Le viaduc de Millau et la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Perpignan et Figueras.
Le viaduc de Millau
Historique
Le viaduc constitue un maillon essentiel de l’autoroute A75, Clermont-Ferrand-Béziers. Celle-ci s’inscrit dans un itinéraire autoroutier direct reliant, par le Massif central, la Catalogne et le Languedoc-Roussillon à Paris et au nord-ouest de l’Europe. Cet axe majeur du plan routier du Massif central, lancé en 1975 par le président Giscard d’Estaing, est aujourd’hui achevé à 95 % et a été réalisé sous la maîtrise d’ouvrage des services de l’État. Ce sont eux aussi qui ont décidé que l’A75 franchirait le Tarn à Millau par un grand viaduc dont Michel Virlogeux et son équipe du Setra sont à l’origine de la conception. Le ministère de l’Équipement a lancé un concours architectural pour cet ouvrage et a retenu, le 15 juillet 1996, le projet présenté par le cabinet Norman Foster & Partners et les bureaux d’études Sogelerg, EEG et Serf.
Devant la difficulté d’inscrire un investissement de 400 M€ dans les enveloppes budgétaires annuelles, le Gouvernement a décidé en mai 1998, sur la proposition de Jean-Claude Gayssot ministre de l’Équipement, d’en concéder la réalisation et l’exploitation. Une fois la déclaration d’utilité publique modifiée en conséquence, le ministre de l’Équipement a lancé la consultation qui a permis de choisir Eiffage comme concessionnaire ; ce choix a été confirmé par décret publié au Journal officiel du 10 octobre 2001.
Les principes de la concession
C’est Jean-François Roverato, président-directeur général d’Eiffage, qui a personnellement fixé les éléments déterminants de notre offre :
• il s’agit d’une concession aux risques et périls (ne devrait-on pas dire » aux risques et profits « , la perspective du profit constituant la nécessaire contrepartie de l’acceptation du risque ?), conforme à la tradition française des concessions. Aucune subvention n’est demandée à la collectivité ;
• Eiffage apporte lui-même le financement sur ses fonds propres. Ce n’est qu’une fois l’ouvrage construit et les trafics stabilisés qu’Eiffage recherchera un refinancement à long terme à des conditions évidemment d’autant plus favorables que le risque du projet apparaîtra résiduel. Nous pouvons ainsi répercuter sur nos tarifs l’anticipation de ce financement particulièrement économique et, par ailleurs, Eiffage a totalement maîtrisé l’opération pendant la période de construction ;
• l’État a choisi la solution comportant un tablier en acier, par préfabrication en usine, montage sur les plates-formes d’extrémités et mise en place par lançage qui avait été imaginée par Eiffel, filiale d’Eiffage, et le bureau d’études Greisch et présentée concurremment avec une solution » tout béton « . Cette solution assure la meilleure sécurité aux ouvriers du viaduc puisque maximisant la part d’heures travaillées au sol. Elle permet en outre un planning resserré puisque la préfabrication du tablier s’effectue largement en temps masqué pendant la construction des piles.
Le chantier
Le viaduc de Millau est constitué d’un tablier de 2 460 m de long et 32 m de large qui repose sur deux culées d’extrémités et 7 piles. Chaque pile est surmontée d’un pylône haut de 87 m et 154 haubans sont tendus entre les pylônes et le tablier pour assurer la stabilité de ce dernier. La pile la plus haute s’élève à 245 m sous le tablier ce qui constitue un record du monde. Le sommet du pylône qui la surmonte est situé à 340 m au-dessus du sol, c’est-à-dire qu’il est plus haut que la tour Eiffel.
Le viaduc de Millau en construction
Le 14 décembre 2001, Jean-Claude Gayssot pose la première pierre du viaduc de Millau. Deux ans après, toutes les piles sont construites. Par ailleurs, dès le début de 2002, la préfabrication du tablier métallique commence dans l’usine de Lauterbourg (Bas-Rhin) d’Eiffel. Le 26 février 2003, Eiffel procède au lançage d’un premier tronçon de tablier. Débute ainsi une succession de cycles dont chacun comporte le montage sur site de 170 m de tablier, soudé aux éléments du tablier déjà réalisé, suivi du lançage sur 170 m de l’ensemble. Le tablier, d’un poids total de 35 000 tonnes, se met ainsi en place progressivement depuis les extrémités nord et sud du viaduc et le 28 mai 2004, à 270 m au-dessus du Tarn, la jonction des deux tronçons est effectuée en présence du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin.
Pour réussir ces lançages, selon un procédé breveté par Eiffage, il a été nécessaire de construire, par télescopage, des palées provisoires qui soutiennent le tablier pendant les phases de construction et seront démontées ensuite. Une palée est une sorte de tour constituée de tubes en acier ; la plus haute mesure 172 m de haut et pèse 1 200 tonnes.
Une fois la jonction des éléments du tablier réalisée, les pylônes préfabriqués sont acheminés sur le tablier par des remorques et érigés à leurs emplacements définitifs. Ensuite, les haubans sont tendus, les enrobés mis en œuvre et les différents équipements installés. Le 14 décembre 2004, le Président de la République inaugure le viaduc de Millau.
Le chantier aura duré trois ans et représenté un peu plus de deux millions d’heures de travail. Grâce au choix des méthodes de construction et aux efforts de tous, il n’aura connu aucun accident grave.
Exploitation et premières conclusions
Pendant le deuxième semestre 2004, Eiffage organise l’exploitation du viaduc et procède au recrutement des 50 collaborateurs nécessaires (43 sont aveyronnais) et à leur formation. Compte tenu des conditions atmosphériques rigoureuses de la vallée du Tarn, un soin particulier est apporté au service hivernal : de fait, il n’y aura aucune restriction de circulation sur le viaduc pendant l’hiver 2005.
Le viaduc de Millau construit
La première année d’exploitation du viaduc de Millau a vu 4 400 000 véhicules franchir l’ouvrage, soit environ 20 % de plus que la prévision initiale. En parallèle, les touristes ont afflué à Millau bien plus que les années antérieures et près de 150 000 d’entre eux se sont rendus, pendant l’été, au pavillon d’accueil pour se faire expliquer le viaduc et sa région. Le viaduc de Millau montre ainsi combien un grand projet structurant peut contribuer au développement économique et touristique régional.
Le viaduc de Millau n’a rien coûté au contribuable et le concessionnaire a pris à sa charge les inévitables aléas techniques inhérents à un tel projet. L’organisation, dans laquelle le maître d’ouvrage comme les entreprises chargées de la construction sont tous filiales du groupe et donc placés sous une seule autorité, a permis de prendre très rapidement les décisions utiles à l’amélioration du projet. Il en a été ainsi, sur la recommandation de Michel Virlogeux, de la mise en œuvre, décidée en cours de chantier, d’une précontrainte verticale dans les piles pour assurer une meilleure durabilité de l’ouvrage. On l’a vérifié aussi avec la décision de gagner un mois sur le délai contractuel pour mettre en service l’ouvrage avant Noël 2004, et non le 10 janvier 2005 comme prévu. Les vacanciers – et le commerce millavois – en ont bénéficié.
L’exemple du viaduc de Millau et de l’A75 montre comment l’action publique et l’investissement privé se sont conjugués pour le développement de notre réseau autoroutier. Il reste à espérer que l’État poursuive son action dans les meilleurs délais pour réaliser la fin de l’A75 et la jonction avec A9.
La ligne Perpignan-Figueras
Présentation générale
Si une grande part des 10 000 camions qui franchissent quotidiennement la frontière franco-espagnole au Perthus devrait bénéficier de l’A75, il sera aussi possible, à partir de février 2009, de recourir au transport ferroviaire pour acheminer commodément les marchandises entre l’Espagne et la France.
Eiffage et ACS (premier groupe de BTP espagnol) ont en effet constitué, à parts égales, une filiale TP Ferro qui a été choisie par la France et l’Espagne comme concessionnaire de la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Perpignan et Figueras. Il s’agit du tronçon nord de la future ligne qui reliera Perpignan à Barcelone et dont la mise en service est prévue pour le premier semestre de 2009.
Ce sera une ligne mixte, à l’écartement UIC (1 435 m), pouvant être empruntée aussi bien par des trains de voyageurs à grande vitesse (350 km/h) que par des convois de fret.
En 2009, Barcelone sera ainsi à 50 minutes de Perpignan (contre 2 h 45 aujourd’hui) à 3 h 30 de Lyon et à 5 h 30 de Paris.
L’investissement total s’élève à environ 1 100 M€ et est couvert, à hauteur de 103 M€, par les fonds propres du concessionnaire apportés à parité par Eiffage et ACS, de 540 M€ par subventions des États espagnols et français, et pour le solde par emprunt contracté par TP Ferro auprès d’un pool bancaire de cinq banques : Banesto – BBVA – Caja Madrid – ING et RBS. Comme RFF, TP Ferro percevra un péage, fixé par le contrat de concession, sur chaque train utilisant la ligne.
Description du projet et état d’avancement
La liaison Perpignan-Figueras
La concession de TP Ferro est constituée d’une ligne à voie double de 44,4 km de longueur (24,6 km en France et 19,8 km en Espagne) alimentée en 25 kV. Sa réalisation suppose notamment 8 000 000 m3 de déblais et 6 000 000 m3 de remblais, la construction de 11 viaducs pour un linéaire total de 3 200 m et le percement du tunnel, d’une longueur de 8,3 km, de franchissement du Perthus. Cet ouvrage a été conçu à partir des réflexions les plus récentes sur la sécurité dans les tunnels : il y aura donc un tube par sens de circulation et les deux tubes seront reliés entre eux par des rameaux de circulation situés tous les deux cents mètres.
Conformément aux spécifications européennes d’interopérabilité, la signalisation mise en œuvre sur la ligne sera de type ERTMS 2, comme celle de la future LGV Est, et pourra donc être utilisée par l’ensemble des trains à grande vitesse au standard européen.
Le contrat de concession, d’une durée de cinquante ans dont cinq années pour la construction, a été signé le 17 février 2004. Compte tenu de la plus grande efficacité des procédures en Espagne, les travaux ont pu y démarrer très tôt et les terrassements sont achevés à 90 %. En France, où il reste encore à réaliser quelques acquisitions foncières et où les travaux n’ont pu débuter qu’en mai 2005, les terrassements sont effectués à hauteur de 30 %. La plupart des ouvrages d’art de la ligne sont en cours d’exécution, tandis que les deux tunneliers, Tramontane et Mistral, ont entrepris le creusement des deux tubes depuis la Jonquera.
Comme pour le viaduc de Millau, nous avons décidé de mobiliser l’ensemble des filiales de génie civil, de voies et d’installation électrique de nos groupes, de manière à limiter strictement la sous-traitance aux métiers que nous ne pratiquons pas. Cette organisation doit permettre la meilleure maîtrise du projet et la sécurité accrue de nos ouvriers. De fait, l’ensemble de nos collaborateurs sont pleinement impliqués dans une démarche de fiabilité, disponibilité et sécurité en vue de la certification de la ligne.
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Le viaduc de Millau et la ligne à grande vitesse entre Perpignan et Figueras sont des exemples de l’apport de grands groupes de construction à la modernisation de nos infrastructures. Cet apport se fonde sur l’engagement et la technicité de nos collaborateurs qui trouvent ainsi des opportunités exceptionnelles d’édifier de grands ouvrages. Les télévisions ont largement montré Jacques Chirac, accompagné de Jean-François Roverato, serrant les mains des collaborateurs d’Eiffage qui ont bâti le viaduc de Millau. Puissent ces images conduire de nombreux jeunes à embrasser notre métier de constructeur.