Les bornes de recharge monétisables qui démocratisent l’accès à la mobilité électrique
Pour solutionner la problématique de la recharge des véhicules électriques, Marc Lepage, CEO et fondateur de WattPark, une start-up innovante industrielle, est parti de sa propre expérience de la mobilité électrique pour développer un concept « out of the box » de bornes de recharge monétisables. Explications.
Du monde de l’armement terrestre à celui des bornes de recharge, comment êtes-vous arrivé dans le secteur de la mobilité ?
Je viens, en effet, du monde de l’armement, au sein du laboratoire du GIAT, Groupement Industrielle de l’Armement Terrestre. J’ai un profil très technique ainsi qu’une très forte appétence pour le monde de l’entrepreneuriat. En m’intéressant de plus près au monde de l’automobile, avec un associé, notre intérêt s’était alors portée sur une entreprise opérant dans le domaine de l’autopartage. Dans cette continuité, j’ai participé au Concours Véhicules Intelligents – Ville du Futur en 2012. Alors que je n’étais pas issu du « sérail » de l’automobile, j’ai fait partie des lauréats de ce concours ce qui m’a permis d’avoir accès à un certain nombre de décideurs du secteur, dont Renault, qui débutait les développements autour de la Zoé.
Finalement, nous n’avons pas donné suite au rachat de cette entreprise et je me suis alors tourné vers une nouvelle piste : la mobilité électrique. Pour mieux appréhender ce secteur, j’ai converti mon propre véhicule en hybride rechargeable. Pendant deux ans, je roulais 70 km par jour pour aller au travail. J’ai ainsi pu expérimenter à mon échelle un des principaux freins au déploiement à grande échelle de la mobilité électrique et faire un constat relatif à la recharge rapide : si elle répond aux besoins des VRP qui parcourent de longues distances et se déplacent de ville en ville, elle n’est toutefois pas nécessaire pour les citadins qui représentent 80 % des conducteurs de véhicules électriques. La rentabilité de ces systèmes, évidemment indispensables sur les autoroutes, n’est toutefois pas évidente quand il s’agit de répondre aux besoins de conducteurs qui peuvent charger leur véhicule la nuit afin qu’il soit opérationnel le lendemain.
L’intérêt d’un véhicule électrique est de pouvoir se déplacer d’un point A à un point B et d’être en mesure de se recharger à destination. Au-delà d’énormes batteries pour équiper les véhicules électriques, l’enjeu est de garantir à ces utilisateurs, qui n’ont pas besoin de charge rapide, un maillage du territoire qui leur permet justement de se recharger à destination, y compris grâce à une recharge lente.
Mon analyse a, par ailleurs, été corroborée par une étude commandée par le gouvernement au BCG : le besoin en matière de recharge à domicile ou de recharge sur les points de destination représente 80 à 90 % de la problématique la mobilité urbaine.
À partir de là, vous avez développé le concept des bornes de recharge monétisables. Dites-nous en plus.
J’ai, en effet, imaginé un écosystème autour de bornes de recharge monétisables, WattPark qui repose sur un modèle de location de places de parking avec la fourniture d’électricité pour recharger les véhicules électriques. Concrètement, toute personne qui possède un foncier ou une maison peut installer une borne et la monétiser grâce à un système propriétaire que nous avons développé et qui fonctionne en mode offline.
Une personne qui a besoin de recharger son véhicule va pouvoir réserver un créneau de recharge en ligne et obtenir un fichier électronique de communication qui va lui permettre de brancher sa voiture à la borne et de la recharger puis d’être facturé. Ce sont les personnes qui mettent à disposition une borne qui définissent le prix.
Au travers de ce concept et de cette approche, nous apportons une innovation technologique mais également en termes d’usages qui va permettre d’accélérer, voire de massifier le déploiement de bornes de recharge à l’échelle du territoire national.
Qu’en est-il du positionnement de votre start-up que vous avez lancée en 2017 ?
WattPark est avant tout une start-up de recherche et développement à vocation industrielle qui a déposé des brevets en Europe et aux États-Unis, et qui, aujourd’hui, a également pour projet de déposer un nouveau brevet en Chine.
En termes de positionnement, WattPark a développé une borne de recharge propriétaire fabriquée en France. Dès le départ, nous avons souhaité construire notre modèle de manière à répondre à des enjeux forts : une fabrication en France, dans une logique de réindustrialisation du pays, de création de valeur et d’emplois locaux.
Sur un plan plus business, la rentabilité de notre modèle s’appuie sur deux piliers. Tout d’abord, la production de la borne que nous commercialisation. Puis, une commission de 10 % sur chaque transaction qui est opérée entre une personne qui met à disposition une borne de recharge et un utilisateur. C’est un modèle qui fait écho à celui d’AirBnB et qui nous a, d’ailleurs, valu d’être décrit dans la presse comme le AirBnB de la recharge électrique !
Aujourd’hui, ce modèle fait particulièrement sens et intéresse même les constructeurs automobiles. Au-delà, avec ce projet innovant, WattPark a gagné la première édition de Software République. En 2021, nous avons aussi été lauréat de l’ICNC 2021, un événement allemand qui récompense les entreprises qui disruptent le secteur des télécommunications grâce à notre système offline. Enfin, avec l’Île-de-France, nous avons obtenu un PIA 4 dans le cadre duquel il s’agit de fusionner nos développements logiciels propriétaires offline avec le logiciel online qui est incompatible avec les installations de recharge accessibles sur les voiries.
Et aujourd’hui, où en est WattPark ?
Si à l’heure actuelle, nous avons déployé quelques bornes, notre produit a vocation à pouvoir équiper chaque maison ce qui permettrait de répondre à 30 % des besoins du marché en matière de recharge.
Nous avons développé ces bornes de recharge partageables et monétisables en prenant en compte le potentiel d’expansion du système. L’idée est, en effet, de proposer une solution simple d’accès et facilement déployable et utilisable pour mailler massivement le territoire et permettre à un tout à chacun de trouver rapidement un point de recharge. En parallèle, le système a aussi été pensé pour pouvoir être installé et utilisé en mode offline, ce qui permet d’optimiser de manière significative les coûts étant donné qu’aucun apport du réseau n’est nécessaire.
Comment vous projetez-vous sur le marché ?
Nous avons signé un accord avec un grand groupe situé à Bordeaux, qui fabriquait historiquement des boîtes à vitesse, et qui aujourd’hui se repositionne sur la mobilité électrique. L’objectif est de fabriquer 100 000 unités. En parallèle, nous avons également acquis une société basée en Île-de-France, qui fabrique un véhicule électrique. Sur le moyen et long terme, l’idée de Wattpark est aussi de développer des services complémentaires autour de cette mobilité électrique en mettant à disposition des véhicules électriques capables de parcourir des distances de moins de 100 km par jour pour répondre au besoin de la majorité des conducteurs en France. Enfin, il s’agit aussi de nous développer et de dupliquer notre modèle en Europe, mais aussi en Afrique et au Moyen-Orient.
Le mot de la fin ?
Pour soutenir cette démarche de démocratisation de l’utilisation de la voiture électrique et notre modèle atypique, il est important que l’État s’inscrive dans une logique de promotion et de valorisation de l’industrie nationale et locale.