Les États-Unis face à l’inéluctable renaissance du nucléaire
Les États-Unis ont pris conscience de leur dépendance forte vis-à-vis des énergies fossiles ainsi que leur impact potentiel sur le changement climatique. La politique américaine, qui avait tourné le dos au nucléaire, est en train de changer.
Une attention particulière est portée à la diversification des ressources
Une diminution de près de 50 % de la production pétrolière intérieure depuis plus de trente ans et la stagnation, sur cette même période, de la production gazière ont fragilisé la balance énergétique des États-Unis. Si l’on y ajoute la paupérisation plus globale des ressources fossiles en gaz et en pétrole, la concentration des principales ressources mondiales en zones géopolitiques instables, le conflit irakien, les prévisions à la hausse des consommations, et la hausse du prix du pétrole qui se confirme depuis bientôt trois ans, il n’est pas surprenant que l’indépendance énergétique et la sécurité des approvisionnements soient devenues pour la première puissance économique mondiale deux des priorités de sa politique commerciale et internationale ainsi que des thèmes centraux de la campagne présidentielle de la fin de l’an dernier.
Repères
Avec respectivement 40 % et 23 % de la consommation mondiale de pétrole et de charbon, les États-Unis sont à la fois le plus grand importateur et le plus gros consommateur d’énergie.
Un nouvel eldorado pour l’industrie de l’énergie ?
La tension est aujourd’hui particulièrement palpable. Elle s’est même encore accrue par la prise de conscience de l’impact des modes de production d’énergie existants sur le climat et l’environnement, et les pannes d’électricité générales ou partielles qui affectent depuis quelques années des millions de consommateurs à travers tout le pays.
Pas de volonté continue
Il est une différence majeure entre les stratégies énergétiques française et américaine : c’est l’absence aux États-Unis d’une volonté politique continue, traduite par une remise en cause quasi systématique des programmes en cours après chaque changement de majorité, qui menace les choix et les projets de long terme.
C’est dans ce contexte qu’avait été adoptée, en août 2005, une nouvelle loi sur la politique énergétique américaine, baptisée Energy Policy Act. Elle visait notamment à moderniser et à accroître la production et la distribution d’énergie domestique, avec une attention particulière portée à la diversification des ressources incluant le nucléaire et les énergies renouvelables.
Cette politique, qualifiée par le gouvernement de » stratégie énergétique pour le xxie siècle « , offre à l’ensemble de l’industrie de l’énergie des perspectives extrêmement prometteuses.
Énergies renouvelables et ressources fossiles
Malgré les incertitudes qui demeurent au lendemain des dernières élections, auxquelles s’ajoute une crise financière sans doute la plus grave de toute l’histoire américaine, on peut raisonnablement penser que quatre facteurs-clés vont tout particulièrement influencer la politique énergétique des États-Unis dans les années à venir : la hausse des besoins, avec, notamment, en matière de consommation électrique, une augmentation prévue de plus de 50 % à l’horizon 2025 (source DOE-Département américain de l’énergie) ; la diminution de la dépendance énergétique du pays, via le développement d’énergies domestiques ; le changement climatique ; la création d’emplois. Dans ce contexte, les énergies renouvelables dites » vertes » – solaire, éolien et biomasse – auront, c’est certain, une place privilégiée. On parle même d’une nouvelle dynamique qui pourrait s’accélérer avec la nouvelle administration et devenir un axe de développement économique majeur dans les années à venir.
Un charbon » propre »
Les États-Unis sont les plus grands charbonniers du monde après la Chine
La position est moins claire, en revanche, quant à l’avenir des ressources fossiles et du charbon en particulier dans le mix énergétique américain. Les États-Unis sont les plus grands charbonniers du monde. Deuxième pays producteur derrière la Chine, ils détiennent 27 % des ressources mondiales. Difficile donc de se passer du charbon, en particulier dans le court terme, mais difficile aussi de le cautionner eu égard à sa responsabilité dans le réchauffement climatique désormais perçu comme une réalité par l’opinion publique américaine. La solution, d’ailleurs évoquée par le nouveau président élu, réside donc dans un investissement massif dans la recherche et développement pour un charbon propre en particulier par la capture et le stockage du CO2 émis, sur lequel d’ailleurs on ne peut manquer d’être sceptique à court, voire à moyen terme.
Pas de solution sans nucléaire
Quel est l’avenir du nucléaire, la question est difficile en ces temps de turbulences financières et politiques ? La production d’électricité d’origine nucléaire représente 20 % de la production électrique totale, sur la base de 104 réacteurs aujourd’hui connectés au réseau. Alors que la consommation énergétique n’a cessé de croître ces dernières années, la part du nucléaire s’est maintenue malgré l’absence de nouvelles constructions, en raison notamment de l’amélioration continue des performances du parc en termes de disponibilité et de sûreté.
Une trentaine de projets
Concernant la construction de nouveaux réacteurs, une trentaine de nouveaux projets ont déjà été annoncés par les électriciens américains, incluant sept EPR d’Areva.
L’amont du cycle, à l’heure d’une tension très forte sur les ressources et d’une hausse significative des prix du marché, devient un enjeu majeur. Fait plus nouveau, l’aval du cycle offre aussi de nouvelles perspectives. Radicalement opposés au cycle fermé depuis l’Administration Carter, beaucoup aux États-Unis considèrent aujourd’hui le recyclage du combustible usé comme une solution potentiellement fiable, durable et économique.
En revanche, si les États-Unis souhaitent maintenir le nucléaire à ce même niveau, ce ne sont pas moins de 35 nouveaux réacteurs qu’il leur faudra construire d’ici 2025 à 2030.
Y sont-ils prêts ? Beaucoup, y compris au plus haut niveau de l’État, ont la naïveté de penser qu’on peut faire sans nucléaire. Les arguments avancés pour dénoncer tout lancement d’un nouveau programme de construction tiennent principalement au coût, au risque de prolifération et à la problématique des déchets, aujourd’hui aux États-Unis, et contrairement à la France, sans solution durable.
Auront-ils toutefois le choix au regard de l’équation qu’ils ont à résoudre entre la réduction nécessaire de leurs émissions de carbone, la diminution des ressources fossiles, l’augmentation de leurs besoins en énergie et, sans doute plus que jamais, le maintien de leur compétitivité économique ? Clairement non ! Le nucléaire, aux États-Unis, n’est pas la solution, mais, ici peut-être plus qu’ailleurs, il n’est pas de solution sans nucléaire. Les prévisions, dès lors, sont plutôt optimistes.
Pour assurer leurs besoins en énergie, les États-Unis vont donc entrer dans une nouvelle ère d’investissements massifs dans le domaine de l’énergie nucléaire. Pour les aider au développement d’une énergie durable, propre, fiable et compétitive, ils auront besoin de bons partenaires industriels et commerciaux. La France, déjà fortement positionnée et reconnue comme un acteur de proximité majeur, a les compétences, l’expérience et la technologie pour les accompagner et les aider à relever les challenges auxquels ils sont aujourd’hui confrontés.