L’écologie inachevée
Au cours d’un congrès médical, un ancien étudiant en médecine, devenu agriculteur, s’oppose avec fougue à l’idée d’adapter l’homme aux évolutions du monde par des manipulations génétiques. Impressionné, le professeur Berger, qui anime un groupe d’éminents scientifiques décidés à tout tenter pour prévenir l’apocalypse écologique, charge sa fille et collaboratrice Noélie de le rencontrer.
Herbert décrit à celle-ci les recherches agronomiques qu’il mène dans sa ferme, lui faisant découvrir du même coup les aspects méconnus des relations entre agriculture, santé publique et avenir de l’humanité. Enthousiasmée, elle décide de donner à ses travaux une publicité mondiale. Mais ils se heurtent bientôt à l’hostilité d’Horris, prédateur criminel prêt à tout pour dominer un monde déshumanisé. Un conflit sans merci est inévitable…
Nombreux extraits et premier chapitre sur le site Internet : www.ecologie-inachevee.com
C’est avec beaucoup d’intérêt que je viens de lire le roman scientifique et culturel de Michel et Bertrand Remy. On ne peut qu’être d’accord avec la plupart de leurs assertions. Quand ils écrivent : “ Il est stupide d’espérer vaincre le cancer par la découverte d’un traitement curatif tout en laissant les facteurs cancérigènes se multiplier ”, vérité éclatante, à nuancer cependant.
Le médecin que je suis a toujours le devoir de traiter, de soulager la souffrance et il faut tout faire pour essayer de guérir les malheureuses victimes du cancer. Cependant – et ils ont entièrement raison – il faut essayer de prévenir en supprimant chaque fois que possible les substances cancérigènes et elles sont très nombreuses.
Mais il ne faut pas oublier la principale d’entre elles, l’usage du tabac ; la nicotine est une des substances addictives les plus redoutables qui conduit à une absorption importante et prolongée de la fumée de tabac et des goudrons cancérigènes dont les résultats sont effroyables : 30 000 morts par an par cancers du poumon et du larynx qui, en l’absence de tabac, n’existeraient pratiquement pas.
Là encore les lobbys industriels ont joué un rôle nocif majeur, en créant artificiellement les cigarettes les plus dangereuses et les plus aptes à induire la dépendance !
Alors, comme les auteurs le disent très bien, s’acharner à trouver un traitement… c’est le tonneau des Danaïdes !
L’on est effrayé lorsqu’on lit dans des comptes rendus de congrès les “ progrès ” obtenus par telle ou telle nouvelle chimiothérapie, avec une médiane de survie passée de neuf à quinze mois… mais au prix de quelles souffrances.
En tant qu’ancien spécialiste de l’hypertension artérielle et des maladies vasculaires, je ne peux évidemment que souscrire à ce qu’ils écrivent concernant les aliments salés et sucrés et tout particulièrement toutes ces préparations “ cuisinées ” enrichies en sel (dès les aliments pour bébé), car le sel rehausse le goût et fait vendre ! Mais il est un des facteurs principaux de l’hypertension artérielle.
Même remarque pour les boissons sucrées (sodas et autres) dont on abreuve les jeunes, avec la génération d’obèses, d’hypertendus et de diabétiques déjà présente. J’ai beaucoup aimé l’expression “ l’économie parasitaire ” qui exploite cette situation et prospère sur les futures victimes.
Quant au discours de Horris, s’il est horrible dans ses déductions, il contient néanmoins certaines vérités ; mais il faudrait employer d’autres moyens pour remédier au mal.
Cependant, et c’est à partir de là où mon opinion diverge, on ne peut pas accuser les laboratoires pharmaceutiques de tous les maux. Toutes les grandes découvertes thérapeutiques – ou presque toutes – antibiotiques, hormones, neuroleptiques, antihypertenseurs leur sont dues. Certes le but est le profit, mais celui-ci est indispensable pour subventionner la Recherche et trouver de nouvelles molécules.
Pour l’hypertension artérielle, j’ai vécu l’histoire des progrès thérapeutiques depuis 1960. Avant il n’y avait rien et les malades mouraient, soit très vite (HTA maligne avec cécité, insuffisance cardiaque) soit plus tardivement (hémiplégie, coronaires, insuffisance rénale…).
Trente ans plus tard cette maladie est totalement sous contrôle, grâce à des médications diverses, actives et bien tolérées, prises au long cours. C’est un fait que j’ai vécu et qui en tant que médecin a été une immense satisfaction.
Même remarque pour les neuroleptiques et la schizophrénie. Il n’y a pas de guérison certes, mais néanmoins une amélioration indiscutable de la qualité de vie. Pour les antidépresseurs également. Il faut évidemment éviter les abus, mais c’est une joie profonde de pouvoir supprimer l’horrible souffrance morale de la dépression, tellement insupportable qu’elle conduit souvent au suicide.
Éviter et supprimer toutes les causes est préférable, mais lorsqu’il n’est pas possible de le faire, ni à court terme, ni totalement, le devoir du médecin est de soigner.
Ces remarques personnelles ne retirent rien à l’immense intérêt des données apportées par les auteurs. Il faut leur souhaiter de nombreux lecteurs, surtout parmi les politiques et les décideur
Professeur Gilbert LAGRUE
Professeur honoraire de la faculté de médecine de Paris XII
Responsable du Centre de tabacologie de l’hôpital Chenevier à Créteil
Auteur du livre Arrêter de fumer ? Éditions Odile Jacob, 2000, ouvrage dont les droits d’auteur sont attribués à la Recherche.