L’EPR, European Pressurized Reactor
Fin 2003, l’électricien TVO annonçait le choix de l’EPR pour le cinquième réacteur nucléaire de la Finlande. Cette année, le gouvernement français a autorisé EDF à commander un EPR dont l’on vient d’apprendre qu’il sera construit à Flamanville. Fin septembre, l’Autorité de sûreté nucléaire confirmait son accord avec les options de sûreté retenues pour ce réacteur, et, en contrepoint, les activistes antinucléaires lancent une campagne « anti-EPR ».
Quel est donc cet objet qui focalise l’actualité ?
« Filières » et « Générations »
Un réacteur nucléaire est une machine qui produit de l’énergie en entretenant dans le combustible qui constitue son cœur des réactions de fission nucléaire. Pour constituer le cœur d’un réacteur, il faut agencer un certain nombre d’ingrédients : des matières fissiles, qui produiront l’énergie, des matières fertiles qui, sous l’action des neutrons, se transformeront partiellement en matières fissiles, compensant ainsi plus ou moins la consommation de ces dernières, des poisons de contrôle ajustables en position ou en concentration, pour réguler la population des neutrons et, par là, maintenir la puissance du réacteur au niveau désiré, et, bien sûr, il faut aussi un fluide caloporteur pour transporter les calories du cœur vers les systèmes ou circuits qui mettront cette énergie sous une forme utilisable, en général de l’électricité. Ajoutons‑y, le cas échéant, un modérateur qui ralentit les neutrons entre la fission dont ils sont issus et celle qu’ils vont provoquer à leur tour. On conçoit que le mélange de ces ingrédients ait pu donner lieu à une combinatoire d’un foisonnement considérable.
Figure 1 Réacteurs électronucléaires fin 2000 |
De fait, dans les tout débuts de l’ère nucléaire, tous les réacteurs possibles ont été rêvés, dessinés, le plus souvent construits, et la plupart ont effectivement fonctionné ! L’immense majorité de ces réacteurs sont restés sans postérité.
Une petite poignée seulement a été à l’origine d’une série de réacteurs en continuité technologique, ce que l’on appelle une filière nucléaire.
Sans revenir sur l’histoire de cette sélection « naturelle » [1], on en constate les résultats sur la figure 1. 87 % de la puissance nucléaire en fonctionnement provient de réacteurs où l’eau ordinaire sert à la fois de caloporteur et de modérateur tandis que le combustible est formé de pastilles frittées d’oxyde d’uranium enrichi aux environs de 4 % en uranium 2351, empilées dans des tubes étanches en alliage de zirconium qui forment des assemblages. Ces réacteurs, de technologies voisines, sont répartis en trois filières :
- dans les réacteurs à eau sous pression, REP occidentaux et VVR de conception russe, l’eau qui circule dans le circuit primaire qui contient le cœur est maintenue à l’état liquide sous une pression de l’ordre de 15 MPa par un pressuriseur. Elle cède ses calories dans un générateur de vapeur à un circuit secondaire où se produit la vapeur qui va entraîner un turboalternateur. Aujourd’hui, les 58 réacteurs d’EDF sont des REP ;
- dans les réacteurs à eau bouillante REB, c’est directement l’eau du circuit primaire qui entre en ébullition et va actionner la turbine.
Si ces trois filières de réacteurs à eau ordinaire dominent le marché, on y trouve trois autres filières, dont une seule est réellement active :
- les réacteurs modérés au graphite et refroidis au gaz carbonique GG, qui achèvent progressivement leur belle carrière au Royaume-Uni après avoir été à l’origine du programme français ;
- les réacteurs RBMK modérés au graphite et refroidis à l’eau ordinaire bouillante. Ils ont été définitivement disqualifiés par l’accident de Tchernobyl ;
- les réacteurs modérés et refroidis par de l’eau lourde D2O, qui se maintiennent activement sur ce qui constitue un marché de niche.
À côté de cette notion de filière, on parle aussi de générations successives de réacteurs. La première génération regroupe tous les réacteurs de l’époque pionnière des années cinquante et soixante. En France, il s’agit typiquement des anciens réacteurs gaz-graphite et de quelques autres.
La deuxième génération est constituée de la plupart des réacteurs actuellement en fonctionnement dans le monde, mis en service entre 1975 et 2005. C’est à cette génération qu’appartiennent tous les REP français, même s’il y a eu de nombreux progrès entre Fessenheim 1 (1977) et Civaux 2 (2000).
La génération 3, c’est celle qui arrive aujourd’hui sur le marché. Elle ne comprend que des réacteurs à eau, et EPR en est l’archétype.
Quant à la génération 4, c’est celle dont on commence à définir les contours, dans l’idée de la concrétiser vers 2040. C’est elle que l’on veut vraiment inscrire dans un contexte de nucléaire durable, composant d’un développement durable. On y trouvera sans doute des réacteurs à neutrons rapides, héritiers de Superphénix, capables de tirer pleinement parti des ressources en uranium de la planète et des réacteurs à hautes températures, permettant la production simultanée d’électricité, d’hydrogène et d’eau douce… Mais ces réacteurs sont encore sur la planche à dessin.
La genèse du projet EPR
Le projet de réacteur EPR, European Pressurized water Reactor, est l’aboutissement de trois démarches parallèles.
La première démarche est de nature industrielle : c’est la volonté de Framatome et Siemens de faire converger les modèles REP français et allemand. Pour éviter d’aboutir à un système de superposition des dispositifs qui aurait rendu l’investissement nucléaire exorbitant sans ajouter réellement à la sûreté de l’ensemble, une convergence des modèles ne pouvait s’étudier que dans le cadre d’une convergence des approches de sûreté dans les deux États concernés.
La deuxième démarche est venue des Autorités de sûreté, prenant en compte les enseignements tirés des conséquences de l’accident de Tchernobyl, que l’on pourrait ainsi simplifier à l’extrême : moins de morts qu’on ne le redoutait, mais contamination d’une étendue très supérieure à ce qui était anticipé, et réaction planétaire de rejet de l’option nucléaire.
Nous en retiendrons les trois objectifs communs définis en juin 1993 :
1) réduire encore la probabilité de fusion de cœur,
2) « éliminer pratiquement » les situations accidentelles qui pourraient aboutir à un relâchement précoce et massif de radioactivité,
3) en cas de fusion de cœur, garantir par conception que le relâchement maximum de radioactivité n’entraîne que des mesures de protection très limitées dans le temps et dans l’espace.
Si les deux premiers objectifs sont en continuité avec la philosophie de sûreté antérieure, le troisième, que l’on peut traduire par : pas d’évacuation permanente, évacuation temporaire limitée au voisinage immédiat du site, et pas de condamnation durable de terrains agricoles, fait entrer la fusion de cœur dans les critères de dimensionnement2.
La dernière démarche est celle des compagnies européennes d’électricité. Cinq compagnies européennes, rejointes peu à peu par bien d’autres, ont lancé en décembre 1991 l’effort qui devait aboutir aux EUR, European Utilities Requirements, exigences communes, que devraient dorénavant satisfaire les réacteurs à eau ordinaires. Ces objectifs ne se limitaient pas à la sûreté : coûts, marges, disponibilité, durée de vie, souplesse d’opération, capacité de recyclage font également l’objet de spécifications, absolues ou relatives. Voici quelques-unes de ces spécifications :
- compétitivité économique avec la plus moderne des grosses centrales thermiques pour un fonctionnement entre 4 500 et 5 500 heures à pleine puissance par an,
- durée de vie de 60 ans pour les composants non remplaçables (cuve, enceinte, génie civil),
- possibilité de charger 50 % du cœur en assemblages MOX,
- cycles de 12 à 24 mois, avec possibilité d’extension de 60 jours équivalents à pleine puissance,
- fréquence totale d’endommagement du cœur < 10–5 par an,
- et fréquence cumulée d’accident menant à un relâchement significatif de radioactivité < 10–6 par an,
- pas d’évacuation de plus d’un an au-delà de 800 mètres du réacteur.
Ces trois démarches ont amené la fusion du programme de développement des industriels avec celui d’EDF et d’un groupe d’électriciens allemands pour créer l’EPR, European Pressurized water Reactor, et l’aboutissement de la convergence franco-allemande a été la constitution de la compagnie Framatome ANP, filiale d’AREVA à 66 %.
Un réacteur à la pointe de la technologie
Grosso modo, EPR est une combinaison améliorée du N4 français et du Konvoi allemand, les deux modèles les plus modernes en service dans les deux pays, en choisissant chaque fois l’option la plus conservatrice en matière de marges. Il se conforme à la fois aux objectifs de sûreté de 1993 et aux EUR : la conception est « évolutionnaire » pour tirer le meilleur parti du retour d’expérience des parcs français et allemand, le niveau de sûreté est renforcé tant vis-à-vis des incidents internes que des agressions extérieures et des dispositifs ad hoc limitent les rejets dans le cas – très improbable – d’une fusion du cœur.
Les avancées de l’EPR en matière de sûreté
Ces avancées sont en ligne avec les orientations de la sûreté nucléaire dans le monde. Elles ont trait à la protection vis-à-vis des accidents graves de fusion du cœur et leurs conséquences.
Les situations accidentelles qui pourraient aboutir à un relâchement précoce et massif de radioactivité (accident avec fusion de cœur à haute pression) sont éliminées. Pour atteindre ce résultat, l’EPR est équipé, en plus des systèmes usuels de dépressurisation et d’extraction de la puissance résiduelle, d’une ligne de défense supplémentaire constituée d’un train de vannes motorisées commandé par l’opérateur.
La probabilité de fusion de cœur, déjà infime avec le N4, est encore divisée par 10 avec l’EPR. Ce gain est obtenu, d’une part, par la réduction de la probabilité des événements qui pourraient conduire à une situation de fusion de cœur et, d’autre part, par l’accroissement de la disponibilité des systèmes de sécurité destinés à enrayer le développement de telles situations.
Figure 3 Protection d’EPR contre les agressions externes |
À cette fin, l’EPR est doté de réserves d’eau importantes (cuve, pressuriseur, générateurs de vapeur) qui accroissent le temps disponible pour mettre en œuvre des actions correctrices et ses systèmes importants pour la sûreté sont simples, redondants et diversifiés. En particulier, le système d’injection de sécurité et celui d’alimentation de secours en eau des générateurs de vapeur sont chacun divisés en quatre sous-systèmes ou « trains ». Chacun des quatre trains a la capacité d’assurer à lui seul l’intégralité de la fonction de sûreté et est séparé physiquement des trois autres pour éviter qu’ils ne soient défaillants ensemble sous l’effet d’une même cause.
De plus, la centrale est conçue pour qu’un accident de fusion de cœur, bien que hautement improbable, n’entraîne, hors du site, que des mesures très limitées dans le temps et l’espace : pas d’évacuation permanente, évacuation temporaire limitée au voisinage immédiat du site, pas de condamnation durable de terrains agricoles. La rétention nécessaire de la radioactivité est obtenue par l’extrême robustesse du confinement étanche qui renferme le réacteur (2,6 mètres d’épaisseur de béton au total) et les dispositions et systèmes qui protègent ce confinement contre tout type d’endommagement :
- une enceinte interne du bâtiment réacteur en béton précontraint, résistant à la pression due à la combustion de l’hydrogène, et des recombineurs catalytiques pour prévenir la détonation,
- une zone dédiée à l’étalement et au refroidissement du corium avec dispositif passif de noyage, et protection réfractaire du béton de structure,
- un système d’aspersion dédié au contrôle de la pression à l’intérieur de l’enceinte et au refroidissement du béton de structure pour en assurer l’intégrité à long terme,
- une collecte des fuites dans l’espace entre enceintes interne et externe du bâtiment réacteur, et une filtration avant rejet à la cheminée.
La protection de l’EPR contre les conséquences d’une chute d’avion ou d’une agression externe est particulièrement robuste :
- un bâtiment réacteur dont l’enceinte externe en béton armé et les structures internes sont dimensionnées pour résister aux effets des vibrations induites et à la perforation,
- une distribution des différents trains des systèmes de sécurité dans quatre bâtiments distincts : deux bâtiments « bunkérisés » (protégés par une coque en béton armé) et les deux autres, géographiquement distants (de part et d’autre du bâtiment réacteur), de manière à garantir qu’au moins un train demeure toujours opérationnel,
- un bâtiment abritant le combustible usé également « bunkérisé ».
Cette description des avancées en matière de sûreté a été très détaillée pour souligner le saut conceptuel de ce projet, le premier vrai réacteur « post-Tchernobyl ». EPR comporte aussi d’autres améliorations, mentionnées ci-après plus succinctement.
Les avancées de l’EPR en matière d’exploitation
Outre des progrès en matière de radioprotection, de production de déchets et effluents et d’ergonomie de la salle de conduite, signalons la simplification de la maintenance. Il est, notamment, possible d’effectuer certaines interventions sans devoir arrêter le réacteur, grâce à la redondance des systèmes de sécurité.
L’économie de l’EPR
Des marges plus confortables, davantage de béton, des dispositifs additionnels : on pourrait en déduire que l’EPR sera plus cher que le N4, alors même que l’on cherche à l’introduire dans un contexte de concurrence beaucoup plus dure avec les centrales à combustibles fossiles, notamment les turbines à gaz à cycle combiné. En fait, il n’en est rien. Ces surcoûts sont plus que compensés par des gains sur :
- l’investissement par mégawatt installé (puissance portée à près de 1 600 MWe, rendement thermique de 36 % à 37 % selon les sites (source froide), durée de vie soixante ans),
- le taux de disponibilité (on vise 91 %, grâce, notamment, à la maintenance en service),
- l’utilisation du combustible3.
Coûts de production centralisée d’électricité en base en 2015 (euro2001/MWh) | ||||
2015 valeur médiane TTC | Nucléaire EPR | Cycle combiné gaz | Charbon pulvérisé | Charbon lit fluidisé ; |
Actualisation 8% |
28,4 | 35,0 | 33,7 | 32,0 |
Actualisation 5% |
21,7 | 33,4 | 29,5 | 28,1 |
+ Coûts CO2 (4 à 20 e/t) | 1,4 – 7,1 | 2,9 – 14,6 | 3 – 15 |
Pour une production en base à l’horizon 2020, selon les estimations de Framatome ANP (en 2002), le MWh EPR se situe en dessous de 30 euros (coût actualisé), soit environ 20 % moins cher que le MWh fossile le plus performant à cette époque. Les évolutions récentes du prix du gaz, qui suivent toujours celles du pétrole avec un certain retard, ne remettent évidemment pas en cause cette appréciation ! La compétitivité de l’EPR par rapport aux centrales à combustible fossile serait encore très supérieure si l’on tenait compte, dans le prix du MWh, des coûts « externes » sociaux et environnementaux de chaque mode de production de l’électricité et notamment des émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu’illustré par le tableau ci-dessous [2].
On peut aussi noter que la durée de vie technique de l’EPR, soixante ans, dont les quarante premières au moins sans jouvence lourde, occasionnera une moindre quantité de déchets ultimes à gérer après son arrêt définitif.
Le marché de l’EPR
Si l’EPR est bien l’archétype de la Génération 3, il ne la constitue pas à lui tout seul ! il a des concurrents sérieux dans la famille REP, dans la famille REB et même un VVR et un CANDU. Le seul, avec EPR, qui soit déjà commandé est l’ABWR, REB avancé que General Electric est en train de construire à Taiwan4. C’est également un gros réacteur de type « évolutionnaire ».
Dans la mouvance révolutionnaire, Westinghouse vient d’obtenir de l’Autorité de sûreté américaine la précertification de son modèle AP 1000, et General Electric fignole son projet de REB « simplifié » ESBWR. Framatome-ANP a aussi en catalogue le SWR 1000, un réacteur à eau bouillante de troisième génération dont la conception comporte certains dispositifs très innovants.
Fin 2003, à l’issue d’une compétition où étaient aussi en lice l’ABWR et le plus moderne des VVR, c’est l’EPR que l’électricien TVO a choisi pour réaliser sur le site d’Olkiluoto le cinquième réacteur de la Finlande, première commande européenne depuis plus de dix ans. EDF vient de décider la construction d’un deuxième EPR, après que l’Autorité de sûreté a confirmé son accord aux dispositions de sûreté qui font la base du projet.
Et après la Finlande et la France ? Il n’est pas interdit de rêver à la Chine, voire aux États-Unis… La seule vraie limite à la pénétration de ce modèle à la pointe de la technique est sa grande taille, qui le met hors de portée de réseaux électriques trop limités ou insuffisamment interconnectés.
Mais revenons chez nous : pourquoi un EPR en France… aujourd’hui, alors que nous avons déjà plus des trois quarts de notre électricité d’origine nucléaire ?
Décider le renouvellement du parc en connaissance de cause…
Selon les scénarios privilégiés par EDF, la puissance installée du parc renouvelé serait d’une soixantaine de GWe, comparable à celle du parc actuel, les premières unités entreraient en service entre 2020 et 2025.
Contrairement à la construction du parc actuel, issu d’un « crash-programme » lancé dans l’urgence de la première crise pétrolière, le renouvellement serait lissé et s’étendrait sur une trentaine d’années (ce qui suppose une durée de vie moyenne du parc actuel autour de cinquante ans). Par ailleurs, c’est au plus tôt vers 2035 que les premiers réacteurs de la fameuse 4e génération pourraient, s’ils débouchent industriellement, entrer en production sur son parc.
Dans ces conditions, la première phase au moins du renouvellement du parc, à partir de 2020, ne pourra être assurée qu’avec la construction, à un rythme de l’ordre de 3 000 MW tous les dix-huit mois, d’un palier de réacteurs à eau d’une capacité de 20 à 30 GW, ou plus encore si les concepts de 4e génération tardent à déboucher.
Pour décider en 2015, avec un retour d’expérience suffisant, de la construction d’un palier d’au moins une douzaine d’unités, qui aura à produire à partir de 2020, c’est bien maintenant qu’il fallait décider et entreprendre une première réalisation qui entrera en service en 2012. Cette réalisation, c’est l’EPR, produit compétitif qui répond aux attentes de l’exploitant EDF et aux exigences de l’Autorité de sûreté.
… tout en garantissant le soutien du parc existant…
Le parc actuel est économiquement performant. C’est l’objectif qu’il le demeure, avec des unités devenant plus âgées, dans des conditions satisfaisantes au regard d’exigences de sûreté qui seront plus contraignantes dans vingt ans qu’aujourd’hui. Pour cela, il faut maintenir en éveil toute une industrie et pouvoir renouveler ses capacités de conception et d’innovation. La mobiliser autour du premier EPR y contribuera de manière déterminante.
… pour un prix raisonnable
La réalisation d’un premier EPR est estimée à 2,8 milliards d’euros (hors intérêts intercalaires), soit moins de 3 % de la valeur de l’outil français actuel de production nucléaire d’électricité. C’est un investissement qui paraît raisonnable pour disposer, quand il faudra décider du renouvellement du parc, de l’assurance procurée par le retour d’expérience d’exploitation d’une première unité. Ce n’est pas une prime d’assurance « stérile » : son électricité sera bienvenue sur le réseau européen !
En conclusion
Nous consommons chaque année l’équivalent de 10 milliards de tonnes de pétrole, alors que près d’un tiers de l’humanité n’a accès qu’aux sources traditionnelles que sont le bois de chauffage et les déjections animales. Sous la pression de la démographie et du développement qui commence – enfin – à toucher les pays les plus peuplés de la planète, nos besoins en énergie n’ont pas fini de croître.
80 % de cette énergie provient de la combustion de pétrole, de gaz et de charbon. Outre les problèmes de durabilité des ressources en hydrocarbures (et de leur répartition géopolitique), cette combustion constitue, de loin, la source principale d’émission dans notre atmosphère de gaz à effet de serre, dont l’accumulation fait peser une sérieuse menace sur l’habitabilité future de notre planète.
Pour faire face à ce dilemme, il faudra mettre en œuvre toute une palette de mesures, dont aucune ne suffirait à elle seule : maîtriser la demande d’énergie, augmenter sensiblement la contribution relative des sources d’énergie nucléaire et renouvelables qui n’émettent pratiquement pas de CO2, et séquestrer ce dernier à la source, là où c’est réalisable.
L’énergie nucléaire ne produit encore que moins de 7 % de l’énergie primaire que nous consommons : dans le contexte que nous venons d’évoquer, elle a un fort potentiel de croissance mondiale. Dans cette croissance, la France a une carte à jouer, un atout qui s’appelle EPR.
Bibliographie
[1] Histoire naturelle des réacteurs nucléaires. B. Barré, Sciences 2004–3, 3e trimestre 2004.
[2] Les coûts de référence de la production électrique. Rapport DGEMP/DIDEME décembre 2003 (disponible sur www.industrie.gouv.fr).
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1. Ou d’un mélange d’oxydes d’uranium et de plutonium que l’on appelle « MOX ».
2. Il n’est pas indifférent de noter que les Autorités de sûreté française et allemande indiquaient clairement leur préférence pour les concepts « évolutionnaires », parce que le retour d’expérience dont ils bénéficient est un élément important de la sûreté, par rapport aux concepts « révolutionnaires », plus innovants mais moins rassurants.
3. Avec l’EPR, le combustible est mieux utilisé, en raison d’une meilleure économie des neutrons (moins de fuites) grâce à un cœur plus gros et à un réflecteur latéral, d’un accroissement du rendement (rapport entre la puissance électrique et la puissance thermique de l’installation), de la possibilité d’augmenter le taux de combustion des assemblages jusqu’à 70 GWj/t. Il en résulte un gain sur le coût de cycle.
4. Deux réacteurs d’un modèle antérieur d’ABWR sont en fonctionnement au Japon depuis 1997, mais ce modèle n’est pas tout à fait de génération 3, notamment en ce qui concerne la mitigation des accidents graves.