Le supérieur ouvert à tous
Tutorat et apport culturel : « Une Grande École, Pourquoi Pas Moi ? »
Ce programme, initié par l’ESSEC il y a quelques années, a été rejoint par l’École polytechnique en 2007. Mathilde Sion (06), en le présentant, rappelle le constat qui guide la démarche : les processus actuels d’intégration sont biaisés culturellement et socialement.
En réponse, le programme GEPPM propose d’accompagner les lycéens brillants et motivés mais ne disposant pas de ce capital culturel par des étudiants de grandes écoles pour les aider à progresser dans le système. Actuellement, vingt-quatre élèves de l’X accompagnent environ soixante-dix lycéens appartenant à des établissements classés ZEP (zone d’éducation prioritaire) de l’Essonne et répartis entre les classes de seconde et de terminale.
Sauf au moment des révisions pour le baccalauréat, il n’est pas délivré aux lycéens des cours de soutien scolaire. L’apport de l’Association est d’ordre culturel : informations sur l’orientation et les métiers, apprentissage des codes sociaux, travail de prise de parole, capacité à argumenter sur l’actualité ou à élaborer une réflexion sur un thème donné, etc. Concrètement, pendant trois heures chaque mercredi après-midi sur le campus de l’X et ponctuellement pendant le week-end et les vacances, les lycéens encadrés par un binôme d’élèves polytechniciens pratiquent diverses activités qui sont l’occasion de transmettre ces éléments culturels : réalisation d’un projet collectif comme un film, rédaction d’un journal ou enquête sur un sujet précis, sortie au théâtre ou au cinéma suivie d’un débat, atelier thématique avec des intervenants extérieurs (metteur en scène, sociologue, artiste, élu politique…), simulation d’entretien d’embauche, etc.
Développer la confiance en soi
En tant que tuteur, Mathilde Sion a pu constater de très gros progrès chez les lycéens : la plupart ont acquis une ouverture, une confiance en eux-mêmes, une capacité à argumenter et à donner leur avis. Elle a aussi noté des effets indirects importants sur les familles et les lycées qui changent de regard sur eux-mêmes grâce à l’appartenance de quelques-uns des leurs à ce programme : ils réapprennent à avoir des ambitions de réussite sociale et entrent dans une dynamique positive. Pour les tuteurs, c’est également une expérience gratifiante et très formatrice en termes de relations humaines.
Un tutorat et des bourses après le bac
La première promotion sort actuellement de terminale. Cela pose maintenant la question d’un soutien au début de l’enseignement supérieur, notamment sur les plans moral et financier. L’Association est en train de mettre en place une forme de prolongation du tutorat et, pour ceux qui entrent dans des classes préparatoires scientifiques, un système de bourses par l’intermédiaire de la Fondation de l’École polytechnique.
Stimulation, information et accompagnement sont les voies choisies par « Tremplin »
Cette Association a été créée en l’an 2000 par des élèves polytechniciens pour aider des jeunes lycéens (à partir de la 1re S) issus des milieux défavorisés à poursuivre des études longues. Dotée d’un budget de dix mille euros et gérée par une dizaine de bénévoles, elle accueille deux élèves de l’X pendant neuf mois dans le cadre du stage polytechnicien de première année. Actuellement, Tremplin propose son aide à une vingtaine d’établissements partenaires choisis avec les rectorats d’académie selon des critères simples : lycées situés en zone sensible et ayant des résultats au bac nettement plus faibles que la moyenne. Hubert Chapron (06), alors président de Tremplin, en a détaillé les missions. Tremplin organise chaque année, grâce à une vingtaine de tuteurs issus de l’X et d’autres grandes écoles de la région parisienne (École normale supérieure, ENSAE), des séances d’approfondissement scientifique, à raison d’une heure par semaine pour les terminales et d’une heure toutes les deux semaines pour les premières. Actuellement, environ deux cents lycéens y participent régulièrement.
Établir des relations de confiance
Sur le plan scolaire, les sujets scientifiques sont traités d’une manière plus ludique que ce qui se fait habituellement en classe, de manière à susciter l’intérêt pour les études. Par exemple, lors d’une dernière séance, nous avons proposé un exercice sur le fait que les routes paraissent souvent mouillées en été alors qu’elles sont parfaitement sèches. Les élèves ont fait l’exercice puis ont entamé une discussion animée encadrée par les tuteurs sur les illusions d’optique et les autres phénomènes physiques étonnants qui sont en jeu. Cette approche a aussi l’avantage de créer une dynamique collective et d’établir des relations de confiance qui permettent d’aborder la question de la poursuite des études après le bac, et de l’orientation.
Une vision réduite des études supérieures
La plupart de ces élèves n’ont qu’une vision très réduite des études supérieures et de leur intérêt. Pour beaucoup d’entre eux, un BTS spécialisé apparaît comme nettement plus valorisant que des études généralistes. De plus, ils n’ont guère accès à de l’information personnalisée, ce qui a amené un élève à dire : Au lycée, il y a une conseillère d’orientation mais elle ne vient qu’une matinée par semaine pour mille élèves ; il est plus rapide de faire quelques recherches sur Internet. L’action des tuteurs a amené nombre d’élèves à suivre un parcours supérieur valorisant.
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L’accompagnement postbac
Indispensable, cet accompagnement comporte deux volets : la tenue d’une permanence tous les samedis après-midi, à la disposition des préparationnaires ; le parrainage des étudiants par d’anciens tuteurs ou de jeunes cadres de grands groupes comme Areva ou Veolia, cela jusqu’au premier emploi. D’où la nécessité de sensibiliser fortement les grandes entreprises pour qu’elles accompagnent cet engagement et qu’elles valorisent ce genre de parrainage.
De jeunes retraités s’impliquent : l’Institut Paul Delouvrier
Un soutien scolaire pour les classes préparatoires scientifiques
Jacques Bouttes (52) a expliqué comment l’Institut Paul Delouvrier mobilise de jeunes retraités désireux de s’impliquer dans l’aide scolaire aux milieux défavorisés, à travers un soutien scolaire pour les classes préparatoires scientifiques selon une philosophie proche de celle de Tremplin, et la recherche d’une aide financière pour ceux qui en ont besoin.
Le soutien scolaire vise à donner à chacun une maîtrise profonde des concepts, celle qui correspond à une véritable compréhension de la matière qu’ils étudient. Car trop d’élèves pensent que la réussite scolaire tient au fait de savoir par cœur un certain nombre d’exercices et d’avoir la chance de tomber sur l’un d’entre eux lors des examens. Pour que ces élèves réussissent en préparation, il est aussi essentiel de les suivre moralement, au moins pendant le premier trimestre, de manière à les aider à relativiser leurs notes et à garder confiance en leurs capacités.
En effet, généralement premiers dans leur lycée d’origine avec des notes brillantes, ils passent en milieu ou en fin de classement avec des notes désolantes. Leur conscience d’eux-mêmes prend alors des coups violents susceptibles de les faire abandonner.
Témoignage
Ayant constaté les difficultés financières d’un de ses élèves, Jacques Bouttes a pris contact avec plusieurs fondations (Georges Besse, Euris, Suez) et avec l’Association « Un Avenir Ensemble » créée par la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur. Cette dernière a apporté l’aide financière demandée et l’Institut Paul Delouvrier va devenir son partenaire en apportant un soutien scolaire aux jeunes qu’elle parraine.
Renforcer les soutiens financiers
Aujourd’hui, les bourses ne permettent pas à un jeune de vivre pensionnaire dans les classes préparatoires. Il lui faut un complément compris entre mille et deux mille euros par an, montant suffisant pour faire reculer de nombreux jeunes. Il est aussi très angoissant pour beaucoup de parents, ce qui crée un climat familial peu propice à ce genre d’études. Devant cette situation, certains établissements comme le lycée Saint-Louis ou l’école Sainte-Geneviève ont décidé de fournir le complément nécessaire pour un ou deux élèves. Mais le nombre de places total reste très limité.