L’énergie solaire photovoltaïque : nouvelles perspectives européennes
L’Institut Photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF) s’engage pour faire de la recherche et de l’innovation pour ses clients un véritable levier de performance économique pour ses clients, et pour permettre à l’Europe d’asseoir un positionnement fort et cohérent dans son ambition de transition énergétique. Le point avec Roch Drozdowski-Strehl, directeur général de l’IPVF et vice-président de la European Technology & Innovation Platform for Photovoltaics (ETIP PV).
L’Institut Photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF) a pour ambition de devenir un acteur incontournable de la recherche et de l’innovation dans le domaine de l’énergie solaire photovoltaïque. Comment cela se traduit-il en termes d’objectifs et de missions ?
J’ai pris la direction de l’IPVF à mon retour de Singapour, en février 2019. Ce « dernier né » en Europe de la R&D solaire photovoltaïque (PV) reflète la dynamique très concurrentielle de ce secteur, ainsi que le positionnement des forces françaises dans cette course. Labélisé Institut de Transition Énergétique (ITE), l’IPVF rassemble les équipes françaises du CNRS, de l’École Polytechnique, d’EDF, de Total et d’autres entreprises de toutes tailles. Toutes nos équipes, 200 personnes environ, partagent une conviction, l’union fait la force, et une ambition commune, sortir de nos laboratoires les prochaines solutions photovoltaïques.
Nos revenus proviennent de nos clients qui participent à la R&D collaborative que nous organisons, ainsi que de l’État, sous la forme d’une subvention. L’objectif de l’IPVF est de se spécialiser dans les liens qui associent Recherche & Industrie, Science & Verrous Technologiques qui se trouvent sur le chemin de développement des solutions actuelles et futures de nos clients. Nous les accompagnons dans la création de nouveaux produits et l’amélioration de ceux qui existent en capitalisant sur la science.
Qu’en est-il des projets emblématiques que l’IPVF a mis en place dans ce cadre ?
Notre activité repose sur un programme de R&D triennal, structuré en six piliers complémentaires. Le développement de nouvelles technologies dans le domaine de l’énergie solaire PV est au cœur de notre action. Face à la limite de performance à laquelle se heurte le marché mondial, l’IPVF développe de nouvelles générations de matériaux : les cellules tandem tout d’abord. Celles-ci se composent de matériaux pérovskites ou III‑V. En parallèle, le solaire photovoltaïque se retrouve dans une variété croissante d’applications : bâtiment, véhicule, agriculture…
À titre d’exemple, l’industrie s’intéresse à l’évolution de la tuile solaire en la déclinant sous plusieurs format et couleurs, tout en optimisant ses performances énergétiques. Nous étudions également le domaine du textile où le « light-to-power » est embarqué aux vêtements et aux accessoires. De façon générale, nous accompagnons nos partenaires et nos clients qui se posent la question de la manière dont ils peuvent devenir acteurs de la transition énergétique à travers leurs produits.
Cela implique une forte proximité avec les métiers, des essais et des recherches fluides afin de concevoir des matériaux performants, stables dans le temps et à des coûts raisonnables. Si la concurrence internationale est forte, l’IPVF se différencie par la force de frappe de ses équipes de pointe et son ambition de créer une « équipe de France » autour de nos enjeux. Nous avons déjà obtenu, en 4 ans seulement, des résultats structurants en la matière.
Quels sont les principaux défis liés au développement de nouvelles technologies de rupture dans le domaine photovoltaïque ?
À ce jour, la technologie dominante, le silicium, est limitée en théorie à 29 % de rendement. Les technologies tandems peuvent, quant à elles, dépasser des rendements de 42 %. En effet, la technologie de « tandem » consiste à associer deux couches constituées de matériaux différents et complémentaires. Pour une surface donnée, ceci permet au module de capter un spectre lumineux plus large pour générer de l’électricité.
L’enjeu est donc de trouver la bonne combinaison pour que cet assemblage de matériaux puisse valoriser davantage de l’énergie solaire reçue, sans dégrader la capacité de chacune des couches constitutives. Nos travaux s’intéressent tout particulièrement aux pérovskites qui sont relativement peu chères à produire, mais dont la stabilité dans le temps doit être assurée. En parallèle, nous explorons de nouvelles pistes afin de produire les éléments III‑V qui sont souvent utilisés dans l’industrie aérospatiale. Il s’agit de matériaux très performants mais chers à produire. Nous collaborons avec le CNRS afin de trouver des nouvelles voies de production III‑V à bas coûts.
Nous travaillons également sur les différents verrous technologiques qui correspondent aux besoins d’intégration du PV à des applications spécifiques. L’agrivoltaïque en est une excellente illustration : il s’agit d’étudier les conditions dans lesquelles les filières agricole et solaire photovoltaïque peuvent, grâce à la technologie, gagner en performance de façon concomitante. Selon la zone géographique, des panneaux semi-transparents adaptés peuvent ainsi permettre de protéger les cultures, laisser passer la partie du spectre lumineux essentielle à la performance d’une culture donnée, tout en permettant de générer de l’énergie sans artificialisation des sols.
L’enjeu est de trouver la combinaison spécifique à chaque type de végétal. Le domaine du bâtiment est passionnant lui aussi car il représente des contraintes architecturales bien précises. Nous pouvons peut-être amenés à travailler sur des teintes homogènes, ciblant une couleur brique par exemple, tout en optimisant la performance du toit ou du mur en termes de génération d’électricité.
Plus particulièrement, quelle est la valeur ajoutée de votre approche de R&D pour les acteurs industriels ?
La R&D collaborative est constitutive de notre ADN. Grâce au label Institut pour la Transition Energétique (ITE), nos clients, quelle que soit leur taille, qu’ils disposent ou non d’équipes de R&D, peuvent accéder au meilleur de ce que la recherche peut offrir, pour une fraction du coût puisqu’il s’agit d’un effort collaboratif. Nos valeurs communes, le partage des coûts et des bonnes pratiques, permettent aux acteurs de l’industrie de développer leurs produits de manière beaucoup plus rapide que ce qu’ils auraient pu faire seuls. Notre catalogue de recherche collaborative se décline ainsi en deux offres :
IPVF Enable : pour évaluer le potentiel des projets intégrants des technologies photovoltaïques à travers une étude rapide, efficace et concrète. Sa méthode peut être adaptée à des problématiques multiples : scientifiques, techniques, commerciales, ou même des problématiques d’usage. À l’image d’une étude de pré-amorçage, le programme l’IPVF Enable cible les équipes souhaitant intégrer le solaire PV à leurs produits ;
IPVF Platform : pour permettre à nos clients d’accéder à des services scientifiques d’exception, combinant notre équipement de pointe et l’expertise de nos chercheurs afin d’accélérer leurs projets de recherche photovoltaïques ou microélectroniques. Cette offre est destinée aux équipes de R&D spécialisées en photovoltaïque ainsi qu’aux start-ups et aux scientifiques.
Enfin, nous avons inauguré le 19 novembre 2020 IPVF UNITE. Il s’agit du réseau qui réunit et fait travailler autour d’intérêts communs les acteurs de notre filière, pour accélérer les projets photovoltaïques et dynamiser le progrès technique en s’appuyant sur la recherche. IPVF UNITE s’adresse donc aux grands groupes comme aux start-ups, prestataires de services ou industriels. Récemment, nous avons organisé dans le cadre de ce club deux rencontres virtuelles d’une heure, pour couvrir l’actualité européenne des pérovskites, ainsi que les opportunités à saisir dans le cadre du programme Horizon Europe. Toutes deux ont rencontré un franc succès et sont disponibles à la demande sur notre site internet ipvf.fr.
Le confinement vous a obligé à reporter à 2021 la journée de l’industrie solaire. Quelles sont les implications d’une telle décision ?
Cette journée très importante, placée sous le haut patronage de Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République, a pour vocation de réunir tous les acteurs de la filière photovoltaïque afin de faire émerger, renforcer et bâtir la filière solaire de demain. Cette année, nous avons ajusté le format de cette journée pour l’adapter aux contraintes sanitaires. À la sortie de la crise, elle aura comme objectif de faire visiter les laboratoires de l’IPVF et de présenter le concret de nos travaux de recherche.
Ce qui est très important pour nous, et que nous retrouverons lors de cette journée, est la dimension européenne de notre engagement. Les dernières prévisions confirment en effet la poursuite du rapide développement du marché mondial du solaire au cours des prochaines décennies. En Europe, cette dynamique n’a pas entraîné de croissance similaire de la capacité de fabrication du photovoltaïque. Alors que 30 % de la fabrication mondiale de produits photovoltaïques était réalisée en Europe en 2007, ce chiffre est tombé à moins de 3 % aujourd’hui.
Le lancement, le 23 février 2021, de la European Solar Initiative par les Commissaires Thierry Breton, Kadri Simson, ainsi que la Secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher, constitue un moment historique du développement de la filière solaire européenne. Pour les technologies clefs de la transition énergétique européenne, le « made in Europe » constitue une opportunité et un rendez-vous que la France ne doit pas manquer.
C’est tout l’objet du call to action baptisé « Solar Europe Now » que nous avons lancé et qui a réuni plus de 120 cosignataires, et que vous retrouverez sur notre site ipvf.fr. En matière de solaire, en France, en Europe et au-delà, l’union fait la force !
En bref
- Inauguré en décembre 2018 à Saclay
- Une surface de 8 000 m², dont 3 500 m² de laboratoires en salles blanches
- Une trentaine de brevets et de déclarations d’inventions à date
- Une équipe de 200 personnes de 25 nationalités, dont 150 chercheurs
- ipvf.fr