Les dirigeantes de demain
L’étude « Quels dirigeants, quelles dirigeantes pour demain ? » questionne les diplômés de dix grandes écoles (Centrale Paris, l’Ena, l’ESCP Europe, l’Essec, HEC, l’INSEAD, Mines ParisTech, l’X, Ponts ParisTech et Sciencespo Paris), des dirigeants et des entrepreneurs sur trois points clés : les enjeux les plus importants pour les dirigeants de demain ; leur vision de l’accès au pouvoir et de son exercice, les qualités qu’il faudra posséder demain pour répondre aux défis ; leurs propositions d’actions concrètes.
REPÈRES
GEF, « Grandes Écoles au féminin », qui regroupe les associations de diplômés de dix grandes écoles françaises, s’est donné pour vocation depuis sa création d’être un observatoire de l’évolution des parcours des diplômés de ses écoles, un acteur qui fait bouger les lignes sur le front de la modernisation des entreprises et des administrations ; et enfin un réseau de réflexion, de témoignages et de partage des « meilleures pratiques ».
Nouveaux enjeux
Les nouveaux enjeux de la société civile reposent sur plusieurs paradoxes. En premier lieu, la montée de l’autonomie mais la baisse des prises de risques : si 65% des diplômés se sentent prêts à entreprendre, ils ne sont plus que 16% à accepter de prendre des risques importants pour arriver à leurs fins, hommes et femmes confondus. Effet de la crise, réalisme des jeunes générations ? En même temps, la dictature de l’immédiat s’accompagne d’une demande croissante de sens, valeur souvent considérée comme féminine : notre société actuelle aurait besoin d’un but commun auquel il vaudrait la peine de se consacrer.
Les dirigeantes expriment la difficulté de gérer les contradictions entre objectifs et moyens
Cependant, les diplômés identifient deux défis majeurs : le pilotage du changement permanent et la gestion des contradictions. La nécessité de réinventer en permanence son business model est citée en premier lieu par les hommes comme par les femmes. Les femmes dirigeantes expriment davantage la difficulté de gérer les contradictions entre objectifs et moyens et celles de plus de 35 ans sont plus sensibles à la difficulté générée par des organisations complexes.
L’ambition, mais pas à n’importe quel prix
Satisfaites de leur parcours, les femmes diplômées le sont autant que les hommes. 74% d’entre elles pensent pouvoir accéder à des responsabilités supérieures, et 40% sont prêtes à quitter leur entreprise pour progresser dans leur carrière. Deux freins existent cependant : maintenir un bon équilibre entre activité professionnelle et vie privée (70 % des réponses), et devoir mettre en oeuvre des décisions que l’on n’approuve pas nécessairement.
Faire confiance ?
Les diplômés font plutôt confiance au dirigeant de leur entreprise (68 %). En revanche, les femmes de plus de 35 ans accordent moins leur confiance (61 %).
D’une manière générale, hommes et femmes doutent de sa capacité à gérer le long terme et à innover. Qualité qui, au contraire, est attendue comme importante chez le dirigeant de demain. Et, comme l’ensemble des Français, les diplômés sont critiques envers certains modes d’exercice du pouvoir : on reproche aux dirigeants d’avoir perdu le sens du réel, de trop se coopter entre eux, de perpétuer un système « toxique » où prédomine la connivence.
Regards et attentes
Le dirigeant de demain est le reflet inversé du dirigeant actuel
Les réseaux sont un facteur clé de l’accession au pouvoir. Les femmes en sont encore plus conscientes, ou plus persuadées que les hommes (80 % vs 73 % des hommes). Elles sont plus lucides sur la nécessité de faire des compromis avec la vie privée (41% vs 32%). Dans les faits, le profil moyen du manager est marqué : le responsable hiérarchique est dans 81% des cas un homme, dont 53 % sortent eux-mêmes d’une grande école française. L’exercice du pouvoir est un sujet sensible : entretenir un réseau relationnel est cité à 54 % comme la première qualité pour évaluer la performance d’un dirigeant. En revanche, la créativité est la dernière des qualités réellement prises en compte (3 %). Surprise, les qualités attendues pour exercer le pouvoir sont plutôt celles-ci : préserver l’intérêt à long terme de l’entreprise, savoir motiver, être visionnaire (61 %).
Le dirigeant idéal est le reflet inversé du dirigeant actuel. Ses qualités attendues : savoir piloter à long terme, savoir motiver et manager ses collaborateurs. Ses « qualités » réelles, ou leur perception : entretenir un efficace réseau relationnel, mais aussi savoir séduire, savoir manoeuvrer, gérer l’ambiguïté. Et même savoir être dur pour atteindre ses objectifs (44 %).
Accélérer la mixité
Dans la plupart des entreprises, on prend progressivement conscience de l’importance d’accélérer la mixité aux postes clés : les femmes y sont très favorables pour les postes de top management (88 % contre 62% des hommes), tandis que les jeunes hommes se montrent plus circonspects : la guerre des places au sommet est à prendre en compte.
Cependant, les hommes, surtout de moins de 35 ans, souhaitent comme les femmes des organisations favorables à la parentalité. En définitive, les diplômés souhaitent un changement profond dans le mode d’exercice du pouvoir : des modes d’accession au pouvoir (par les réseaux) ont conduit à un clonage des dirigeants perçu comme nuisible. Sur ce sujet, les hommes et les femmes ont la même lecture des enjeux et des évolutions nécessaires. Avec plus de valeurs éthiques et humaines, dirigeants et dirigeantes de demain devront mobiliser des qualités multiples et nouvelles. Davantage de mixité aux postes de dirigeants fera changer les entreprises dans le bon sens.