« Le SIAAP est le meilleur allié de la Marne et de la Seine »
Le service public de l’assainissement francilien, le SIAAP est mobilisé sur l’ensemble des défis en matière de gestion, préservation, traitement et assainissement de la ressource en eau. Depuis plus de 50 ans, le SIAAP renforce ses compétences et développe son outil industriel afin de relever l’ensemble de ces défis. François-Marie Didier, président du SIAAP, nous en dit plus dans cet entretien.
Pouvez-vous nous présenter votre établissement et son périmètre d’action ?
Le SIAAP est le service public de l’assainissement francilien. Depuis un peu plus de 50 ans, notre mission est de transporter et de traiter les eaux usées domestiques et industrielles ainsi que les eaux pluviales pour le territoire des quatre départements de la petite couronne auxquels se sont rattachées 180 communes des départements limitrophes. Cela représente aujourd’hui plus de 9 millions d’usagers franciliens, ce qui fait du SIAAP et de ses 1800 agents un acteur central en Île-de-France pour la protection de la ressource et de l’environnement et un industriel de référence du secteur de l’eau en France et en Europe. Nous accomplissons cette mission en traitant chaque jour près de 2,5 milliards de litres d’eaux usées avant de les rendre à la Marne et à la Seine avec une qualité qui protège la biodiversité et préserve durablement le milieu naturel.
À la tête du SIAAP, quelles sont vos missions et les grandes lignes de votre feuille de route ?
Notre priorité est de maintenir et même d’améliorer la performance de notre outil industriel. Sans l’action du SIAAP, ces eaux usées termineraient directement dans la Seine ou dans la Marne sans avoir été traitées ! Les métiers de l’assainissement sont des métiers de l’ombre et méconnus. Nous avons pourtant en Île-de-France, l’un des meilleurs systèmes d’assainissement du monde. Pour être performant, il faut évidemment investir tout en maintenant une trajectoire de dette acceptable pour notre institution et la facture des usagers. Chaque année, lors du vote du budget, ce sont ces choix qui guident les décisions du conseil d’administration que j’ai l’honneur de présider depuis 3 ans. Comme tout industriel, notre enjeu prioritaire et permanent est aussi et avant tout celui de la sécurité. Nous le devons bien sûr à nos agents qui travaillent sur nos sites mais aussi aux populations riveraines de nos stations d’épuration.
Le SIAAP s’est ainsi engagé dans un effort de dialogue et de transparence avec les élus des communes riveraines de ses usines, notamment des Yvelines et du Val d’Oise, qui aujourd’hui porte ses fruits. Le SIAAP a besoin de générer de la confiance et de l’empathie pour son action et de rappeler qu’il est au cœur des enjeux environnementaux de l’Ile-de-France. Le partenariat financier que nous avons mis en place avec la Banque des Territoires en 2023, le plus important investissement en matière d’eau en France, près de 500 millions d’euros pour financer des chantiers de nos usines de Clichy (92) et Seine Aval (78), démontre que nos activités de service public sont absolument essentielles pour la vie des Franciliens.
Au cœur de vos enjeux, on retrouve notamment la question de la qualité de l’eau. Comment y faites-vous face et quelles actions déployez-vous en ce sens ?
Le SIAAP est le meilleur allié de la Marne et de la Seine. C’est notre métier. Cette réalité est le résultat de l’exploit technique et technologique qui se réalise chaque jour au cœur de nos usines. Protéger la ressource et le milieu naturel au cœur de l’agglomération la plus dense d’Europe est un défi quantitatif et qualitatif. Nous relevons ce défi par la conjugaison de trois expertises. Tout d’abord, la compréhension fine des évolutions de notre territoire. L’expansion urbaine et la croissance démographique ont multiplié ces dernières décennies les sources de pollution et complexifié leur traitement. Cela nécessite une capacité d’anticipation et d’analyse approfondie des dynamiques urbaines afin de leur apporter les réponses industrielles les plus adaptées. Notre deuxième expertise est celle de notre savoir-faire technique. Cette maîtrise se traduit dans l’efficacité de nos process de traitement pour rendre à la Marne et à la Seine une eau d’une grande qualité bactériologique et physico-chimique. Enfin, notre troisième force est celle de l’innovation. Il revient au SIAAP, en tant que grand service public industriel d’être aux avant-postes de l’innovation en matière d’assainissement des eaux usées.
“La préservation de la ressource en eau est aujourd’hui au cœur de tous les enjeux. C’est pourquoi il conviendrait de mettre en œuvre une véritable stratégie nationale sur le sujet. Voire de créer un ministère de l’eau !”
Comment avez-vous relevé ce défi dans le cadre des JOP 2024 ?
La perspective des épreuves olympiques et paralympiques dans la Seine a en effet constitué un défi collectif majeur depuis 2016, année de lancement du Plan Baignade. Sous l’égide du Préfet de la Région Île-de-France et de la Ville de Paris, ce plan visait la mobilisation de tous les acteurs concernés par l’atteinte d’une meilleure qualité environnementale et sanitaire de la Seine et de la Marne. Pour le SIAAP, le Plan Baignade a été un accélérateur. Grâce aux investissements de l’État et des collectivités, nous avons agi dans deux directions principales : d’une part, l’accroissement des capacités de gestion et de stockage des eaux pluviales sur le territoire francilien et d’autre part, l’amélioration du traitement avec l’ajout d’une ultime étape de désinfection en sortie d’usine. C’est environ un tiers de l’enveloppe globale du Plan Baignade, soit près de 500 millions d’euros, qui a été investie par le SIAAP pour la réalisation des ouvrages et la construction des équipements liés à ces deux objectifs. Au-delà des JOP de Paris 2024, ces investissements de long terme bénéficieront à l’environnement francilien pour les cinquante prochaines années.
Comment prenez-vous en compte la dimension développement durable et la préservation de la biodiversité dans un contexte marqué par le réchauffement climatique ? Quels sont vos principaux enjeux à ce niveau ?
Le développement durable est au cœur de la mission du SIAAP depuis l’origine. En nous mettant quotidiennement au service de l’eau, nous contribuons de façon significative à l’équilibre écologique du milieu naturel et à la préservation de la biodiversité. À cela s’est effectivement ajoutée la problématique du réchauffement climatique qui n’a fait que renforcer ces dernières années les phénomènes extrêmes. Au-delà de promouvoir la nécessité de politiques publiques volontaristes en réponse à ces enjeux, notre réponse est aussi très concrètement industrielle à l’image de notre gestion de la question énergétique. Dans l’industrie de l’assainissement dont le SIAAP est un fer de lance, la production d’une énergie locale issue du traitement des eaux usées est une réalité. À ce titre, nous occupons aujourd’hui la première place en France pour la production du biogaz issu de l’assainissement. Cela nous permet d’alimenter en énergie propre nos sites industriels mais aussi d’injecter le surplus dans le réseau de ville, comme à Valenton (94). Tout ceci concourt à la décarbonation du territoire.
Votre ambition est également de contribuer au développement d’une ville plus intelligente et durable au travers de votre métier d’assainissement de l’eau. Qu’en est-il ?
Notre métier est un métier de réseaux. Qu’il s’agisse de l’eau, de l’énergie, des données, des télécoms ou des transports, la gestion des flux est le défi majeur de nos grandes agglomérations. Pour cette raison, le SIAAP est un acteur de la ville intelligente car notre action quotidienne implique la maîtrise de la ville en réseau dans laquelle les logiques d’interaction et d’interconnexion sont structurantes. Mais nous avons aussi un rôle essentiel à jouer en matière d’information et de pédagogie. Comme les pollutions les plus faciles à éliminer sont celles qu’on ne crée pas, agir en amont pour expliquer la nécessité de protéger l’eau constitue une action déterminante au service d’une ville plus durable. C’est le sens de l’action conduite par nos équipes de la Cité de l’Eau et de l’Assainissement à Colombes (92) qui accueille toute l’année des scolaires mais aussi des étudiants et des professionnels pour parfaire leur connaissance sur les enjeux de l’eau et de l’assainissement.
Alors que la question de la ressource en eau est au cœur de toutes les préoccupations, quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?
La préservation de la ressource en eau est aujourd’hui au cœur de tous les enjeux. C’est pourquoi il conviendrait de mettre en œuvre une véritable stratégie nationale sur le sujet. Voire de créer un ministère de l’eau ! À l’échelle de notre pays, la priorité devrait porter sur les villes côtières, particulièrement concernées par la question de la réutilisation des eaux usées. En Île-de-France, ce sujet préoccupe bien sûr le SIAAP, les habitants et de nombreux élus, mais il est moins prégnant. En effet, nos usines reversent à la Marne et à la Seine les eaux qu’elles ont traitées. Vous serez surpris d’apprendre qu’en période estivale, le SIAAP est le premier affluent de la Seine. Ces rejets sont donc essentiels pour le transport fluvial, la biodiversité…