L’eau douce : enjeux et défis pour la recherche en France et en europe
Quels sont les enjeux relatifs à l’eau douce ?
En France et en Europe, la problématique de l’eau douce fait l’objet d’une politique et d’une réflexion européenne intégrée.
Les enjeux et défis y prennent plusieurs formes différentes comme : la qualité écologique des milieux aquatiques, l’adaptation au changement climatique, les risques liés aux nouveaux contaminants chimiques, les tensions sur les ressources en eau, la restauration des services écologiques apportés par les écosystèmes aquatiques et leur biodiversité.
© Rolf Weingartner Irstea
Actuellement, moins de la moitié des masses d’eau douce françaises sont en bon état, et il reste donc des efforts à consentir.
En effet, un cours d’eau en bon état apporte un certain nombre de services : épuration, dépollution, pêche ou tourisme grâce à la préservation de la beauté des paysages.
La question des produits chimiques constitue aussi un enjeu considérable : les cours d’eau sont impactés, in fine, par toutes les substances chimiques qui circulent dans les différents compartiments de l’environnement. La maîtrise et la connaissance de toutes ces substances est un véritable défi : alors que plus de 100 000 substances chimiques sont utilisées par les hommes, seule une centaine, au maximum, de ces substances sont actuellement suivies en routine dans les cours d’eau.
Malgré les progrès des connaissances, c’est donc encore largement une « boîte noire » : les risques pour la santé de l’homme ou de l’environnement sont insuffisamment connus, substance par substance, et c’est encore plus le cas pour les « cocktails de substances », la situation usuelle étant que les organismes vivants dans les écosystèmes aquatiques sont exposés à un mélange de nombreuses substances chimiques.
La recherche travaille activement sur ce sujet.
Quels sont les moyens mis en place pour faire face à ces enjeux ?
Les politiques publiques font face à ces enjeux et défis à travers un panel de réglementations mises en place à différents niveaux. En découle un certain nombre de plans nationaux comme le plan national d’adaptation au changement climatique, qui intègre de nombreuses actions relatives à l’eau.
Par ailleurs, les directives de niveau européen sont ensuite déclinées dans le droit national des différents Etats membres et sont l’occasion de mise en œuvre concrète.
Par exemple, pour mesurer et apprécier l’état écologique des cours d’eau, des bioindicateurs (fondés sur l’évaluation des populations ou les communautés de végétaux, d’algues, d’invertébrés ou de poissons) ont été développés et sont utilisés par des acteurs variés tant publics que privés (bureaux études) et permettent de localiser les sites où la vigilance doit être accrue.
L’utilisation des substances chimiques est déjà très réglementée mais de nouvelles règles ont été mises en place dès la conception des nouvelles substances afin de limiter au maximum leur potentiel toxique pour l’homme et pour l’environnement. Sur tous ces sujets, la recherche contribue largement à la mise en œuvre des politiques publiques ainsi qu’à leur conception.
Comment s’organise la recherche ?
En France, l’étude CARTEAU relative aux « Eaux et milieux aquatiques : panorama des acteurs de Recherche et Développement » a permis de quantifier les chercheurs en France travaillant sur les eaux et les milieux aquatiques (y compris côtiers). Il apparaît sur ces quelques 5 000 scientifiques que trois quarts travaillent pour la recherche publique, tandis qu’un quart travaille pour le secteur privé (cf : Veolia, Suez environnement, EDF, etc.).
Irstea regroupe à lui seul 10 % de la recherche publique sur l’eau douce. Et les enjeux de l’eau contribuent fortement à l’identité de notre organisme.
Au-delà de notre mission de production de nouvelles connaissances dans le domaine de l’eau, nous travaillons aussi sur la structuration et la coordination avec d’autres institutions de recherche dans le but de nous coordonner en termes de priorités de travail.
Au niveau français, cette coordination est faite au sein du groupe « eau » d’AllEnvi, l’alliance nationale de recherche pour l’environnement, et au niveau européen au sein du « Joint Programing Initiative : Water Challenges for A Changing World ».
En France, dans certaines régions, des structures de recherche et d’innovation sous la forme de pôles de compétitivité ont été créées en Alsace Lorraine, Languedoc Roussillon et dans la région Centre. Montpellier s’est aussi doté d’un institut fédérant un total de 14 laboratoires de recherche, forts de 400 scientifiques, depuis l’automne dernier, l’Institut Montpelliérain de l’Eau et de l’Environnement (IM2E).
A quel niveau et comment intervenez–vous ?
L’eau est une problématique qui intéresse et est très fédératrice à tous les niveaux : régional, national et européen et Irstea intervient à tous ces niveaux, en y jouant un rôle très actif. Par exemple, au niveau européen, nous sommes chargés de l’Agenda Stratégique de Recherche et d’Innovation qui dessine les axes des futures recherches qui seront conduites dans les 10 prochaines années.
Fort de nos 600 chercheurs, techniciens et doctorants qui forment nos équipes de recherche sur l’eau, Irstea est un véritable producteur de science et d’expertise.
Nos équipes sont mobilisées, entres autres, sur la mise en place de modèle de prévision des inondations ou d’étiages, la mise au point de plateformes d’avertissements des crues liés aux précipitations, afin de permettre l’anticipation des événements dangereux et ainsi d’améliorer la gestion des risques montagnards (projet Rythmme), le développement d’indicateurs biologiques pour mieux prendre en compte le fonctionnement et la vulnérabilité des écosystèmes aquatiques, l’impact des substances chimiques avec des outils précoces de détection des risques écotoxicologiques sur les invertébrés aquatiques…
Nos économistes et sociologues s’impliquent, avec les autres spécialistes, pour mieux appréhender les risques socio-économiques dans les territoires, ou développer une gestion durable de la ressource en eau entre tous les usagers, ou encore d’évaluer les impacts sur la production agricole, sur les revenus des agriculteurs, et sur la viabilité des filières avales, de réductions potentielles d’allocation en eau pour le secteur agricole.
Quelle est votre actualité récente ?
Le 30 juin dernier a eu lieu la publication de l’Agenda Stratégique de Recherche et d’Innovation mis en place dans le cadre européen et dont j’assure la coordination au niveau européen.
Plusieurs axes de recherche et d’innovation ont été mis en priorité et les budgets sont en train d’être rassemblés auprès des Etats membres et de la Commission européenne, afin de lancer au plus vite les premiers grands projets : la recherche se poursuit et progresse.
La Meuse © Alain Dutartre Irstea