L’écocertification
Développement et gestion durables : des concepts ambitieux, multiformes, qui méritent d’être précisés.
« Répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », telle est l’idée maîtresse qui est née de la prise de conscience progressive mais généralisée de la nécessité d’une utilisation raisonnée et raisonnable des ressources de la planète et d’une meilleure prise en compte du milieu naturel.
Il y eut d’abord le rappel du Club de Rome sur les limites de la croissance (1968), puis la Conférence de Stockholm (1972) sur l’environnement humain ; le principe n° 1 de cette conférence dispose que « L’homme a un droit fondamental (…) à des conditions de vie satisfaisantes dans un environnement dont la qualité lui permet de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures… »
La Déclaration de Rio (Sommet de la Terre, juin 1992) indique dans son principe n° 4 : « La protection de l’environnement doit faire partie intégrante d’un processus de développement et ne peut être considérée isolément. » Autrement dit, la protection de l’environnement ne doit pas être opposée systématiquement au développement économique, aux fonctions de l’entreprise, au progrès technologique, bien au contraire. L’environnement est considéré ici comme « l’ensemble des composantes où une activité se développe incluant les ressources naturelles, l’eau, la terre, le sol, l’air, la flore, la faune et le milieu humain« 1.
La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne adoptée récemment indique dans son article 16 qu’il convient d’associer » développement équilibré et durable, protection de l’environnement et liberté d’entreprendre « .
Ces rappels de textes fondamentaux paraissent utiles au moment où les concepts de développement et de gestion durables deviennent un leitmotiv dans les discours, les programmes et les publications, si bien qu’on ne sait plus très bien de quoi on parle, sauf à préciser les conditions d’application de ce concept.
La gestion durable appliquée à la forêt : une situation contrastée dans le monde
La forêt occupe une place particulière vis-à-vis de cette évolution des consciences politiques et de l’attente de l’opinion publique : elle constitue un réservoir d’un grand nombre d’espèces animales et végétales ; elle est un espace de découverte de la nature par excellence, elle constitue un puits de carbone avec une possibilité de stockage dans le temps ; c’est enfin une source renouvelable de produits utiles à l’homme, au premier rang desquels figure le bois. Autant de raisons d’attacher une importance particulière à la gestion durable de cette ressource essentielle.
Ce sont les forêts tropicales qui ont été, dès les années 1970, un objet de préoccupation, notamment de la part des habitants des pays industrialisés ; il est vrai qu’elles étaient – et sont toujours – défrichées ou dégradées à un rythme inquiétant, avec une menace réelle sur la biodiversité de la planète réduite d’autant. Trente ans après, malgré les nombreuses initiatives internationales telles que le Plan d’action forestier tropical (PAFT) coordonné par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), et les interventions de l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT), la situation demeure préoccupante dans certaines régions d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est2.
Depuis 1990, dans les discussions au niveau international sur les principes de la gestion durable, les pays en voie de développement, qui possèdent la quasi-totalité des forêts tropicales, ont obtenu de ne pas être les seuls accusés en matière de gestion forestière et de déforestation (disparition d’environ de plus de 14 millions d’hectares par an de forêt tropicale, soit à peu près la surface totale de la forêt française), et que le débat soit élargi à toutes les régions du monde ; et, dans l’hémisphère Nord, pas seulement au Canada ou aux États-Unis, accusés de gaspiller leurs ressources, mais également à d’autres pays, y compris ceux de l’Europe occidentale, alors que ces derniers estimaient que la gestion patrimoniale (en bon père de famille) de leurs forêts et de strictes mesures réglementaires les exonéraient de cette mise en cause.
Ce sont les pays européens qui ont réagi les premiers. Dans le cadre du processus des Conférences ministérielles paneuropéennes sur la protection des forêts en Europe (initié par la France et la Finlande en 1990 à Strasbourg), une définition commune de la gestion forestière durable est adoptée à Helsinki en 1993, et deux ans plus tard un accord se fait sur une liste de six critères (les critères d’Helsinki) et de 27 indicateurs quantitatifs correspondants au niveau national, liste complétée avec des recommandations pour la gestion forestière au niveau opérationnel à Lisbonne en 1998.
Tous ces éléments constituent autant de références pouvant servir pour des démarches au niveau européen visant à garantir la « durabilité » de la gestion et sur lesquelles va s’appuyer le dispositif de certification forestière paneuropéenne (Pan- European Forest Certification ou PEFC) décrit plus loin.
Les autres pays développés, avec quelques pays tempérés en développement comme le Chili, mettront eux aussi en œuvre un processus plus informel à partir de 1993 avec une première réunion à Montréal (d’où le nom de Processus de Montréal) aboutissant à l’adoption de sept critères (les six d’Helsinki plus un sur les outils de la gestion forestière) et 67 indicateurs de gestion forestière durable3.
Les six critères d’Helsinki, qui englobent les fonctions économiques, écologiques et sociales des forêts, offrent une grille de lecture de la gestion durable appliquée à la forêt et sont :
- conservation et amélioration appropriée des ressources forestières et de leur contribution aux cycles mondiaux du carbone,
- maintien de la santé et de la vitalité des écosystèmes forestiers,
- maintien et encouragement des fonctions de production des forêts (bois et produits non ligneux),
- maintien, conservation et amélioration appropriée de la diversité biologique dans les écosystèmes forestiers,
- maintien et amélioration appropriée des fonctions de protection de la gestion des forêts (notamment sols et eau),
- maintien d’autres bénéfices et conditions socioéconomiques.
Parallèlement aux démarches ci-dessus qui impliquaient les gouvernements a été développé, dès 1993, par des ONG environnementalistes et plus particulièrement à l’initiative du Fonds mondial pour la nature (WWF), un système de règles pour la gestion durable et d’attestation de celle-ci (ou certification) appelé FSC (Forest Stewardship Council) qui établit dix principes et critères pouvant être déclinés suivant les pays et les régions et dont le respect doit permettre d’apporter la preuve d’une gestion forestière durable.
D’autres pays comme le Canada ou les États-Unis dans la même période (1990−1995) ont cherché à mettre en place leur propre système d’attestation d’une gestion durable face aux critiques d’exploitation excessive de leurs ressources (systèmes de l’Association canadienne de normalisation (CSA), et du Sustainable Forestry Initiative (SFI) aux États-Unis).
Toutes ces réflexions et initiatives au niveau mondial avaient pour but de passer de principes généraux et relativement flous sur la gestion durable à la mise en place de systèmes perceptibles et vérifiables par l’acheteur ou le consommateur pour montrer que le produit bois acheté provenait bien d’une forêt gérée selon des critères reconnus, acceptés et publiés.
Cette évolution, notable pour les ONG environnementalistes, qui récusaient jusqu’alors le recours à des méthodes s’appuyant sur l’économie de marché, provient du fait que les pressions sur les États n’aboutissaient pas à des résultats satisfaisants, et que les opérations de boycott de produits à base de bois tropicaux peuvent induire des effets pervers : privés des revenus liés au commerce du bois, les pays tropicaux et leurs populations n’ont d’autres solutions que de défricher la forêt pour pratiquer des cultures de rente ; le remède alors est pire que le mal4. Il fallait donc apporter d’autres éléments d’incitation ou d’obligation et ceci en recourant aux règles du marché, c’est-à-dire en prônant auprès des acheteurs une exigence de « certification » vis-à-vis de leurs fournisseurs.
L’apport et les limites de la certification : processus volontaire en fort développement
Il n’est pas inutile de rappeler la définition qui a été retenue en France dans le Code de la consommation pour les produits et services, mais qui peut s’appliquer aussi au mode de management.
« Activité par laquelle un organisme distinct du fabricant, de l’importateur, du vendeur ou du prestataire atteste qu’un produit ou un service est conforme à des caractéristiques décrites dans un référentiel et faisant l’objet de contrôles. »
art. L 115–27
Le développement de la certification, processus volontaire et acte commercial soumis aux lois de la concurrence, assez étranger à la fureur réglementaire française, provient de l’influence et de la demande des pays anglo-saxons ; ses principes sont régis par des systèmes normatifs internationaux (une norme est un document répondant à un besoin répété, établi de manière consensuelle et d’application volontaire). Il correspond à l’accroissement rapide des échanges mondiaux qui supposent un minimum d’accords et de règles de base entre les partenaires ; à cet égard, la normalisation complétée par la certification fournit en quelque sorte un langage commun nécessaire.
En Europe, l’Union européenne a constitué son Comité européen de normalisation (CEN). En France, la simplification des règles applicables à la certification par le ministère de l’Industrie en 1994, la demande croissante de produits avec des caractéristiques certifiées par les industriels, le développement régulier des produits agricoles sous labels (donc certifiés par un tiers), la mise en place du Comité français d’accréditation (COFRAC) chargé d’évaluer les organismes certificateurs ont contribué, depuis les années 1990, à l’essor de la certification.
Il est possible de certifier les caractéristiques ou l’origine d’un produit (à condition que la traçabilité soit établie) ; il est également possible de certifier une organisation ou un système de management (soit un système interne d’assurance de la qualité, soit un système de management environnemental). On utilise pour cela les référentiels normatifs ISO 9002 et ISO 14001 bien connus.
Dans le domaine de la forêt et du bois, c’est en recourant à cette double démarche (certification de système et suivi du produit) qu’à partir d’initiatives d’ONG (FSC) ou de gouvernements (conférences d’Helsinki et de Lisbonne) s’est mise en place la certification. La demande est multiforme, hétérogène et inconstante : il s’agit d’abord de répondre à un souci des propriétaires forestiers d’assurer la reconnaissance de leur démarche de gestion durable, mais aussi à une demande d’acheteurs (clubs d’acheteurs) ou distributeurs, ou encore à une pression plus ou moins claire et explicite de l’opinion publique prompte à croire que couper un arbre équivaut à un crime contre « l’écologie » sans chercher à comprendre que la forêt est un système vivant qui se renouvelle.
La certification suppose :
- un référentiel, c’est-à-dire un ensemble d’exigences écrites qu’il convient de respecter et qui est établi en harmonie avec un cadre général définissant les grands principes de la gestion durable ;
- un organisme demandeur qui prend l’engagement d’appliquer le référentiel (et peut être ou un propriétaire forestier public ou privé, ou un gestionnaire mandaté, ou un ensemble de propriétaires et gestionnaires ou partenaires associés à la gestion forestière) ;
- un organisme certificateur qui procède à l’évaluation de la conformité des modalités de la gestion forestière pratiquée par rapport au référentiel proposé, et qui attribue ensuite le certificat ou peut le retirer.
La gestion de la forêt comprend l’ensemble des activités de sylviculture et d’exploitation forestière. Le propriétaire indique ensuite à son acheteur que le bois provient d’une forêt gérée durablement quand il y a eu certification.
Est établie alors dans un certain nombre de systèmes (dont FSC et PEFC) la « chaîne de contrôle » dont la vérification permet d’assurer que le bois issu de forêts certifiées est suivi jusqu’à la livraison au client final. Intervient là encore un organisme de contrôle indépendant et compétent. La chaîne de contrôle concerne les exploitants forestiers, les industriels de première et deuxième transformations, les distributeurs et négociants ; elle repose sur une analyse documentée des approvisionnements et des flux de bois ; et est à la charge financière de l’industriel.
À partir de cette description, il apparaît que l’intérêt, la portée ou la valeur attribués à la certification pour attester de la gestion durable dépendent :
- du contenu du référentiel, de la pertinence des objectifs ou contraintes fixés, et des modalités choisies pour les atteindre ou les respecter ;
- de la compétence de l’organisme certificateur (autant de l’auditeur qui vérifie que du comité de certification qui prend la décision à partir du rapport d’audit qui lui est fourni). À cet égard, la garantie d’accréditation, c’est-à-dire d’évaluation régulière par un organisme supérieur au niveau national, paraît constituer une garantie minimale et nécessaire. En France, c’est le COFRAC qui intervient.
Il est encore trop tôt, comme on va le voir, pour se prononcer sur les résultats dans notre pays. Au niveau mondial comme pour d’autres applications de la certification, il apparaît bien sûr des distorsions entre pays, organismes certificateurs et référentiels, souvent pour des raisons historiques ou culturelles, si bien que la comparaison n’est pas aisée. Elle a cependant été tentée et mérite d’être poursuivie car elle est facteur de progrès.
Enfin, en supposant que des réponses satisfaisantes aient été apportées aux questions précédentes, il ne faut pas se cacher qu’en forêt deux spécificités en compliquent la mise en œuvre et l’évaluation : ce sont l’étendue possible des massifs forestiers, avec en Europe leurs multiples petites propriétés forestières, et l’échelle de temps nécessaire pour une évaluation (le cycle – ou la « révolution » dans le langage technique – d’une unité de gestion forestière pouvant souvent atteindre, ou même dépasser, un siècle).
Le développement de la certification de la gestion forestière durable : une situation paradoxale
Il est paradoxal de souligner que l’écocertification, qui visait à apporter un remède à la situation des forêts menacées (essentiellement les forêts tropicales), ne s’est que très peu appliquée à celles-ci, mais s’est par contre répandue rapidement aux forêts des pays développés, pourtant en bien meilleur état5. Ce développement est très marqué en Europe et en Amérique du Nord, avec des surfaces qui augmentent de façon exponentielle dans des pays comme la Suède et le Canada.
Les forêts dont la gestion est certifiée comme durable, selon l’un des cinq systèmes les plus développés, représentent 2,3 % des forêts du monde (en surface).
La montée en puissance de la certification traduit la prise de position, en faveur de la certification, des principaux producteurs de bois exportant sur les marchés européens et nord-américains. Ces acteurs justifient généralement leur choix par un souci d’anticipation sur l’évolution de la demande en produits certifiés. Aujourd’hui, cette demande émane essentiellement des distributeurs de certains pays, notamment Pays-Bas, Royaume-Uni, Allemagne et États-Unis. En 2000, des entreprises de dimension internationale, leaders sur leurs marchés, et divers donneurs d’ordre se sont engagés à favoriser les produits certifiés dans leur politique d’achat. De tels engagements confortent un nombre croissant de producteurs de bois dans l’idée que la certification est devenue nécessaire pour préserver leurs parts de marché6.
La naissance et le développement de PEFC en Europe
Le dynamisme propre du système non gouvernemental FSC et le soutien que lui apportent des associations environnementales multinationales comme WWF expliquent en partie son développement important dans le monde (28 millions d’hectares, dont 70 % en Suède, Pologne, Royaume-Uni et États-Unis). Mais la structure des référentiels qu’il utilise, qui spécifient dans le détail un grand nombre d’exigences formalisées, paraît mal adaptée au caractère très morcelé de la propriété forestière en Europe, et entraîne un coût rédhibitoire de certification au niveau de chacune des très nombreuses petites propriétés. En outre, la représentation des propriétaires et gestionnaires forestiers et des industriels dans les organes de décision est apparue insuffisante. Tout ceci explique que la grande majorité des pays européens a cherché à élaborer un système propre mieux adapté à leurs conditions et fondé sur des principes ayant fait l’objet d’accords gouvernementaux.
PEFC en Bourgogne
La Bourgogne a été la première région française écocertifiée. C’est le résultat de quatorze mois de travail, du 13 octobre 2000, création de l’Association bourguignonne de certification forestière (ABCF), au 13 décembre 2001, obtention de l’agrément de la part de la Société d’audit indépendante Ecopass. Depuis la fin 2001, l’ABCF délivre des certificats PEFC qui attestent que les bois vendus sont issus de forêts gérées durablement.
Actuellement, plus de 10% de la superficie des forêts bourguignonnes sont certifiées PEFC, et l’objectif ambitieux que nous avons est, à fin 2003, d’atteindre 40% de notre superficie forestière, soit environ 400 000 ha. Cet objectif peut être atteint : si le plus petit propriétaire écocertifié possède en Bourgogne 1 ha , 2 500 propriétaires ont un plan de gestion (lequel est obligatoire, aux termes de la loi, pour les propriétés forestières de plus de 25 ha d’un seul tenant), ce qui correspond à une surface de près de 300 000 ha. Les premiers lots de bois bourguignons écocertifiés PEFC ont été sciés en Bourgogne le 30 avril 2002 aux établissements DUCERF, et, à l’automne, les cahiers des charges de ventes de bois vont voir apparaître la mention “Bois issus de forêts gérées durablement ”.
L’enjeu en Bourgogne n’était pas mince. Dans le monde, il y a environ soixante-dix fois la surface de la Bourgogne forestière qui est écocertifiée. La plupart du temps, il s’agit de propriétaires, ou de concessionnaires, très importants à l’échelle française (plusieurs dizaines de milliers d’hectares, voire plusieurs centaines de milliers d’hectares). Or, la Bourgogne compte 165 000 propriétaires, et l’écocertification est effectivement ouverte à tous ces propriétaires qu’ils aient un, cent, mille, dix mille ou cent mille hectares.
Cette offre du service de l’écocertification à tous les sylviculteurs bourguignons permet ainsi d’éviter que se crée une forêt à deux vitesses : la forêt mondiale, avec de grands ensembles, parfois cotés en Bourse, qui vend sous une marque mondiale, et la forêt française, morcelée entre quatre millions de propriétaires, où seuls les plus gros sylviculteurs auraient pu avoir accès à ces marques mondiales et donc au marché mondial.
“ S’écocertifier” en Bourgogne, c’est non seulement bénéficier de la marque numéro un mondial – PEFC –, c’est aussi régler sa cotisation (10 € de frais fixes et 0,10 € par hectare et par an, cette partie variable n’étant prélevée que pour les propriétaires de plus de 4 ha), et c’est prendre les quinze engagements du sylviculteur bourguignon. Ces engagements sont publics, ils sont simples et ils respectent les principes du développement durable : le développement économique (c’est-à-dire la prospérité du sylviculteur) respectueux de l’environnement, et favorisant le progrès social.
L’ABCF a réalisé un état des lieux de la forêt bourguignonne, et défini une politique de qualité de cette forêt avec quinze objectifs revus tous les cinq ans après évaluation. Ceci s’est fait par consensus avec tous les partenaires représentés dans trois collèges : celui des producteurs, celui des transformateurs, et celui des “utilisateurs de la forêt ” – écologistes, consommateurs, randonneurs, chasseurs, responsables des sites…
Ce sont ce consensus et cette implication de tous ces partenaires, qui se manifestent dans la mise en oeuvre du système PEFC, qui font la richesse et la force de la politique forestière de développement durable en Bourgogne.
président de l’Association bourguignonne
de certification forestière
En juillet 1998, les fédérations de propriétaires forestiers de six pays forestiers européens les plus importants – Allemagne, Autriche, Finlande, France, Norvège et Suède -, des industries du papier, du carton et de la cellulose, et des associations de protection de la nature et de consommateurs ont proposé de créer un système, le Pan European Forest Certification (PEFC).
Le PEFC se donne deux objectifs :
- créer un cadre commun à l’ensemble des pays adhérents afin de promouvoir la gestion durable de la forêt ;
- proposer aux consommateurs des produits certifiés et labellisés provenant de forêts gérées durablement.
À partir de cette démarche initiée par les présidents des fédérations nationales de propriétaires forestiers de ces six pays, le Conseil paneuropéen de certification forestière, association à but non lucratif, a été créé le 30 juin 1999 au Luxembourg.
Le 20 juillet 2001, la France a été le huitième pays à pouvoir disposer pour sa filière bois-papier d’un système de certification reconnu par le Conseil PEFC, après la Finlande, la Suède, la Norvège, l’Allemagne, l’Autriche, la Lettonie et la République tchèque. Le 15 octobre 2001, la Suisse a également été reconnue par le Conseil PEFC. Depuis, quatre autres pays disposent d’un système de certification reconnu par le Conseil PEFC : l’Espagne, le Royaume-Uni, le Danemark et la Belgique.
D’autres pays sont actuellement soumis à l’étude de leur système de certification national comme la Lithuanie, le Portugal. Enfin, l’Italie, les États-Unis et le Canada ont rejoint le Conseil PEFC en tant que membres depuis juin 2001.
LA PEFC en Bourgogne (voir article associé)
Les principes de la certification du système PEFC
Les principes européens de base sont les suivants :
- concertation et recherche du consensus entre tous les acteurs économiques et sociaux de la filière forêt bois,
- regroupement des propriétaires à un niveau jugé significatif pour apprécier la qualité de la gestion durable,
- utilisation des principes d’Helsinki et de Lisbonne pour écrire les référentiels,
- recours à un tiers indépendant accrédité pour la certification.
Outre ces principes, la France a mis l’accent sur :
- le rôle essentiel de l’Office national des forêts (ONF) pour la forêt publique et des Centres régionaux de la propriété forestière (CRPF) pour la forêt privée,
- l’engagement individuel des propriétaires forestiers,
- le principe d’amélioration continue et l’analogie de son référentiel avec ISO 14001,
- la complémentarité de la démarche avec les dispositions du Code forestier,
- le recours aux régions pour constituer le cadre de définition et d’application de la politique de gestion durable.
La situation en France en 2002
En juillet 2001 a été créée l’Association française de certification forestière (AFCF) destinée à définir au niveau national le cadre général de travail, à donner les impulsions nécessaires et à assurer le suivi des opérations notamment la mise en marche de la chaîne de contrôle réalisée de manière homogène sur tout le territoire. Les vingt entités (ou associations) régionales ont été créées en 2001. Fin octobre 2002, 11 régions françaises sont certifiées et on peut penser que l’ensemble des régions le sera courant 2003 (voir l’encadré par Renaud Abord de Chatillon pour la région Bourgogne). La moitié de la production française pourrait ainsi être certifiée d’ici fin 2003.
La chaîne de contrôle a commencé à fonctionner en mars 2002, et il devrait y avoir bientôt une quantité de bois significative avec le logo PEFC dans les surfaces de vente. Jusqu’ici en effet la marque FSC était mieux connue que PEFC des distributeurs à cause de son dynamisme commercial et du fait de son antériorité, même si FSC s’est heurté à un problème d’offre très limitée, et essentiellement constituée de résineux.
Fin octobre 2002, 43 entreprises ont déjà obtenu la certification PEFC de leur chaîne de contrôle dans les différents secteurs d’activité (exploitation forestière, sciage, fabrication de panneaux, de parquets…).
Des questions pour conclure
Quelle sera la demande du marché ? Il est prématuré d’apporter une réponse mais il est certain que ce seront les grands donneurs d’ordre et les grandes chaînes de distribution qui pèseront sur l’avenir de cette démarche. Le consommateur, quant à lui, peut se réjouir d’une démarche qu’il constate, qu’il comprend plus ou moins bien, mais qu’il ne semble pas disposé à payer dans sa grande majorité.
Il faut tout de même rappeler que la finalité réelle de la certification forestière est de promouvoir la gestion durable, et non de « verdir » l’image de marque de telle ou telle chaîne, ou d’augmenter le chiffre d’affaires de tel organisme de certification. Par rapport à cette finalité première, la capacité de la certification reste encore à prouver. Et ceci vaut pour l’ensemble des systèmes de certification forestière quels qu’ils soient.
Cependant, on peut dès maintenant noter en France, comme le fait Lanly dans l’article déjà cité de la Revue forestière française de juin 2001, un certain nombre de points positifs :
- sur le plan législatif : la nouvelle loi d’orientation sur la forêt (juillet 2001) a reconnu la prééminence de la gestion durable ; elle a renvoyé à la certification comme outil de preuve et de progrès mais n’a pas cherché à empiéter sur cette démarche volontaire, ce qui pour un pays de droit comme la France est à souligner ;
- sur un plan pratique, le système qui se met en place, et dont on souhaite le succès, bouleverse des habitudes séculaires : le système forestier français a toujours été très centralisé, qu’il s’agisse du secteur public ou du secteur privé ; or, ici, il s’agit de donner un peu d’espace de liberté et d’initiative aux régions et aux acteurs locaux. Ceci est d’autant plus notable qu’il faut rappeler que c’est par cette voie-là, de l’initiative locale, que la politique de qualité s’est développée dans le secteur agroalimentaire. On peut penser qu’il en sera de même pour la forêt, ce qui suppose que les entités régionales voient reconnues leurs prérogatives et leur capacité d’initiative ;
- la création des entités régionales nécessite et favorise un échange et une concertation qui doivent aboutir à des décisions consensuelles entre différents partenaires : propriétaires, gestionnaires, exploitants, industriels, milieu associatif (comme France Nature Environnement). Ces partenaires n’avaient pas nécessairement jusqu’ici cette habitude.
Cet aspect positif de l’information et d’une nécessaire communication interne et externe doit être souligné. Il fait partie des principes adoptés au Sommet de Rio et des exigences de la norme ISO 14001 de management environnemental que le PEFC utilise comme outil.
Il s’agit là de prémisses favorables mais il faudra dans les années à venir que la rigueur dans l’application succède à l’ambition dans les objectifs si on veut transformer l’essai.
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1. Définition de la norme internationale ISO 14001.
2. Extrait d’un article de J.-P. LANLY (57) dans la Revue forestière française, n° 6, 2001.
3. Article de J.-P. Lanly déjà cité.
4. Article par H. Brediff, G. Couderc et J. Sturm dans la Revue forestière française, n° 6, 2001.
5. Cf. article de J.-P. Lanly déjà cité.
6. Source AFOCEL.