L’École de la deuxième chance : un accompagnement individuel
Comme tous les jeunes de cette tranche d’âge (18 à 25 ans), ils sont enthousiastes, dynamiques mais n’ont pas toujours confiance en eux ni dans leur environnement. Plus que d’autres jeunes de cette classe d’âge, ils ont manqué et manquent encore des repères qui permettent de grandir, des connaissances, des ouvertures et des contacts nécessaires pour s’orienter. Leur expérience de la vie a souvent été précocement marquée par des échecs, des violences, des situations de vie très difficiles sur les plans économique et social. Certains sont d’anciens » décrocheurs scolaires « , qui ont mûri et se rendent compte de leurs lacunes, d’autres ont connu des déracinements, d’autres ont dû arrêter l’école pour des raisons de force majeure (maladie, grossesse), d’autres se sont laissés embarquer dans des histoires qui ont pu les conduire à l’incarcération. Ils conjuguent souvent plusieurs de ces caractéristiques.
Seize écoles en France
Le concept d’École de la deuxième chance est né du Livre blanc de la Commission européenne, présenté en 1995 par Édith Cresson. En France, l’exemple historique de Marseille a été porteur d’un essaimage positif, avec aujourd’hui 16 écoles qui représentent 44 sites en activité sur 12 régions et 25 départements. Elles ont pour objectif l’intégration professionnelle et sociale stable de jeunes âgés de 18 à 25 ans, sortis du système éducatif sans qualification ni diplôme. Elles ont accueilli en 2008 plus de 4700 jeunes ; 62% des stagiaires qui suivent le parcours trouvent une solution positive à leur sortie, la moitié d’entre eux vers l’emploi et l’autre moitié vers une formation qualifiante.
La volonté d’en sortir
Tous ont la volonté de s’en sortir, c’est-à-dire de construire leur vie d’adulte grâce à l’emploi qui leur apportera une autonomie financière et sociale. Ils sont conscients de leurs lacunes et prêts à faire confiance et à fournir les efforts nécessaires pour réussir.
Un parcours exigeant
Tout le dispositif est fondé sur la responsabilité et la prise de responsabilité. En Seine-Saint-Denis, le candidat qui veut s’inscrire le fait volontairement et en connaissance de cause. Le parcours est exigeant, à l’image des exigences d’un emploi : 35 heures par semaine, ponctualité, respect de ses engagements et du règlement intérieur.
En fin de parcours une attestation des compétences acquises est délivrée
Tout parcours commence par une période d’essai d’un mois qui permet au candidat comme à l’équipe pédagogique de vérifier que l’E2C répond aux attentes et que les conditions sont réunies pour assurer la réussite du parcours. Au cours de cette période d’essai des positionnements sont effectués qui permettent d’assurer un enseignement individualisé dans chaque discipline, un premier travail est effectué sur le projet professionnel. En fin de période d’essai un premier bilan est effectué, assorti d’un premier plan de formation. Un contrat d’engagement est signé par lequel le candidat s’engage à utiliser les moyens mis à disposition pour assurer sa réussite et l’E2C s’engage à mettre ces moyens à disposition. En fin de parcours une attestation des compétences acquises est délivrée, elle permet au stagiaire, à un employeur, à un centre de formation d’identifier les acquis. Le parcours se déroule en alternance. Les stages en entreprise représentent la moitié du temps. Ils permettent aux stagiaires de prendre contact avec la réalité de l’emploi, de choisir leur voie professionnelle et de développer et valider leurs compétences avec le tuteur.
Une école différente
Qui sont-ils ?
2 % sont des travailleurs handicapés, 10 % ne sont pas de nationalité française, 22 % sont demandeurs d’emploi depuis plus d’un an, 55 % n’ont aucune expérience professionnelle, 93 % d’entre eux sont de niveau V (BEP) ou moins, leur moyenne d’âge est de 20,5 ans, 55 % sont des femmes.
L’E2C est bien une école parce que c’est un lieu où l’on apprend, mais c’est aussi une école différente. L’enseignement en français, mathématiques, informatique, anglais, culture générale est assuré de manière individualisée. Chaque élève progresse, avec l’appui des formateurs, selon son niveau, son rythme et ses objectifs professionnels. Il n’y a pas de notes ni de professeurs mais des ateliers de travail, des formateurs et des évaluations qui permettent de mesurer les progrès accomplis.
En Seine-Saint-Denis on enseigne également la philosophie, un cycle de visites citoyennes est organisé sous la houlette d’un historien (Panthéon, Institut du Monde arabe, musée de l’Histoire juive, basilique Saint-Denis), un temps est consacré au théâtre, aux activités sportives et culturelles, des projets de sortie, voire de voyage à caractère pédagogique sont organisés, souvent à l’initiative des stagiaires et avec leur implication.
D’une manière générale, l’E2C place les élèves en situation d’exploiter des aptitudes indispensables à une insertion professionnelle : capacité à s’organiser, monter des projets, travailler en équipe.
Trouver sa voie
La basilique de Saint-Denis, une visite citoyenne sous la houlette d’un historien. |
La réussite à l’E2C c’est l’histoire d’un jeune qui a trouvé sa voie.
Celui qui, à la sortie de l’E2C, devient agent de sécurité dans la grande distribution et à qui l’employeur comme les clients pourront faire confiance, ou celle qui élève seule ses deux enfants et qui, en fin de parcours, a trouvé un emploi de caissière qui lui convient. C’est aussi l’histoire de celui qui, quatre ans après sa sortie de l’E2C, travaille dans une SSII, manage une équipe de 10 personnes et continue de se former et de se qualifier ou celle de cette jeune femme qui témoigne de son parcours après l’E2C : après avoir obtenu son BEP de secrétaire, puis son bac pro en alternance, elle prépare un BTS d’assistante et emmène sa fille de dix ans voir La Joconde, qu’elle a » rencontrée » à l’E2C.
Un long parcours
Il faut d’abord prendre en compte la durée (jusqu’à 1 400 heures et plus), mais les sorties sont permanentes et, pour chaque stagiaire, la durée du parcours, non définie à l’avance, varie en fonction du temps nécessaire à l’aboutissement concret de son projet professionnel. Cette durée est parfois insuffisante pour reprendre confiance en soi, effectuer les remises à niveau nécessaires, trouver un employeur, régler des difficultés sociales, familiales et médicales.
L’individualisation et le suivi très qualitatif imposent de travailler avec un petit nombre de stagiaires. Une E2C ne ressemble pas à une école ordinaire, c’est un lieu de travail où tout le monde se connaît et où chacun sait ce qu’il a à faire.
Les entreprises permettent aux jeunes de découvrir les métiers
Les formateurs travaillent à temps plein et sont impliqués dans toutes les activités de l’école : recrutement des stagiaires, visites des stagiaires en entreprise, conception des outils pédagogiques, animation des ateliers, évaluations, bilans, encadrement des différentes activités, etc. Ils connaissent bien la situation de chaque jeune et leur travail est structuré par un travail d’équipe qui permet d’échanger les informations et de prendre les décisions de manière éclairée.
Ainsi, les E2C font un véritable travail d’orientation ou de réorientation et opèrent de manière intégrée sur trois dimensions de l’insertion étroitement liées : professionnelle, éducative et sociale. L’accompagnement, très individualisé, tout au long du parcours et même au-delà, est au cœur de la complexité du travail effectué. Il s’adresse à la personne dans sa globalité, il lui permet de donner du sens à sa trajectoire et de construire une réponse personnelle face à des difficultés de différents ordres. C’est probablement la qualité de cet accompagnement qui est la marque de l’E2C et, au dire des stagiaires, la clé principale de leur réussite.
Les partenariats
Les E2C sont amenées à développer des réseaux de partenaires : les entreprises contribuent au financement des E2C. Elles permettent aux jeunes de découvrir les métiers et valident les compétences acquises en stage. Elles emploient les stagiaires à la sortie. Le choix du métier n’est pas établi à l’avance, aussi les E2C sont-elles en relation avec l’ensemble des secteurs professionnels, parmi lesquels le stagiaire va élaborer son choix et le concrétiser ; les missions locales sont le principal prescripteur des E2C. Elles jouent un rôle très important lorsqu’un travail de réorientation est nécessaire pour un stagiaire à qui l’E2C ne convient pas. Elles poursuivent leur travail d’accompagnement social pendant le parcours à l’E2C ; les organismes sociaux et médicaux (assistante sociale, CAF, services de santé, etc.) traitent certaines difficultés ; les centres de formation facilitent l’entrée des stagiaires en formation qualifiante et permettent une meilleure reconnaissance de leurs acquis.