L’envol de l’automobile
L’aéronautique et l’automobile ont des liens anciens, originellement des moteurs communs et ensuite l’aérospatial a souvent montré la voie, dans le domaine technique et surtout dans les processus d’ingénierie. Mais les analogies sont vite limitées par des écosystèmes bien différents. Finalement, il faut surtout retenir l’excellence française de ces deux filières industrielles et leur capacité à avoir créé de véritables champions internationaux.
La proximité nouvelle que l’on observe entre automobile et spatial serait comme un écho lointain aux détonations des moteurs à explosion des pionniers conjoints de l’aviation et de l’automobile (Voisin, Hispano-Suiza, Lorraine-Dietrich, BMW…), il y a déjà un siècle.
Avant ce regard croisé sur les deux secteurs, regardons déjà les défis auxquels est confrontée l’automobile aujourd’hui. J’en citerai quatre, qui ont pour fil directeur d’offrir davantage de liberté.
L’automobile : une quête de plusieurs libertés
En premier lieu, la liberté offerte par le véhicule autonome : d’abord par la décharge cognitive que permettent dès aujourd’hui les premières aides à la conduite, puis par l’offre progressive de véritable temps libre grâce à l’apparition de phases de conduite sous responsabilité du véhicule (vers 2025).
“La voiture électrique la plus vendue au monde est une voiture chinoise”
Ensuite, la liberté offerte par le véhicule connecté : trop souvent perçue comme une source de distraction, la connectivité est aussi un formidable vecteur de sécurité, grâce aux appels d’urgence, par les communications car to car ou tout simplement par une reconnaissance vocale efficace (la connectivité lui donne une capacité de traitement au meilleur niveau d’internet), le déploiement commence dès cette année chez la plupart des constructeurs.
La liberté offerte par l’électrification qui nous affranchit enfin des énergies carbonées et des émissions polluantes. Les pouvoirs publics chinois nous donnent une véritable leçon de vision stratégique… et de sa mise en oeuvre !
La voiture électrique la plus vendue au monde n’est ni Tesla, ni la Renault Zoé, ni la Nissan Leaf : c’est une voiture chinoise.
La liberté enfin – et surtout ? – pour ceux qui n’avaient pas accès à l’automobile et qui, grâce à une nouvelle offre en totale rupture avec les équations coûts/valeurs existantes, révolutionnent le marché (exemple de la Renault Kwid en Inde vendue 3 500 euros).
Cette démocratisation massive de l’accès à l’automobile sera un des enjeux majeurs des décennies à venir.
Automobile – aérospatial : des liens anciens
Les allers-retours entre l’aérospatial et l’automobile ont été nombreux dans le passé. Tout d’abord dans le domaine technique, l’aérospatial a souvent montré la voie : actionneurs électromécaniques ou électriques, commandes numériques, pilotage automatique… (même si on peut pressentir que l’automobile introduira la conduite avec passagers mais sans pilote avant l’aviation!).
C’est aussi le cas dans les processus d’ingénierie, que ce soit par les outils de CAO/DAO (le logiciel CATIA de Dassault Systems devenu une référence en ingénierie automobile autant que dans le secteur spatial) ou par le développement de l’ingénierie système, seule solution possible pour appréhender de façon efficace des objets techniques devenus extrêmement complexes.
Enfin, dans l’utilisation et la connectivité de la voiture, où le GPS tient maintenant une place de choix. Il ne tient qu’aux acteurs du spatial de proposer les solutions de connectivité adaptées pour prendre place dans l’habitacle de la voiture de demain.
De plus, automobile comme aérospatial sont des secteurs qui présentent les exigences en matière de qualité, de sécurité et d’innovation techniques parmi les plus élevées. Et ce, de la conception du produit à sa maintenance en passant par sa production.
La Tesla Model 3 : Tesla a su montrer la voie… mais l’entreprise d’Elon Musk saura-t-elle durer face au retour en force de tous les majors mondiaux sur le même créneau ?
Crossback : La DS7 est une des premières françaises à commande vocale « naturelle » grâce à sa connexion Internet.
Des écosystèmes différents
Toutefois, les analogies sont vite limitées par des écosystèmes bien différents. Mais ces différences ne sont-elles pas le signe d’une différence de maturité entre ces deux secteurs industriels ?
Des équilibres techniques et économiques differents
Les équilibres économiques de chacun de ces produits résultent de champs de contrainte bien différents : les écarts de cadence industrielle (facteur 100 à 1 000) et les écarts de poids relatif entre coût d’achat et coût d’usage sur cycle de vie (coût équivalent pour l’automobile et coût d’exploitation beaucoup plus faible que le coût d’achat pour un satellite) conduisent à des solutions techniques bien différentes.
Aussi, osons l’exercice d’identifier quelques points de comparaison :
- globalisation des marchés et des acteurs, même si ceux de l’aérospatial sont plus intégrés ;
- prégnance sociétale plus grande de l’automobile, qui cristallise davantage débats et réglementations, et ouvre la porte à des changements de modèles (autopartage, taxi-robot…);
- un transport automobile nettement plus individuel que collectif là où les services spatiaux (TV, internet, téléphonie…) sont clairement plus collectifs qu’individuels ;
- des révolutions technologiques en cours dans l’automobile (électrification, conduite totalement autonome et services connectés) qui annoncent peut-être les grandes révolutions du secteur spatial de demain, historiquement plus porté par l’innovation du secteur militaire.
Sans oublier l’enjeu fort de l’émotionnel (design, image de marque…) propre à l’automobile et qui reste sans aucun doute une spécificité d’un produit grand public.
Ce facteur est identifié par toutes les enquêtes comme facteur d’achat du premier ordre devant les critères techniques ou économiques, là où un acteur industriel aura un choix plus rationnel.
La Renault Kwid : le marché automobile mondial annuel vient de dépasser les 100 millions d’unités grâce à des produits d’accès à l’automobile comme cette Renault Kwid en Inde, 3 500 e, vendue à plus de 250 000 unités.
Le Concept car Renault Symbioz : l’automobile de demain s’intégrera harmonieusement dans l’écosystème urbain.
Une chance pour la France ?
Ces quelques points de comparaison nous permettent d’identifier des tendances profondes qui dépassent le secteur de l’automobile.
Digitalisation de la production et des services, personnalisation à moindre coût, changements radicaux de modèles d’exploitation, voilà des lames de fond qui peuvent affecter le secteur spatial dans un futur pas si lointain.
Mais finalement, le point de rencontre le plus marquant des secteurs automobiles et aéronautiques n’est-il pas l’excellence française de ces deux filières industrielles et leur capacité à avoir créé et développé de véritables champions internationaux à forte empreinte nationale, aussi bien parmi les constructeurs de produits finis, qu’avec des équipementiers de tailles multiples et des start-up innovantes qui nous assurent l’agilité future dont nos industries auront besoin ?