L’entrée en vigueur de Solvabilité II : quelles conséquences sur le marché ?
« LES ORGANISMES D’ASSURANCE MANQUENT ENCORE DE VISIBILITÉ SUR LE PILOTAGE DU CAPITAL »
S’il est un aspect sur lequel les organismes sont encore largement en manque de visibilité, c’est sur le pilotage du capital. Sous solvabilité I, la marge de solvabilité était uniquement fonction du chiffre d’affaires ou du niveau du bilan des organismes et était en particulier indépendante de la nature des risques gérés.
Ainsi, les niveaux de marge étaient très faciles à anticiper. Le recul acquis sur cette réglementation a même permis aux assureurs de se positionner aux niveaux qui leur paraissaient correspondre à leurs objectifs stratégiques. À titre d’exemple, ce ratio était supérieur à 600 % à fin 1998 en assurance dommages ce qui a notamment permis aux assureurs de résister aux tempêtes de 1999 tout en étant en mesure de continuer leur activité.
Solvabilité II efface tous ces repères : le nouveau ratio de solvabilité (SCR) est désormais risk based, c’est- à‑dire qu’il dépend de la nature des risques supportés par l’assureur (risque de marché, risque de souscription…).
Cela a deux conséquences majeures : d’une part le niveau de capital requis ne dépend plus que du chiffre d’affaires, d’autre part ce SCR est beaucoup plus volatil puisqu’il dépend notamment des conditions de marché.
« LE NOUVEAU RATIO DE SOLVABILITÉ (SCR) EST DÉSORMAIS RISK BASED »
Sur l’aspect niveau de capital requis, cela signifie que l’assureur dispose d’une marge de manoeuvre beaucoup plus importante dans le pilotage de son ratio. Il peut en effet modifier son allocation d’actif, sa politique de gestion des assurés, la modélisation de ses risques… de manière à optimiser son niveau de SCR.
Cela requiert à la fois de la technicité dans la mise en oeuvre des calculs, mais surtout de la finesse et du recul dans l’analyse de l’impact des choix et des aspects techniques sur les indicateurs de pilotage.
Sur le volet de la volatilité du ratio de couverture, la problématique est potentiellement plus délicate à piloter. Les assureurs ne sont pas habitués à cette volatilité et vont naturellement être amenés à constituer une marge de sécurité afin de pallier une augmentation du SCR due aux aléas de marché.
De fait, cette marge de sécurité (qui se formalise au travers du pilier II) viendra s’ajouter au capital nécessaire à la couverture du seul SCR et pourrait conduire le marché à surcapitaliser ou à privilégier les assureurs qui parviennent à contenir cette volatilité (par leur taille ou leur exposition).
Du point de vue des besoins futurs du marché de l’assurance, la montée en technicité amorcée depuis maintenant plusieurs années va continuer afin de consolider le savoir-faire développé pour mettre en oeuvre les calculs du pilier I, mais aussi afin de faire le lien entre les modèles de calcul et les indicateurs de pilotage.
Mais au-delà de ces aspects techniques, on va assister à une période de transition dans le pilotage stratégique du ratio de couverture, période à l’issue de laquelle les assureurs auront mis en place de nouveaux standards de pilotage (nouvelles techniques d’allocation d’actifs, nouvelles références en termes de couverture du capital prospectif…).
Pour cela, ce sont plus les profils experts en stratégie d’entreprise qui pourraient tirer leur épingle du jeu.