Les activités d’une banque étrangère à Kiev
Le Crédit Lyonnais, grande banque internationale, a toujours, au cours de son histoire, cherché à avoir une présence forte en Europe de l’Est. C’était le cas avant la révolution russe de 1917, lorsque le Crédit Lyonnais était la plus importante des banques étrangères en Russie, présente alors à Moscou, Saint-Pétersbourg et Odessa.
Dès que cela fut possible en URSS, une représentation fut de nouveau créée à Moscou.
Kiev, square près du Parlement avec la statue du premier président de la République, M. Hrushevskyï. © DATA BANK UKRAINE
Après l’éclatement de l’URSS, en 1991, nos équipes ont immédiatement travaillé pour nous permettre d’être présents en Russie et en Ukraine, les deux nouveaux pays les plus importants de la nouvelle CEI, pour y mener une activité de banque commerciale de plein exercice. Notre but, comme dans chacune de nos implantations internationales, était de pouvoir accompagner ou précéder nos grands clients internationaux. Le Crédit Lyonnais Rusbank, en 1993 à Saint-Pétersbourg et en 1994 à Moscou, a été la première banque occidentale opérationnelle dans la nouvelle Russie.
De même en Ukraine, la création d’une banque « étrangère » était une première. Une licence a été demandée en juillet 1992 à la nouvelle Banque Nationale de l’Ukraine et a été accordée au Crédit Lyonnais Ukraine en juillet 1993. Ce n’était que l’une des étapes d’une mise en place qui nous a permis d’avoir, avec les autorités de ce pays, un dialogue et une coopération remarquables, qui perdurent.
Après l’obtention de la licence, nous nous sommes attelés à trouver des locaux et à recruter du personnel. Pour les locaux, une denrée rare alors, une partie du quatrième étage du musée Lénine, devenu la Maison de l’Ukraine, fit l’affaire jusqu’à la mi-1999. Pour le personnel, les autorités souhaitaient que nous ne recrutions pas au sein des banques ukrainiennes. Des jeunes, formés par le Crédit Lyonnais à Kiev et à l’étranger, en anglais, notre langue de travail, forment l’ossature de l’équipe qui comprend aujourd’hui 70 personnes. Et en mai 1994, nous ouvrions les premiers comptes clients.
Cinq années d’exploitation
Nous sommes restés pendant trois ans la seule banque étrangère installée en Ukraine. La seconde, arrivée en 1997, était également une banque française, la Société Générale. Aujourd’hui, nous sommes huit banques dont le capital est, pour l’essentiel, détenu par des intérêts occidentaux. Ce nombre est élevé compte tenu de la situation économique actuelle.
Nos clients, les entreprises internationales, nous ont rejoints. En y ajoutant les représentations diplomatiques et, naturellement, des entreprises ukrainiennes, essentiellement les exportateurs, nous avons maintenant dépassé le seuil des 500 clients, entreprises et institutionnels.
Nos services consistent à gérer des flux d’import-export ainsi que des flux en monnaie ukrainienne, la gryvna. Le crédit est peu développé en raison des taux d’intérêt élevés pour des emprunts en monnaie locale et en raison d’un risque de change considérable pour les emprunts en devises. En matière d’import/export, les réglementations sont éminemment changeantes et entraînent une forte consommation de temps et de papier.
Par contre, en matière de paiements internes, l’Ukraine dispose de systèmes de compensation interbancaire efficaces et modernes. Nous disposons d’un système de paiement électronique qui nous permet d’exécuter des virements vers d’autres banques ou d’en recevoir de ces mêmes banques. Plus de 150 de nos clients utilisent ce service pour régler leurs salaires ou leurs fournisseurs et pour recevoir des paiements de leurs clients.
Enfin il est évident que nos clients considèrent le Crédit Lyonnais Ukraine comme une banque relativement sûre. Nos résultats sont modestes dans l’absolu, mais tout à fait honorables, en comparaison avec le capital investi. Pour nous, cet investissement constitue une réussite.
Nous devons cette réussite d’abord à nos clients. Mais nous la devons aussi à notre personnel : celui-ci est d’excellente éducation, trilingue voire quadrilingue : ukrainien, russe, anglais et parfois français. Il est efficace, surtout lorsqu’il est bien encadré et dispose des bons outils. La qualité de l’exécution est bonne.
Toutefois, pour des raisons parfaitement compréhensibles au vu de son histoire, ce pays souffre d’une absence de créateurs et de gestionnaires capables de mener des projets ou de gérer dans une optique de long terme, surtout pour les personnes d’âge mûr formées pendant la période soviétique.
Au demeurant, notre exploitation a été et reste très dépendante de l’évolution de l’Ukraine, telle qu’elle est perçue de l’étranger ; très dépendante également de sa situation économique. L’Ukraine a eu l’immense avantage de démarrer sans endettement.
Mais son inexpérience, son absence de culture en matière de gestion et l’instabilité qui existe sur les plans fiscaux, réglementaires, légaux… ont été et restent des handicaps forts pour son développement et son intégration à nos marchés occidentaux. Au cours de ces cinq années de régression sur le plan économique, les déficits budgétaires, les déficits de la balance commerciale et de la balance des paiements… ont été permanents, mais ils décroissent et tendent vers zéro. L’hyperinflation a maintenant disparu.
Maintenant, les émissions de bons du Trésor et d’emprunts à l’étranger par le Gouvernement ne font plus recette… surtout après l’effondrement financier de la Russie en août 1998. Les autorités, et en particulier la Banque Centrale d’Ukraine, ont très bien géré cette crise « russe ».
Dans ce pays largement démonétisé, où le système bancaire est fragile mais trop peu développé pour peser lourd sur l’économie, la monnaie a été dévaluée de façon douce, de deux à quatre gryvnas pour un dollar (soit deux fois moins que le rouble qui s’est dévalué de 6 à 24 pour un dollar) ; jusqu’ici, les échéances des emprunts à l’étranger ont été honorées ou rééchelonnées « à l’amiable ».
En réalité, l’activité économique ukrainienne n’a régressé que de façon marginale depuis août 1998, même si nos clients internationaux, importateurs en Ukraine, ont pu connaître une régression plus marquée, leurs prix devenant non compétitifs du fait de la dévaluation.
Et maintenant
L’Ukraine n’a pas vraiment attiré les investisseurs étrangers depuis son indépendance : les investissements directs étrangers totalisent environ 3 milliards de dollars depuis 1991, un montant que la Pologne obtient actuellement en six mois. Des opportunités d’investissement existent donc actuellement en Ukraine à des conditions parfaitement raisonnables.
À condition de jouer le long terme, le succès est probable pour tout investisseur sérieux. Après les élections présidentielles, fin octobre et début novembre, les investisseurs étrangers devraient, espérons-le, sortir de leur expectative.
Il est également vraisemblable que la façon selon laquelle seront réglées les échéances proches de la dette envers l’étranger conditionnera le futur : en effet, si l’endettement extérieur de l’Ukraine est modeste (il n’excède pas 15 milliards de dollars), le remboursement des échéances dans les deux ans à venir porte sur 5 milliards de dollars et ne sera pas chose facile.
Le soutien des institutions financières internationales (FMI, Banque Mondiale, BERD…) ne s’est toutefois jamais démenti car l’Ukraine est un pays important, sur le plan géopolitique, pour la communauté occidentale.
Notre activité de banque, exprimée en devises fortes, a naturellement décru depuis un an. Mais elle reste bonne. À terme, et c’est le propre de l’activité bancaire, elle est fortement dépendante de l’évolution économique et financière de ce pays.