Le stockage d’énergie stationnaire : besoins, opportunités et défis
Le stockage d’énergie stationnaire est l’une des sources de flexibilité d’un mix électrique. Des solutions sont déjà en service y compris pour de grosses puissances (pompage hydraulique) et pour la mobilité électrique avec les batteries ion-lithium. Des recherches sont entreprises sur des multitudes de solutions et il est espéré que certaines d’entre elles déboucheront prochainement.
Si la prémisse du stockage stationnaire est simple : déplacer dans le temps la disponibilité d’une quantité d’énergie, la diversité des angles d’approche est grande, que ce soit par le prisme des applications possibles (arbitrage, report ou écrêtage de pointe, renforcement de l’autoconsommation, etc.), des acteurs impliqués (producteurs d’énergie, opérateurs de réseaux, consommateurs, etc.), des schémas de monétisation (arbitrage, rémunération de capacité, coûts évités, etc.), du type de solutions techniques ou même des enjeux réglementaires.
“ Des opportunités très différentes selon les zones géographiques et l’horizon de temps considéré ”
Cette diversité explique l’adaptabilité mais aussi la variété des technologies possibles : stockage sous forme de chaleur ou de froid, d’énergie potentielle ou mécanique (station de transfert d’énergie par pompage-turbinage hydraulique, air comprimé, volants d’inertie), d’énergie électrique (supercondensateurs, supraconducteurs), d’énergie électrochimique (batteries lithium-ion, plomb, nickel, redox-flow…), chimique (hydrogène ou gaz naturel…).
REPÈRES
Avec une croissance continue depuis 2012 de + 54 %/an des nouvelles capacités déployées de stockage stationnaire (toutes technologies confondues), le marché du stockage stationnaire devient significatif en 2016 avec +1,4 GW, même s’il est encore modeste au regard des renouvelables (+70 GW de photovoltaïque et +55 GW d’éolien pour la seule année 2016).
DES BESOINS VARIABLES SELON LES RÉGIONS
L’évolution en OCDE des mix électriques et des réglementations (essor des renouvelables, compétitivité du charbon face au gaz hors réglementation CO2) tend à court terme à favoriser les besoins en stockage décentralisé liés à l’intégration des renouvelables, ainsi qu’à l’optimisation des réseaux.
LE LITHIUM-ION
Cette technologie domine aujourd’hui la mobilité électrique et voit ses coûts diminuer drastiquement grâce aux effets d’échelle permises par le secteur automobile : ‑70 % sur les sept dernières années.
Avec la volonté affichée de la Chine de devenir le leader mondial du secteur et la croissance importante des capacités de fabrication depuis trois ans dans le monde, le coût du stockage par lithium-ion va poursuivre sa décroissance, ouvrant de nouvelles applications et favorisant l’essor des renouvelables.
Cette tendance est favorable aux technologies très modulaires (de quelques kW/kWh à quelques dizaines de MW/ MWh, pour des durées moyennes de décharge de 15 minutes à 4 heures) comme les batteries lithium-ion, même si le mix actuel mondial reste encore très largement dominé par les stations de pompage hydraulique (STEP) avec plus de 98 % de la base installée (environ 145 GW).
Si l’équation d’évaluation des besoins en stockage est universelle, les solutions peuvent significativement varier selon la géographie considérée et les politiques adoptées. Ainsi la Chine (croissance de la demande en électricité, politique ambitieuse sur le véhicule électrique et les batteries lithium-ion), le Japon (pas d’interconnexions), ou la plupart des pays d’Afrique (réseau électrique peu étendu, opportunités nombreuses pour des microgrids hybrides à base de diesel) connaîtront probablement un cheminement différent de l’Europe (réseau d’électricité très interconnecté, large réseau de gaz favorable au P2G) ou des États-Unis (gaz de schiste abondant).
DISTINGUER BESOINS ET OPPORTUNITÉS
La technologie lithium-ion domine aujourd’hui la mobilité électrique.
© SCHLIERNER / FOTOLIA.COM
L’expérience de terrain de ces dernières années montre l’importance des consomm’acteurs (disposant de moyens décentralisés de production : photovoltaïque, biogaz, etc.). Ainsi plus des deux tiers du marché allemand du stockage déployé en 2016 ont été raccordés en aval du compteur, essentiellement dans le secteur résidentiel.
Couplée aux possibilités offertes par le numérique (en particulier l’agrégation de nombreux stockages distribués en une centrale virtuelle de stockage), cette tendance pourrait significativement accélérer le déploiement du stockage distribué.
Il est important de rappeler aussi l’enjeu réglementaire : là où l’Allemagne a autorisé le stockage résidentiel et l’a même subventionné via la banque KfW, la Californie l’a au contraire fortement ralenti en prolongeant le Net Energy Metering (NEM, qui transforme le réseau en stockage « gratuit »).
LE LITHIUM-ION : POSSIBILITÉ D’UN EFFET BOULE DE NEIGE ?
Il n’existe pas de technologie de stockage d’énergie idéale, répondant à l’ensemble des spécifications requises par l’ensemble des applications. Néanmoins, une famille technologique aujourd’hui se détache du lot : le lithium-ion.
“ Les prix du lithium-ion ont baissé de 77 % en sept ans ”
Certaines questions restent cependant encore sans réponse (disponibilité de matières premières critique comme le cobalt ; compétitivité pour des décharges de longues durées et/ou peu fréquentes), laissant la porte ouverte à d’autres technologies (power-to-gas, redox-flow…).
Le stockage stationnaire connaît donc un contexte porteur, qui s’explique entre autres par la multiplication de politiques publiques volontaristes (Californie, Massachusetts, Allemagne, France, Japon, etc.), par un investissement continu dans la R & D et les démonstrateurs technologiques, par la maturation des modèles d’affaires et de nouvelles offres innovantes (multiapplications pour un même système de stockage, agrégation, seconde vie de batteries de véhicules électriques), mais aussi par des synergies avec de larges marchés connexes en croissance forte (mobilité électrique/ batteries lithium-ion).