Les engagés de la Covid Une promotion particulière de lauréats de l’Institut de l’Engagement

Les engagés de la Covid
Une promotion particulière de lauréats de l’Institut de l’Engagement

Dossier : ExpressionsMagazine N°758 Octobre 2020
Par Claire de MAZANCOURT (82)

La crise liée à la Covid-19 a mon­tré l’extraordinaire capa­ci­té d’engagement de la popu­la­tion. Cette mobi­li­sa­tion a fait la dif­fé­rence face à une situa­tion qui n’aurait pas pu être gérée uni­que­ment par les pro­fes­sion­nels. Mais cette crise a aus­si mis en évi­dence le che­min qui reste à accom­plir pour faci­li­ter cet enga­ge­ment, lui don­ner toute son effi­ca­ci­té et ne pas lais­ser s’éteindre les ini­tia­tives qu’il a fait naître.

L’Ins­ti­tut de l’Engagement consti­tue cet automne une pro­mo­tion spé­ciale pour les « enga­gés de la Covid-19 », pour que le for­mi­dable élan d’engagement que la France a connu pen­dant cette crise sans pré­cé­dent soit valo­ri­sé, pro­lon­gé, conso­li­dé, renforcé.

Une guerre d’abord réservée aux professionnels

« Nous sommes en guerre. » Per­sonne n’a oublié ces mots du pré­sident de la Répu­blique, répé­tés, illus­trés, mis en scène à l’envi pen­dant les pre­miers jours du confi­ne­ment. Mais, pour la plu­part des Fran­çais, c’est une injonc­tion à la pas­si­vi­té qui a sui­vi cette décla­ra­tion. Sou­ve­nez-vous : si le pré­sident de la Répu­blique appelle tous les per­son­nels de san­té, « en pre­mière ligne », à se mobi­li­ser et s’il demande au pays un devoir de soli­da­ri­té envers ces pro­fes­sion­nels – « Je compte sur vous, oui, pour aus­si aider le voi­sin qui, lorsqu’il est per­son­nel soi­gnant, a besoin d’une solu­tion de garde pour ses enfants pour aller tra­vailler et s’occuper des autres » (12 mars 2020) –, le seul rôle qu’il assigne à ceux qui ne savent pas soi­gner est d’appliquer les gestes bar­rières : « C’est pour­quoi je veux vous dire ce soir que je compte sur vous pour les jours, les semaines, les mois à venir. Je compte sur vous parce que le Gou­ver­ne­ment ne peut pas tout tout seul, et parce que nous sommes une nation. Cha­cun a son rôle à jouer. Je compte sur vous pour res­pec­ter les consignes qui sont et seront don­nées par les auto­ri­tés, et en par­ti­cu­lier ces fameux gestes bar­rières contre le virus. » (Ibid.)

Quelques jours plus tard, le mot d’ordre est celui du confi­ne­ment : « Si vous vou­lez nous aider, il faut res­ter chez vous et limi­ter les contacts. C’est le plus impor­tant […]. Une fois encore, j’en appelle à votre sens des res­pon­sa­bi­li­tés et de la soli­da­ri­té » (16 mars 2020).

En très résu­mé (et, à trop résu­mer, on devient cari­ca­tu­ral), ce qu’ont enten­du ceux qui n’étaient pas des profes­sionnels de la san­té, c’était « nous sommes en guerre, lais­sez faire les pro­fes­sion­nels et res­tez chez vous ».


« La crise de la Covid-19 nous a mon­tré que, lorsqu’elle est sou­hai­tée, accueillie et coor­don­née, la mobi­li­sa­tion conjointe auprès de pro­fes­sion­nels, de béné­voles, de volon­taires et d’entreprises fait naître des ini­tia­tives et des solu­tions pour pro­duire, accom­pa­gner, relier, sou­la­ger, ren­for­cer, inven­ter, aider, inno­ver, pro­té­ger. Cet enga­ge­ment ne doit pas être lais­sé sans suite. Ces ini­tia­tives et ces solu­tions doivent être pour­sui­vies, ren­for­cées, connec­tées entre elles. » 

Mar­tin Hirsch, direc­teur géné­ral de l’AP-HP, pré­sident de l’Institut de l’Engagement


Puis l’appel à tous

Une semaine plus tard, le gou­ver­ne­ment lan­çait (ou plu­tôt relan­çait) une pla­te­forme de ren­contre entre les lan­ceurs d’initiatives et les volon­taires. En quelques semaines, les sites d’offre et de demande d’engagement ont fleu­ri, géné­ra­listes ou spé­cia­li­sés, locaux ou natio­naux. Des dizaines ou des cen­taines de mil­liers de béné­voles ont pro­po­sé leurs ser­vices. Des entre­prises se sont mobi­li­sées. Des jeunes qui étaient en ser­vice civique avant le confi­ne­ment se sont vu pro­po­ser de nou­velles mis­sions, revues soit pour s’adapter aux nou­velles condi­tions dans les­quelles elles pou­vaient s’exercer, soit pour répondre aux nou­veaux besoins. Et des hôpi­taux ou éta­blis­se­ments de san­té ont pro­po­sé des mis­sions à des mil­liers de volon­taires au sein de leurs services.

“Le gâchis de bonnes volontés,
d’énergie et de compétences est énorme.”

Mais une mobilisation trop improvisée pour être générale

Du côté des citoyens, les sites de mise en rela­tion exis­tants se sont mieux fait connaître, d’autres ont émer­gé, mais la plu­part sont peu armés pour aller au-delà de l’inscription. Il faut qua­li­fier les volon­taires, tenir des annuaires avec leurs com­pé­tences et leur dis­po­ni­bi­li­té, recueillir des mis­sions pour abou­tir enfin à la mise en rela­tion. Si des cen­taines de mil­liers de per­sonnes se sont ins­crites sur les sites pour pro­po­ser leurs ser­vices, peu de volon­taires ont été réel­le­ment mobi­li­sés, alors que le besoin était patent.

Le gâchis de bonnes volon­tés, d’énergie et de com­pé­tences est énorme.

Du côté des entreprises

Alors que le sens même d’une entre­prise est de savoir mobi­li­ser des équipes au ser­vice d’un objec­tif par­ta­gé, elles n’ont pas toutes su repro­duire ce savoir-faire en dehors de leur champ pro­fes­sion­nel et n’ont pas su com­ment mobi­li­ser des équipes en réponse aux besoins de cette crise. Si cer­taines entre­prises ont su conver­tir leur outil de pro­duc­tion au ser­vice de nou­veaux besoins (pro­duc­tion de gel hydro­al­coo­lique, de masques, de visières…), offrir des pro­duits ou du maté­riel (don d’ordinateurs pour étu­diants en risque de décro­chage…) ou mettre à dis­po­si­tion des volon­taires, d’autres n’ont pas su quoi pro­po­ser, ni à qui le proposer.

Du côté des établissements de santé

Il n’est pas simple pour une orga­ni­sa­tion d’intégrer rapi­de­ment un grand nombre de volon­taires : cela néces­site une pré­pa­ra­tion, un savoir-faire, des per­sonnes per­met­tant de faire le lien entre les besoins et les com­pé­tences, entre les mis­sions et les volon­taires ; il faut pou­voir déli­vrer des for­ma­tions très courtes pour rendre ces béné­voles opé­ra­tion­nels, il faut savoir les enca­drer. Si cer­tains éta­blis­se­ments, comme l’AP-HP, ont pu inté­grer des mil­liers de volon­taires sur des mis­sions très diverses, d’autres n’ont pas su tirer béné­fice de cette volon­té d’engagement. Enfin, si de nom­breuses ini­tia­tives ont été prises pour répondre à cette crise sani­taire, pour répondre aux nou­veaux besoins et agir vers les plus fra­giles, rien n’a été pré­vu pour que ces ini­tia­tives et ces solu­tions soient pour­sui­vies, ren­for­cées, connec­tées entre elles après la crise.


« Nous devons tirer des consé­quences de ce que cette crise nous apprend sur la néces­si­té et la force de l’engagement face aux crises. C’est un devoir moral, de recon­nais­sance envers les cen­taines de mil­liers de per­sonnes qui se sont mobi­li­sées par­tout en France. C’est aus­si un devoir natio­nal pour mieux nous pré­pa­rer à pré­ve­nir d’autres crises ou à les combattre. »

Claire de Mazan­court, direc­trice géné­rale de l’Institut de l’Engagement


Et après ?

Pour tirer les ensei­gne­ments de cette crise et don­ner sa pleine puis­sance à l’engagement, l’Institut de l’Engagement consti­tue cet automne une pro­mo­tion spé­ciale pour les « enga­gés de la Covid-19 ». Com­ment tirer les ensei­gne­ments de cet enga­ge­ment en temps de crise ? Com­ment apprendre non seule­ment à inté­grer l’engagement comme une dimen­sion à part entière de la pré­pa­ra­tion à ces crises, mais aus­si faire de l’engagement un atout per­ma­nent ? Com­ment pour­suivre, déve­lop­per, péren­ni­ser les pro­jets ori­gi­naux qui sont nés de cet enga­ge­ment et qui peuvent avoir un impact déci­sif, en temps de crise ou en temps normal ?

Construire les bases d’une société de l’engagement

C’est pour appor­ter des réponses à ces ques­tions que l’Institut de l’Engagement consti­tue cet automne une pro­mo­tion spé­ciale pour les « enga­gés de la Covid-19 ». L’Institut de l’Engagement a pro­po­sé à tous ceux qui se sont enga­gés pen­dant cette crise, que ce soit comme béné­voles, comme volon­taires ou comme pro­fes­sion­nels, quel que soit leur âge, quel qu’ait été le cadre de leur enga­ge­ment, de par­ler de leur enga­ge­ment et de décrire leur pro­jet à l’issue de cet enga­ge­ment. L’objectif de l’Institut est triple. Il est tout d’abord de per­mettre à ces « enga­gés de la Covid-19 » de valo­ri­ser leur enga­ge­ment dans la suite de leur par­cours (notam­ment pour les plus jeunes, qui vont se retrou­ver confron­tés à un mar­ché de l’emploi par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile). Puis de péren­ni­ser ou déve­lop­per des ini­tia­tives nées dans l’urgence et dont l’utilité est avé­rée. Enfin d’identifier les outils et com­pé­tences qui per­met­tront de mobi­li­ser des volon­taires sur des mis­sions, rapi­de­ment, mas­si­ve­ment et effi­ca­ce­ment, en pré­vi­sion de pro­chaines crises et ain­si s’appuyer sur ces « enga­gés de la Covid-19 » pour construire les bases d’une socié­té de l’engagement, qui s’empare des dif­fi­cul­tés, aide les plus fra­giles et se mobi­lise pour répondre aux besoins.

Il n’y a pas de profil type pour s’engager

À l’heure où j’écris cet article, nous venons de rece­voir les dos­siers et nous décou­vrons les pro­fils de ces enga­gés. Ils ont entre 14 et 61 ans. Il n’y a pas d’âge pour s’engager. Jeune en rup­ture sco­laire, ingé­nieur, cham­pionne du monde de boxe ou élue muni­ci­pale… il n’y a pas de pro­fil type pour s’engager ! Ils se sont enga­gés dans un cadre struc­tu­ré ou ont créé leur propre enga­ge­ment… Ils ont agi en proxi­mi­té ou à dis­tance, en mobi­li­sant leurs com­pé­tences pro­fes­sion­nelles ou en appre­nant sur le ter­rain. Ils ont pen­dant cette crise créé un groupe Face­book, fabri­qué et dis­tri­bué des masques, simu­lé la pro­pa­ga­tion aérienne du virus dans un Ehpad ou main­te­nu le lien avec des per­sonnes isolées…

Leur enga­ge­ment s’est exer­cé dans toutes les régions de France, y com­pris outre-mer, ou à l’étranger.

Faire fructifier ces engagements

L’Institut leur pro­po­se­ra un sui­vi, des apports métho­do­lo­giques, des mises en rela­tion avec ses par­te­naires (entre­prises, col­lec­ti­vi­tés, éta­blis­se­ments de for­ma­tion, asso­cia­tions…), des confé­rences, ate­liers et mas­ter classes. Un pro­gramme à dis­tance à des­ti­na­tion de ces lau­réats est en cours de concep­tion en par­te­na­riat avec l’ENS Ulm. De ces ren­contres impro­bables entre lau­réats et avec les par­te­naires de l’Institut naî­tront des réflexions, des pro­po­si­tions, des solu­tions. Don­nons-nous ren­dez-vous dans un an pour les découvrir !

La meilleure réponse à la crise ?

Cette crise nous a obli­gés à adop­ter de nou­veaux modes de tra­vail, de nou­veaux modes d’enseignement et d’apprentissage, elle a bou­le­ver­sé la hié­rar­chie de nos prio­ri­tés et besoins…

Elle crée une situa­tion éco­no­mique par­ti­cu­liè­re­ment incer­taine, elle aggrave des inéga­li­tés et des dif­fi­cul­tés sociales. Elle nous laisse la dis­tan­cia­tion, le port du masque, une appli sur nos télé­phones… Mais elle peut aus­si nous per­mettre de com­prendre com­ment, sous la contrainte maxi­male, se forgent de nou­velles soli­da­ri­tés, émergent des ini­tia­tives, naissent des inno­va­tions. Il est de notre devoir de faire nôtres ces ensei­gne­ments pour mettre la puis­sance de l’engagement au ser­vice de l’intérêt général.


L’Institut de l’Engagement

Depuis 2012, l’Institut de l’Engagement valo­rise l’engagement en accom­pa­gnant des cen­taines de lau­réats à l’issue de leur ser­vice civique ou d’un enga­ge­ment béné­vole. Chaque année, 500 lau­réats au prin­temps, 200 lau­réats à l’automne, de toutes ori­gines sociales, rejoignent l’Institut pour reprendre une for­ma­tion, trou­ver un emploi, lan­cer un projet.

L’Institut de l’Engagement a noué des par­te­na­riats avec 150 éta­blis­se­ments d’enseignement supé­rieur, une cen­taine d’entreprises et de fon­da­tions, plu­sieurs col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales. Il a orga­ni­sé 35 Uni­ver­si­tés de l’Engagement et en 2019 un pre­mier Cam­pus de l’Engagement asso­ciant les jeunes lau­réats et les équipes des entre­prises par­te­naires. Depuis 2012, l’Institut a accom­pa­gné 4 300 lau­réats, avec un taux de réus­site de 90 %.

Des cen­taines de per­son­na­li­tés du monde asso­cia­tif, cultu­rel, éco­no­mique, poli­tique sont inter­ve­nues dans les Uni­ver­si­tés orga­ni­sées par l’Institut de l’Engagement.

L’Institut est pré­si­dé par Mar­tin Hirsch et diri­gé par Claire de Mazan­court (82) depuis sa création.


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