L’Epide, ou l’insertion autrement
L’Epide a été créé par ordonnance en 2005. Les dispositions législatives et réglementaires qui régissent son fonctionnement ont été inscrites dans le code de la Défense.
Huit jeunes sur dix qui effectuent la totalité du parcours trouvent un emploi ou une formation qui les y conduira
Il s’agissait en effet d’une initiative du ministère de la Défense soutenue par le gouvernement pour l’insertion des jeunes gens et jeunes femmes sans qualification, ayant des difficultés sociales et souvent en voie de marginalisation. Le service militaire adapté mis en oeuvre dans les Dom- Tom et centré sur la formation professionnelle avait inspiré le projet.
Mais il est très vite apparu que, pour les jeunes adultes en grande difficulté accueillis à l’Epide, la « normalisation militaire », légitime pour instruire une troupe au combat, mènerait ici à un échec total. Il leur fallait au contraire une pédagogie spécifique, individualisée pour retrouver confiance en eux-mêmes afin d’accéder ensuite à une véritable autonomie.
L’établissement, financé par les ministères de l’Emploi et de la Ville ainsi que par le Fonds social européen, s’est donc rapidement et logiquement éloigné de la tutelle Défense tout en maintenant avec elle des relations d’opportunité.
En chiffres
Les dix-huit centres de l’Epide accueillent, selon un régime d’internat de semaine, de 75 à 180 jeunes gens et jeunes filles pour un parcours d’insertion de plusieurs mois. Chaque année, 3 000 volontaires choisissent ainsi de rejoindre l’établissement. Les centres Epide sont répartis sur 15 des 22 régions métropolitaines. Le développement de multiples partenariats leur permet de s’insérer durablement dans le tissu institutionnel régional et de trouver leur place parmi les acteurs du service public de l’emploi.
Des relations se sont également tissées avec les mairies, les centres communaux d’action sociale, les associations de quartier, les centres d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA) de la Défense, les SPIP et la Protection judiciaire de la jeunesse.
Sur le plan économique, 72 partenariats nationaux ont été conclus avec de grandes entreprises. 205 sociétés sont aussi contributrices pour la taxe d’apprentissage.
Des performances hors normes
Après une montée en puissance rapide et plusieurs réformes de son organisation et après la mise en place et l’optimisation de méthodes pédagogiques sans équivalent et maintenant éprouvées, l’établissement a atteint une maturité suffisante pour améliorer son efficience, réduire ses coûts et renforcer le professionnalisme de l’encadrement.
Alors que ses ressources budgétaires ont été significativement réduites depuis trois ans, l’Epide a maintenu ses performances à l’insertion : huit jeunes sur dix qui effectuent la totalité du parcours trouvent un emploi ou une formation qui les y conduira.
Un modèle militaire revisité
En internat de semaine pendant une durée moyenne de sept mois et demi, les volontaires, orientés par les missions locales, les journées défense citoyenneté, et de manière croissante, par le bouche-à- oreille (ce qui est symptomatique de la satisfaction des sortants) suivent un parcours pédagogique original alliant dynamique collective et approche individualisée dans un environnement humain et matériel sécurisant.
La dynamique collective trouve son inspiration dans le modèle militaire dont l’Epide a adapté le cadre et la discipline ; elle s’appuie aussi sur l’internat, le port d’une tenue uniforme et la pratique sportive. Dans cet environnement structurant et lisible, les moniteurs et les formateurs développent avec les volontaires une relation individualisée fondée sur l’aide, l’écoute et la bienveillance.
Il s’agit de tout mettre en oeuvre pour que les volontaires acquièrent une confiance en eux suffisante qui garantira, dans le temps, leur autonomie.
Pour que cette dynamique s’installe, il faut une action permanente et globale de tutorat ; quelles que soient les qualités du volontaire, les résultats ne seront au rendez-vous que si le parcours est accompagné, individualisé et supervisé.
© E. BOUVET
« Les missions qui nous sont confiées sont riches et diverses : de l’encadrement et du management, du professorat en formation générale, de l’entraînement sportif, de la création d’activités ludiques et aussi des travaux de gestion comme monter certains projets pour le centre. […] Lors de mes premières semaines, je ne me rendais pas compte de l’ampleur et de la diversité du travail effectué au sein du centre.
Ce stage m’a permis d’acquérir les bases de management nécessaires au métier d’ingénieur, ainsi qu’une certaine assurance devant le public. J’ai pu aussi apprendre les bases du coaching sportif, du professorat, et surtout comprendre et vivre dans une organisation qui se rapproche très fortement de celle d’une entreprise.
De plus, c’est intéressant sur le plan humain, car on rencontre des jeunes en difficulté et on se rend compte d’une certaine réalité sociale. Et cela est d’une très grande valeur. Pour conclure, ce stage est vraiment formateur, que ce soit sur le plan humain ou professionnel, à saisir dans les choix de stages civils. »
Confiance et autonomie
Le processus pédagogique vise à redonner confiance, estime de soi et autonomie au volontaire ; il impose une attitude et un comportement empreints de respect mutuel, loin de la familiarité. Le vouvoiement est de rigueur, les jugements intrinsèques des personnes sont proscrits dans les relations avec les volontaires.
Les cadres sont formés à une relation d’aide « distanciée » qui exclut la compassion et l’affectivité que peut inspirer la situation de jeunes adultes souvent brisés par une enfance difficile. L’Epide revendique cette attitude et ce comportement comme un savoir-faire essentiel dans l’accompagnement et la réussite de leur parcours.
Des équipes pluridisciplinaires
Si la pédagogie de l’Epide ne doit rien à l’armée, on notera cependant qu’une part significative de l’encadrement en est issue. Ces anciens militaires ont apporté leur aisance dans le commandement ; on les trouve à différents niveaux de la hiérarchie.
La dynamique collective trouve son inspiration dans un modèle militaire adapté
Mais il leur a fallu s’intégrer à des équipes pluridisciplinaires issues du monde de l’enseignement ou de l’action sociale, un amalgame naguère inimaginable, mais très fécond avec les nouvelles générations débarrassées de préjugés archaïques.
Il leur a fallu aussi, au sein de ces équipes, participer à la mise au point et à la mise en oeuvre de nouvelles méthodes pédagogiques très éloignées de celles qu’ils avaient pratiquées dans les corps de troupe.
La plupart s’y sont investis avec enthousiasme, quelques autres, prisonniers d’une conception fausse de l’autorité, ont dû partir.
Des contributions d’excellence
Parmi ses différents partenariats, l’Epide a développé une relation précieuse avec certaines grandes écoles civiles ou militaires. Les élèves viennent dans ses centres mettre leurs talents à la disposition de leurs contemporains « qui ont tout raté ».
Ils participent pendant quelques mois à l’encadrement des volontaires et ces rencontres entre les extrêmes d’une génération sont pour tous d’une très grande richesse. L’École polytechnique a joué ici un rôle moteur : en quelques années, elle est devenue le premier partenaire de l’Epide qui se félicite de cette contribution d’excellence.
Le défi à relever par les élèves polytechniciens tout juste sortis de taupe est de taille ; on leur confie dès leur arrivée des jeunes difficiles et sans repères. Ils s’en sortent remarquablement, avec beaucoup d’intelligence et de coeur, ils en sortent eux-mêmes grandis et mûris par une expérience de management dont leurs camarades en séjour dans les armées n’auront pas l’équivalent.
Ils apportent à l’établissement et aux cadres leur imagination et leur inventivité, ils insufflent aux volontaires « à reconstruire » l’enthousiasme de leur jeunesse. Et ils font tout cela avec une très élégante simplicité. Qu’ils en soient ici remerciés.
« En tant que tuteur, j’ai pu avoir la responsabilité d’encadrer les volontaires de leur réveil jusqu’en début de soirée, leur rappelant les règles de bienséance et d’ordre au sein du centre, dispensant des cours par exemple de mathématiques, français, anglais, histoire et même de physique, faisant des séances de code de la route et les aidant à réviser des cours dispensés dans le cadre d’une formation qualifiante.
En tant que moniteur, j’ai eu l’opportunité d’encadrer les jeunes du début de soirée jusqu’au lendemain matin dans certains cas : faisant des activités sportives ou ludiques avec eux et veillant à ce qu’il n’y ait pas d’écart de comportement la nuit. Après quelques mois j’ai pu apprécier le travail fait par les moniteurs dans l’accompagnement des jeunes, faisant leur possible pour leur réinsertion.
Sur un plan personnel j’ai pu m’améliorer quant à la gestion des personnes, des conflits et j’ai acquis une bonne aisance relationnelle. J’ai également appris à mieux exercer mon autorité. »
© E. BOUVET
Commentaire
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Epide
Merci de cette article.Je me pose quelques questions. Je suis curieuse de savoir ce que font ces jeunes pendant 7 mois avec l’Egide qui permettent d’atteindre de tels résultats en termes d’insertion professionnelle : des cours académiques ? l’apprentissage du numérique ? des stages en entreprise : qui sont les partenaires et doivent ils partager les doctrines des fondateurs ?
On comprend que la culture est proche de celle de l’armée qui a inspiré l’organisation de l’entreprise industrielle au 20e siècle .Est elle celle qui est aujourd’hui demandée par nos organisations qui fonctionnent en réseau et donc sur le relationnel. Il semble qu’aujourdhui c’est bien les qualités « du cœur » évoquées d’ailleurs par vos polytechniciens volontaires qui prévalent sur la discipline et avec elles l’initiative, l’autonomie, la souplesse et la bienveillance plutôt que l’autorité.
tout cas ils ont l’air heureux ces jeunes sur les photos. Bravo