Les bioraffineries d’insectes, nouvelle industrie agroalimentaire
UNE ALIMENTATION NATURELLE
L’élevage moderne tend à s’éloigner de l’alimentation naturelle des animaux. Le régime alimentaire naturel des truites « arc-en-ciel », par exemple, comprend plus de 50 % de larves d’insectes.
La démarche d’Ynsect vise à revenir à une alimentation naturelle pour les animaux d’élevage.
L’idée initiale vient d’une réflexion sur la question capitale de l’accès aux protéines à l’horizon 2050, quand nous serons plus de neuf milliards sur terre.
Nous croyons fermement que la solution n’est pas unique et universelle ; nous sommes également convaincus que les insectes sont une « brique » incontournable de notre future éco-industrie.
Redonner sa place à l’insecte
Le long d’une onde pure, la truite se nourrit de larves d’insectes.
L’idée est simple : redonner à l’insecte dans notre agro-industrie la place qu’il occupe dans les cycles naturels. L’un des rôles joués par les insectes est de se nourrir de matières organiques souvent peu valorisées ou valorisables.
Les insectes agissent comme de véritables concentrateurs de nutriments tout en rendant ces matières organiques plus digestes et accessibles. Concrètement, nous sommes des industriels spécialistes d’un nouveau type d’usines appelées « bioraffineries d’insectes ».
Ces bioraffineries comprennent deux ateliers : un premier atelier d’« élevage » de larves d’insectes (à partir de la biomasse locale), et un second atelier de « raffinage » de ces insectes en différents produits : protéines, huiles, diverses molécules spécifiques des insectes (polymères, pigments, phénols, etc.).
Un parfum d’inconnu
Les insectes se nourrissent de matières peu valorisables.
Le lien entre l’élevage d’insectes et l’enseignement à l’École polytechnique n’est pas évident. J’ai pourtant été surpris de trouver dès 2011 une rubrique « éleveur d’insectes » parmi les choix de métiers proposés par polytechnique.org, grâce sans doute à certains de nos camarades apiculteurs.
“ Les insectes agissent comme des concentrateurs de nutriments ”
Polytechnique m’a fait découvrir la biologie, une science complexe et passionnante. Je me souviens encore d’un professeur me disant très simplement : « On ne sait toujours pas expliquer pourquoi l’on pense, restons humble devant la science du vivant : on est loin d’avoir tout compris ! »
J’ai très vite été attiré par ce parfum d’inconnu ; je m’attelle à un petit bout de ce grand problème par l’élevage d’insectes.
UNE AVENTURE HUMAINE
Entreprendre n’est ni facile, ni difficile : c’est surtout une aventure humaine, une question d’équipe, de communication, d’implication et de réactivité devant les opportunités avant même d’être une question d’idées ou de moyens financiers.
J’attribue en grande partie notre bon démarrage à la force de notre équipe initiale de quatre fondateurs aux parcours variés et complémentaires (Agro, ESSEC, ENSI-Mag, X).
Polytechnique m’a aussi apporté le goût de l’industrie et des grands projets. Mon premier métier concernait un autre type de raffineries, celles de l’industrie pétrolière, au sein du géant franco-américain Schlumberger.
La richesse du réseau des polytechniciens dans le domaine industriel constitue une valeur ajoutée certaine pour un entrepreneur
Ce qui m’a le plus surpris dans l’univers des start-ups, c’est la rapidité des cycles. En une semaine, il peut se produire des changements que l’on verrait plutôt à l’échelle du trimestre, voire du semestre, dans un grand groupe.
J’ai toujours du mal à me dire que cela ne fait « que trois ans » que nous avons fondé Ynsect.
L’année du décollage
Les insectes sont une « brique » incontournable de notre future éco-industrie.
L’année 2014 a vraiment été l’année du décollage. L’équipe est passée de six à vingt collaborateurs et nous avons effectué nos premiers recrutements internationaux (Inde et Espagne).
“ Restons humble devant la science du vivant ”
Deux fonds d’investissement majeurs sont entrés au capital de la société en début d’année. Enfin, l’entreprise s’est vue récompensée par de nombreux concours d’entreprise dont les plus emblématiques sont certainement le Concours mondial d’innovation 2014 et le concours Cleantech Open 2014, où nous avons représenté la France à San Francisco.
Ynsect a encore beaucoup de travail devant elle, notamment sur son prochain défi à court terme : un « démonstrateur industriel » de ses technologies, encore actuellement au stade « paillasse » et « pilote ».
Ce démonstrateur constituera une étape cruciale dans la naissance de cette nouvelle industrie de l’insecte.