Les armées au défi de la transition énergétique
Le monde fait le bilan de sa situation climatique comme les symptômes d’une maladie trop longtemps ignorée. Les souches de morbidité sont connues et les COP successives le rappellent. La France se veut exemplaire dans la lutte contre le réchauffement climatique et le ministère des armées est aux avants postes de cette exemplarité.
Une vision maîtrisée
Le but des forces armées est d’assurer sa supériorité sur ses adversaires en toutes circonstances.
Le contexte énergétique mondial subit de profondes mutations. Cette évolution des principes de consommation fera, comme au XIXe siècle, l’objet d’un bouleversement géopolitique mondial qui pèsera sur les scénarios d’emplois de la force. Les technologies de rupture nées de cette révolution et l’impératif de frugalité impacteront en outre les modes d’action militaires.
Ces circonstances, inédites depuis l’avènement du roi pétrole, s’imposent dans la réflexion stratégique sur le plan opérationnel et environnemental ; le ministère des Armées n’étant pas exempt des efforts de l’État dans le domaine écologique. Elles s’inscrivent comme un enjeu fondamental pour les armées qui ne peuvent, depuis Nabuchodonosor, se passer d’énergie pour avancer et pour gagner.
Dans cette perspective révolutionnaire, les schémas actuels de soutien énergétique fossile dévoilent leur fragilité. Bientôt caduques par la loi du monde, ils imposent une réflexion dépoussiérée, voire disruptive de nos concepts d’emploi des énergies (pétrole, électricité, hydrogène) et le ministère des Armées par sa stratégie énergétique de défense (SED) s’est engagé sur le chemin de la transition énergétique. Ce document ministériel offre une perspective en recherchant à faire de cette transition énergétique un « atout au profit des forces ».
Un outils adapté : le service de l’énergie opérationnelle
Parmi les réformes indispensables, celle du service des essences des armées (SEA) s’impose naturellement. Son périmètre « fossile » n’était plus en phase avec les bouleversements à venir. Abandonnant l’essence au profit de l’énergie, ce service renommé Service de l’Énergie Opérationnelle (SEO) vient désormais en appui de tous les acteurs du ministère qui œuvrent à l’adaptation des forces et de leur concept d’emploi, en apportant un regard éclairé sur les défis énergétiques. Ses missions vont de l’approvisionnement, stockage et distribution de carburants, ingrédients, produits et emballages aux forces armées, multinationales et alliées à l’expertise et conseil techniques.
L’objectif est bien de faire des contraintes énergétiques un atout opérationnel pour les armées (terre, mer, air) dans un contexte inédit où la volonté de transition énergétique est désormais commune aux grandes fonctions du ministère des Armées. Ce modèle novateur invite à être exporté.
Une révolution sous surveillance
Cette exigence de consommation maîtrisée et durable s’invite néanmoins comme un convive perturbateur à la table de la particularité militaire. La réglementation environnementale ne peut s’imposer à l’action régalienne de l’État. Toute forme de progrès lié à la transition énergétique devra être analysée au prisme de ses implications militaires.
La règlementation nationale et européenne impactant la circulation, l’emploi technologique et la résilience doit demeurer cohérente avec l’emploi de la force, au risque de s’interdire des modes d’action engageant le succès militaire, et en particulier hors de France où les conditions énergétiques sont très éloignées des standards européens.
La définition des besoins des armées devra elle aussi s’exprimer en objectifs énergétiques à atteindre dans le respect des règles de la commande publique propre à la défense.