L’eau, politique à compétence partagée entre UE et États membres
La politique de l’eau est une compétence européenne partagée entre l’Union et les États membres. La directive-cadre sur l’eau et la directive-cadre sur les eaux marines, déclinées dans des directives ciblées, sont ainsi appliquées par le biais des législations nationales. Le sujet de l’eau potable, sujet sensible pour les citoyens, a plus particulièrement fait l’objet de travaux récents qui ont abouti à un accord entre le Conseil et le Parlement européens.
En 1972 le Conseil européen, qui s’est tenu à Paris, a déclaré la nécessité d’une politique communautaire de l’environnement qui accompagne les politiques économiques. Il a appelé à la mise en place d’un programme d’action pour la conservation et l’amélioration de l’environnement, ainsi que pour la lutte contre les pollutions et les nuisances. En vertu des articles 11 et 191 à 193 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE), l’Union européenne est compétente en matière de politique environnementale. Ses domaines d’action comprennent la pollution de l’air et de l’eau, la gestion des déchets et le changement climatique.
Une politique européenne
La politique environnementale européenne se fonde sur les principes de précaution, de prévention, de correction de la pollution à la source et du « pollueur payeur ». Précaution : si une action ou une mesure est susceptible de nuire à l’environnement ou à la santé humaine et qu’il subsiste une incertitude scientifique quant à ses effets, cette action ou cette mesure ne devrait pas être mise en œuvre tant que d’autres éléments probants n’ont pas été fournis.
Prévention : ce principe consiste à prévenir les dommages environnementaux plutôt qu’à y remédier une fois qu’ils sont là ; pour ce faire, des mesures préventives doivent être prises pour anticiper et éviter les dommages environnementaux.
Correction de la pollution à la source : en cas de dommages environnementaux, les pollueurs sont tenus de prendre les mesures appropriées pour y remédier à la source.
« Pollueur payeur » : en cas de dommage, les pollueurs sont tenus de prendre les mesures appropriées pour y remédier et de payer les coûts y afférents ; ce principe est mis en œuvre par la directive sur la responsabilité environnementale, qui vise à prévenir ou sinon à corriger les dommages environnementaux causés aux espèces protégées ou aux habitats naturels, à l’eau et aux terres.
L’eau appartient aux politiques partagées pour lesquelles l’Union arrête des directives, directives que chaque État doit ensuite traduire dans son droit national.
Le cadre européen s’impose pour l’eau
Un très grand nombre de masses d’eau, qu’elles soient souterraines ou superficielles, à commencer par nos fleuves et rivières, ne connaissent pas les frontières ou participent à leurs délimitations. Avoir un cadre commun de réflexions et d’actions s’imposait donc. Les grands accidents climatiques qu’a connus le continent au cours de ce demi-siècle et ses conséquences parfois dramatiques (sécheresse, inondations, submersions) ont fait taire les contradicteurs. Dans les décennies quatre-vingt et quatre-vingt-dix, de nombreuses directives ont vu le jour. Mais les États membres se heurtaient, dans leurs mises en œuvre, à des contradictions ou des manques flagrants.
“Un très grand nombre de masses d’eau ne connaissent pas les frontières.”
La directive-cadre sur l’eau, texte fondateur
C’est dans ce contexte que, à la fin des années quatre-vingt-dix, les directeurs de l’eau des différents pays de l’Union, dont Pierre Roussel pour la France, ont réclamé à la Commission européenne la production d’un texte-cadre dont découleraient les directives dites « filles ». La directive-cadre sur l’eau (DCE) de l’Union européenne (directive 2000/60/CE) établit ainsi un cadre pour la protection des eaux de surface intérieures, des eaux de transition, des eaux côtières et des eaux souterraines. Les États membres sont dès lors tenus d’établir des plans de gestion des bassins hydrographiques en fonction des bassins hydrographiques géographiques naturels, ainsi que des programmes spécifiques de mesures pour atteindre les objectifs fixés. Cette directive-cadre est complétée par des directives spécifiques (voir encadré).
La directive-cadre sur les eaux marines
S’inspirant de l’expérience et de l’apport de la directive-cadre sur l’eau, la Commission européenne a très rapidement ensuite proposé une directive-cadre sur les eaux marines. La directive-cadre stratégie pour le milieu marin (directive 2008/56/CE) constitue le pilier environnemental de la politique maritime intégrée de l’Union, qui a été mise sur pied pour favoriser le développement durable de son économie maritime tout en protégeant mieux son environnement marin. Cette directive visait à parvenir au bon état écologique des eaux marines de l’Union en 2020, à poursuivre leur protection et leur préservation, et à prévenir leur détérioration. Cette directive fait elle aussi l’objet d’une déclinaison opérationnelle.
Une déclinaison opérationnelle
Un règlement sur la gestion intégrée des zones côtières définit les principes de bonne planification et de bonne gestion des zones côtières, dont les États membres doivent tenir compte. Pour la pollution causée par les navires et l’introduction de sanctions en cas d’infractions, la directive 2005/35/CE et sa mise à jour en 2009 visent à garantir que les personnes responsables de rejets polluants en mer fassent l’objet de sanctions efficaces et dissuasives. L’Union a renforcé son rôle dans le domaine de la sécurité maritime et de la prévention de la pollution marine en créant, en 2022, l’Agence européenne pour la sécurité maritime. Celle-ci est chargée, entre autres, de prévenir la pollution causée par les navires et de réagir à cette pollution, ainsi que d’apporter une réponse à la pollution marine causée par les installations pétrolières et gazières.
Un sujet qui mobilise les citoyens de l’Union
S’il est un sujet sensible dans l’Union, l’eau en est l’exemple. Bien que l’organisation et les problèmes soient très différents d’un pays de l’Union à l’autre, le sujet ne cesse de préoccuper les citoyens des différents États. Ainsi, la révision de la directive eau potable de 1998 a été inscrite dans le programme de travail de la Commission européenne (CE), dans le prolongement de la première initiative citoyenne européenne « L’eau, un droit humain » (Right2Water) qui a réuni 1 884 790 signatures dans 13 États membres, clôturée en 2014.
Le Parlement européen a examiné le 23 octobre 2018 le rapport que l’auteur de cet article a rédigé sur le principe de la révision de la directive sur les eaux potables. À la suite des élections européennes et à sa non-représentation pour le mandat de député européen, le relai a été pris par Christophe Hansen, député luxembourgeois, qui a ainsi fini le travail.
Un mode de travail efficace
Rappelons que le rapporteur au Parlement européen est le membre du Parlement chargé de négocier et de réunir une majorité de projets au sein de l’assemblée. Tout texte adopté par l’Union européenne doit être voté à la majorité du Parlement européen et pour chaque texte un rapporteur est désigné, dont la mission est de présenter au Parlement un texte adoptable par la majorité de ses collègues. C’est une caractéristique du Parlement européen que de savoir travailler ainsi, sans gouvernement, sans majorité ni opposition.
Cela fait donc, depuis 1979, presque cinquante ans que des hommes et des femmes politiques français travaillent de cette manière dans un contexte dont la Ve République n’avait jusqu’à présent pas l’habitude. À signaler que le rapporteur, une fois la position du Parlement établie, est chargé de négocier avec le président du Conseil des ministres, dans le cadre de navette appelée « trilogue », le texte définitif qui sera adopté par le Parlement et le Conseil. Après trois années d’âpres négociations, le Conseil des ministres et le Parlement européen sont arrivés à un accord fin 2020.
La DCE est accompagnée par les directives plus ciblées suivantes :
- la directive sur les eaux souterraines (directive 2006/118/CE) ;
- la directive révisée sur l’eau potable (directive UE 2020⁄2184) ;
- la directive sur les eaux de baignade (directive 2006/7/CE) ;
- la directive sur les normes de qualité environnementale (directive 2008/105/CE) ;
- la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (directive 91/271/CEE) ;
- la directive sur les nitrates (directive 91/676/CEE) ;
- la directive sur les risques d’inondation (directive 2007/60/CE).