Les centrales à vitesse variable, solution d’avenir

Les STEP sont indispensables dans la transition énergétique. La technologie de la vitesse variable, avec deux variantes technologiques, vient renforcer leurs performances et se présente comme la solution d’avenir. Nombreux sont les projets de ce type à travers le monde. Encore faut-il disposer de la main‑d’œuvre compétente et d’une organisation industrielle optimale.
L’hydroélectricité, en particulier des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), est appelée à jouer un rôle crucial dans la transition énergétique mondiale. Les STEP, qui utilisent deux réservoirs d’eau à différentes altitudes, permettent de stocker l’énergie excédentaire en période de faible demande et de la restituer en période de forte demande. Ce mécanisme aide à équilibrer l’offre et la demande sur le réseau électrique, un défi croissant avec l’augmentation des sources d’énergie renouvelables intermittentes comme le solaire et l’éolien. Les STEP offrent une capacité de stockage de longue durée et assurent la stabilité du réseau grâce à leur rapidité de réponse. Elles fournissent des services auxiliaires essentiels, tels que le contrôle de fréquence et la puissance réactive, qui étaient auparavant assurés par les centrales thermiques fossiles.
Innovations technologiques
Les STEP modernes sont conçues pour réagir dynamiquement dans un laps de temps très court aux fluctuations du réseau, que ce soit pour répondre de façon rapide à de légères fluctuations ou bien pour assurer une alimentation stable afin d’éviter des pannes de courant plus importantes. Parmi les dernières avancées, la technologie à vitesse variable permet un contrôle dynamique des unités pompe-turbine, offrant des performances optimales sur une large plage de fonctionnement et des temps de réponse rapides.
Avec les pompes-turbines réversibles fixes, la production en mode turbine est adaptée via le distributeur et dépend donc du système hydraulique. Une manière de contribuer à la stabilité du réseau consiste à réagir plus rapidement en cas de perturbation. Avec la vitesse variable, cette réaction rapide est possible grâce aux convertisseurs de puissance qui sont utilisés. Alors qu’avec une solution classique à vitesse fixe il n’y a qu’un seul point de fonctionnement pour une hauteur de chute donnée, en mode pompage le fonctionnement en vitesse variable permet de faire varier la puissance absorbée entre – 100 % et environ – 55 %, selon les caractéristiques de la machine.
Ainsi, la vitesse variable offre une flexibilité supplémentaire face aux fluctuations du réseau en ajustant précisément la consommation d’énergie. Par exemple, en période de faible demande, la centrale pourra réduire sa consommation d’énergie, tandis qu’en période de forte demande elle augmentera sa consommation pour aider à stabiliser le réseau.
La vitesse variable au service du réseau
Les machines à vitesse variable peuvent être synchrones avec un convertisseur de puissance ou asynchrones à double alimentation, offrant une grande flexibilité et une efficacité accrue. La solution synchrone nécessite un convertisseur de puissance (100 % de la puissance nominale de l’alternateur) placé entre l’alternateur et le transformateur de l’unité. La technologie du rotor reste similaire à celle d’une unité à vitesse fixe.
Cette technologie permet un contrôle précis de la vitesse de rotation, optimisant ainsi l’efficacité pendant les phases de stockage et de récupération d’énergie. Ce type de solution améliore la stabilité du réseau en fournissant des temps de réponse rapides aux variations de la demande, améliorant ainsi la fiabilité globale du système électrique. La solution asynchrone à double alimentation consiste à alimenter le rotor par un convertisseur. Dans ce cas, la capacité de puissance du convertisseur ne représente qu’une fraction de la puissance nominale de l’alternateur, la technologie du rotor étant très spécifique.
“De nombreux projets sont en cours de développement dans le monde.”
Cette configuration à double alimentation offre une grande flexibilité dans l’ajustement de la vitesse de rotation, améliorant ainsi la capacité du système à réagir rapidement aux changements des conditions du réseau. Cette configuration permet d’obtenir une efficacité et une stabilité plus élevées, ce qui en fait un choix précieux pour les projets hydroélectriques modernes de pompage-turbinage.
Le choix d’une technologie à vitesse variable dépend de critères à la fois économiques et techniques. L’investissement initial et les revenus possibles doivent être pris en compte et sont directement liés à l’efficacité des unités, aux temps de transition et à la complexité technique des unités. Sans qu’il n’y ait donc de limite technologique stricte, le point de bascule entre la technologie synchrone avec un convertisseur de puissance ou asynchrone à double alimentation se situe habituellement autour de 130 MW de puissance unitaire. De nombreux projets sont en cours de développement dans le monde et les plus récents présentent des aspects innovants.
En Suisse
La centrale de Nant de Drance, inaugurée en 2022, utilise six groupes pompes-turbines à vitesse variable de 150 MW chacun. Elle peut produire 900 MW en moins de deux minutes et stocker environ 20 GWh d’électricité, soit un fonctionnement de 20 heures à pleine puissance. Les pompes-turbines et les moteurs-alternateurs à vitesse variable permettent de pomper précisément la quantité d’énergie que le réseau électrique souhaite évacuer, afin que l’énergie éolienne et solaire de la région ne soit pas gaspillée, mais au contraire hautement valorisée.
On peut également citer le projet de Linth Limmern mis en service en 2017, représentant une autre installation hydroélectrique majeure et cruciale dans l’équilibrage de l’approvisionnement en électricité de la Suisse. Construite sous terre dans la roche, cette STEP peut pomper l’eau du lac de Limmern vers le réservoir du Muttsee situé 630 mètres plus haut. Elle comprend quatre turbines-pompes réversibles, chacune avec une capacité de 250 MW et une vitesse de rotation pouvant varier de 470 à 530 tours par minute.
En Autriche
Le projet de Tauernmoos comprend deux unités de pompage-turbinage à vitesse variable de 85 MW chacune. Il s’agira de la première nouvelle centrale de pompage-turbinage au monde dotée d’une technologie synchrone à vitesse variable avec un convertisseur de puissance. La centrale électrique est conçue pour offrir une grande flexibilité et des temps de réponse courts aux changements de charge, notamment grâce à des démarrages et des arrêts très rapides ainsi que des transitions rapides entre le fonctionnement de la turbine et celui de la pompe.
En Espagne
Un projet aux îles Canaries, comprenant six unités de pompage-turbinage à vitesse variable de 37 MW chacune, vise à augmenter la production d’énergie renouvelable de 37 % et à réduire les émissions de CO₂ de 20 %. La centrale garantira l’approvisionnement énergétique des îles Canaries en augmentant la capacité électrique installée et en renforçant la sécurité du système. Ces aspects sont cruciaux pour un réseau électrique isolé comme celui des îles Canaries. De plus, le site fournira de l’eau pour l’agriculture, l’élevage, la lutte contre les incendies, le reboisement, et aidera à réduire la désertification.

En Inde
Le projet Tehri, en cours de construction, sera la plus puissante STEP du pays avec une capacité de 1 000 MW pour une durée de 7 heures en continu. Le projet inclut quatre unités de 250 MW, chacune opérant sous une chute de 188 mètres, et toutes équipées de machines à vitesse variable. La particularité principale de ce projet réside dans la grande variation entre la hauteur maximale et minimale de chute, sous laquelle les pompes-turbines réversibles fonctionneront. Grâce à la technologie à vitesse variable, il est possible de surmonter cette contrainte, permettant ainsi la réalisation du projet.
L’optimisation de la base installée
Ces avancées technologiques offrent une flexibilité accrue aux exploitants d’installations et de réseaux. Or, le parc mondial étant vieillissant, moderniser ces infrastructures permettrait de prolonger leur durée de vie, d’améliorer leur rendement et leur performance, ainsi que d’assurer une meilleure utilisation des ressources en eau. Près de la moitié des centrales en exploitation ayant plus de trente ans, leur modernisation représente un moyen efficace d’améliorer leur performance avec des coûts, des délais et un impact environnemental réduits.
Des projets de conversion de vitesse fixe à vitesse variable ont déjà vu le jour en Europe et cette tendance pourrait se renforcer à l’avenir. Par exemple, la centrale de pompage-turbinage de Malta Oberstufe en Autriche centrale a subi une rénovation significative pour remplacer son alternateur et ses systèmes hydrauliques par de nouvelles solutions à vitesse variable. La mise à niveau comprenait l’installation d’une machine synchrone alimentée par convertisseur et d’un convertisseur modulaire multiniveau, améliorant ainsi la flexibilité opérationnelle et l’efficacité de la centrale.
Un développement sous contrainte
La transition énergétique s’intensifie, mettant en lumière le besoin urgent de solutions de stockage d’énergie à long terme et de systèmes de production d’électricité flexibles et contrôlables. Les centrales de pompage-turbinage, pionnières dans ce domaine, continuent de s’adapter pour relever ce défi, et leur polyvalence opérationnelle, leur efficacité et leur capacité à équilibrer le réseau en font des éléments essentiels pour la transition énergétique. Leur développement est en plein essor, soutenu par des innovations technologiques et des projets ambitieux à travers le monde.
Il y a aujourd’hui environ 300 projets de STEP représentant 214 GW (selon l’International Hydropower Association) en cours de développement dans le monde, dont plus de 100 aux États-Unis. Les ressources, à commencer par l’ingénierie, se raréfient de plus en plus en raison d’une vague de départs à la retraite dans l’industrie et à la concurrence avec d’autres secteurs d’activité souhaitant attirer les talents. Afin de faire face à ces nouveaux défis, des partenariats se mettent en place, permettant ainsi l’optimisation des projets tout en garantissant la disponibilité des ressources. Cette nouvelle approche visant à impliquer suffisamment tôt l’équipementier, le génie civiliste et le développeur favorise l’optimisation des coûts, du calendrier et des performances de la future centrale.