Le service public de l’assainissement francilien, le SIAAP est mobilisé sur l’ensemble des défis en matière de gestion, préservation, traitement et assainissement de la ressource en eau.

« Le SIAAP est le meilleur allié de la Marne et de la Seine »

Dossier : Vie des entreprises, les politiques publiques de l'eauMagazine N°798 Octobre 2024
Par François-Marie DIDIER

Le ser­vice public de l’assainissement fran­ci­lien, le SIAAP est mobi­li­sé sur l’ensemble des défis en matière de ges­tion, pré­ser­va­tion, trai­te­ment et assai­nis­se­ment de la res­source en eau. Depuis plus de 50 ans, le SIAAP ren­force ses com­pé­tences et déve­loppe son outil indus­triel afin de rele­ver l’ensemble de ces défis. Fran­çois-Marie Didier, pré­sident du SIAAP, nous en dit plus dans cet entretien.

Pouvez-vous nous présenter votre établissement et son périmètre d’action ?

Le SIAAP est le ser­vice public de l’assainissement fran­ci­lien. Depuis un peu plus de 50 ans, notre mis­sion est de trans­por­ter et de trai­ter les eaux usées domes­tiques et indus­trielles ain­si que les eaux plu­viales pour le ter­ri­toire des quatre dépar­te­ments de la petite cou­ronne aux­quels se sont rat­ta­chées 180 com­munes des dépar­te­ments limi­trophes. Cela repré­sente aujourd’hui plus de 9 mil­lions d’usagers fran­ci­liens, ce qui fait du SIAAP et de ses 1800 agents un acteur cen­tral en Île-de-France pour la pro­tec­tion de la res­source et de l’environnement et un indus­triel de réfé­rence du sec­teur de l’eau en France et en Europe. Nous accom­plis­sons cette mis­sion en trai­tant chaque jour près de 2,5 mil­liards de litres d’eaux usées avant de les rendre à la Marne et à la Seine avec une qua­li­té qui pro­tège la bio­di­ver­si­té et pré­serve dura­ble­ment le milieu naturel.

À la tête du SIAAP, quelles sont vos missions et les grandes lignes de votre feuille de route ?

Notre prio­ri­té est de main­te­nir et même d’améliorer la per­for­mance de notre outil indus­triel. Sans l’action du SIAAP, ces eaux usées ter­mi­ne­raient direc­te­ment dans la Seine ou dans la Marne sans avoir été trai­tées ! Les métiers de l’assainissement sont des métiers de l’ombre et mécon­nus. Nous avons pour­tant en Île-de-France, l’un des meilleurs sys­tèmes d’assainissement du monde. Pour être per­for­mant, il faut évi­dem­ment inves­tir tout en main­te­nant une tra­jec­toire de dette accep­table pour notre ins­ti­tu­tion et la fac­ture des usa­gers. Chaque année, lors du vote du bud­get, ce sont ces choix qui guident les déci­sions du conseil d’administration que j’ai l’honneur de pré­si­der depuis 3 ans. Comme tout indus­triel, notre enjeu prio­ri­taire et per­ma­nent est aus­si et avant tout celui de la sécu­ri­té. Nous le devons bien sûr à nos agents qui tra­vaillent sur nos sites mais aus­si aux popu­la­tions rive­raines de nos sta­tions d’épuration.

Le SIAAP s’est ain­si enga­gé dans un effort de dia­logue et de trans­pa­rence avec les élus des com­munes rive­raines de ses usines, notam­ment des Yve­lines et du Val d’Oise, qui aujourd’hui porte ses fruits. Le SIAAP a besoin de géné­rer de la confiance et de l’empathie pour son action et de rap­pe­ler qu’il est au cœur des enjeux envi­ron­ne­men­taux de l’Ile-de-France. Le par­te­na­riat finan­cier que nous avons mis en place avec la Banque des Ter­ri­toires en 2023, le plus impor­tant inves­tis­se­ment en matière d’eau en France, près de 500 mil­lions d’euros pour finan­cer des chan­tiers de nos usines de Cli­chy (92) et Seine Aval (78), démontre que nos acti­vi­tés de ser­vice public sont abso­lu­ment essen­tielles pour la vie des Franciliens.

Au cœur de vos enjeux, on retrouve notamment la question de la qualité de l’eau. Comment y faites-vous face et quelles actions déployez-vous en ce sens ?

Le SIAAP est le meilleur allié de la Marne et de la Seine. C’est notre métier. Cette réa­li­té est le résul­tat de l’exploit tech­nique et tech­no­lo­gique qui se réa­lise chaque jour au cœur de nos usines. Pro­té­ger la res­source et le milieu natu­rel au cœur de l’agglomération la plus dense d’Europe est un défi quan­ti­ta­tif et qua­li­ta­tif. Nous rele­vons ce défi par la conju­gai­son de trois exper­tises. Tout d’abord, la com­pré­hen­sion fine des évo­lu­tions de notre ter­ri­toire. L’expansion urbaine et la crois­sance démo­gra­phique ont mul­ti­plié ces der­nières décen­nies les sources de pol­lu­tion et com­plexi­fié leur trai­te­ment. Cela néces­site une capa­ci­té d’anticipation et d’analyse appro­fon­die des dyna­miques urbaines afin de leur appor­ter les réponses indus­trielles les plus adap­tées. Notre deuxième exper­tise est celle de notre savoir-faire tech­nique. Cette maî­trise se tra­duit dans l’efficacité de nos pro­cess de trai­te­ment pour rendre à la Marne et à la Seine une eau d’une grande qua­li­té bac­té­rio­lo­gique et phy­si­co-chi­mique. Enfin, notre troi­sième force est celle de l’innovation. Il revient au SIAAP, en tant que grand ser­vice public indus­triel d’être aux avant-postes de l’innovation en matière d’assainissement des eaux usées.  

“La préservation de la ressource en eau est aujourd’hui au cœur de tous les enjeux. C’est pourquoi il conviendrait de mettre en œuvre une véritable stratégie nationale sur le sujet. Voire de créer un ministère de l’eau !”

Comment avez-vous relevé ce défi dans le cadre des JOP 2024 ?

La pers­pec­tive des épreuves olym­piques et para­lym­piques dans la Seine a en effet consti­tué un défi col­lec­tif majeur depuis 2016, année de lan­ce­ment du Plan Bai­gnade. Sous l’égide du Pré­fet de la Région Île-de-France et de la Ville de Paris, ce plan visait la mobi­li­sa­tion de tous les acteurs concer­nés par l’atteinte d’une meilleure qua­li­té envi­ron­ne­men­tale et sani­taire de la Seine et de la Marne. Pour le SIAAP, le Plan Bai­gnade a été un accé­lé­ra­teur. Grâce aux inves­tis­se­ments de l’État et des col­lec­ti­vi­tés, nous avons agi dans deux direc­tions prin­ci­pales : d’une part, l’accroissement des capa­ci­tés de ges­tion et de sto­ckage des eaux plu­viales sur le ter­ri­toire fran­ci­lien et d’autre part, l’amélioration du trai­te­ment avec l’ajout d’une ultime étape de dés­in­fec­tion en sor­tie d’usine. C’est envi­ron un tiers de l’enveloppe glo­bale du Plan Bai­gnade, soit près de 500 mil­lions d’euros, qui a été inves­tie par le SIAAP pour la réa­li­sa­tion des ouvrages et la construc­tion des équi­pe­ments liés à ces deux objec­tifs. Au-delà des JOP de Paris 2024, ces inves­tis­se­ments de long terme béné­fi­cie­ront à l’environnement fran­ci­lien pour les cin­quante pro­chaines années.  

Comment prenez-vous en compte la dimension développement durable et la préservation de la biodiversité dans un contexte marqué par le réchauffement climatique ? Quels sont vos principaux enjeux à ce niveau ?

Le déve­lop­pe­ment durable est au cœur de la mis­sion du SIAAP depuis l’origine. En nous met­tant quo­ti­dien­ne­ment au ser­vice de l’eau, nous contri­buons de façon signi­fi­ca­tive à l’équilibre éco­lo­gique du milieu natu­rel et à la pré­ser­va­tion de la bio­di­ver­si­té. À cela s’est effec­ti­ve­ment ajou­tée la pro­blé­ma­tique du réchauf­fe­ment cli­ma­tique qui n’a fait que ren­for­cer ces der­nières années les phé­no­mènes extrêmes. Au-delà de pro­mou­voir la néces­si­té de poli­tiques publiques volon­ta­ristes en réponse à ces enjeux, notre réponse est aus­si très concrè­te­ment indus­trielle à l’image de notre ges­tion de la ques­tion éner­gé­tique. Dans l’industrie de l’assainissement dont le SIAAP est un fer de lance, la pro­duc­tion d’une éner­gie locale issue du trai­te­ment des eaux usées est une réa­li­té. À ce titre, nous occu­pons aujourd’hui la pre­mière place en France pour la pro­duc­tion du bio­gaz issu de l’assainissement. Cela nous per­met d’alimenter en éner­gie propre nos sites indus­triels mais aus­si d’injecter le sur­plus dans le réseau de ville, comme à Valen­ton (94). Tout ceci concourt à la décar­bo­na­tion du ter­ri­toire.  

Votre ambition est également de contribuer au développement d’une ville plus intelligente et durable au travers de votre métier d’assainissement de l’eau. Qu’en est-il ?

Notre métier est un métier de réseaux. Qu’il s’agisse de l’eau, de l’énergie, des don­nées, des télé­coms ou des trans­ports, la ges­tion des flux est le défi majeur de nos grandes agglo­mé­ra­tions. Pour cette rai­son, le SIAAP est un acteur de la ville intel­li­gente car notre action quo­ti­dienne implique la maî­trise de la ville en réseau dans laquelle les logiques d’interaction et d’interconnexion sont struc­tu­rantes. Mais nous avons aus­si un rôle essen­tiel à jouer en matière d’information et de péda­go­gie. Comme les pol­lu­tions les plus faciles à éli­mi­ner sont celles qu’on ne crée pas, agir en amont pour expli­quer la néces­si­té de pro­té­ger l’eau consti­tue une action déter­mi­nante au ser­vice d’une ville plus durable. C’est le sens de l’action conduite par nos équipes de la Cité de l’Eau et de l’Assainissement à Colombes (92) qui accueille toute l’année des sco­laires mais aus­si des étu­diants et des pro­fes­sion­nels pour par­faire leur connais­sance sur les enjeux de l’eau et de l’assainissement. 

Alors que la question de la ressource en eau est au cœur de toutes les préoccupations, quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?

La pré­ser­va­tion de la res­source en eau est aujourd’hui au cœur de tous les enjeux. C’est pour­quoi il convien­drait de mettre en œuvre une véri­table stra­té­gie natio­nale sur le sujet. Voire de créer un minis­tère de l’eau ! À l’échelle de notre pays, la prio­ri­té devrait por­ter sur les villes côtières, par­ti­cu­liè­re­ment concer­nées par la ques­tion de la réuti­li­sa­tion des eaux usées. En Île-de-France, ce sujet pré­oc­cupe bien sûr le SIAAP, les habi­tants et de nom­breux élus, mais il est moins pré­gnant. En effet, nos usines reversent à la Marne et à la Seine les eaux qu’elles ont trai­tées. Vous serez sur­pris d’apprendre qu’en période esti­vale, le SIAAP est le pre­mier affluent de la Seine. Ces rejets sont donc essen­tiels pour le trans­port flu­vial, la biodiversité… 

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