L’École polytechnique et la Chine
Les relations entre l’École polytechnique et la Chine sont relativement récentes si on se limite aux actions volontaristes.
Elles sont d’abord le fait de la Chine qui, au début des années quatre-vingt, choisit notre pays, et spécifiquement l’X, pour la formation de quelques-unes de ses élites.
Elles résultent ensuite de la décision prise par l’École, au milieu des années quatre-vingt-dix, de s’ouvrir à l’international.
Une approche contrariée
Dès la sortie des textes, fin 1995, permettant d’accueillir, par une adaptation de son concours d’entrée, des élèves étrangers n’ayant pas fait les classes préparatoires, l’École a porté une attention particulière à la Chine.
À cette époque, ce pays commençait à s’ouvrir aux entreprises étrangères. Le coût des expatriés était très élevé et la demande était forte de pouvoir avoir des cadres locaux formés dans nos universités. Malheureusement du fait du syndrome de Tianan men, l’accès aux grandes universités chinoises était encore très contrôlé et notre connaissance des milieux académiques chinois quasiment inexistante.
Pour contourner cette difficulté, s’appuyant sur une percée significative de certaines grandes entreprises françaises comme EDF, Atofina, Alstom… et les discussions en cours avec Aérospatiale sur l’avion de 100 places, l’École a essayé d’obtenir l’aide du gouvernement chinois. Cela sans résultat, car l’expérience des années quatre-vingt était considérée par le gouvernement chinois comme un échec : aucun des Chinois, triés sur le volet, formés dans nos classes préparatoires, n’avait, à l’issue de sa scolarité à l’X, regagné son pays.
Stratégiquement, la Chine acceptait de laisser partir ses étudiants pour faire des thèses, mais ne voyait aucun intérêt à leur laisser faire une formation première à l’étranger. De surcroît, une pénalité financière était imposée à ceux qui malgré tout voulaient partir. L’École a donc choisi le pragmatisme et s’est rapprochée de certaines universités.
Une implication forte
Notre première action a été en direction de l’université Fudan à Shanghai, une université réputée être sous l’influence américaine.Un des vice-présidents de cette université, le professeur Li Ta Tsien, mathématicien chinois de grande renommée, avait été invité au début des années quatre-vingt à passer une année en France. Il en avait gardé, comme beaucoup de Chinois dans ces circonstances, une grande gratitude et un fort sentiment francophile. C’est avec lui qu’a été créé l’Institut sino-français de mathématiques appliquées (ISFMA)(*) entre l’X et Fudan et c’est grâce à lui que les premiers étudiants chinois, venant de Fudan, ont été admis en 1998 à l’École.
Un accord avec l’Institut de technologie de Harbin (HIT) et le bouche à oreille ont fait que depuis 1998 ont été ou sont élèves de l’X près d’une quarantaine de Chinois originaires des plus grandes universités de ce pays dont 9 actuellement élèves de la promo 2003.
L’entrée de l’X dans ParisTech, une association regroupant onze grandes écoles d’ingénieurs de Paris (dont neuf écoles d’application de l’X) autour de l’international et en particulier la Chine avec un centre de formation à l’université Tongji à Shanghai (IFCIM)*, a donné une autre dimension à notre action en direction de ce pays. L’existence à Shanghai de ces deux pôles forts, celui de Fudan orienté recherche et celui de Tongji orienté management et ingénierie, devrait être, à terme, un axe majeur du développement de l’X et des autres écoles de ParisTech en Chine.
Des étudiants de qualité
Les étudiants chinois qui sont passés par l’X y ont, à une exception près, réussi un parcours sans faute. Il est vrai qu’être admis dans une des dix meilleures universités chinoises requiert d’être exceptionnellement bon. Quel que soit le parcours suivi, tous ces étudiants ont le désir de pouvoir un jour ou l’autre rentrer dans leur pays. La très grande majorité des polytechniciens chinois ont suivi une spécialisation à la sortie de l’X, dans la recherche ou en écoles d’ingénieurs, et certains souhaitent aller plus loin et voir comment est valorisée la formation reçue en travaillant quelques années en France. Ceux qui sont rentrés dans une entreprise attendent de voir comment celle-ci saura les utiliser en liaison avec la Chine. Étonnement, le sentiment généralement partagé est que ce n’est pas le cas.
Contrairement à ce que pouvaient penser certaines entreprises, le retour au pays ne doit pas s’accompagner d’une réduction du salaire qu’ils auraient eu ou qu’ils avaient en restant en France, ce qui peut expliquer ce qui précède. Parmi ceux qui ont choisi la formation recherche, c’est en 2004 que l’un des polytechniciens chinois admis en 1998, le premier dans son cas, devrait obtenir son doctorat, et probablement retourner dans son pays. L’École, quand elle recrute des Chinois, est en compétition avec les meilleures universités américaines. Étant parmi les meilleurs, les admis s’attendent à être recrutés comme tels et donc, comme le leur proposent ces universités, à se voir offrir des bourses au mérite. L’impossibilité encore aujourd’hui pour l’École de pouvoir afficher de telles bourses explique en partie la lente montée en puissance du nombre d’étudiants chinois admis à l’X.
L’avenir
La Chine évoluant très vite, il est nécessaire que le temps passé par les Chinois polytechniciens hors de Chine soit suffisamment réduit pour qu’ils ne reviennent pas en étrangers dans leur pays. Les progrès considérables des formations universitaires en Chine font d’ores et déjà que le modèle français de formation des polytechniciens, l’X suivi d’une spécialisation, peut s’appliquer pour eux dans un cadre de double diplôme. Ceci est particulièrement important pour les Chinois admis à l’X avant d’avoir achevé leur formation universitaire initiale (entrée à l’X après deux ou trois ans d’université chinoise), le diplôme chinois étant obtenu dans l’une des grandes universités techniques (Tsinghua, les Jiaotong, HIT…) ou scientifiques (Beida, Fudan…) du pays. Il est souhaitable aussi qu’à terme quelques polytechniciens français effectuent leur 4e année de spécialisation dans l’un de ces établissements.
Ce schéma complète le modèle récemment développé par ParisTech proposant une spécialisation des Chinois en France. Il prend tout son sens s’il est aussi complété par des collaborations accrues en recherche et développement, l’ISFMA pouvant jouer un rôle central dans le domaine des mathématiques appliquées tant dans le cadre académique que dans celui de la collaboration industrielle.
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* Informations disponibles sur le site : www.paristech.org, dans la rubrique « Actions communes »