Les bioraffineries d’insectes, nouvelle industrie agroalimentaire

Dossier : TrajectoiresMagazine N°703 Mars 2015
Par Jean-Gabriel LEVON (05)

UNE ALIMENTATION NATURELLE

L’élevage moderne tend à s’éloigner de l’alimentation naturelle des animaux. Le régime alimentaire naturel des truites « arc-en-ciel », par exemple, comprend plus de 50 % de larves d’insectes.
La démarche d’Ynsect vise à revenir à une alimentation naturelle pour les animaux d’élevage.

L’idée ini­tiale vient d’une réflexion sur la ques­tion capi­tale de l’accès aux pro­téines à l’horizon 2050, quand nous serons plus de neuf mil­liards sur terre.

Nous croyons fer­me­ment que la solu­tion n’est pas unique et uni­ver­selle ; nous sommes éga­le­ment convain­cus que les insectes sont une « brique » incon­tour­nable de notre future éco-industrie.

Redonner sa place à l’insecte

Le long d’une onde pure, la truite se nour­rit de larves d’insectes.

L’idée est simple : redon­ner à l’insecte dans notre agro-indus­trie la place qu’il occupe dans les cycles natu­rels. L’un des rôles joués par les insectes est de se nour­rir de matières orga­niques sou­vent peu valo­ri­sées ou valorisables.

Les insectes agissent comme de véri­tables concen­tra­teurs de nutri­ments tout en ren­dant ces matières orga­niques plus digestes et acces­sibles. Concrè­te­ment, nous sommes des indus­triels spé­cia­listes d’un nou­veau type d’usines appe­lées « bio­raf­fi­ne­ries d’insectes ».

Ces bio­raf­fi­ne­ries com­prennent deux ate­liers : un pre­mier ate­lier d’« éle­vage » de larves d’insectes (à par­tir de la bio­masse locale), et un second ate­lier de « raf­fi­nage » de ces insectes en dif­fé­rents pro­duits : pro­téines, huiles, diverses molé­cules spé­ci­fiques des insectes (poly­mères, pig­ments, phé­nols, etc.).

Un parfum d’inconnu

Les insectes se nourrissent de matières peu valorisables.
Les insectes se nour­rissent de matières peu valorisables.

Le lien entre l’élevage d’insectes et l’enseignement à l’École poly­tech­nique n’est pas évident. J’ai pour­tant été sur­pris de trou­ver dès 2011 une rubrique « éle­veur d’insectes » par­mi les choix de métiers pro­po­sés par polytechnique.org, grâce sans doute à cer­tains de nos cama­rades apiculteurs.

“ Les insectes agissent comme des concentrateurs de nutriments ”

Poly­tech­nique m’a fait décou­vrir la bio­lo­gie, une science com­plexe et pas­sion­nante. Je me sou­viens encore d’un pro­fes­seur me disant très sim­ple­ment : « On ne sait tou­jours pas expli­quer pour­quoi l’on pense, res­tons humble devant la science du vivant : on est loin d’avoir tout compris ! »

J’ai très vite été atti­ré par ce par­fum d’inconnu ; je m’attelle à un petit bout de ce grand pro­blème par l’élevage d’insectes.

UNE AVENTURE HUMAINE

Entreprendre n’est ni facile, ni difficile : c’est surtout une aventure humaine, une question d’équipe, de communication, d’implication et de réactivité devant les opportunités avant même d’être une question d’idées ou de moyens financiers.
J’attribue en grande partie notre bon démarrage à la force de notre équipe initiale de quatre fondateurs aux parcours variés et complémentaires (Agro, ESSEC, ENSI-Mag, X).

Poly­tech­nique m’a aus­si appor­té le goût de l’industrie et des grands pro­jets. Mon pre­mier métier concer­nait un autre type de raf­fi­ne­ries, celles de l’industrie pétro­lière, au sein du géant fran­co-amé­ri­cain Schlumberger.

La richesse du réseau des poly­tech­ni­ciens dans le domaine indus­triel consti­tue une valeur ajou­tée cer­taine pour un entrepreneur

Ce qui m’a le plus sur­pris dans l’univers des start-ups, c’est la rapi­di­té des cycles. En une semaine, il peut se pro­duire des chan­ge­ments que l’on ver­rait plu­tôt à l’échelle du tri­mestre, voire du semestre, dans un grand groupe.

J’ai tou­jours du mal à me dire que cela ne fait « que trois ans » que nous avons fon­dé Ynsect.

L’année du décollage

Un papillon
Les insectes sont une « brique » incon­tour­nable de notre future éco-industrie.

L’année 2014 a vrai­ment été l’année du décol­lage. L’équipe est pas­sée de six à vingt col­la­bo­ra­teurs et nous avons effec­tué nos pre­miers recru­te­ments inter­na­tio­naux (Inde et Espagne).

“ Restons humble devant la science du vivant ”

Deux fonds d’investissement majeurs sont entrés au capi­tal de la socié­té en début d’année. Enfin, l’entreprise s’est vue récom­pen­sée par de nom­breux concours d’entreprise dont les plus emblé­ma­tiques sont cer­tai­ne­ment le Concours mon­dial d’innovation 2014 et le concours Clean­tech Open 2014, où nous avons repré­sen­té la France à San Francisco.

Ynsect a encore beau­coup de tra­vail devant elle, notam­ment sur son pro­chain défi à court terme : un « démons­tra­teur indus­triel » de ses tech­no­lo­gies, encore actuel­le­ment au stade « paillasse » et « pilote ».

Ce démons­tra­teur consti­tue­ra une étape cru­ciale dans la nais­sance de cette nou­velle indus­trie de l’insecte.

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