L’eau, politique à compétence partagée entre UE et États membres

L’eau, politique à compétence partagée entre UE et États membres

Dossier : Les politiques publiques de l'eauMagazine N°798 Octobre 2024
Par Michel DANTIN

La poli­tique de l’eau est une com­pé­tence euro­péenne par­ta­gée entre l’Union et les États membres. La direc­tive-cadre sur l’eau et la direc­tive-cadre sur les eaux marines, décli­nées dans des direc­tives ciblées, sont ain­si appli­quées par le biais des légis­la­tions natio­nales. Le sujet de l’eau potable, sujet sen­sible pour les citoyens, a plus par­ti­cu­liè­re­ment fait l’objet de tra­vaux récents qui ont abou­ti à un accord entre le Conseil et le Par­le­ment européens.

En 1972 le Conseil euro­péen, qui s’est tenu à Paris, a décla­ré la néces­si­té d’une poli­tique com­mu­nau­taire de l’environ­nement qui accom­pagne les poli­tiques éco­no­miques. Il a appe­lé à la mise en place d’un pro­gramme d’action pour la conser­va­tion et l’amélioration de l’environnement, ain­si que pour la lutte contre les pol­lu­tions et les nui­sances. En ver­tu des articles 11 et 191 à 193 du trai­té sur le fonc­tion­ne­ment de l’Union euro­péenne (trai­té FUE), l’Union euro­péenne est com­pé­tente en matière de poli­tique envi­ron­ne­men­tale. Ses domaines d’action com­prennent la pol­lu­tion de l’air et de l’eau, la ges­tion des déchets et le chan­ge­ment climatique.

Une politique européenne

La poli­tique envi­ron­ne­men­tale euro­péenne se fonde sur les prin­cipes de pré­cau­tion, de pré­ven­tion, de cor­rec­tion de la pol­lu­tion à la source et du « pol­lueur payeur ». Pré­cau­tion : si une action ou une mesure est sus­cep­tible de nuire à l’environnement ou à la san­té humaine et qu’il sub­siste une incer­ti­tude scien­ti­fique quant à ses effets, cette action ou cette mesure ne devrait pas être mise en œuvre tant que d’autres élé­ments pro­bants n’ont pas été fournis.

Pré­ven­tion : ce prin­cipe consiste à pré­ve­nir les dom­mages envi­ron­ne­men­taux plu­tôt qu’à y remé­dier une fois qu’ils sont là ; pour ce faire, des mesures pré­ven­tives doivent être prises pour anti­ci­per et évi­ter les dom­mages environnementaux.

Cor­rec­tion de la pol­lu­tion à la source : en cas de dom­mages envi­ron­ne­men­taux, les pol­lueurs sont tenus de prendre les mesures appro­priées pour y remé­dier à la source.

« Pol­lueur payeur » : en cas de dom­mage, les pol­lueurs sont tenus de prendre les mesures appro­priées pour y remé­dier et de payer les coûts y affé­rents ; ce prin­cipe est mis en œuvre par la direc­tive sur la res­pon­sa­bi­li­té envi­ron­ne­men­tale, qui vise à pré­ve­nir ou sinon à cor­ri­ger les dom­mages envi­ron­ne­men­taux cau­sés aux espèces pro­té­gées ou aux habi­tats natu­rels, à l’eau et aux terres.

L’eau appar­tient aux poli­tiques par­ta­gées pour les­quelles l’Union arrête des direc­tives, direc­tives que chaque État doit ensuite tra­duire dans son droit national.

Le cadre européen s’impose pour l’eau

Un très grand nombre de masses d’eau, qu’elles soient sou­ter­raines ou super­fi­cielles, à com­men­cer par nos fleuves et rivières, ne connaissent pas les fron­tières ou par­ti­cipent à leurs déli­mi­ta­tions. Avoir un cadre com­mun de réflexions et d’actions s’imposait donc. Les grands acci­dents cli­ma­tiques qu’a connus le conti­nent au cours de ce demi-siècle et ses consé­quences par­fois dra­ma­tiques (séche­resse, inon­da­tions, sub­mer­sions) ont fait taire les contra­dic­teurs. Dans les décen­nies quatre-vingt et quatre-vingt-dix, de nom­breuses direc­tives ont vu le jour. Mais les États membres se heur­taient, dans leurs mises en œuvre, à des contra­dic­tions ou des manques flagrants.

“Un très grand nombre de masses d’eau ne connaissent pas les frontières.”

La directive-cadre sur l’eau, texte fondateur

C’est dans ce contexte que, à la fin des années quatre-vingt-dix, les direc­teurs de l’eau des dif­fé­rents pays de l’Union, dont Pierre Rous­sel pour la France, ont récla­mé à la Com­mis­sion euro­péenne la pro­duc­tion d’un texte-cadre dont décou­le­raient les direc­tives dites « filles ». La direc­tive-cadre sur l’eau (DCE) de l’Union euro­péenne (direc­tive 2000/60/CE) éta­blit ain­si un cadre pour la pro­tec­tion des eaux de sur­face inté­rieures, des eaux de tran­si­tion, des eaux côtières et des eaux sou­ter­raines. Les États membres sont dès lors tenus d’établir des plans de ges­tion des bas­sins hydro­gra­phiques en fonc­tion des bas­sins hydro­gra­phiques géo­gra­phiques natu­rels, ain­si que des pro­grammes spé­ci­fiques de mesures pour atteindre les objec­tifs fixés. Cette direc­tive-cadre est com­plé­tée par des direc­tives spé­ci­fiques (voir encadré).

La directive-cadre sur les eaux marines

S’inspirant de l’expérience et de l’apport de la direc­tive-cadre sur l’eau, la Com­mis­sion euro­péenne a très rapi­de­ment ensuite pro­po­sé une direc­tive-cadre sur les eaux marines. La direc­tive-cadre stra­té­gie pour le milieu marin (direc­tive 2008/56/CE) consti­tue le pilier environ­nemental de la poli­tique mari­time inté­grée de l’Union, qui a été mise sur pied pour favo­ri­ser le déve­lop­pe­ment durable de son éco­no­mie mari­time tout en pro­té­geant mieux son envi­ron­ne­ment marin. Cette direc­tive visait à par­ve­nir au bon état éco­lo­gique des eaux marines de l’Union en 2020, à pour­suivre leur pro­tec­tion et leur pré­ser­va­tion, et à pré­ve­nir leur dété­rio­ra­tion. Cette direc­tive fait elle aus­si l’objet d’une décli­nai­son opérationnelle.

Une déclinaison opérationnelle

Un règle­ment sur la ges­tion inté­grée des zones côtières défi­nit les prin­cipes de bonne pla­ni­fi­ca­tion et de bonne ges­tion des zones côtières, dont les États membres doivent tenir compte. Pour la pol­lu­tion cau­sée par les navires et l’introduction de sanc­tions en cas d’infractions, la direc­tive 2005/35/CE et sa mise à jour en 2009 visent à garan­tir que les per­sonnes res­pon­sables de rejets pol­luants en mer fassent l’objet de sanc­tions effi­caces et dis­sua­sives. L’Union a ren­for­cé son rôle dans le domaine de la sécu­ri­té mari­time et de la pré­ven­tion de la pol­lu­tion marine en créant, en 2022, l’Agence euro­péenne pour la sécu­ri­té mari­time. Celle-ci est char­gée, entre autres, de pré­ve­nir la pol­lu­tion cau­sée par les navires et de réagir à cette pol­lu­tion, ain­si que d’apporter une réponse à la pol­lu­tion marine cau­sée par les ins­tal­la­tions pétro­lières et gazières.

Un sujet qui mobilise les citoyens de l’Union

S’il est un sujet sen­sible dans l’Union, l’eau en est l’exemple. Bien que l’organisation et les pro­blèmes soient très dif­fé­rents d’un pays de l’Union à l’autre, le sujet ne cesse de pré­oc­cu­per les citoyens des dif­fé­rents États. Ain­si, la révi­sion de la direc­tive eau potable de 1998 a été ins­crite dans le pro­gramme de tra­vail de la Com­mis­sion euro­péenne (CE), dans le prolonge­ment de la pre­mière ini­tia­tive citoyenne euro­péenne « L’eau, un droit humain » (Right2Water) qui a réuni 1 884 790 signa­tures dans 13 États membres, clô­tu­rée en 2014. 

Le Par­le­ment euro­péen a exa­mi­né le 23 octobre 2018 le rap­port que l’auteur de cet article a rédi­gé sur le prin­cipe de la révi­sion de la direc­tive sur les eaux potables. À la suite des élec­tions euro­péennes et à sa non-repré­sen­ta­tion pour le man­dat de dépu­té euro­péen, le relai a été pris par Chris­tophe Han­sen, dépu­té luxem­bourgeois, qui a ain­si fini le travail.

Un mode de travail efficace

Rap­pe­lons que le rap­por­teur au Par­le­ment euro­péen est le membre du Par­le­ment char­gé de négo­cier et de réunir une majo­ri­té de pro­jets au sein de l’assemblée. Tout texte adop­té par l’Union euro­péenne doit être voté à la majo­ri­té du Par­le­ment euro­péen et pour chaque texte un rap­por­teur est dési­gné, dont la mis­sion est de pré­sen­ter au Par­le­ment un texte adop­table par la majo­ri­té de ses col­lègues. C’est une carac­té­ris­tique du Par­le­ment euro­péen que de savoir tra­vailler ain­si, sans gouverne­­ment, sans majo­ri­té ni opposition. 

Cela fait donc, depuis 1979, presque cin­quante ans que des hommes et des femmes poli­tiques fran­çais tra­vaillent de cette manière dans un contexte dont la Ve Répu­blique n’avait jusqu’à pré­sent pas l’habitude. À signa­ler que le rap­por­teur, une fois la posi­tion du Par­le­ment éta­blie, est char­gé de négo­cier avec le pré­sident du Conseil des ministres, dans le cadre de navette appe­lée « tri­logue », le texte défi­ni­tif qui sera adop­té par le Par­le­ment et le Conseil. Après trois années d’âpres négo­cia­tions, le Conseil des ministres et le Par­le­ment euro­péen sont arri­vés à un accord fin 2020. 


La DCE est accompagnée par les directives plus ciblées suivantes :

  • la direc­tive sur les eaux sou­ter­raines (direc­tive 2006/118/CE) ;
  • la direc­tive révi­sée sur l’eau potable (direc­tive UE 20202184) ;
  • la direc­tive sur les eaux de bai­gnade (direc­tive 2006/7/CE) ;
  • la direc­tive sur les normes de qua­li­té envi­ron­ne­men­tale (direc­tive 2008/105/CE) ;
  • la direc­tive rela­tive au trai­te­ment des eaux urbaines rési­duaires (direc­tive 91/271/CEE) ;
  • la direc­tive sur les nitrates (direc­tive 91/676/CEE) ;
  • la direc­tive sur les risques d’inondation (direc­tive 2007/60/CE).

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