L’entrepreneur dans le commerce mondial

Dossier : La France a besoin d'entrepreneursMagazine N°549 Novembre 1999
Par Jacques DONDOUX (51)

I – Présent et avenir des entrepreneurs en France

Dans ces pre­miers articles, le mot “ entre­pre­neur ” est pris presque exclu­si­ve­ment dans le sens de créa­teur ou diri­geant de PME.
Il est évident que l’esprit d’entreprise et le com­por­te­ment d’entrepreneur doivent se retrou­ver dans toutes les entre­prises, y com­pris les plus grandes. Mais le dyna­misme du “ small busi­ness ” est révé­la­teur du dyna­misme de toute l’économie d’un pays, et en le choi­sis­sant comme cible, on ne risque pas de se tromper.
Jacques Don­doux (51) répond à la ques­tion pré­li­mi­naire : com­ment pla­cer nos entre­prises en posi­tion équi­table dans la com­pé­ti­tion internationale ?
Ber­trand Duché­neaut et Gérard de Ligny (43) nous pré­sentent la popu­la­tion des patrons de PME telle qu’elle est aujourd’hui et les ten­dances qui s’y manifestent.
Jean Bou­nine-Caba­lé (44) nous démontre que la clé de l’emploi est dans la créa­tion, mul­ti­pliée par deux ou trois en France, de très petites entre­prises avec toutes les tur­bu­lences liées à ce type de créa­tion, qui réclame beau­coup d’imagination et de capa­ci­té à sur­mon­ter les échecs.
Yvon Gat­taz tire, avec son franc-par­ler habi­tuel, les leçons fortes appor­tées par sa très large expé­rience, de la créa­tion et des créa­teurs d’entreprises.
Xavier Kar­cher, plus pré­oc­cu­pé par l’entreprenariat à l’intérieur des grandes entre­prises, réclame avec insis­tance la for­ma­tion d’ingénieurs entrepreneurs.

Au moment de la grande ren­contre pré­pa­rée par l’Or­ga­ni­sa­tion mon­diale du com­merce à Seat­tle, La Jaune et la Rouge s’in­ter­roge sur l’a­ve­nir des entre­pre­neurs de tous niveaux dans le contexte mon­dial et par­ti­cu­liè­re­ment le com­merce international.

Les expor­ta­tions sont en effet une acti­vi­té impor­tante pour notre pays, puis­qu’elles cor­res­pondent à un chiffre d’af­faires d’en­vi­ron 1 800 mil­liards de francs par an, à com­pa­rer à un pro­duit inté­rieur brut (PIB) voi­sin de 8 000 mil­liards de francs. Presque un Fran­çais sur quatre a son emploi rému­né­ré par les exportations.

Si l’on tient compte des sec­teurs non mar­chands dans le PIB, comme l’ar­mée, l’en­sei­gne­ment, et plus géné­ra­le­ment les Fonc­tions et ser­vices publics, on remarque que la France est un pays très lar­ge­ment ouvert à l’international.

Plus de la moi­tié de notre pro­duc­tion indus­trielle est exportée.

Ceci montre que nos entre­prises sont lar­ge­ment com­pé­ti­tives. Ce n’est certes pas grâce à une sous-éva­lua­tion de notre mon­naie. La sur­éva­lua­tion du franc durant les années 1990 a au contraire conduit nos entre­prises à des gains inces­sants de pro­duc­ti­vi­té dont elles recueillent aujourd’­hui les fruits.

Est-ce à dire que tout va bien en France dans le domaine du com­merce international ?
Pas tout à fait.

Tout d’a­bord, nous n’a­vons pas su aider nos PME comme les Ita­liens ou les Allemands.
Nos banques sont trop parisiennes.
Les aides publiques s’o­rientent trop sou­vent vers les seules grandes entreprises.
Les expo­si­tions com­mer­ciales fran­çaises à l’é­tran­ger béné­fi­cient enfin de cré­dits insuffisants.

Mais le grand enjeu de Seat­tle est ailleurs.

Doit-on intro­duire des normes sociales et envi­ron­ne­men­tales dans les échanges internationaux ?

Cela per­met­trait de mettre nos indus­tries tra­di­tion­nelles (tex­tile, élec­tro­nique grand public, etc.) dans des condi­tions plus objec­tives de compétition.

Les pays en voie de déve­lop­pe­ment y sont bien sûr opposés.

Mais les Euro­péens et notam­ment les Alle­mands, comme les Amé­ri­cains du Nord, y sont très favorables.

C’est là le grand pari de Seattle.
Il mérite que nous ne nous oppo­sions pas trop aux Amé­ri­cains sur l’a­gri­cul­ture, qui cor­res­pond en France à 4 % de l’ac­ti­vi­té pro­fes­sion­nelle, voire sur l’ex­cep­tion culturelle.

Dans ces deux domaines si sen­sibles, nous devons moder­ni­ser notre action et sub­ven­tion­ner les acteurs plu­tôt que les produits.

Ensuite, l’ou­ver­ture du capi­tal des ser­vices publics fran­çais pose à terme un pro­blème de fond.

La dic­ta­ture des mar­chés finan­ciers conduit, en effet, à une forte ren­ta­bi­li­té à court terme et à finan­cer beau­coup moins d’é­tudes et de développements.
La numé­ri­sa­tion des télé­com­mu­ni­ca­tions, le déve­lop­pe­ment de trains à grande vitesse, d’a­vions civils de trans­port, de cen­trales nucléaires élec­triques auraient-ils été pos­sibles dans le nou­veau contexte français ?

Ceci rend d’au­tant plus néces­saire de rééqui­li­brer les expor­ta­tions fran­çaises entre les grandes socié­tés et les PME.

Par une action au plan finan­cier, nous l’a­vons dit, mais aus­si au plan humain. Avons-nous, dans les ser­vices fran­çais du com­merce exté­rieur, assez de tech­ni­ciens aptes à dia­lo­guer avec les entre­pre­neurs de for­ma­tion scientifique ?

Enfin, la France mécon­naît gra­ve­ment les entraves au com­merce mon­dial dues aux normes techniques.

C’est sans doute de peu d’im­por­tance quand on consi­dère les prises élec­triques non nor­ma­li­sées au sein de la seule Union euro­péenne. On y a renon­cé semble-t-il…

Le pro­blème est plus pré­oc­cu­pant pour les normes dans le domaine des nou­velles tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion. Pen­sons à l’im­bro­glio créé dans le domaine des por­tables par les Américains.

Nos négo­cia­teurs doivent en prendre conscience et ne plus hési­ter désor­mais, d’une part à se réor­ga­ni­ser afin d’in­tro­duire cette dimen­sion dans leurs argu­men­ta­tions et d’autre part à atta­quer devant l’OMC les mesures tech­niques anticoncurrentielles.

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