L’entreprise collaborative et digitale : un défi pour les RH
Les modes d’organisation bureaucratique sont bouleversés. La notion de lieu de travail devient floue, la génération Y veut réaliser des projets successifs au sein d’équipes collaboratives qui évoluent en réseau. La « gestion des ressources humaines » doit suivre la révolution numérique et individualiser son action pour attirer, former et fidéliser ses collaborateurs aux aspirations multiples.
Les nouveaux venus sur le marché du travail ont un rapport à l’autorité différent, leur travail doit avoir un sens et les objectifs fixés ne sont acceptés que s’ils leur paraissent légitimes et définis par un manager dont ils respectent les compétences et les valeurs humaines.
“ Attirer, former et fidéliser des collaborateurs aux aspirations multiples ”
Ils ne souhaitent pas occuper un poste défini par une job description aux missions figées mais réaliser des projets successifs au sein d’équipes qui évoluent dans des environnements de travail différents et ils ne s’inscrivent pas dans une perspective de carrière linéaire dans la même entreprise.
Ils interagissent en réseau sans se préoccuper de l’organigramme théorique, ils ont besoin de stimulation permanente, de reconnaissance et de feed-back fréquents et bienveillants.
La « gestion des ressources humaines » devient individualisée puisqu’il s’agit d’attirer puis de former et de fidéliser des collaborateurs aux aspirations multiples.
REPÈRES
L’entreprise traditionnelle est une structure pyramidale qui s’impose à tous dans une organisation cloisonnée. La hiérarchie joue un rôle statutaire et constitue l’unique courroie de transmission de l’information, le contrôle laisse peu de place à l’autonomie et le droit à l’échec est limité.
La « gestion des ressources humaines » est collective puisqu’il s’agit d’administrer des processus standardisés qui s’appliquent à tous de manière uniforme.
L’arrivée de la génération Y dans le monde du travail remet en question ce modèle bureaucratique.
DES OUTILS QUI BOULEVERSENT LES MODES D’ORGANISATION
La logique verticale fait place à une logique transversale, à des communautés d’intérêt qui viennent dans une certaine mesure se substituer à l’organisation hiérarchique. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication accélèrent la diffusion de ces pratiques.
La notion de lieu de travail change avec les nouveaux outils. © OLLY / FOTOLIA.COM
L’e‑mail souvent perçu comme trop lent et passif est supplanté par des messageries instantanées comme Jabber. Les plateformes collaboratives du type Office 365, les réseaux sociaux d’entreprise comme Yammer stimulent l’innovation au sein d’un écosystème qui dépasse les frontières de l’entreprise dans le cadre de partenariats avec des fournisseurs, des clients, des start-up, des universités et des laboratoires de recherche.
Le test and learn permet l’expérimentation d’idées nouvelles et leur adoption ou leur abandon rapide en fonction des enseignements qui en sont tirés.
Les collaborateurs, hyperconnectés, s’attendent à disposer d’outils aussi performants que ceux dont ils se servent dans leur vie personnelle.
Mais le BYOD (Bring your own device) qui consiste à apporter dans l’entreprise son propre matériel (portable, tablette ou smartphone) et l’utilisation d’applications publiques comme Dropbox pour stocker ses fichiers posent des problèmes de sécurité informatique. La « gestion des ressources humaines » doit désormais s’attacher à concilier l’espace-temps virtuel et la préservation de moments de rencontre dans le monde réel.
TRANSFORMATION DE L’ENTREPRISE ET CODE DU TRAVAIL
La pierre angulaire du lien juridique entre un collaborateur et l’entreprise est le contrat de travail caractérisé, en particulier par le lieu de travail, le temps de travail et le « lien de subordination » avec un responsable hiérarchique.
Avec l’émergence du digital workspace, le lieu de travail devient une notion fluctuante puisque le collaborateur dispose n’importe où de l’environnement connecté qui le relie à l’entreprise.
“ Trouver l’équilibre entre demande d’autonomie et modalités de contrôle ”
Le temps de travail devient difficile à mesurer : comment prendre en compte le temps de connexion en dehors des locaux de l’entreprise passé à lire et envoyer des mails, à poster et consulter des messages sur le réseau social de l’entreprise, à se former via des sessions en e‑learning à partir de chez soi ?
Le « lien de subordination » continue à exister mais ses contours sont à géométrie variable : quand vous faites partie d’une communauté d’experts, votre référent est un autre expert plus compétent que vous et qui n’est pas forcément votre manager ; quand vous faites partie d’une équipe projet, le chef de projet est rarement votre responsable hiérarchique ; quand vous communiquez sur un réseau social d’entreprise vous pouvez dialoguer avec des membres de la direction générale sans le filtre du management intermédiaire.
Dans ce cadre, la « gestion des ressources humaines » consiste à faire respecter le Code du travail sans en garantir l’application littérale dans un monde qui change plus vite que les textes qui le régissent.
DIGITALISATION ET PROCESSUS RESSOURCES HUMAINES
On ne traitera pas ici du recrutement et du rôle des réseaux sociaux externes tels que Facebook ou LinkedIn et des job boards puisqu’ils font l’objet d’un autre article.
Les MOOC donnent accès aux meilleurs professeurs.
© ND3000 / FOTOLIA.COM
Un élément à noter néanmoins est l’introduction dans les ressources humaines du concept marketing d’« expérience client » : on parle d’« expérience candidat », les candidats étant envisagés dans ce cadre comme des clients qu’il faut satisfaire.
De la même manière qu’un client potentiel consulte le site TripAdvisor pour lire les avis des clients qui ont séjourné dans un hôtel, un candidat consultera le site Glassdoor pour lire les avis des collaborateurs sur leur entreprise.
Le digital est présent dans tous les autres secteurs des ressources humaines :
- les relations sociales avec le vote électronique pour les élections professionnelles ;
- l’administration du personnel avec la saisie des congés par le collaborateur sur son smartphone ou le bulletin de paie dématérialisé ;
- les logiciels dédiés aux entretiens individuels ;
- l’utilisation du big data pour identifier les compétences internes mobilisables sur un projet…
Mais ce sont probablement les dispositifs de formation qui ont le plus évolué, à titre d’exemple, les MOOC (Massive open online courses) donnent accès à un savoir académique dispensé par les meilleurs professeurs, les LMS (Learning Management Systems) sont des plateformes de e‑learning pour la diffusion de modules de formations standards ou propres à l’entreprise qui permettent d’assister à des classes virtuelles ou de pratiquer le social learning au sein de communautés d’apprenants.
RÉINVENTER LE RÔLE DU MANAGER
Dans l’entreprise collaborative et digitale, le rôle du manager évolue profondément : il doit en particulier trouver l’équilibre entre une demande d’autonomie grandissante et un contrôle qui demeure (encore…) nécessaire, communiquer avec des équipes à distance, favoriser le travail en réseau, permettre la prise de recul et réguler les flux d’informations et… comprendre et savoir utiliser les technologies numériques.
La « gestion des ressources humaines » consiste alors à accompagner ce changement de culture managériale.