L’eau et l’assainissement, moteurs de l’économie verte
Chaque jour, 200 000 êtres humains supplémentaires viennent accentuer la pression sur les ressources, et nous serons 9 milliards en 2050, principalement dans les villes. Dans ce contexte, il ne peut y avoir de développement économique sans un accès à l’eau et à l’assainissement.
Accéder à une eau de qualité, éloigner les eaux usées des habitants, préserver l’environnement aquatique des pollutions urbaines et industrielles et gérer les eaux pluviales, tout cela nécessite, certes, des investissements lourds.
Mais les conséquences externes positives générées pour l’économie sont très élevées. Les travaux de l’OMS dans les pays émergents montrent qu’un dollar investi dans l’eau génère un bénéfice de deux dollars pour la société. Dans l’assainissement, le rapport est de cinq pour un.
REPÈRES
La hausse démographique, l’urbanisation du monde, le changement climatique et ses impacts ainsi que la diminution des ressources naturelles mettent à mal le modèle sur lequel s’est fondée la prospérité économique des sociétés occidentales.
Le développement d’une « économie verte » n’est pas un luxe, mais une nécessité. La crise s’installant, le concept semble cependant s’étioler, et même le sommet de la Terre « Rio + 20 » n’a pas pleinement réussi à ancrer ce concept dans le concret.
Les débats sont focalisés à présent, en France en particulier, sur l’industrialisation et la création d’emplois, en semblant oublier parfois la couleur de la croissance.
Un développement économique et sociétal
Dessaler l’eau de mer
La plus grande usine de dessalement d’eau de mer vient d’être mise en route en Australie, à Melbourne. Cette technique a longtemps été considérée comme énergivore, avec un impact non négligeable sur l’environnement. Les innovations technologiques permettent aujourd’hui de la rendre attractive et compétitive.
À Melbourne, la consommation d’énergie est réduite à moins de 3 kWh/m3, et elle est « verte » puisque assurée par un champ d’éoliennes
Ces effets sont le résultat de gains de temps liés à l’accès à l’eau et à l’assainissement, de gains sur la santé (mortalité et maladies en baisse, arrêts de travail réduits, productivité) ainsi que de la possibilité de développer des activités économiques grâce à la meilleure gestion des ressources en eau (tourisme, industrie).
Un territoire qui dispose de services publics d’eau performants, peu sensible au changement climatique et qui sait se protéger des risques d’inondation ou de stress hydrique est ainsi plus attractif pour les industries et les activités économiques qui veulent s’y développer.
Dans une période où les villes sont en compétition, gérer efficacement ses services d’eau est donc un atout majeur pour un développement harmonieux du territoire.
Le premier défi de la croissance verte
L’eau et l’assainissement, sources d’innovations pour rendre la croissance plus verte
Pour faire face aux enjeux de la croissance verte, les métiers de l’eau innovent sur l’ensemble du cycle naturel de l’eau. De nombreuses solutions, qu’elles soient techniques ou sociétales, ont été développées pour préserver et diversifier les ressources en eau, traiter les nouvelles formes de pollution, protéger la biodiversité, mais aussi construire une gouvernance rénovée avec les collectivités et œuvrer pour une plus grande solidarité dans l’accès aux services d’eau et d’assainissement.
En ce qui concerne l’usage de ressources alternatives, un panel de solutions existe. Il va de la recharge artificielle de nappes (comme c’est le cas dans les usines de l’Ouest parisien de la Lyonnaise des eaux), à la réutilisation des eaux usées traitées (technique sous-utilisée en France, mais qui permet de mobiliser pour des usages agricoles ou industriels principalement une ressource de bonne qualité à moindre coût). À l’autre bout de la chaîne, le développement de compteurs intelligents permet à chacun de mieux maîtriser sa consommation.
À Malte, Suez Environnement a ainsi installé 250 000 compteurs intelligents pour faire face aux enjeux de gestion de la ressource en eau sur l’île. Ces innovations requièrent le développement de nouveaux métiers et savoir-faire, en particulier dans le domaine des NTIC appliquées à l’eau et à l’environnement et dans celui de l’ingénierie écologique.
Optimiser les flux
La croissance verte repose également sur une optimisation globale de la gestion des flux : eau, déchets, énergie. Les stations d’épuration ont vocation à devenir des unités de production de bioénergie.
Accompagner les PME
Les groupes internationaux organisent autour d’eux une filière éco-industrielle à laquelle participent de nombreuses PME et PMI : on aurait tort de chercher à les opposer.
L’innovation a besoin de nouveaux talents, de nouvelles compétences et de capitaux. Il faut encourager la création et l’entrepreneuriat, valoriser les réussites et ne pas stigmatiser les échecs.
Parce qu’ils reposent sur une large base de clients et de marchés potentiels, les grands groupes doivent accompagner les PME et PMI et agir en catalyseur de l’innovation.
À Suzhou, en Chine, ce principe d’économie circulaire a été mis en œuvre en couplant à une centrale thermique existante un centre de séchage de boues d’épuration. L’énergie de la centrale permet de sécher les boues, qui sont à leur tour valorisées en combustible alternatif au charbon pour produire de l’électricité.
À As Samra, en Jordanie, l’usine d’assainissement est autonome en énergie grâce à la production de biogaz et à la récupération de l’énergie hydraulique des effluents.
À Cannes, la nouvelle station d’épuration, Aquaviva, sèche les boues et les valorise en combustible alternatif en cimenterie. Une partie de l’énergie nécessaire est également produite sur place à l’aide de panneaux solaires. Ces solutions locales permettent à la station d’afficher un bilan carbone neutre.
À Santiago du Chili, le biogaz produit par le traitement des eaux est réinjecté dans le réseau de gaz de ville.
Ces exemples illustrent la nécessité de mettre en œuvre des solutions adaptées à un contexte local et de connecter les différents flux (eau, déchets, énergie) dans une approche symbiotique des services urbains. La gestion de l’eau sous toutes ses formes (potable, usée, pluviale, récréative, réservoir de biodiversité, etc.) est ainsi une composante essentielle des « villes durables », concept exigeant de rassembler l’ensemble des acteurs de la ville autour d’une approche intégrée.
Promouvoir l’innovation
Les métiers de l’eau représentent en France 33 000 emplois directs et 46 000 indirects
L’innovation, par les solutions qu’elle permet de développer, est donc le principal moteur de la croissance verte. Celle-ci n’est pas seulement le fruit des centres de recherche des grands groupes, mais se niche également dans les universités, start-ups, PME et PMI. L’émergence « d’écosystèmes innovations » et de « filières éco-industrielles » permettront de transformer des innovations en solutions industrielles pérennes.
C’est toute l’ambition en France des pôles de compétitivité et des IEED (instituts d’excellence pour les énergies « décarbonées ») auxquels participent de grandes entreprises aux côtés de PME et PMI innovantes.
Vers une croissance plus vertueuse
L’amélioration des performances environnementales par l’innovation technologique n’est qu’un des piliers nécessaires à une croissance vertueuse. Celle-ci s’appuie également sur une plus juste répartition des richesses et doit permettre le développement harmonieux des territoires et de leur attractivité. Les métiers de l’eau sont créateurs d’emplois directs et indirects, ainsi que d’externalités positives fortes, créatrices de valeur.
Le dernier rapport du BIPE pour les entreprises de l’eau (2012) estime ainsi qu’un emploi chez les opérateurs génère environ 1,4 emploi dans l’économie. À l’échelle de la France, cela représente 33 000 emplois directs et 46 400 emplois engendrés, en majorité des emplois locaux.