Les actions de soutien de Polytechnique aux vocations scientifiques
L’École polytechnique coordonne et développe des actions d’égalité des chances dans les filières scientifiques d’excellence. Elle a créé en 2013 un service qui est dédié à ces actions ; les résultats obtenus sont excellents et en constant développement. L’École contribue ainsi, au-delà de la formation scientifique de ses élèves, à la fois à l’ambition scientifique nationale et à l’enrichissement humain de ceux qui sont engagés dans ces actions.
Notre pays a besoin de scientifiques, notre pays a besoin d’ingénieurs. C’est précisément pour répondre à ce besoin que l’École polytechnique a été créée en 1794 et le besoin est toujours aussi fort aujourd’hui. L’X cherche à recruter et à former les meilleurs esprits scientifiques au service du pays et de l’intérêt général. Elle est donc engagée auprès des collégiens, lycéens et élèves de classes préparatoires de toute la France afin de permettre à chacun, quels que soient son sexe, son origine sociale et son lieu de résidence, d’accéder aux filières scientifiques d’excellence. C’est en 2006 que l’X a lancé sa première cordée de la réussite : « GEPPM : une grande école, pourquoi pas moi ? » Chaque semaine, des élèves de quatre lycées de l’Essonne, sélectionnés sur critères sociaux et de potentiel en mathématiques, étaient tutorés par des élèves polytechniciens sur le campus de l’X. Au programme : mathématiques, méthodologie, orientation… En 2013, un service dédié à l’égalité des chances et aux actions vers les lycéens a été créé : le pôle Diversité & Réussite (PDR). Les actions du PDR, aujourd’hui nombreuses, peuvent se répartir selon deux catégories.
Le pôle Diversité et Réussite
Une première catégorie d’actions vise à informer les jeunes, à détecter les talents, à les inspirer et à les aider, à briser le plafond de verre pour qu’ils osent faire des études scientifiques d’excellence. Cette catégorie d’actions est cruciale, sans doute plus qu’on ne l’imagine a priori. Une étude de l’Institut des politiques publiques parue en janvier 2021 montre que les inégalités d’accès aux classes préparatoires et aux grandes écoles ne s’expliquent que très partiellement par les écarts de performance scolaire. Un enfant de parents de professions et de catégories socioprofessionnelles (PCS) très favorisées a beaucoup plus de chances qu’un enfant de parents de PCS défavorisées d’accéder aux grandes écoles, mais cet écart n’est expliqué qu’à 40 % par une différence moyenne de performance scolaire entre le premier et le second. Ce facteur explicatif est encore plus faible concernant la différence d’accès entre les élèves franciliens et les élèves non franciliens (20 %). Enfin, les écarts de performance scolaire ne contribuent aucunement à expliquer la sous-représentation des filles dans les grandes écoles et les formations qui y préparent. Elles devraient en l’occurrence y accéder davantage que leurs camarades masculins. Le cœur de ces actions est la rencontre inspirante entre des jeunes collégiens, lycéens et des élèves polytechniciens, des étudiants de l’IP Paris, des doctorants, des chercheurs, des professionnels qui travaillent dans le domaine scientifique. Ce partage permet aux jeunes d’acquérir une meilleure représentation des filières scientifiques, encore méconnues par beaucoup, de prendre conscience de l’importance des mathématiques et des sciences et de la diversité de métiers qu’ils peuvent exercer grâce à elles.
Une deuxième catégorie d’actions est l’accompagnement des jeunes talents scientifiques à travers des actions de tutorat d’excellence et de fourniture de contenus scientifiques pour donner à des lycéens ayant un potentiel en sciences un complément par rapport à ce qu’ils reçoivent comme enseignement dans leur lycée. Ces actions s’adressent donc à des lycéens et lycéennes sélectionnés sur un double critère académique et d’origine ou de sexe : ils sont doués pour les sciences mais aussi issus de milieux sociaux modestes, de zones géographiques éloignées ou ce sont des jeunes filles.
Comment se déroulent ces différentes actions ?
Actions d’information, d’inspiration, de détection des talents
L’opération Monge est ainsi nommée en hommage au fondateur de l’X qui a sillonné la France à la recherche de talents scientifiques susceptibles de devenir élèves de l’École polytechnique. Elle se déroule à l’échelle nationale. Sa première édition a eu lieu durant l’année scolaire 2020–2021, malgré la Covid, et la troisième édition est en cours cette année. Les élèves polytechniciens de première année, durant leur période de formation humaine et militaire, sont affectés en unités militaires ou civiles sur tout le territoire national, y compris les DROM-COM. L’École profite de cette formidable diversité géographique pour leur demander de se rendre chacun dans deux lycées proches de leur lieu d’affectation afin de promouvoir les cursus scientifiques et en particulier les études d’ingénieur et de témoigner sur leur parcours. Lors de ces interventions, les X mettent en avant l’importance des sciences, des mathématiques et bien sûr du travail, qui permettent d’ouvrir des portes dans des secteurs variés, enrichissants, porteurs. Cette opération est le socle des actions du PDR et lui permet de créer des liens avec les proviseurs, les professeurs de sciences, avec qui il est par la suite possible d’identifier des élèves prometteurs à accompagner sur la durée. L’année dernière, l’opération Monge a permis de toucher 21 000 lycéens à travers 420 interventions.
Les journées X‑Campus : au cours d’une journée, un groupe de lycéens découvre l’univers d’une grande école d’ingénieurs sur le campus de l’École polytechnique. Ils assistent à une présentation de leur cursus par des élèves ingénieurs et peuvent poser leurs questions ; ils visitent le campus, un laboratoire, le musée de l’X. Sur l’année scolaire 2022–2023, une douzaine de journées sont organisées pour une quarantaine de lycéens à chaque édition.
Les journées « filles, mathématiques et informatique : une équation lumineuse ». Cet événement organisé une fois par an, conjointement avec les associations « femmes et mathématiques » et Animath, permet à 150 à 200 jeunes filles élèves de seconde de s’informer sur les métiers scientifiques et de rencontrer des femmes évoluant dans ce domaine. La journée comprend des conférences de vulgarisation scientifique animées par des chercheuses des laboratoires de l’École polytechnique, un déjeuner et des échanges avec des élèves polytechniciennes, un speed-meeting avec des professionnelles, et une pièce de théâtre participative sur le thème des stéréotypes de genre dans le domaine scientifique.
Les conférences en ligne permettent à des lycéens de découvrir la pluralité des filières et des métiers scientifiques, à travers le partage d’expérience d’intervenants. Elles sont suivies par des élèves partout en France, y compris en outre-mer.
Actions d’accompagnement des jeunes talents scientifiques
Le tutorat d’excellence sur une année scolaire, en présentiel et en ligne : durant leur formation humaine, 35 élèves polytechniciens sont affectés dans 26 lycées, en REP-REP+ ou quartier prioritaire de la politique de la ville, en Île-de-France, et participent à la cordée de la réussite « X‑tutorat IDF », évolution de la cordée « GEPPM ». Ils sont logés dans les lycées et accompagnent quotidiennement des lycéens en liaison avec les professeurs de matière scientifique. Chaque polytechnicien effectue du tutorat scientifique pour 10 élèves de seconde, 10 de première, 10 de terminale, sélectionnés sur leur fort potentiel en sciences et sur critères sociaux. Les X participent aussi au soutien scolaire pour les élèves plus en difficulté et donnent de l’information sur les cursus scientifiques. Cet accompagnement rapproché pendant six mois renforce l’appétence et l’envie de poursuivre vers les sciences déjà présentes chez certains lycéens et inspirent d’autres élèves hésitants sur leur choix d’orientation. Il modifie aussi petit à petit la perception des études scientifiques dans le lycée qui fait parfois de la présence d’un X un critère de promotion pour son lycée dans les collèges. La présence d’un élève polytechnicien rend d’année en année plus familière l’École polytechnique à la communauté éducative et parentale, et aux lycéens.
Ce tutorat en face à face dans les lycées est complété par un programme de tutorat en ligne nommé #GENIUS qui résulte de l’initiative de six grandes écoles : l’École polytechnique, Télécom Paris, l’Ensae Paris, l’Ensta Paris, HEC Paris et Centrale Lyon. Ce dispositif est destiné à des lycéens ayant une forte appétence pour les sciences, issus de milieux modestes, vivant dans des zones rurales sur tout le territoire français. Les séances en ligne sont hebdomadaires et permettent aux lycéens d’approfondir des notions scientifiques et mathématiques, de découvrir des méthodologies nouvelles, de développer leur aisance à l’oral et de poser toutes leurs questions à leur tuteur pour affiner leurs choix d’orientation. Pour l’année scolaire 2021–2022, le programme Genius a concerné 250 lycéens et 80 tuteurs.
Les camps de sciences ou semaines dédiées : Chaque année, un stage de troisième est organisé. Les collégiens viennent découvrir l’univers scientifique d’une grande école à travers un parcours dans les laboratoires et les services pendant une semaine. De nombreux agents des laboratoires de l’X s’engagent dans les actions du PDR et ouvrent volontiers les portes de leurs laboratoires, présentant leur métier et leurs recherches.
L’X‑Science Camp, action phare du PDR, a lieu pendant une semaine au mois de juillet. Durant ce qu’on pourrait qualifier de colonie de mathématiques, 40 lycéens
(20 filles et 20 garçons), logés sur le campus pour l’occasion, vivent au rythme d’un étudiant en école d’ingénieurs et participent à de nombreux temps forts : des cours de mathématiques par des professeurs de lycée, des ateliers scientifiques par des élèves polytechniciens, des projets collaboratifs, des temps de sport et de cohésion, des soirées autour de l’orientation… Ces élèves en fin de classe de première, très méritants, sont sélectionnés sur leurs excellentes notes en sciences ainsi que sur critères sociaux (boursiers, quartier prioritaire de la politique de la ville, niveau d’étude des parents…). L’idée est qu’ils partagent tous pendant une semaine, dans un univers scientifique, leur intérêt pour les mathématiques et que cela leur donne le déclic pour poursuivre des études ambitieuses. Les résultats sont très encourageants. L’École polytechnique a recontacté les lycéens ayant suivi le camp de l’été 2021 pour savoir ce qu’ils avaient obtenu sur Parcoursup. Certains n’ont malheureusement pas répondu mais, pour les autres, les résultats sont exceptionnels au regard de leur environnement d’origine : vingt-deux commencent une maths sup (y compris dans les meilleurs lycées comme Louis-le-Grand, Henri-IV, Sainte-Geneviève, Le Parc…), deux commencent une classe préparatoire commerciale, cinq entrent à l’Insa ou à l’Insen, cinq commencent des licences scientifiques ou en médecine, un lycéen fait une formation en informatique dans une école privée.
L’X a décidé de continuer à accompagner ceux d’entre-eux qui sont entrés en maths sup, car la marche est parfois haute lorsqu’on ne vient pas d’un lycée ou d’un milieu qui prépare à la prépa. Le pôle Diversité et Réussite a donc organisé un camp pour maths sup d’une semaine pendant les vacances de la Toussaint 2022 à La Ciotat. La semaine était organisée avec cinq heures par jour d’étude personnelle et une heure de tutorat individuel assuré par un élève polytechnicien, quelques ateliers de méthodologie et de motivation et du temps libre pour se reposer. Les retours sont excellents ; il faut noter en particulier que, à la fin de cette semaine, deux jeunes femmes ont témoigné qu’elles pensaient abandonner la prépa avant de venir et que ce camp leur avait redonné confiance pour poursuivre leur cursus.
Comment persévérer
Au moment de conclure cet article, il faut rappeler que la réforme du lycée a accéléré la désaffection des filles et des enfants de milieux modestes pour la spécialité mathématique. Nous sommes persuadés que, pour changer les choses de manière solide et durable, il faut accepter de travailler sur un temps un peu long. L’École est fière de toutes ses actions et souhaite encore les renforcer en augmentant l’étendue de l’opération Monge pour toucher plus de lycéens, en accompagnant mieux sur la durée une cohorte d’élèves choisis, comme elle a commencé à le faire avec ceux de l’X‑Science Camp 2021, en mesurant plus précisément l’effet de ses actions, en travaillant de façon plus resserrée avec les autres écoles d’IP Paris au sein d’un centre commun dédié à l’égalité des chances.
Pour la Patrie, les Sciences et la Gloire !
Témoignage
Je m’appelle Soulimane El Messaoudi, je suis de la promotion X22, j’ai participé à l’X‑Science Camp de 2017 organisé par l’X. C’est grâce à mon professeur de mathématiques de première que j’ai connu l’X‑Science Camp. Étant originaire d’un quartier populaire de Marseille, la Belle de mai, je pouvais y prétendre et mon professeur était d’avis que cela allait beaucoup m’apporter, et il ne s’est pas trompé.
Cet X‑Science Camp m’a en effet énormément apporté, pour ne pas dire qu’il a changé ma vie. J’ai découvert les hautes études scientifiques en France, et particulièrement l’existence de l’X et j’ai commencé à trouver ma voie. L’École m’avait beaucoup plu tant par ses valeurs que sa formation ; c’est donc devenu un objectif que j’ai gardé dans un coin de ma tête pour aujourd’hui le concrétiser, après des classes préparatoires au lycée Thiers.
Aujourd’hui, cela me permet de continuer d’avoir la tête pleine d’ambition et de projets pour mon avenir et de réfléchir à ce que je vais apporter au monde.
Commentaire
Ajouter un commentaire
Suite à l’article de Marie Bresson, je souhaite compléter les informations en indiquant que dans le cadre du programme « Cordée de la réussite X‑tremplin », nous sommes environ une trentaine d’anciens X bénévoles, délégués et relais du PDR, à accompagner les élèves X tuteurs (première année promo 2022 dans leur stage de formation humaine) auprès des lycéens répartis dans 25 lycées de la région parisienne. Je veux aussi insister sur le rôle essentiel des proviseurs des lycées qui accueillent les élèves X tuteurs dans leur établissement et en les hébergeant, celui aussi des professeurs référents (principalement professeurs de mathématique) qui les aident aussi à trouver des créneaux dans les emplois du temps chargés, à recruter des élèves tutorés (une dizaine par niveau : Seconde, Première et Terminale) et à définir les contenus d’une quinzaine de séances de tutorat de 2 heures par semaine, en mathématique, en science et leur orientation vers les études supérieures, et ce pendant les 6 mois que dure le stage, d’octobre à mars de l’année suivante. C’est une expérience tout à fait intéressante et enrichissante pour les différents intervenants et au profit des élèves motivés de milieux sociaux défavorisés pour la plupart, auxquels la poursuite d’études scientifiques peut être un atout. Pourtant un constat regrettable : en travaillant sur le contenu des séances, j’ai regardé de plus près les programmes de mathématique des classes de lycée, et me suis aperçu d’une baisse nette des exigences par rapport à celles que j’ai connues. Cela confirme malheureusement la teneur de certains articles de ce numéro. Espérons que par notre action et d’autres initiatives, nous saurons redresser la barre. Patrick Pépiot promo 71.