L’égalité des chances de réussite en éducation avec Parcoursup
L’inégalité des chances de réussite en éducation est un sujet que nous abordons de façon récurrente parce que nous pensons qu’il nous concerne. Nous avons montré comment les processus d’orientation et de sélection à l’intérieur du système éducatif pouvaient pénaliser les élèves dont les parents n’avaient pas fait d’études supérieures. Aujourd’hui nous nous intéressons au dispositif Parcoursup institué par une loi de mars 2018 pour assurer l’orientation et la répartition des bacheliers dans les formations de l’enseignement supérieur. Après avoir présenté le dispositif dans ses grandes lignes, nous examinerons dans quelle mesure sa mise en œuvre assure l’égalité des chances à tous les lycéens.
Chaque année, il faut organiser l’accès et la répartition d’environ 700 000 bacheliers dans l’une ou l’autre des 13 000 formations de l’enseignement supérieur. Cela signifie un appariement entre deux grands ensembles de données : d’un côté, celles relatives aux formations de l’enseignement supérieur, au nombre de places qu’elles offrent et aux conditions à remplir pour y être admis ; de l’autre, celles relatives aux candidats et à leurs demandes de formation dans un établissement d’enseignement supérieur.
Parcoursup, mode d’emploi
Parcoursup est un algorithme qui, en exploitant ce grand nombre de données, établit une plate-forme d’échanges où se réalisera un ajustement des demandes aux places offertes. Il succède à un autre algorithme, APB (Admission PostBac), qui a été écarté car il terminait difficilement cet ajustement, de sorte qu’il fallait procéder à des tirages au sort pour boucler les affectations.
Ce que doivent faire les lycéens
Au premier trimestre de chaque année scolaire, les lycéens des classes terminales se connectent au site Parcoursup où ils trouvent l’ensemble des formations de l’enseignement supérieur avec leurs programmes, leurs plannings, les statistiques de réussite, leurs débouchés emploi et aussi les possibilités d’aller voir ou d’avoir des contacts. Pour chaque formation, le site indique les compétences et les connaissances requises pour être admis et les critères d’examen des candidatures, notamment les taux minimums de boursiers et les taux maximums d’admissions en dehors du secteur géographique. Les lycéens remplissent une fiche de dialogue qui est examinée par le conseil de classe de décembre et qui sera revue avec les professeurs dans le courant de la procédure jusqu’au 22 janvier.
À partir de la fin janvier, les lycéens s’inscrivent sur la plate-forme Parcoursup où ils déposent leurs dossiers de candidature, avec leurs curriculum vitae, leurs notes en terminale et les évaluations du professeur principal et du chef d’établissement. Puis, durant le second trimestre, ils formulent leurs vœux, chacun avec une lettre de motivation. Ils peuvent aller jusqu’à 10 vœux qu’ils présentent sans ordre de préférence.
Réponses des établissements
À la fin du second trimestre, les dossiers des candidats sont transmis aux établissements de formation dans chacun desquels une commission les étudie, les classe et, à partir du 22 mai, commence à donner des réponses, soit admission, soit « oui si » c’est-à-dire admission si le candidat accepte de s’inscrire dans une formation de remise à niveau pour combler ses lacunes, soit inscription en liste d’attente, soit refus.
Le lycéen qui a reçu plusieurs acceptations peut soit accepter une admission, ce qui annulera ses autres demandes en libérant de la place ; soit valider une proposition, mais attendre la réponse à un autre vœu pour lequel il est en attente, attente qui peut se prolonger jusqu’au 5 septembre. À la fin du mois de juin, des dispositifs de rattrapage reprennent l’examen des dossiers des élèves qui n’ont jusque-là reçu que des refus.
Des questions sur l’égalité des chances
La procédure Parcoursup a été mise en œuvre deux fois, pour les rentrées 2017 et 2018. On lui a reproché de pérenniser l’inégalité des chances en pénalisant les candidats déjà pénalisés par la faiblesse du capital culturel de leur milieu familial. En effet, des universités ont annoncé qu’elles ne mettraient pas en œuvre la réponse « oui si » qui leur imposait d’organiser des formations de remise à niveau pour les candidats ayant des lacunes, parce qu’elles n’en avaient pas les moyens. Or cette réponse avait pour but de faciliter l’accès à l’enseignement supérieur des bacheliers de la voie professionnelle.
Pour rédiger les curriculum vitae et les lettres de motivation, pour savoir mettre en valeur les expériences extrascolaires, il faut un accompagnement que beaucoup de candidats ne trouvent pas dans leurs familles.
Les commissions d’examen des vœux pour chaque formation, qui doivent en examiner un grand nombre en peu de temps, n’ont pas d’autres informations que les notes de terminale et les évaluations du professeur principal et du chef d’établissement. Or on sait que les fils et les filles de parents instruits ont plus de chances que les autres d’avoir de bonnes notes et de bonnes évaluations.
Soupçon d’inégalités
Ce dernier argument a fait l’objet d’une communication à un colloque organisé en 2019 par l’université Paris-Sud sur le thème de la sélection dans le monde académique. Un informaticien belge, Hugues Bersini, professeur à l’université libre de Bruxelles, a soutenu que Parcoursup non seulement reproduisait les inégalités, mais qu’il les amplifiait. Admettant que les commissions d’examen des vœux classaient par ordre de préférence les candidats en fonction de l’excellence de leur dossier scolaire, il constatait que, du côté des candidats aux classes préparatoires, il existait aussi un autre ordre de préférence, celui du classement de ces dernières en fonction de la renommée de leur succès dans les résultats d’intégration à l’X.
Ce classement officieux, en déterminant le choix des lycéens, conduisait l’algorithme à affecter les meilleurs candidats dans les classes prépas les plus renommées, ceux venant en second dans les classes en seconde position dans l’ordre de préférence et ainsi de suite…, d’où un renforcement des inégalités. Mais cela ne concerne que les classes préparatoires car, pour les universités, il n’existe pas un ordre de préférence commun à tous les candidats. Or les universités accueillent beaucoup plus d’étudiants que les classes préparatoires.
Ce qu’en disent des présidents d’université
J’ai recueilli les avis de trois présidents d’université dont l’un d’eux, en tant que président de la Conférence des présidents d’université (CPU), s’exprimait devant une commission du Sénat. Leurs avis sont plutôt favorables à la procédure car Parcoursup permet d’ajuster de façon équitable les admissions aux places disponibles, assurant ainsi le remplissage sans trop-plein de toutes les formations. De plus, la procédure Parcoursup prévoit la possibilité, pour assurer la réussite des étudiants qui s’inscrivent sans avoir les bases nécessaires, de subordonner leur admission au suivi d’une formation de remise à niveau en soutien proposée par l’université. Aucun président n’a mentionné le cas des universités qui, à cause du manque de moyens, n’avaient pas mis en œuvre ces formations.
Un dispositif nécessaire et perfectible
Je conclus en citant le président de l’université de Cergy-Pontoise pour lequel « Parcoursup est une plate-forme nécessaire et perfectible ». La CPU a proposé la mise en place d’un comité de suivi « qui soit à la fois politique et technique » et dans lequel seraient représentés tous les acteurs de la procédure, notamment les lycéens. Ce comité aurait pour fonction d’analyser le fonctionnement, avec ses points faibles et ses points forts, et de faire des propositions notamment pour ce qui concerne la fixation, pour chaque formation, d’un taux minimum de boursiers et d’un taux maximum d’affectations d’étudiants résidant hors secteur.