L’éducation, la culture
La répartition des compétences des différentes collectivités locales en France n’est pas très lisible, (c’est un euphémisme) et la future loi d’aménagement du territoire, dite loi Voynet, instituant les pays et les agglomérations comme entités morales à part entière, n’en améliorera pas la perception.
Néanmoins depuis la loi de décentralisation de 1982 (dite loi Deferre), des grands blocs de compétences semblent se dessiner :
– à la Commune, la gestion locale des équipements,
– au Département, un bloc de compétences autour du social,
– à la Région, un bloc de compétences autour de trois thèmes : l’économie, la formation et l’aménagement du territoire régional.
Groupe scolaire d’Arceau. © HARDEL
I. La formation
Se former n’est pas commode.
Se réformer encore moins.
J. Cocteau
Si l’on prend l’exemple de la formation, il faut tout de suite noter que la loi n’a transféré qu’une partie (et même une faible partie) des compétences ; pour simplifier : les murs pour les lycées, les jeunes demandeurs d’emploi pour la formation continue. Mais, et c’est ce que je vais m’efforcer de démontrer sur l’exemple de la Région Basse-Normandie, ceci a suffi pour que les régions s’affirment à cette occasion et transforment assez sensiblement le paysage éducatif.
Hostilités ou réserves sur le transfert par l’État des lycées aux régions ont laissé rapidement place à une satisfaction assez générale, due pour partie aux premières réalisations et pour partie sans doute à la façon dont les régions s’acquittèrent de leur mission de maître d’ouvrage.
Encore fallait-il très tôt vouloir associer aux programmes d’investissement de la région orientés sur la création de nouvelles capacités d’accueil que l’augmentation croissante des effectifs dans l’enseignement secondaire nécessitait une réflexion sur la situation scolaire de l’Académie et des perspectives sociales et économiques que cette situation réclamait.
La Basse-Normandie, pour sa part, a suivi ce chemin et fait en sorte que les efforts financiers consentis au titre de l’extension et de la rénovation du patrimoine scolaire ne soient pas seulement en mesure de répondre aux besoins ponctuels de la croissance des effectifs mais viennent participer au rattrapage de l’important retard scolaire de l’Académie, aider à l’augmentation du niveau de formation, favoriser un rééquilibrage des structures scolaires, apporter une impulsion aux implantations de formations, plus proches de l’usager et davantage en phase avec les possibilités de l’emploi régional. Enfin, une réflexion approfondie a amené le Conseil régional de Basse-Normandie à utiliser sa politique de formation comme outil d’aménagement de son territoire, notamment en raisonnant en termes de bassin de formation et d’emploi.
La loi de décentralisation de 1983 a donc été le premier point d’ancrage de la Région qui a englobé à sa politique d’intervention sur les lycées de nombreux facteurs socio-économiques dont il sera fait état plus bas.
Le second point d’ancrage : la parution, dix ans après la décentralisation, de la loi quinquennale sur le travail, l’emploi et la formation qui, en transférant de nouvelles compétences aux régions (formation continue des jeunes demandeurs d’emploi), leur confie la mission de coordonner tous les systèmes de formation à vocation ou à orientation professionnelles. La Basse-Normandie, justement parce qu’elle avait conditionné les opérations d’investissements dans les lycées, a une connaissance de plus en plus rapprochée de la formation des hommes et a pour ainsi dire anticipé l’esprit de la loi quinquennale. Dans ses exercices de planification (Schéma prévisionnel des formations, Plan d’évolution des formations), la Région avait notamment travaillé avec ses partenaires dans le sens d’une complémentarité des systèmes de formations, pour éviter bien entendu les concurrences préjudiciables, mais surtout parce qu’elle avait pressenti combien ces systèmes avaient tous leur nécessité, surtout à l’heure où la relation formation/emploi s’annonçait de plus en plus difficile à maîtriser, autant par les jeunes que par les employeurs.
Une approche globale de la conception des lycées qui intègre les aspects économiques et sociaux de la Région
En prenant en charge les lycées, le Conseil régional de Basse-Normandie a voulu rompre avec une conception trop souvent systématique qui avait prévalu dans le passé pour la construction des établissements scolaires : uniformisation des locaux, priorité à l’application des normes et des plans types laissant peu de liberté à l’innovation et à l’adaptation aux conditions et aux contraintes locales.
Au contraire, la Région a adopté une attitude plus pragmatique et plus concertée avec les usagers et ses partenaires, prélude d’ailleurs au sentiment de la communauté scolaire, et qui par la suite ne s’est pas démenti, qu’elle avait un interlocuteur proche d’elle et capable d’intervenir rapidement dans le cadre de ses compétences.
Mais ce pragmatisme était accompagné de certains principes qui sans être figés devaient conduire la Région à associer l’effort en faveur du progrès de scolarisation des jeunes à un renforcement des infrastructures et leur juste répartition sur le territoire.
Plus concrètement et concernant les charges et obligations qui incombaient à la Région sur les lycées, au moment crucial d’un fort besoin en capacités d’accueil (évolution démographique associée à l’objectif des 80 % d’une classe d’âge au niveau IV), la Région a souhaité que :
- les nouveaux lycées restent à une taille humaine (autour de 1 000 élèves),
– les implantations dans les villes, et même si possible dans leur centre soient préférées à des zones périurbaines,
– les allégements d’effectifs des anciens et grands lycées soient recherchés,
– les élèves soient maintenus au plus près de leur domicile ce qui impliquait la recherche de solutions en milieu rural et semi-urbain (47 % de la population bas-normande vit dans une commune rurale).
Comme on le voit, ces quatre objectifs étaient solidairement liés et chacune des approches conduites simultanément devait régulièrement permettre, non seulement de créer des places d’accueil, mais également de faire de « la place » dans les lycées pour qu’on puisse travailler dans de bonnes conditions en fonction de la filière ou du type d’enseignement choisi.
Les interventions régionales en matière de construction et de restructuration des lycées ont répondu au volume et à la diversité de la demande de formation ainsi qu’aux possibilités d’utilisation et de rénovation d’un patrimoine local
Une simple lecture rétrospective de l’évolution des effectifs du second cycle en Basse-Normandie confirme l’acuité du problème qui s’est posé à la Région.
Au total, la Région a créé dix lycées et en a reconstruit totalement deux. Sur les dix établissements créés, trois ont été implantés dans les zones rurales (Centre Manche, Bocage, Perche). Les six autres sont installés ou construits dans les villes intra-muros.
Taux d’augmentation des effectifs par ordre d’enseignement en Basse-Normandie entre les rentrées scolaires 1986 et 1991 | |
Enseignement général (seconde à CPGE) Enseignement technologique (seconde à BTS) Enseignement professionnel (BEP, Bac pro.) |
+ 40% + 38% + 53% |
Ces nouveaux lycées ont permis un délestage des grands lycées polyvalents et donc bien souvent une restructuration interne des bâtiments, des ateliers, des services de demi-pension et un desserrement des effectifs par l’apport de nouvelles classes et la rénovation des plateaux scientifiques.
Par exemple, dans trois cas, le délestage des lycées polyvalents a été obtenu par le transfert des sections professionnelles dans des nouveaux locaux neufs ou rénovés adaptés aux types de formations dispensées et pour deux cas, situés à proximité de leur ancien lycée. D’un côté, le lycée professionnel recouvrait une autonomie administrative et fonctionnelle, tout en restant associé à l’utilisation de certains équipements communs. De l’autre, le lycée polyvalent pouvait être restructuré permettant un desserrement des élèves par utilisation de salles, de plateaux scientifiques rénovés. De plus, place était faite pour renforcer les sections de classes postbaccalauréat.
Autre cas se situant à l’inverse du précédent : transformation de lycées professionnels en lycées polyvalents par adjonction de sections d’enseignement général et technologique, cette situation a convenu à des zones faiblement urbanisées, démographiquement fragiles et dont il était important que la population jeune demeure sur place et ne vienne pas grossir les effectifs des lycées urbains.
Enfin, un troisième cas de figure : la séparation d’un grand lycée polyvalent à prépondérance technologique et professionnelle en deux entités distinctes que l’espace très vaste d’implantation initiale a permis de réaliser sur le même site. Chaque lycée, l’un orienté principalement sur les formations du bâtiment, l’autre sur la productique, la micromécanique, l’électrotechnique a ainsi pu se développer sans gêne au niveau III.
Les opérations régionales d’investissement dans les lycées en phase avec l’amélioration des conditions de vie lycéenne
À la veille du transfert des compétences, le taux d’accès en seconde dans les lycées ne dépassait pas 48 %. Ce taux a progressé régulièrement (autour de 61 % aujourd’hui) mais non sans difficultés. Bien des élèves orientés en lycée avaient besoin d’aide et de soutien, d’enseignement de rattrapage, compte tenu de la fragilité de leurs acquis dans le premier cycle. La Région, pour sa part, leur est venue en aide en créant ou en harmonisant des structures d’accueil pour faciliter les travaux de groupe, favoriser une dynamique de la vie scolaire et sociale et accélérer l’insertion de ceux qui auraient encore tendance, au début des années 1990, à sortir du système scolaire après une seconde, sans diplôme.
Matériellement, un gros effort a été réalisé sur les lieux de vie, de jour et de nuit. En 2000, 85 % des internats auront été rénovés, restructurés en chambres par groupes de 3 ou 4 élèves, agrémentés de foyers, de locaux permettant des activités socio-éducatives… La Région s’est également employée à parfaire les lieux d’accueil composés d’espaces, d’expositions, d’un point de rencontre, etc., qui jouent un rôle apprécié de « sas », de détente entre le départ du domicile et le début des cours.
On le voit, les soucis d’ordre qualitatif se substituent aux exigences des années antérieures prioritairement orientées sur la création de capacités d’accueil. Constatons, par exemple, que les opérations réalisées au titre des investissements spécifiques (Centres de documentation et d’information, internats, lieux de vie, services de restauration, investissements sportifs, restructuration des ateliers…) représentent sur les cinq dernières années 63 % des dépenses de ce type d’investissement qui ont été programmées au cours des douze années suivant la décentralisation.
Un nouveau champ de compétence de la Région : la formation continue des jeunes demandeurs d’emploi
À la veille d’avoir sa compétence sur la formation continue professionnelle des jeunes, la Région constate que les jeunes demandeurs d’emploi représentent, en Basse-Normandie, un quart de l’ensemble des chômeurs… Malgré le rattrapage scolaire, le taux de scolarisation des 15–24 ans reste encore un peu en dessous de la moyenne nationale. Enfin, on estime à 28 % les jeunes en recherche d’emploi n’ayant pas de diplôme (ou inférieur au niveau V). Fait aggravant : ceux qui possèdent le niveau V (BEP-CAP), soit 53 % de l’ensemble des jeunes demandeurs d’emploi ne parviennent pas à s’employer dans des secteurs professionnels comme l’agro-alimentaire, le BTP, la manutention, le transport qui leur sont traditionnellement ouverts… Le bilan n’était pas bon et risquait de s’aggraver. Aussi, la Région a‑t-elle choisi de prendre en charge rapidement et d’organiser les actions de formation professionnelle continue destinées aux jeunes de moins de 26 ans en vue de leur permettre d’acquérir une qualification. C’est l’application du crédit-formation individualisé, désigné et personnalisé en Basse-Normandie sous le nom de « chèque-formation ».
La seconde compétence suit de près la première. Elle concerne le jeune public démuni pour lequel il convient de mettre en place des actions préparatoires et des aides à son orientation et prendre des mesures d’accompagnement. Les moyens financiers que la Région met en place sont importants et optimisent les crédits liés aux transferts des charges par l’État. Mais la Région se rend vite compte qu’une telle mission doit être pilotée de façon active avec présence fréquente sur le terrain. Loin de considérer ces transferts comme des ruptures avec les autorités anciennement compétentes dans ce domaine, la Région a passé avec elles des accords qui renforcent la coopération et donnent également un rôle accru aux missions locales.
En 1998, 3 000 jeunes bénéficient des chèques-formation et sont en mesure, après avoir utilisé leur crédit d’heures de formation, de mieux se placer sur le marché de l’emploi.
Aujourd’hui, 5 000 jeunes peuvent accéder aux actions préparatoires à la formation ou à l’emploi ; l’objectif est de leur permettre de construire leur projet professionnel, d’acquérir les apprentissages de base et de faciliter leur insertion sociale et professionnelle.
Complémentarité des systèmes de formation professionnelle dans le cadre régional
La loi quinquennale de 1993 a voulu placer la Région dans une position centrale à l’égard des systèmes de formations professionnelles initiales et continues et lui a donné mission d’observer les évolutions de la demande de formation des jeunes et des besoins des entreprises. Il convenait en effet de repenser la relation entre la formation et l’emploi sur la base de données quantitatives comparées et de repérer les facteurs qualitatifs de nature à créer de meilleures conditions d’employabilité des jeunes.
Le pilotage de cette réflexion et des préconisations régionales couvraient donc tout le champ public et privé de la formation professionnelle. La Région pouvait ainsi donner une vue d’ensemble des systèmes de formation. Le Plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes (PRDFPJ), dont la loi a confié à la Région l’élaboration, a donc été l’instrument de base des observations régionales à partir d’un recensement des flux de jeunes sortants de la dernière année de leur cycle de formation professionnelle, technologique et agricole.
Ces informations, remises à jour tous les ans, ont permis de repérer les filières ou les spécialités dont le recrutement baissait ou inversement celles qui avaient la faveur des candidats ; de constater le rythme de progression des niveaux de formation ; de vérifier le déficit de formation dans certains bassins d’emploi. Et par conséquent, ces données rapprochées des analyses des branches professionnelles sur leur besoin de renouvellement de personnels, leurs plans d’embauche ou de réduction d’effectifs, ont incité les décideurs régionaux à installer des formations de tel ou tel niveau, en fonction du vivier de demandeurs de formation ou des possibilités d’insertion sur le marché de l’emploi. Les concurrences entre systèmes de formation ont pu être évitées et transformées en complémentarités. Des choix en faveur de l’alternance ont été faits (adaptation précise à l’offre d’emploi). Dans d’autres cas ont été choisies des formations correspondant au temps plein sous statut scolaire. Globalement, les stages proposés aux jeunes en formation continue ont paru jouer leur rôle de qualification ou de renforcement à l’adaptation d’un métier.
Entre 1995 et 1998, les flux de sortie des formations professionnelles et technologiques (tous systèmes, tous niveaux confondus) ont augmenté de 9 % et on remarquera que conformément aux recommandations de la Région et de ses partenaires, les flux de sortie du secteur tertiaire ont baissé en 1998. La saturation du marché de l’emploi pour plusieurs professions, surtout pour le niveau V, commandait de limiter le nombre d’ouvertures des sections du secteur tertiaire. En revanche a été recommandé l’enseignement technologique et professionnel de type industriel où les offres d’emploi restent relativement importantes.
Enfin, dans tous les cas de figure (tertiaire, industriel, agricole), l’apprentissage connaît un regain auprès des jeunes dont les effectifs globaux croissent régulièrement en Basse-Normandie (1993 : 4 500 apprentis, 1998 : 9 800). Il est vrai que la Région a aidé au développement et à l’élévation de ce système de formation qui est le plus ancien des modes de formation professionnelle par alternance pour les jeunes allant du niveau V au niveau ingénieur (partenariat avec l’Université, BTS et postBTS, ingénieur en plasturgie). Son développement s’est fait dans l’axe des métiers peu ou pas enseignés dans les lycées (prothésiste dentaire, employé en pharmacie, boucher, charcutier, fleuriste). Avec l’ouverture de CFA industriels, des formations de ce type ont été installées mais toujours dans le respect des complémentarités entre les systèmes de formation. L’élévation qualitative de ce type de formation est exemplaire en Basse-Normandie : le développement dans l’apprentissage de niveau IV (BP-Bac Pro) qui a vu ses effectifs augmenter de 43 % en cinq ans. Le niveau III (BTS) n’est plus symbolique, les flux de sortie de ce niveau représentant aujourd’hui 5 % de l’ensemble des flux de sortie de l’apprentissage.
Une action volontaire et mobilisatrice pour le développement de l’enseignement supérieur
La Région Basse-Normandie a, depuis sa création, aidé de manière continue et volontariste le développement de la Recherche fondamentale sur son territoire ; l’implantation réussie à Caen du GANIL (Grand accélérateur national à ions lourds) en témoigne.
Depuis 1993, le Conseil régional a décidé de mener en plus une politique d’équipement en faveur de l’Enseignement supérieur qui a permis d’investir, avec l’État, près de 700 MF en sept ans avec des objectifs ambitieux :
- construire à Caen un nouveau campus scientifique,
– délocaliser à Cherbourg, Alençon, Saint-Lô l’enseignement supérieur, notamment technologique, par l’implantation d’antennes universitaires,
– porter à cinq le nombre d’écoles d’ingénieurs,
– rattraper notre retard en termes de nombre de départements d’IUT.
Ce programme est désormais achevé et les objectifs de la Région atteints.
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En résumé, cette analyse montre que, malgré un faible transfert (moins 20 % des dépenses de formation passent par la Région), un véritable « pouvoir régional » est né en dix ans en matière de formation et a permis pour la Basse-Normandie de tenir les objectifs suivants :
- rapprochement des acteurs de la formation et des acteurs économiques régionaux pour une adéquation permanente et diversifiée aux besoins des employeurs,
– rapprochement des différents systèmes éducatifs (privé, public, apprentissage, formation continue…) au vu d’une complémentarité active sans querelle stérile de chapelle,
– utilisation de la politique de formation comme outil d’aménagement du territoire régional,
– meilleure qualité d’une vie lycéenne notamment par des lycées « à taille humaine ».
II. La culture
La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme
lorsqu’il a tout oublié.
Édouard Herriot
Domaine où il n’y a eu aucun transfert régional de compétences, la culture est néanmoins un secteur auquel les régions ont attaché une attention particulière : en effet, outre ses ancrages multiples, la culture est avant tout un élément décisif pour le respect d’une notion bien contemporaine, « la qualité de vie ». Qualité de vie qui bien entendu concerne en ces années tous les secteurs de notre société : à titre d’exemple, de plus en plus le critère d’environnement culturel participe à la décision de certaines implantations industrielles.
Quoi qu’il en soit, personne n’ignore plus, à une époque où l’on parle autant de la répartition du temps, l’importance de ce que l’on appelle la culture. Les ramifications de plus en plus nombreuses qu’elle suscite avec des secteurs aussi divers que l’enseignement et le milieu scolaire ou la formation, l’économie et le social font que la notion même de vie culturelle fait désormais partie des priorités du politique.
Les Régions ont entière liberté dans la définition et la mise en place de leurs politiques culturelles. C’est pour cette raison que le paysage culturel est si divers aussi bien dans ses fonctionnements que dans ses priorités. Certaines délèguent à des structures associatives professionnelles, d’autres instaurent un système de régie directe…
La Basse-Normandie, territoire finalement assez petit, dispose d’un budget culturel important (50 MF en 1998) ce qui lui permet d’être attentive à l’ensemble des secteurs culturels. Dans une région aux réalités géopolitiques particulières (ruralité, territoire côtier et affluences touristiques…), le Conseil régional de Basse-Normandie a défini des priorités d’interventions qui participent au développement d’un véritable choix politique : la qualité de vie sur le territoire régional.
L’influence de plus en plus prégnante des activités culturelles sur les réalités sociales et économiques incite à un positionnement fort sur deux axes : l’aménagement du territoire et la dynamique de la vie culturelle en termes de création et de diffusion.
Une répartition « équilibrée » des lieux culturels sur un territoire donné est la clé de la cohérence et de l’efficacité d’une politique culturelle publique. Qu’il s’agisse de lieux de diffusion traditionnels (salles de spectacles), ou de lieux patrimoniaux réhabilités, la Basse-Normandie affiche aujourd’hui une cartographie importante et équilibrée en termes de fréquentation de public.
L’intérêt croissant du public pour le patrimoine incite les Régions à associer de plus en plus la nécessité des restaurations à la réutilisation des bâtiments restaurés. Le patrimoine monumental est ainsi maintenu en état et ouvert au public. En jumelant de cette manière la sauvegarde du patrimoine et la programmation d’activités au sein des bâtiments, une véritable dynamique touristico-culturelle s’instaure et se répercute sur l’image médiatique d’un site, sur le public local et sur les professionnels.
La conjonction de ces deux enjeux fonctionne aussi pour d’autres réalités de l’aménagement culturel du territoire. Le schéma régional d’investissement sur les lieux de spectacles doit impérativement être accompagné d’un schéma d’implantation d’équipes artistiques. De simples structures, sorte de boîtes vides destinées uniquement à l’accueil, ne peuvent fondamentalement pas justifier un investissement public. En revanche, en associant des lieux professionnels, équipés et performants, à des projets artistiques pérennisés, il est possible de réaliser un véritable travail d’éducation artistique et une dynamisation des petites et moyennes villes qui participent au maintien de la population sur ces territoires précis.
La jeunesse des Régions et leur important développement constituent pour elles de réels avantages en ce qu’elles peuvent définir leur politique culturelle en partant de constats et de bilans et ainsi ajuster, au plus proche des besoins et des priorités, leur implication.
Aujourd’hui, le Conseil régional de Basse-Normandie consacre 4 % de son budget à la culture et ce choix repose sur la conscience des enjeux que la culture peut impliquer en termes d’emploi, de formation, de développement touristique et de développement local, voire d’image (comme par exemple l’accord de collaboration entre le Conseil régional de Basse-Normandie et les Arts Florissants de William Christie).
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Là encore, la modicité en valeur absolue des interventions régionales se conjugue avec l’instauration d’un véritable « pouvoir régional » en liaison avec les trois blocs de compétences cités en introduction qui ressortent dans les faits.
Ces premiers résultats positifs après quinze ans de décentralisation devraient avoir pour conséquence un accroissement des pouvoirs locaux par la décentralisation et aussi par la déconcentration. Mais notre pays, jacobin par sa culture et son histoire, a du mal à aller dans ce sens et il est plus facile de mettre en lumière les quelques rares excès ou accidents de la vie politique locale que de calculer les coûts et de mesurer l’inefficacité d’une administration centralisée. Beaucoup de progrès reste à faire en la matière et je remercie La Jaune et la Rouge de permettre l’instauration d’un tel débat.