L’École polytechnique est trop petite
L’École polytechnique est trop petite
Je souhaite réagir aux réflexions sur l’École polytechnique (La Jaune et la Rouge, avril 2008, pages 40–41). Les questions posées par la Commission Évolution de l’X sont particulièrement pertinentes mais les réponses apportées me paraissent insuffisantes.
¦Y a‑t-il un problème à l’École polytechnique ? La mise en place d’une telle commission (la dernière en date) apporte une réponse immédiate à cette interrogation : on ne se poserait pas continuellement ces questions si tout était au beau fixe. Cependant, à la lecture des conclusions, on pourrait penser le contraire.
L’article, dans son ensemble, plébiscite les actions effectuées par l’École et la Fondation.
Pour résumer :
3. les relations avec l’entreprise pourraient être approfondies, mais la Fondation s’en charge déjà ;
4. l’intégration (et l’attraction) des élèves étrangers doit être encouragée, les résultats sont déjà « significatifs », et là encore, la Fondation veille ;
5. la formation humaine est un majeur succès de l’encadrement militaire et « il faut l’en féliciter » ;
6. les partenariats extérieurs sont riches et adéquats ;
8. la réforme de l’enseignement « X 2000 » apporte une juste synthèse entre identité et normalité.
Les seuls défauts que trouve la Commission à la situation actuelle sont la complexité des parcours (réflexion 7) et la difficulté d’agir comme ascenseur social ( réflexion 2 – on ne peut d’ailleurs qu’approuver ce dernier point, mais qu’y faire ?).
Une attractivité relative
Le diagnostic est pourtant là, en réflexion 4 :
« Concernant l’origine des étrangers, on note une déficience des Européens et des Nord-Américains. On peut certes essayer d’y remédier, mais il est plus important d’attirer les puissances émergentes. »
Quelle meilleure preuve de l’attractivité de l’X que d’attirer des élèves provenant des pays dont les établissements sont prestigieux ?
Attirer les « puissances émergentes » est capital, mais comment faire pour attirer ces élèves plus que nos vrais rivaux, les établissements européens et nord-américains ? Et quelle meilleure preuve de l’attractivité de l’X que d’attirer des élèves provenant de ces pays dont les établissements sont si prestigieux ? Pour exemple, l’École envoie tous les ans environ 30 élèves à Stanford ; combien d’élèves de Stanford accueille-t-elle ? (réponse : zéro). Combien d’élèves brillants, à qui l’on offrirait le choix entre cette université et notre École, rejoindraient l’X ? L’attractivité de l’X n’a jamais été mise en doute, c’est son attractivité relative qui pose problème. Et la déficience d’étudiants européens ou nord-américains en est le symptôme. Juger l’attractivité de l’École sur le nombre d’étudiants étrangers est nécessaire, mais certainement pas suffisant.
Élargir les réflexions
Il serait donc nécessaire de creuser et d’élargir ces réflexions :
1. Au service de la nation ? La devise de l’École est claire, mais comment mieux servir la patrie qu’en lui offrant un des établissements les plus prestigieux au monde ?
3. Nouer plus de relations avec l’entreprise ? Oui ! Mais comment aller plus loin ? Pourquoi la politique de stages à l’École est-elle si restrictive ? Pourquoi les élèves sont-ils si peu préparés à remplir des CV ou passer des entretiens ?
4. Intégrer et attirer les étudiants étrangers ? Bien sûr ! Mais encore faut-il un cursus simple et comparable aux universités mondiales. Et juger l’École sur les bons critères.
5. Formation humaine ? Est-ce à l’École et au ministère de la Défense d’éduquer des étudiants ? Un environnement où ne sont présents que 1 000 élèves (deux promotions), avec 85 % de garçons, et dont les profils sont similaires , est-il la meilleure école de la vie ?
6. Des fusions ? L’École pourrait gagner en masse critique, diversité des profils, formation humaine, vie étudiante et esprit d’entreprise en intégrant des disciplines différentes (droit, médecine, affaires, arts et lettres, etc.?), et ce, sans relâcher sa sélectivité.
7 et 8. La complexité du cursus ? Les universités américaines proposent une liberté quasi complète dans le choix des cours (limitée à l’X par des règles très restrictives de choix des cours et par le manque de diversité des disciplines proposées) et ne s’en portent pas plus mal. En master de Finance, Princeton, j’ai ainsi pu assister aux cours d’entreprenariat de haute technologie (dans l’école d’Electrical Engineering) et de négociation (dans l’école de diplomatie). J’aurais tout aussi bien pu prendre des cours d’histoire américaine ou de religion. J’ai énormément bénéficié de cette opportunité ; et d’après nos enseignants, les autres élèves ont également apprécié la présence d’étudiants aux profils différents qui apportaient une perspective originale.
On pourrait y ajouter d’autres réflexions :
Les universités américaines proposent une liberté quasi complète dans le choix des cours, limitée à l’X par des règles très restrictives
10. Quelle est la bonne taille pour l’École ? Une plus grande école, qui aurait largement plus que les 1 000 étudiants actuellement sur le campus, ne serait-elle pas plus attractive et plus riche ? Une masse critique n’apporterait-elle pas des « économies de réseau », créant un cercle vertueux qui attire les meilleurs professeurs et les meilleurs élèves de toutes les disciplines ? Ne permettrait-elle pas d’étendre le rayonnement de l’École ?
11. Quelle est la place de l’État et des forces armées dans l’École pour qu’autant que possible les élèves se dirigent (même à temps partiel) vers le service public ?
12. Comment l’École pourrait-elle agir comme pépinière d ’entreprises ? Puis-je rappeler que des entreprises aussi colossales et influentes que Microsoft, Facebook et Citadel Investment Group ont été créées et développées dans les dortoirs de Harvard. Les partenariats, tel le cours d’entreprenariat de troisième année commun avec HEC, vont dans le bon sens, mais est-ce suffisant ?
Intégrer d’autres écoles
Pour apporter une contribution plus constructive au débat, je proposerais l’idée que l’École est simplement trop petite. Pourquoi ne pas ouvrir (ou intégrer) plusieurs écoles de disciplines différentes, toutes sélectives, sur le même campus ?
• L’X serait l’école de sciences et d’ingénierie de ce nouvel ensemble, maintiendrait la sélection et n’offrirait le diplôme de sciences (M. Sc.) qu’aux élèves issus des classes préparatoires.
• Les cours seraient ouverts à tous ceux (juristes, médecins, etc.) qui s’y intéressent, même pendant les deux premières années du cursus (postbac) où les polytechniciens ne sont pas encore présents.
• De la même manière, les polytechniciens, bien que spécialisés en science, pourraient suivre des cours d’affaires, de droit, de médecine, d’histoire, d’art, etc.
• Quatre ou cinq promotions de 1 000 à 2 000 élèves attireraient plus de prestataires de services, offriraient une plus grande diversité de profils et une formation humaine plus conséquente, et rendraient le campus autrement plus agréable. Mieux, faire se côtoyer des scientifiques, étudiants en droit et étudiants en affaires contribuerait à l’esprit d’entreprise de façon significative. Finalement, le rayonnement de l’établissement en serait démultiplié.
On pourrait rétorquer que la sélectivité et le prestige de l’X s’en trouveraient dilués, mais rien n’empê- che les autres écoles du campus d’être aussi sélectives que l’X dans leurs disciplines respectives. L’espace n’est pas non plus un problème : l’université de Princeton, par exemple, accueille 5 000 élèves (sur 200 hectares), contre 1 000 à Polytechnique (sur 180 hectares).
Je suis conscient de la difficulté de mettre en œuvre cette proposition, et des changements colossaux que cela impliquerait. Je ne prétends pas apporter la réponse définitive, juste une proposition. J’espère que ma réaction pourra ouvrir un débat plus conséquent sur ces questions passionnantes et cruciales.
Antoine CHICHE (02)
Santé et solidarité
Je ne suis pas d’accord avec votre dossier spécial sur la Santé (La Jaune et la Rouge, décembre 2007) et en particulier sur votre comparaison entre système français et américain. J’ai vécu aux États-Unis. Ma fille y a fait sa vie. Elle fait partie de la classe moyenne, mais mes petites-filles vont acheter leurs médicaments au Canada. Le système fonctionne dans la logique du profit. Que le taux de chômage augmente et la qualité des soins en souffrira.
Le système français de Sécurité sociale est le meilleur du monde. Nous avons un système d’hospitalisation excellent. Qu’il faille introduire quelques réformes est possible, mais il faut absolument sauvegarder le principe : les employeurs et les bien-portants doivent payer pour les malades, les retraités et les pauvres. Certains soins de spécialistes sont déjà loin d’être remboursés à leur coût. Qu’en sera-t-il si les assureurs prennent les soins en compte ? C’est un leurre.