Laboratoire d'une start-up en biotech

Les atouts de la formation d’ingénieur pluridisciplinaire

Dossier : BiotechnologiesMagazine N°726 Juin 2017
Par Alexandre Le VERT (99)

L’industrie phar­ma­ceu­tique inves­tit sou­vent en R&D externe, c’est à dire en rache­tant une start-up qui a déve­lop­pé un médi­ca­ment. Le déve­lop­pe­ment de telles start-up est une acti­vi­té aux spé­ci­fi­ci­tés fortes. Il faut par­tir sur des bases de don­nées solides dans un sec­teur régle­men­té avec un finan­ce­ment par levée de fonds. Les cycles sont longs et le risque d’é­chec important. 

Depuis plu­sieurs années, l’industrie phar­ma­ceu­tique inves­tit une part crois­sante de ses efforts R & D en « R & D externe », ce qui se tra­duit par le rachat de socié­tés de bio­tech­no­lo­gie qui ont déve­lop­pé un médi­ca­ment (plus rare­ment plu­sieurs) jusqu’à des phases aval de déve­lop­pe­ment clinique. 

Cette évo­lu­tion impor­tante marque un chan­ge­ment de fond dans cette indus­trie, avec notam­ment presque 50 % des inves­tis­se­ments R & D de GSK (l’un des lea­ders mon­diaux de la phar­ma­cie) alloués à des par­te­na­riats externes. 

REPÈRES

L’indice Euronext Next Biotech compte plus d’une trentaine de sociétés cotées à Paris pour une capitalisation boursière totale supérieure à 6,5 Mds€

UNE ACTIVITÉ AUX SPÉCIFICITÉS FORTES

Avant de consi­dé­rer le sec­teur des start-up en bio­tech comme le nou­vel eldo­ra­do pour scien­ti­fiques avides d’aventures entre­pre­neu­riales, il convient de com­prendre les spé­ci­fi­ci­tés qui rendent ce sec­teur dif­fi­cile d’accès.

Tout d’abord, les entre­prises de bio­tech sont en géné­ral lan­cées sur la base de bre­vets déjà exis­tants, ou bien de don­nées assez solides. 

“ La biotech est un secteur très réglementé ”

Ces don­nées ou ces bre­vets sont sou­vent géné­rés au sein de labo­ra­toires publics. Le lien avec la recherche aca­dé­mique est donc fon­da­men­tal dans la recherche de pépites en devenir. 

En deuxième lieu, la bio­tech est un domaine très régle­men­té puisqu’il s’agit de déve­lop­per des médi­ca­ments. Il faut bien connaître le domaine et avoir beau­coup gre­nouillé avec les acteurs ins­ti­tu­tion­nels avant d’être vrai­ment crédible. 

D’autre part, on y génère très rare­ment du chiffre d’affaires et on finance donc une entre­prise par des levées de fonds suc­ces­sives, en attei­gnant entre-temps des jalons qui per­mettent à la socié­té et à ses actions de gagner en valeur. Il faut donc bien com­prendre le monde du finan­ce­ment en fonds propres ou en subventions. 

Enfin, les cycles de déve­lop­pe­ment sont très longs. On ne retrouve donc pas autant de serial entre­pre­neurs (entre­pre­neur en série) que dans d’autres domaines. En effet, il faut sou­vent cinq à sept ans avant de savoir qu’on s’est « plan­té » et dix ans avant de « réus­sir » en cédant l’entreprise à un grand groupe. 

Donc on ne monte pas son entre­prise sur une idée. La qua­li­té des diri­geants se démontre sur le long terme : les serial entre­pre­neurs sont rares car ils n’ont qua­si­ment jamais le loi­sir d’avoir créé plus de 2 ou 3 socié­tés sur trente ans ! 

LES ATOUTS INDÉNIABLES DE L’ÉCOSYSTÈME FRANÇAIS

Comme le prouve le nombre impor­tant de jeunes pousses qui réus­sissent à se finan­cer sur le mar­ché de la Bourse pari­sienne, la France ne manque pas d’atouts dans l’entreprenariat en bio­tech : elle pos­sède une recherche aca­dé­mique de tout pre­mier plan ; le coût de la R & D y est assez com­pé­ti­tif grâce à au CIR ; et elle est sou­vent consi­dé­rée comme le para­dis du finan­ce­ment non-dilu­tif grâce aux nom­breux outils inci­ta­tifs déve­lop­pés et cen­tra­li­sés par BPI France. 

“ Il n’y a pas de modèle pour un entrepreneur ! ”

Enfin, nous souf­frons moins que d’autres sec­teurs de la lour­deur du droit du tra­vail. En effet, la bio­tech se déve­loppe et se pro­jette sur de longs cycles, ce qui per­met d’anticiper les évo­lu­tions d’organisation.

De plus, elle fait appel à des com­pé­tences très poin­tues qui sont géné­ra­le­ment pro­po­sées par des consul­tants qui ne sont donc pas des employés (on parle sou­vent de vir­tual bio­tech pour les pre­mières années de vie d’une biotech). 

SAVOIR GÉRER LE RISQUE D’ÉCHEC

Puisque des pro­jets peuvent être aban­don­nés au bout de très nom­breuses années de recherche pour des rai­sons tech­niques dif­fi­ciles à anti­ci­per, il peut être ris­qué de sau­ter le pas et de lier sa car­rière à un bre­vet ou à une molé­cule qu’on ne peut contrô­ler tota­le­ment. Alors com­ment gérer le risque d’échec en biotech ? 

TECHS VS BIOTECHS : DES LOGIQUES DIFFÉRENTES

Dans la « tech », une des qualités indispensables va être l’agilité avec laquelle une entreprise s’adapte à son environnement et fait évoluer rapidement son produit.
Dans la biotech, ces qualités ne vont répondre que partiellement à la problématique de la gestion du risque : en effet, on ne peut que très difficilement changer une molécule ou un brevet lorsqu’on a déjà fait plusieurs années de R & D dessus.

Une des approches est de créer de l’optionalité en déve­lop­pant une pla­te­forme tech­no­lo­gique à par­tir de laquelle on va déve­lop­per deux ou trois pro­jets en pen­sant qu’un ou deux vont capoter. 

Une autre approche est celle uti­li­sée par les fonds (et donc pas par l’entrepreneur) qui inves­tissent dans une dizaine de pro­jets en misant tout sur l’apparition d’un seul « che­val ». Dans la réa­li­té, on voit sou­vent une entre­prise qui se finance en déve­lop­pant rapi­de­ment et effi­ca­ce­ment un pre­mier pro­duit, et qui uti­lise l’assise finan­cière ain­si géné­rée pour élar­gir sa base en acqué­rant ou déve­lop­pant de nou­veaux pro­jets très en amont. 

À ce stade, on parle de pipe­line et c’est sou­vent une condi­tion sine qua non pour se finan­cer sur les mar­chés boursiers. 

DES PROFILS TRÈS DIVERS

Il n’y a pas de modèle pour un entre­pre­neur ! Il y en a autant que d’individualités.

  • On retrouve des prag­ma­tiques pas­sion­nés qui ont une pro­fonde expé­rience du ter­rain dans le domaine médi­cal ou scien­ti­fique et qui n’ont pas peur de remon­ter leurs manches ; 
  • des pro­fils qui sont capables de « vendre » un pro­jet aux finan­ceurs, soit parce qu’ils ont une cré­di­bi­li­té scien­ti­fique ou médi­cale très forte, soit parce qu’ils ont une fibre « mar­ke­ting-vente » issue du domaine de la santé ; 
  • des pro­fes­sion­nels aguer­ris qui ont long­temps rou­lé leur bosse dans le domaine avant de se lancer. 


Les entre­prises de bio­tech sont en géné­ral lan­cées sur la base de bre­vets déjà exis­tants, ou bien de don­nées assez solides.

On voit par exemple beau­coup de pro­jets se lan­cer avec un ou deux cher­cheurs qui conti­nuent leurs tra­vaux aca­dé­miques et un mana­ger aguer­ri qui va deve­nir DG. 

Enfin, on retrouve par­fois des pro­fes­sion­nels qui sont pla­cés par des fonds. Ils ne sont pas tou­jours fon­da­teurs, mais ils apportent énor­mé­ment à l’entreprise à un moment clé de sa croissance. 

En résu­mé, la créa­tion ou la ges­tion d’une entre­prise inter­vient logi­que­ment plus tard en bio­tech que dans la « tech » et les pro­fils de diri­geants ne se résument pas à une for­ma­tion X (ou Y…). 

Ce sont plu­tôt des soft skills comme l’envie, l’esprit de syn­thèse, la capa­ci­té de tra­vail ou le bon sens scien­ti­fique qui vont être impor­tants dans ce genre de posi­tions… qu’il fau­dra vali­der par une grande expé­rience dans le domaine de la san­té avant de faire le pas de la créa­tion ou de la reprise d’une socié­té de biotech.

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