Les anciens élèves en campagne
L’Ecole polytechnique part en campagne. Au-delà du vocable militaire qui pourrait évoquer le glorieux passé de notre École, c’est avant tout un défi à la mondialisation que lance l’X. L’enseignement supérieur n’est plus une chasse gardée entre leaders nationaux, le champ de bataille est désormais international.
Faire venir les meilleurs étudiants chinois, attirer le professeur renommé de telle ou telle discipline, développer des projets de coopération scientifique au niveau européen ou mondial, nécessitent des moyens considérables que l’État seul ne peut offrir. Nous, anciens élèves, savons mieux que quiconque ce que nous devons à l’École polytechnique. Elle a en partie contribué à ce que nous sommes aujourd’hui. C’est pourquoi j’ai accepté de prendre la présidence de la première campagne de levée de fonds portée par la Fondation de l’École polytechnique et ses structures soeurs, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, au bénéfice de notre École.
Changer de dimension
L’X doit se doter de moyens complémentaires à l’action de l’État pour maintenir son rang international
Notre École a de formidables atouts mais elle ne pourra rivaliser avec les meilleures universités internationales si elle ne change pas de dimension. Il lui faut pour cela élargir son périmètre d’action tant dans le volet de l’enseignement que dans celui de la recherche et renforcer ainsi son attractivité académique et scientifique au niveau international. Cette stratégie se concrétise par exemple dans le développement de la graduate school qui permet d’une part de diversifier l’offre de formation dans des cursus reconnus au plan international (master, doctorat) et d’autre part d’accroître progressivement le nombre d’étudiants. Cette croissance ne se fait pas au détriment de la qualité de la sélection, l’une des forces de l’École, c’est pourquoi une politique active de bourses est nécessaire pour attirer les meilleurs étudiants.
Le défi de l’attractivité
Une volonté d’ouverture
Le changement de taille passe également par une volonté d’ouverture du campus à de nouveaux centres de recherche et établissements de formation sur le campus de Palaiseau (aujourd’hui, Danone, Thales, Institut d’Optique et demain, Ensta et Ensae) et en participant à de nombreux réseaux scientifiques ou regroupements d’établissements comme ParisTech.
Si la nature publique de notre École lui garantit d’importants moyens pour la formation des polytechniciens, elle est soumise aux mêmes contraintes que l’université quand il s’agit de rémunérer ses chercheurs et enseignants aux nouveaux tarifs pratiqués sur le marché mondial. Un enseignant-chercheur junior sorti d’une prestigieuse université américaine (MIT, Caltech ou Colombia) peut prétendre à un salaire d’embauche aux États-Unis d’environ 60 000 euros par an, (soit 41 000 euros net après impôts ), à peu près pareil en Grande-Bretagne, alors que le salaire moyen d’un débutant à l’X, en tant que professeur 2e classe, est d’environ 27 000 euros net après impôts. Le gouvernement français ne s’y est pas trompé puisque la loi sur les universités, votée en août 2007, leur permet désormais de créer des fondations donnant une flexibilité financière plus importante en termes de ressources mais également de dépenses. L’X doit se doter de moyens complémentaires à l’action de l’État pour maintenir son rang international. Les chaires d’entreprise sont une première ouverture en ce sens mais elles ne suffisent pas. Un véritable fonds d’attractivité, si possible pérenne par le biais d’un endowment (fonds de dotation), doit être créé afin de permettre de dégager ces ressources complémentaires. Cela est vrai pour les enseignants et chercheurs, mais également pour les étudiants étrangers brillants que nous souhaitons attirer sur le campus de l’X plutôt que de les voir partir au MIT.
Investir dans l’immatériel
Beaucoup d’anciens élèves qui, comme moi, ont fait le choix de l’entreprise, peuvent s’être parfois éloignés du champ de la recherche académique. Or, nous savons bien aujourd’hui que la connaissance et l’innovation sont les moteurs de la croissance. Il faut savoir investir dans l’immatériel pour que demain il devienne une réalité économique palpable. Longtemps les entreprises ont réservé leurs actions de mécénat à la culture, puis au secteur social. Aujourd’hui et fort heureusement, un mouvement se dessine en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour rester compétitive, la recherche française a besoin de démultiplier les opportunités de valorisation et d’innovation. Ce qui nécessite ici encore de gros moyens. L’entreprise peut certainement faire plus, mais les anciens élèves également.
Un niveau international
Le choix de l’internationalisation de l’École polytechnique lui a permis de renforcer ses partenariats avec des universités prestigieuses. Dans les laboratoires de ces universités, les » X » sont connus, reconnus et demandés. Dans un certain nombre de secteurs professionnels, comme la banque, les ingénieurs français sont recherchés par les DRH internationaux qui n’hésitent pas à les recruter dès les classes préparatoires. Il ne faut cependant pas être naïf et se contenter de ces » niches » de reconnaissance. Le travail engagé par l’École doit se poursuivre ; elle doit en particulier faire reconnaître sa graduate school au meilleur niveau international, ce qui suppose des investissements lourds en termes de recrutement, de promotion et de communication. Ici encore, les anciens élèves, par la force de leur réseau et la qualité de leurs parcours, doivent être au coeur de cette reconnaissance internationale.
Des défis à notre mesure
Depuis longtemps des X figurent en France aux premiers rangs du monde économique, de la recherche scientifique et de la haute fonction publique. Aujourd’hui, les choses bougent, les nouveaux » capitaines d’industrie » ont des cursus très diversifiés, écoles de management ou d’ingénieur françaises mais également internationales. Notre diplôme reste une grande valeur de référence mais nous ne sommes plus seuls à briguer les meilleurs postes. Aujourd’hui, pour faire face à ses nombreux défis et porter son ambition de développement, l’École, à travers sa fondation, mobilise ses » anciens » en lançant une première campagne de levée de fonds avec un objectif de 25 millions d’euros en cinq ans. Celle-ci viendra doubler l’action initiée dès 2003 auprès des entreprises à travers la création de chaires ou la collecte de la taxe d’apprentissage. À ce jour, près de 50 % de cet objectif a été sécurisé par des dons et engagements de certains de nos camarades. Cette campagne se veut internationale et deux nouvelles fondations ont été créées, présidées par Philippe Khuong-Huu (83) aux États-Unis et Jacques Garaïalde (76) en Grande-Bretagne.
Un appel à la communauté
Je lance aujourd’hui un appel à la communauté polytechnicienne pour qu’ensemble nous atteignions et dépassions cet objectif. Nous souhaitons aller plus loin que ce premier objectif et doter notre École d’une base financière pérenne. Lorsque le MIT affiche un fonds de dotation (endowment) de plus de 8 milliards de dollars, ce sont aussi Caltech avec près de 2 milliards, Cambridge avec 6 milliards ou encore, l’INSEAD avec 140 millions d’euros. C’est pourquoi, toutes les contributions ont leur importance car il ne s’agit pas d’une opération coup-de-poing mais d’une dynamique qui s’inscrit dans le temps. Votre fidélité est au moins aussi importante que votre contribution.