l’électricité et du gaz) produit, transporte et distribue l’électricité et le gaz (notons ici que la production indépendante existe désormais). L’efficacité de la maintenance est ici une exigence traditionnelle liée à l’impératif de qualité de service.
La STEG exploite un parc d’une trentaine de centrales dont les unités les plus récentes sont Rades B (2 x 180 MW) et Sousse (cycle combiné avec deux turbines à gaz de 2 x 120 MW chacune et une turbine à vapeur pour la récupération de 117 MW). Signalons aussi la toute récente centrale éolienne de 10 MW.
Chaque centrale du parc assure sa propre maintenance. L’activité de celle-ci résulte d’un concours de plusieurs entités :
- l’unité technique de la centrale qui englobe les tâches fonctionnelles (méthodes, statistiques, suivi des performances et analyses – par exemple de l’eau) et les tâches opérationnelles (équipes d’intervention, instrumentation et magasins) ;
- les unités d’appui (centralisées à l’échelle de toute la production) comprennent deux départements : techniques générales avec un effectif d’environ 80 personnes et techniques de production d’environ 30 personnes. Ce sont des cadres et des techniciens spécialisés et expérimentés. Ils sont en appui pour aider à résoudre un problème ou à le prendre en charge, ou à élargir le champ de la maintenance préventive conditionnelle ;
- les autres équipes de la centrale, en cas de besoin ;
- des sous-traitants ;
- éventuellement les constructeurs (pour le cas d’incidents particuliers, de révisions lourdes ou de prolongation de durée de vie du matériel).
On s’efforce d’augmenter la proportion de l’entretien préventif conditionnel (actuellement d’environ 25 %) au détriment de l’entretien préventif systématique (estimé environ 65 %) et le curatif (10 %).
Certaines exigences de la maintenance de la centrale sont prises en compte au stade précoce de l’étude du projet. C’est la maintenabilité : prévoir de l’espace, des aménagements, plus de maniabilité, des facilités de mouvement de matériels ou d’outils lourds vers la centrale ou à partir d’elle.
L’efficacité de la maintenance est appréciée par un certain nombre de critères dont le taux de disponibilité estimé actuellement à 90 % et pouvant atteindre dans certains cas les 98 %. Un autre indicateur est la consommation spécifique qui est de 265 TEP par GWh pour l’ensemble du parc : on comprend en effet que l’arrêt intempestif d’une unité de bon rendement relayée par une unité de rendement moindre puisse détériorer le taux moyen de l’ensemble.
La sidérurgie
La Société tunisienne de sidérurgie produit 250 000 tonnes par an de rond à béton (principalement à haute adhérence), 20 000 tonnes de tréfilés et 10 000 tonnes de structures soudées en rond ordinaire. Dans l’usine quatre départements d’exploitation (haut fourneau, aciérie à l’oxygène et four électrique, laminoir, tréfilerie) comprennent chacun deux services : l’un de production et l’autre de maintenance.
Les interventions préventives sont programmées avec un maximum de préparatifs et de détails visant à respecter la durée des arrêts. La liste des travaux à programmer se forme à partir des demandes internes, des résultats d’observations sur le matériel, de préconisations de rénovations ou d’améliorations. Les durées d’arrêts et leurs périodicités sont très variées (à titre d’exemple : une journée par semaine pour une machine à coulée continue, une journée tous les deux mois pour le système de chargement du haut fourneau, une semaine tous les deux ans pour la centrale à oxygène et par voie de conséquence pour l’aciérie et le haut fourneau, vingt jours par an pour chaque train de laminoir et enfin des arrêts de plus longue durée pour les réfections du haut fourneau, et les revamping).
De par son organisation, l’usine sidérurgique a fait appel largement à la sous-traitance pour la maintenance et pour les arrêts de longue durée. Cela a permis le développement d’un tissu industriel de sous-traitance (chaudronnerie, charpente métallique, confection de pièces, travaux électriques et de régulation).
L’organisation évoquée ci-dessus de la maintenance décentralisée au sein de départements d’exploitation est appliquée depuis 1995. Elle est appréciée comme une solution plus équilibrée et plus efficace. Les niveaux de production signalés plus haut sont déjà (moins de deux ans après la rénovation du haut fourneau) au maximum des capacités de l’usine.
Usine de fabrication d’emballages
Il s’agit de la fabrication d’emballages en papier spécial, carton et feuilles de plastique pour une diversité de produits de consommation courante. Les machines sont des machines pour l’impression, la découpe, le formage et le collage. L’exigence principale sur ces machines est la précision et la stabilité des formes et des dimensions.
Dans cette usine la responsabilité de la maintenance est confiée à la production. Elle en englobe la partie opérationnelle. Elle assure les petites interventions, le graissage, le nettoyage et avec les services généraux (maintenance) les interventions plus longues (arrêts préventifs et arrêts pour pannes). L’effectif fonctionnel hors production est estimé à 8 % de l’effectif total (150 personnes). La pleine capacité de production est régulièrement assurée.
Usine de câbles électriques
Le service de maintenance décrit ici est celui d’une usine de fabrication de câbles électriques (distribution électrique basse tension et téléphone). Le parc (machines) varié comprend : machines à tréfiler du cuivre, extrudeuses, toronneuses, machines à tresser. Le département maintenance est distinct du département de production et comporte un bureau de méthodes, des services de mécanique et électricité, un laboratoire d’électronique et le magasin.
L’expérience de la maintenance dans cette usine a permis de dégager un certain nombre d’options : contrôle systématique et périodique de toutes les machines, arrêt préventif conditionné par la mesure d’un repère physique déduit de l’expérience (par exemple pour l’ensemble des moteurs à courant continu, la mesure de la longueur du balai).
La lubrification est l’objet d’une attention continue pour améliorer les préconisations. La rationalisation de la lubrification est créditée ici d’une baisse de 40 % des pannes.
Les armoires électriques sont visitées périodiquement tous les deux mois (dépoussiérages, serrages, etc.).
On envisage enfin de réengager les opérateurs de production pour faire de l’entretien (léger) sur leurs machines (nettoyage de surface, quelques serrages, du graissage simple et par voie de conséquence plus d’attention). Les pièces de rechange sont identifiées et étudiées a priori avec soin pour optimiser les achats et réaliser des économies. Toutes les tâches de la maintenance sont aidées par un système de GMAO déjà en place. On estime les effectifs de la maintenance à 10 % du total de l’usine. Le taux moyen de panne, en baisse, est au voisinage de 3 %.
Conclusion
Les concepts et langage de la maintenance sont, dans les exemples ci-dessus, pratiquement les mêmes, normalisés.
L’organisation et la répartition des tâches à l’intérieur du service maintenance correspondent à une situation équilibrée et stable.
Enfin, les efforts faits par chacune de ces industries pour s’ouvrir sur le marché et développer la sous-traitance (commande de travaux à la concurrence ou fourniture compétitive de prestations à l’extérieur) permettront à chacune d’elles d’évaluer plus sûrement l’efficacité de la gestion de sa maintenance.