Les brevets face à la 4e révolution industrielle
Dites-nous-en plus sur la mission de l’OEB ?
L’OEB est une organisation internationale, créée en 1973 par sept États, dont la France, sur le fondement de la Convention sur le brevet européen (CBE). Elle réunit aujourd’hui 38 États contractants, parmi lesquels les 28 États membres de l’Union européenne ainsi que d’autres pays comme l’Islande, la Norvège, la Suisse, la Turquie. Le Maroc, la Tunisie, la Moldavie et le Cambodge reconnaissent les brevets européens dans leur territoire. Au total, le brevet européen couvre 44 pays, soit un marché de 700 millions d’habitants. Notre mission est d’examiner les demandes de brevets déposées par les entreprises pour s’assurer qu’elles répondent aux conditions de validité définies par la CBE. L’OEB reçoit chaque année environ 166 000 demandes de brevet du monde entier (50 % proviennent d’entreprises européennes, 25 % d’entreprises américaines et 25 % d’entreprises asiatiques). Nous assurons aussi une large diffusion du savoir technologique contenu dans les brevets. L’OEB emploie 7 000 agents – dont 4 400 ingénieurs trilingues hautement spécialisés – répartis sur cinq sites, dont le siège de l’Office à Munich.
Comment vous impacte la digitalisation et comment amorce-t-elle une 4e révolution industrielle (4RI) ?
La 4RI marque l’entrée dans notre quotidien de technologies de rupture comme l’intelligence artificielle à travers le déploiement massif de l’internet des objets. D’ici 2025, on estime que de 26 à 30 milliards d’appareils équipés de capteurs, processeurs et logiciels embarqués seront connectés à l’internet des objets. Dans notre récente étude sur la 4RI *), nous avons constaté que le nombre de demandes de brevets européens liés aux objets connectés intelligents a augmenté de 54 % de 2013 à 2016. En comparaison, la hausse globale du nombre de demandes déposées auprès de l’OEB avait été de 7,65 % sur cette même période. Quant à l’intelligence artificielle, sa croissance annuelle a été de 43 % en moyenne entre 2011 et 2016 ! Au total, plus de 48 000 demandes de brevets antérieures à 2017 répondent à notre définition de la 4RI. Comme toutes les entités dont le coeur de métier concerne le traitement et l’analyse de données à grande échelle, l’OEB investit de manière importante dans ces nouvelles technologies pour développer des outils toujours plus performants et de nouveaux services. Et la nature des demandes de brevets déposées par les entreprises évolue en mixant des technologies issues de secteurs très différents, renforçant la complexité de notre tâche.
Comment cela se traduit-il ?
Ce type d’inventions représente autant de nouveaux défis que de nouvelles opportunités. Elles portent typiquement sur des opérations réalisées par des robots, et ont pour effet de renforcer la composante informatique des inventions dans presque tous les domaines techniques. Cela oblige un office de brevets à combiner davantage d’expertise interne pour les examiner. L’OEB dispose pour cela d’une doctrine stable et reconnue en matière d’inventions implémentées par ordinateur. À l’OEB, chaque demande est examinée par un comité de 3 examinateurs, ce qui permet d’associer les savoirs nécessaires à une analyse multidisciplinaire. En 2017, l’OEB a revu ses structures en créant un département d’examen regroupant 1700 ingénieurs et couvrant toutes les spécialités du domaine informatique. Cette force de frappe nous permet de fournir les services considérés comme étant de la plus haute qualité au monde, comme le confirme une étude indépendante menée chaque année depuis 8 ans auprès des entreprises du monde entier.
Qu’en est-il de vos enjeux ?
Nous entrons dans une ère où de plus en plus d’inventions seront générées par des robots ou des programmes car ces machines intelligentes ont la capacité d’apprendre et d’améliorer. Une question de base concerne donc la propriété de l’invention : qui peut en revendiquer la paternité et toutes les conséquences juridiques qui en découlent ? Il peut être anticipé que le volume de ces inventions risque de croître de manière exponentielle. Les offices de brevets devront faire évoluer leur capacité de traitement pour éviter un engorgement délétère pour l’efficacité et la pérennité du système.
*) Les brevets et la quatrième révolution industrielle. Office européen des brevets, décembre 2017.