Le trafic des passagers devrait doubler en vingt ans
L’aviation est une prouesse technique de l’homme et un rêve. Mais c’est aussi, depuis plusieurs décennies, une activité économique à part entière, avec ses lois économiques, ses évolutions institutionnelles, ses crises et ses questions sur l’avenir. Le transport de passagers constitue 85 % du trafic total. Au-delà de la crise, il devrait doubler d’ici vingt ans.
REPÈRES
Le transport aérien est une activité peu rentable. Cette situation s’explique par trois causes : le faible pouvoir de négociation des compagnies sur leurs fournisseurs (constructeurs d’avions, pétroliers, aéroports) ; la faiblesse des barrières à l’entrée, il suffit de peu de capital pour louer des avions et embaucher des pilotes, dont les qualifications sont standardisées, de même d’ailleurs que les processus de maintenance, qui peut elle-même être sous-traitée par le transporteur à une entreprise qualifiée ; le décalage entre la fragmentation politico réglementaire du marché issue de l’histoire et ses dimensions purement économiques.
L’industrie mondiale du transport aérien a été constamment déficitaire de 2001 à 2006, puis à nouveau en 2008, l’année 2007 constituant la seule année bénéficiaire de la période. Cette situation s’explique par différents événements survenus depuis le tournant du siècle : le traumatisme du 11 septembre 2001, la tension géopolitique de 2003, année de l’attaque américaine en Irak, l’épidémie du SRAS la même année, la hausse du prix du pétrole qui a culminé à l’été 2008, puis l’éclatement de la crise financière globale dont les effets se poursuivent aujourd’hui. Au cours de cette période, les trois premières compagnies américaines, qui sont parmi les premières du monde par les volumes transportés et le chiffre d’affaires, se sont retrouvées, à un moment ou à un autre, sous le chapitre 11 de la législation américaine sur les faillites, l’équivalent du régime français de redressement judiciaire. En Europe, la situation a été moins dramatique au plan financier, mais des compagnies naguère nationales comme Sabena, Swissair, et plus récemment Alitalia ou Austrian Airlines ont, dans le même temps, disparu ou ont été rachetées après avoir fait faillite.
CHIFFRES
Un trafic doublé en quinze ans
Deux milliards de passagers
Pour l’année 2007, les chiffres sont les suivants : 4 400 milliards de passagers-kilomètres ; environ 2,3 milliards de passagers transportés par les compagnies (soit une étape moyenne d’un peu moins de 1 900 km) ; 4,8 milliards de passagers comptabilisés par les aéroports.
Le transport aérien a connu une croissance très soutenue, passant d’environ 500 milliards de passagers-kilomètres transportés en 1970 à 4 400 milliards en 2007. Il a seulement connu sur la période deux années de baisse correspondant à des événements géopolitiques majeurs, première guerre du Golfe en 1991 et attentats du 11 septembre en 2001.
Il a notamment plus que doublé au cours des quinze dernières années.
Le transport aérien de passagers peut se mesurer en volume par trois chiffres : les passagers transportés par les compagnies aériennes, les passagers-kilomètres transportés par celles-ci ; les passagers comptabilisés sur les aéroports. Le chiffre des aéroports est d’un peu plus du double du chiffre des compagnies car chaque passager est comptabilisé une fois à l’atterrissage et une fois au décollage, y compris lors des escales intermédiaires. Dans la durée, le chiffre des passagers-kilomètres transportés augmente un peu plus vite que celui des passagers car la longueur moyenne des étapes augmente petit à petit ; elle était d’environ 1 300 km il y a trente ans, 1 500 km il y a vingt ans et 1 700 km il y a dix ans.
Les aéroports comptent chaque passager deux fois, à l’atterrissage et au décollage
Sur 4 400 milliards de passagers-kilomètres transportés en 2007, près du quart l’ont été à l’intérieur de l’Amérique du Nord, principalement aux États-Unis, qui restent le premier marché du monde. Le second faisceau est le trafic intérieur de la région Asie-Pacifique avec 18 % du total. Le trafic intérieur chinois, inclus dans ce chiffre, a représenté à lui seul plus de 200 millions de passagers-kilomètres transportés en 2007, soit 5 % du total (contre 2 % en 2000), ou encore la moitié de l’Atlantique Nord.
ACTEURS
Un marché mondial segmenté
Le transport aérien est mondial par excellence : il emploie les mêmes avions, suit les mêmes règles techniques sur toute la planète, et ses passagers parcourent le monde.
Cependant, le doit international stipule, non sans raison, que l’utilisation de l’espace aérien ressortit à la souveraineté de chaque État. Le droit d’embarquer et débarquer des passagers repose ainsi, dans le monde entier, sur la Convention internationale relative à l’Aviation civile internationale signée à Chicago en 1944.
Aucune compagnie n’a librement accès à l’ensemble du marché mondial
Dans ce cadre, les droits de trafic dépendent à la base, soit d’un seul État, lorsqu’il s’agit de son trafic intérieur, soit d’accords bilatéraux ou multilatéraux entre plusieurs États lorsqu’il s’agit d’aller de l’un à l’autre.
C’est à partir de cette structure de base qu’ont eu lieu successivement la libéralisation du trafic intérieur des États-Unis au début des années quatre-vingt, puis la création et la libéralisation du marché intérieur européen dans les années quatre-vingt-dix. Dans les années 2000, l’Union européenne a poursuivi sur sa lancée en se lançant dans la négociation, au nom des États membres, d’accords de ciel ouvert avec des partenaires extérieurs. Le plus important signé à ce jour est l’accord entre l’Europe et les États-Unis entré en vigueur en avril 2008, qui remplace les accords bilatéraux antérieurs entre chaque État membre de l’Union et la partie américaine.
Il n’en reste pas moins que le marché mondial reste segmenté juridiquement ; il n’existe pas de Toyota, de Microsoft ou d’Exxon Mobil, ni même de Bouygues ou de Vinci du transport aérien car aucune compagnie n’a librement accès à l’ensemble du marché mondial.
Les trois alliances
Le cadre juridique international explique en grande partie la création dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix des trois grandes alliances qui dominent le transport aérien international : One World, Star Alliance et Sky Team.
Ces alliances ont vocation à couvrir le marché mondial des vols long-courriers et des lignes d’apport qui les alimentent par des correspondances sur les hubs (terme d’usage courant dans les transports et les communications électroniques, signifiant moyeu en anglais).
Chacune d’elles regroupe de dix à vingt compagnies, parmi lesquelles : l’un des trois leaders américains, l’un des trois leaders européens, une ou plusieurs compagnies asiatiques.
Leurs parts de marché, en nombre de passagers-kilomètres dans le monde, ont été en 2007 : Star Alliance (United Airlines, Lufthansa et leurs alliés) 23 % ; Sky Team (Delta Airlines, Air France et leurs alliés) 21 % ; One World (American Airlines, British Airways et leurs alliés) 18 %.
Prises individuellement, les dix premières compagnies mondiales sont les six citées dans les alliances (voir encadré), auxquelles s’ajoutent Continental, Northwest Airlines, Southwest, toutes trois américaines, et une seule asiatique, Singapore Airlines. La première du classement, American Airlines, ainsi que le groupe Air France-KLM, si on le considère comme un seul transporteur, dépassent les 200 000 passagers-kilomètres transportés, soit un peu plus de 5 % du marché mondial chacun.
PERSPECTIVES
Avions et performances
Les avions qui voleront dans vingt ans ne représenteront pas une révolution mais une poursuite du progrès par rapport à ceux que l’on connaît aujourd’hui, sachant que l’A-380 commence tout juste sa carrière commerciale, et que le B‑787 ou l’A-350XWB n’ont pas encore commencé les leurs. Dans leurs projections, Airbus et Boeing distinguent quatre segments : les avions régionaux, les single aisle (monocouloirs), les twin aisle (doubles couloirs) et les très gros porteurs. Les programmes déjà lancés portent sur les très gros porteurs (A‑380) et les doubles couloirs (B‑787 et A‑350XWB).
Énergie et environnement
Le mode de propulsion ne changera pas fondamentalement dans les vingt ans à venir ; le carburant sera toujours le kérosène, issu du pétrole, ou des substituts possédant des propriétés équivalentes, issus du charbon ou de la biomasse. L’aviation commerciale restera donc très concernée par sa consommation de pétrole, par ses émissions de CO2, et aussi par la maîtrise des nuisances sonores. Dans ces différents domaines, des progrès continus sont attendus sur la double base des efforts constants de l’industrie et de l’évolution de la réglementation internationale.
Structure des marchés
Les discussions internationales en cours montrent que la tendance est d’aller vers la poursuite de la libéralisation progressive des différents segments du marché mondial. Cette tendance suscite des craintes car elle fera le jeu des grandes compagnies mondiales par rapport à celles des pays moyens mais elle obéit à une logique de fond, au même titre que la libéralisation du commerce en général dans le cadre de l’OMC. Elle devrait se poursuivre, sauf renversement historique non prévisible aujourd’hui.
Plus vite que le PIB
Le déterminant le plus fondamental de la demande de transport aérien réside dans la psychologie humaine. Dans le monde entier, le consommateur, vu comme un agent économique, a un désir de déplacement, qui correspond à une extension de sa liberté et à son désir de découverte. L’élasticité de la demande de transport aérien par rapport au revenu disponible a toujours été, jusqu’à présent, supérieure à un. L’OACI la chiffre à 1,30 sur la base de séries longues. À coût constant, le transport aérien augmente plus vite que le PIB et cette loi ne peut que continuer à se vérifier jusqu’à la maturité de l’activité. Celle-ci est à peu près atteinte aux États-Unis, mais est encore loin de l’être dans la plus grande partie du monde.
Trafic
Airbus et Boeing publient chaque année des prévisions à vingt ans, de même que d’autres organismes dont Eurocontrol (contrôle aérien en Europe).
American Airlines et Air France-KLM dépassent chacune 5% du marché mondial
Leurs chiffres globaux sontr elativement proches : ils prévoient, année après année, une croissance du trafic mondial proche de 5 % par an en PKT, et de 4 % en passagers ; la longueur moyenne des vols étant supposée augmenter d’environ 1 % par an. Le nombre d’avions en service augmenterait, quant à lui, d’environ 3 % par an, le nombre de sièges par avion augmentant aussi sur la période.
Le trafic passerait ainsi de 4 500 milliards de passagers-kilomètres transportés en 2007 à 12 000 milliards en 2027.
Cette prévision repose sur l’hypothèse d’une augmentation du PIB mondial d’environ 3 % par an, taux assez communément pris en compte par les prévisions macroéconomiques mondiales, y compris celles de l’Agence internationale de l’énergie.