Les anciens élèves en campagne

Dossier : ExpressionsMagazine N°634 Avril 2008
Par Claude BÉBÉAR (55)

L’E­cole poly­tech­nique part en cam­pagne. Au-delà du vocable mili­taire qui pour­rait évo­quer le glo­rieux pas­sé de notre École, c’est avant tout un défi à la mon­dia­li­sa­tion que lance l’X. L’en­sei­gne­ment supé­rieur n’est plus une chasse gar­dée entre lea­ders natio­naux, le champ de bataille est désor­mais international.

Faire venir les meilleurs étu­diants chi­nois, atti­rer le pro­fes­seur renom­mé de telle ou telle dis­ci­pline, déve­lop­per des pro­jets de coopé­ra­tion scien­ti­fique au niveau euro­péen ou mon­dial, néces­sitent des moyens consi­dé­rables que l’É­tat seul ne peut offrir. Nous, anciens élèves, savons mieux que qui­conque ce que nous devons à l’É­cole poly­tech­nique. Elle a en par­tie contri­bué à ce que nous sommes aujourd’­hui. C’est pour­quoi j’ai accep­té de prendre la pré­si­dence de la pre­mière cam­pagne de levée de fonds por­tée par la Fon­da­tion de l’É­cole poly­tech­nique et ses struc­tures soeurs, aux États-Unis et en Grande-Bre­tagne, au béné­fice de notre École.

Changer de dimension

L’X doit se doter de moyens com­plé­men­taires à l’action de l’État pour main­te­nir son rang international

Notre École a de for­mi­dables atouts mais elle ne pour­ra riva­li­ser avec les meilleures uni­ver­si­tés inter­na­tio­nales si elle ne change pas de dimen­sion. Il lui faut pour cela élar­gir son péri­mètre d’ac­tion tant dans le volet de l’en­sei­gne­ment que dans celui de la recherche et ren­for­cer ain­si son attrac­ti­vi­té aca­dé­mique et scien­ti­fique au niveau inter­na­tio­nal. Cette stra­té­gie se concré­tise par exemple dans le déve­lop­pe­ment de la gra­duate school qui per­met d’une part de diver­si­fier l’offre de for­ma­tion dans des cur­sus recon­nus au plan inter­na­tio­nal (mas­ter, doc­to­rat) et d’autre part d’ac­croître pro­gres­si­ve­ment le nombre d’é­tu­diants. Cette crois­sance ne se fait pas au détri­ment de la qua­li­té de la sélec­tion, l’une des forces de l’É­cole, c’est pour­quoi une poli­tique active de bourses est néces­saire pour atti­rer les meilleurs étudiants.

Le défi de l’attractivité

Une volon­té d’ouverture
Le chan­ge­ment de taille passe éga­le­ment par une volon­té d’ouverture du cam­pus à de nou­veaux centres de recherche et éta­blis­se­ments de for­ma­tion sur le cam­pus de Palai­seau (aujourd’hui, Danone, Thales, Ins­ti­tut d’Optique et demain, Ens­ta et Ensae) et en par­ti­ci­pant à de nom­breux réseaux scien­ti­fiques ou regrou­pe­ments d’établissements comme ParisTech.

Si la nature publique de notre École lui garan­tit d’im­por­tants moyens pour la for­ma­tion des poly­tech­ni­ciens, elle est sou­mise aux mêmes contraintes que l’u­ni­ver­si­té quand il s’a­git de rému­né­rer ses cher­cheurs et ensei­gnants aux nou­veaux tarifs pra­ti­qués sur le mar­ché mon­dial. Un ensei­gnant-cher­cheur junior sor­ti d’une pres­ti­gieuse uni­ver­si­té amé­ri­caine (MIT, Cal­tech ou Colom­bia) peut pré­tendre à un salaire d’embauche aux États-Unis d’en­vi­ron 60 000 euros par an, (soit 41 000 euros net après impôts ), à peu près pareil en Grande-Bre­tagne, alors que le salaire moyen d’un débu­tant à l’X, en tant que pro­fes­seur 2e classe, est d’en­vi­ron 27 000 euros net après impôts. Le gou­ver­ne­ment fran­çais ne s’y est pas trom­pé puisque la loi sur les uni­ver­si­tés, votée en août 2007, leur per­met désor­mais de créer des fon­da­tions don­nant une flexi­bi­li­té finan­cière plus impor­tante en termes de res­sources mais éga­le­ment de dépenses. L’X doit se doter de moyens com­plé­men­taires à l’ac­tion de l’É­tat pour main­te­nir son rang inter­na­tio­nal. Les chaires d’en­tre­prise sont une pre­mière ouver­ture en ce sens mais elles ne suf­fisent pas. Un véri­table fonds d’at­trac­ti­vi­té, si pos­sible pérenne par le biais d’un endow­ment (fonds de dota­tion), doit être créé afin de per­mettre de déga­ger ces res­sources com­plé­men­taires. Cela est vrai pour les ensei­gnants et cher­cheurs, mais éga­le­ment pour les étu­diants étran­gers brillants que nous sou­hai­tons atti­rer sur le cam­pus de l’X plu­tôt que de les voir par­tir au MIT.

Investir dans l’immatériel

Beau­coup d’an­ciens élèves qui, comme moi, ont fait le choix de l’en­tre­prise, peuvent s’être par­fois éloi­gnés du champ de la recherche aca­dé­mique. Or, nous savons bien aujourd’­hui que la connais­sance et l’in­no­va­tion sont les moteurs de la crois­sance. Il faut savoir inves­tir dans l’im­ma­té­riel pour que demain il devienne une réa­li­té éco­no­mique pal­pable. Long­temps les entre­prises ont réser­vé leurs actions de mécé­nat à la culture, puis au sec­teur social. Aujourd’­hui et fort heu­reu­se­ment, un mou­ve­ment se des­sine en faveur de l’en­sei­gne­ment supé­rieur et de la recherche. Pour res­ter com­pé­ti­tive, la recherche fran­çaise a besoin de démul­ti­plier les oppor­tu­ni­tés de valo­ri­sa­tion et d’in­no­va­tion. Ce qui néces­site ici encore de gros moyens. L’en­tre­prise peut cer­tai­ne­ment faire plus, mais les anciens élèves également.

Un niveau international

Le choix de l’in­ter­na­tio­na­li­sa­tion de l’É­cole poly­tech­nique lui a per­mis de ren­for­cer ses par­te­na­riats avec des uni­ver­si­tés pres­ti­gieuses. Dans les labo­ra­toires de ces uni­ver­si­tés, les » X » sont connus, recon­nus et deman­dés. Dans un cer­tain nombre de sec­teurs pro­fes­sion­nels, comme la banque, les ingé­nieurs fran­çais sont recher­chés par les DRH inter­na­tio­naux qui n’hé­sitent pas à les recru­ter dès les classes pré­pa­ra­toires. Il ne faut cepen­dant pas être naïf et se conten­ter de ces » niches » de recon­nais­sance. Le tra­vail enga­gé par l’É­cole doit se pour­suivre ; elle doit en par­ti­cu­lier faire recon­naître sa gra­duate school au meilleur niveau inter­na­tio­nal, ce qui sup­pose des inves­tis­se­ments lourds en termes de recru­te­ment, de pro­mo­tion et de com­mu­ni­ca­tion. Ici encore, les anciens élèves, par la force de leur réseau et la qua­li­té de leurs par­cours, doivent être au coeur de cette recon­nais­sance internationale.

Des défis à notre mesure

Depuis long­temps des X figurent en France aux pre­miers rangs du monde éco­no­mique, de la recherche scien­ti­fique et de la haute fonc­tion publique. Aujourd’­hui, les choses bougent, les nou­veaux » capi­taines d’in­dus­trie » ont des cur­sus très diver­si­fiés, écoles de mana­ge­ment ou d’in­gé­nieur fran­çaises mais éga­le­ment inter­na­tio­nales. Notre diplôme reste une grande valeur de réfé­rence mais nous ne sommes plus seuls à bri­guer les meilleurs postes. Aujourd’­hui, pour faire face à ses nom­breux défis et por­ter son ambi­tion de déve­lop­pe­ment, l’É­cole, à tra­vers sa fon­da­tion, mobi­lise ses » anciens » en lan­çant une pre­mière cam­pagne de levée de fonds avec un objec­tif de 25 mil­lions d’eu­ros en cinq ans. Celle-ci vien­dra dou­bler l’ac­tion ini­tiée dès 2003 auprès des entre­prises à tra­vers la créa­tion de chaires ou la col­lecte de la taxe d’ap­pren­tis­sage. À ce jour, près de 50 % de cet objec­tif a été sécu­ri­sé par des dons et enga­ge­ments de cer­tains de nos cama­rades. Cette cam­pagne se veut inter­na­tio­nale et deux nou­velles fon­da­tions ont été créées, pré­si­dées par Phi­lippe Khuong-Huu (83) aux États-Unis et Jacques Garaïalde (76) en Grande-Bretagne.

Un appel à la communauté

Je lance aujourd’­hui un appel à la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne pour qu’en­semble nous attei­gnions et dépas­sions cet objec­tif. Nous sou­hai­tons aller plus loin que ce pre­mier objec­tif et doter notre École d’une base finan­cière pérenne. Lorsque le MIT affiche un fonds de dota­tion (endow­ment) de plus de 8 mil­liards de dol­lars, ce sont aus­si Cal­tech avec près de 2 mil­liards, Cam­bridge avec 6 mil­liards ou encore, l’IN­SEAD avec 140 mil­lions d’eu­ros. C’est pour­quoi, toutes les contri­bu­tions ont leur impor­tance car il ne s’a­git pas d’une opé­ra­tion coup-de-poing mais d’une dyna­mique qui s’ins­crit dans le temps. Votre fidé­li­té est au moins aus­si impor­tante que votre contribution.

FRANCE
Comi­té de campagne
ROYAUME-UNI
The École poly­tech­nique Cha­ri­table Trust
ÉTATS-UNIS
Friends of École polytechnique
Claude Bébéar (55), président Jacques Garaïalde (76), président Phi­lippe Khuong-Huu (83), président
Chris­tian Béné­zit (83), Antoine Decitre (90), Pierre-Hen­ri Fla­mand (90), Jean-Mar­tin Folz (66), Jean-Ber­nard Lafon­ta (80), Pierre-André Mar­tel (72), Oli­vier Mit­ter­rand (62), Jean-Fran­çois Rove­ra­to (64), Domi­nique Sene­quier (72), Hugues Lepic (84) Rachid Bou­zou­ba (88), Pierre-Hen­ri Fla­mand (90), Jean-Pierre Mus­tier (81), Ber­nard Oppe­tit (75), Phi­lippe Varin (73) Antoine Bern­heim (72), Éric Claus (79), Chris­tian Pestre (73), Nico­las Van­den­ber­ghe (85)
Membres de droit : Paul Com­beau (47)-FX, Yan­nick d’Escatha (66)-X, Thier­ry Des­ma­rest (64)-FX, Daniel Dewa­vrin (58)-AX, Jacques Garaïalde (76)-UK, Phi­lippe Khuong-Huu (83)-US Xavier Michel (72)-X, Jean-Ber­nard Lar­tigue (65)-FX, Marie-Sté­phane Mara­deix (Direc­trice de campagne).

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