Les assureurs sont face à la gestion des risques
Quelles sont les évolutions de fond du marché de l’assurance ?
Virak NOU : La première rupture majeure est financière. Nous sommes dans un environnement de taux bas qui fragilise les assureurs et complexifie leur pilotage.
A PROPOS DE PARI
PARI (Programme sur l’Appréhension des Risques et des Incertitudes) est une chaire de recherche portée par l’Institut Europlace de Finance, avec l’ENSAE/CREST et Sciences Po.
Son objectif est d’identifier le champ de pertinence de nos concepts et outils d’appréhension des risques.
Elle est financée par ACTUARIS, La Financière de la cité, Generali et le Groupe Monceau.
La seconde est réglementaire, avec l’arrivée de Solvabilité 2 qui bouleverse les règles du jeu de solvabilité et de rentabilité.
Et la dernière est technologique dans la mesure où le big data crée de nouvelles attentes de la part des assurés, et pourrait faire exploser le marché au profit des GAFA.
Comment réagir ?
Sylvestre FREZAL : Une réflexion de fond est nécessaire, sur les plans conceptuel et technologique, car nos méthodes d’appréhension des risques ne sont pas adaptées à ce nouvel environnement.
Historiquement, les assureurs savent mutualiser : ils gèrent la masse et noient l’aléa dans la loi des grands nombres. Ils ont une vision agrégée, statistique, des risques ; il va falloir basculer dans une appréhension individualisée : une gestion de l’aléa et non simplement de l’hétérogénéité.
Les outils probabilistes, en actuariat et en finance mathématique, sont faits pour cela, non ?
S. F : Ils sont pertinents lorsqu’on observe un grand nombre d’occurrences, lorsque l’espérance peut s’incarner dans une moyenne. C’est valable pour un assureur qui calcule un tarif, ou une banque qui tarifie une option.
À PROPOS D’ACTUARIS
Filiale d’ADDACTIS Group, ACTUARIS est un des leaders européens en actuariat-conseil et premier éditeur de logiciels actuariels.
Il intervient auprès de plus de 200 organismes assureurs et se développe à l’étranger via sa filiale ADDACTIS Worldwide.
Mais avec le big data, les assurés souhaiteront du conseil préventif. L’assureur va devoir faire une « révolution quantique », changer sa position d’observateur, passer d’une vision macro à une vision individuelle.
Bref comprendre et expliquer la nature de l’imprévisible et de sa quantification.
V. N : Au niveau financier, les taux sont désormais trop bas pour que l’on puisse se permettre de gérer les aléas des marchés dans le temps en les mutualisant. Les assureurs n’auront plus d’amortisseurs et seront sur la corde raide.
Cela impose de repenser les outils d’allocation d’actif, qui jusqu’ici reposaient sur des grandeurs statistiques issues de calculs stochastiques.
Quel est l’objectif de l’association entre PARI et ACTUARIS ?
V. N : Nous avons créé PARI précisément pour identifier les limites de nos outils actuels d’appréhension des risques, délimiter leur champ de pertinence, et le cas échéant trouver des alternatives.
Cela mobilisera principalement deux champs disciplinaires : l’épistémologie, pour comprendre leur pertinence intrinsèque, et la sociologie, pour comprendre la façon dont ils sont utilisés, puis ainsi identifier l’éventuel « mismatch » (ou décalage).
S. F : Et cela doit porter ses fruits dans la compréhension et le pilotage des les politiques prudentielles, dans l’allocation stratégique d’actifs et les solutions d’assurance de demain.