Les équipementiers face à la mondialisation
REPÈRES
REPÈRES
Le groupe Bosch, créé en 1886 à Stuttgart, est présent dans le domaine des techniques industrielles, des biens de consommation et des techniques du bâtiment. Son appartenance à une Fondation lui permet d’avoir une stratégie à long terme. Chaque année il investit ainsi plus de 3,5 milliards d’euros en recherche et développement et dépose plus de 3 000 brevets. Bosch emploie 280 000 collaborateurs dans plus de 60 pays, et est représenté dans 150 pays. Installé depuis 1909 en Chine et 1953 en Inde, il bénéficie aujourd’hui de l’explosion de ces marchés.
Marchés de l’automobile
La Chine avec un milliard quatre cents millions d’habitants, déjà à la première place mondiale en 2010, recèle un potentiel de croissance important : 40 véhicules pour mille habitants à comparer à une moyenne mondiale de 120 et à 700 véhicules pour mille habitants aux États-Unis.
L’Inde sera sans conteste le prochain réservoir de croissance mondiale
L’Inde, avec un milliard deux cents millions d’habitants, une natalité plus importante que la Chine, et environ 10 véhicules pour mille habitants sera sans conteste le prochain réservoir de croissance mondiale. Un équipementier se doit d’être présent sur ces marchés, au niveau commercial mais aussi en production et en développement. Cette présence permet de participer à leur croissance et surtout de mieux comprendre leurs besoins, leur évolution, et de proposer des produits adaptés à leurs spécificités.
Tata Nano
La Tata Nano a voulu s’affirmer à son lancement comme le véhicule le moins cher du monde. Le concept de véhicule low price avait émergé depuis plusieurs années, notamment avec le succès de la Dacia Logan, mais Rajan Tata a souhaité atteindre, avec le projet Nano, un objectif extrême.
Cette demande a créé une certaine surprise, beaucoup de questions, voire d’inquiétude pour des ingénieurs basés à Stuttgart et plus habitués à développer les moteurs six ou huit cylindres. Cependant, c’est grâce à la coopération de nos bureaux d’études à Stuttgart, en Inde et en Chine, que nous avons pu élaborer le système d’injection de la Tata Nano. Les méthodes d’innovation développées à cette occasion portent aujourd’hui leurs fruits et nous ont permis de relancer notre manière de concevoir l’innovation.
Diversifier les approches
Pour le système d’injection de la Tata Nano, trois démarches concourantes ont été menées depuis trois régions différentes avec des cultures et des perceptions des exigences clients différentes : simplification des systèmes existant sur les véhicules classiques ; amélioration des systèmes existant sur les vélomoteurs ; création ex nihilo depuis une feuille blanche.
Cette diversité d’approche a permis ensuite une synthèse fructueuse.
Le deuxième bénéfice, au-delà de l’amélioration des méthodes, est ensuite de réutiliser ce qui a été mis au point dans ce cadre pour parvenir à simplifier et à réduire les coûts des systèmes plus traditionnels existant en Europe en remettant en cause des idées établies.
Désormais ces allers retours Europe-Inde ou Europe-Chine se révèlent extrêmement fructueux et générateurs d’idées nouvelles par le questionnement permanent qu’ils génèrent. L’existence d’un réseau de R&D déployé mondialement, au-delà de la capacité qu’il offre de mieux saisir les attentes locales des clients et de développer des produits qui leur sont adaptés, permet en plus de générer une accélération de la création par le brassage qu’il crée.
La culture des experts se modifie : faire simple devient l’expression d’une certaine forme d’esthétique industrielle, nécessitant une parfaite maîtrise de son art. Le » toujours plus complexe » perd quelque peu ses lettres de noblesse.
Travailler pour les systèmes de la Tata Nano devient aussi « noble » que d’être dans l’équipe de mise au point des moteurs de formule 1. Cette forme de » révolution culturelle » n’était pas prévue, mais découle très clairement du bénéfice conjugué d’une demande client modifiée et d’un brassage multiculturel intense.
Ressources humaines
PRODUCTION D’AUTOMOBILES | |||
Région | 2010 | 2015 | 2018 |
Amérique du Nord | 11,8 | 15,1 | 15,7 |
Europe des 27 | 16,4 | 20,4 | 20,7 |
Europe hors UE | 2,3 | 4,0 | 4,6 |
Monde | 74,0 | 97,7 | 104,4 |
Amérique latine | 4,1 | 5,0 | 5,7 |
Asie hors Japon-Corée | 24,8 | 35,9 | 40,1 |
Japon-Corée | 14,0 | 16,3 | 16,6 |
Millions de véhicules produits annuellement. Source Global Insight. |
Au démarrage d’une nouvelle activité dans un pays, les premières équipes sont naturellement constituées d’expatriés qui apportent le savoir et transmettent la culture. Cela permet d’ailleurs de confier à des cadres plutôt jeunes d’assez larges responsabilités qu’ils n’auraient sans doute pas eues dans leur pays d’origine, et un degré de liberté assez grand. Expérience enrichissante et formatrice pour tous.
Mais avec le temps, il se développe localement une élite de cadres dirigeants compétents qui n’acceptent pas forcément très bien l’arrivée de jeunes cadres étrangers, dont les coûts sont très largement supérieurs aux leurs, et dont la valeur ajoutée risque d’être discutée s’ils n’apportent pas une compétence technique indéniable. Présent en Chine depuis 1909 et en Inde depuis 1922, l’international fait partie de la culture du groupe Bosch depuis sa création en 1886. Cependant, il reste vital dans un groupe international de pouvoir donner aux cadres de la nationalité de la maison mère une expérience réelle de direction à l’étranger.
Il reste vital de donner aux cadres une expérience réelle de direction à l’étranger
Bosch en fait d’ailleurs un critère indispensable pour les promotions. Les positions d’une expatriation, traditionnellement réservée à des cadres de haut niveau, s’orientent donc de plus en plus vers des postes de début de carrière, et concernent de jeunes ingénieurs qui vont à l’étranger autant pour se former que pour transmettre un savoir technologique ou organisationnel. Cela leur permettra plus tard, lorsqu’ils se verront confier des postes à responsabilité mondiale, d’être beaucoup plus efficaces, par l’expérience multiculturelle que ces postes leur auront apportée.
Par ailleurs, avec l’augmentation des effectifs dans ces zones, le nombre d’immigrés en Allemagne ou en France, en provenance de Chine, d’Inde ou du Brésil ne cesse d’augmenter. L’accès aux postes de direction dans ces pays supposant également une culture internationale et un bon réseau dans le groupe.
Enfin, une des difficultés rencontrées au cours des dernières années a été, malgré une implantation de longue durée dans les pays étrangers, celle de la transmission des valeurs et de la culture de l’entreprise. En effet, la croissance extrêmement rapide des effectifs en Inde ou en Chine ne permet plus vraiment de compter sur l’assimilation progressive de la culture par les nouveaux arrivants. Dans certains cas, un site de plusieurs centaines de personnes étant monté en quelques mois, avec guère plus d’une dizaine » d’anciens « .
Culture d’entreprise
Pour transmettre les valeurs et la culture de l’entreprise, très fortes chez Bosch, il a fallu en 2007 documenter par écrit et organiser des formations pour faire face à la croissance rapide dans les pays émergents. En effet, si en Europe la majorité de l’encadrement du groupe a une grande ancienneté, ce n’est pas le cas en Chine ou en Inde, ni dans certains établissements qui ont connu une croissance très rapide. Cet exercice s’est d’ailleurs révélé un outil de cohésion efficace lors de la crise de 2009, le groupe s’étant « recentré » sur ses valeurs.