Les ETI industrielles : un levier de développement pour la France
Depuis sa création, le Groupe Deya n’a cessé d’évoluer et de forger son identité au rythme de ses innovations, pour devenir aujourd’hui un des groupes français ayant le plus large éventail de solutions dédiées aux activités du second œuvre du bâtiment. Didier Mainard (82), son directeur général, nous en dit davantage.
Qu’est-ce qui différencie le Groupe Deya des autres ETI ?
Nous sommes un groupe très présent sur l’ensemble des canaux de distribution, les majors de la construction comme Vinci, Bouygues ou Eiffage, les entreprises de menuiserie, les artisans, les négoces en matériaux, les grandes surfaces de bricolage. Nous avons aussi développé pour notre marque KAZED un site web marchand qui permet aux particuliers d’avoir accès à notre large offre de rangements. Ainsi, nous bénéficions non seulement de la richesse de nos différents métiers, travail du bois et de l’acier, mais aussi des ambitions et des défis de nos différentes catégories de clients.
Le monde de la construction a été particulièrement touché par le confinement. Comment vous-êtes vous organisés pour préparer la relance ?
Comme toutes les entreprises, notre activité a été fortement impactée par le premier confinement. Le lundi, nos camions partaient chargés vers nos clients et le mardi ils trouvaient les chantiers de destination fermés tout cela dans un grand désordre ! Il a donc fallu arrêter proprement l’ensemble de nos sites industriels et définir les rôles et les responsabilités de chacun. Afin de préserver les projets stratégiques de notre entreprise, nous avons fait le choix de maintenir au travail environ 10 % de notre effectif pour ne pas interrompre les projets de développement ou de mutation des systèmes d’information. Le reste de nos équipes a été donc en chômage partiel. Par ailleurs, j’ai pu compter sur une équipe HSE très active qui avait été renforcée l’année précédente. Cela nous a permis d’une part d’avoir des managers et des team leaders pour définir la politique sanitaire dès les premiers jours de confinement, et d’autre part, de bien gérer la reprise dès fin avril alors que le masque chirurgical était encore un produit de luxe !
Aujourd’hui, notre activité peut être qualifiée de normale en moyenne. Cependant, elle cache des disparités très fortes d’un métier à l’autre et d’une ligne de produits à l’autre. En effet, nous avons une demande soutenue pour nos façades de placards KAZED. Dans le même temps notre ligne de plateaux d’échafaudages, précisément ceux que la France a appris à connaître avec l’incendie de Notre-Dame, redémarre plus lentement.
En parallèle, nous constatons de fortes tendances liées à l’intégration de la maquette numérique, le BIM, dans la construction. Quelle est votre approche du sujet ?
Grâce au premier projet BIM à grande échelle en France, l’hôpital d’Ajaccio, nous avons eu l’occasion d’être précurseurs sur ce sujet, en étant leur fournisseur de blocs portes bois. Aujourd’hui, nous adoptons une approche à la commande en générant des objets adaptés aux dimensions et aux types d’équipements de nos clients. De ce fait, nous suivons leurs différents niveaux d’exigence en terme de LOD ainsi que leurs protocoles BIM.
Qu’en est-il de la prise en compte de l’empreinte carbone dans la construction ?
Les émissions de CO2 sont liées à notre chaîne d’approvisionnement, à la production de nos produits chantiers et à leur mise en œuvre. Pour les diminuer, nous travaillons à la mise en place d’un réseau local de fournisseurs d’essence de bois et de matières premières. En parallèle, afin d’être transparents et actifs avec nos clients, nous fournissons aux architectes des fiches FDES dont nous cherchons à améliorer continuellement le résultat ainsi que les certificats et tests concernant les émissions volatiles de nos produits.
À votre avis, quels sont les atouts de la digitalisation dans votre secteur d’activité ?
La digitalisation dans le domaine de la construction représente un véritable potentiel de développement puisqu’elle permet de fluidifier les échanges au sein de la filière. Notre ambition est de digitaliser notre chaîne de valeur depuis la prise de commande jusqu’à sa livraison en passant par le processus de fabrication. Nous sommes en train d’installer un système de management de la production, KMProd®, pour gérer ce volet. Aujourd’hui, nos clients peuvent passer directement leurs commandes que ce soit via notre site web pour les particuliers, kazed.fr, ou bientôt via notre portail pro pour certains professionnels. Notre ambition est de faire transiter la commande automatiquement par les différents services jusqu’à la génération directe des paramètres d’usinage pour nos machines. Nous travaillons actuellement à sa mise en place dans notre usine en Corrèze et nous comptons l’étendre à l’ensemble de nos sites de production. La digitalisation permet aussi une plus grande précision en éliminant la redondance de l’information et en minimisant les erreurs de saisie. De plus, elle est étroitement liée à la démarche environnementale puisqu’elle permet d’imaginer (enfin) une usine presque sans papier. Enfin, les nouvelles technologies sont aussi un moyen de remonter des informations plus fiables et en temps réel à nos clients. L’espace MyDeya permet notamment de suivre l’avancée de ses commandes et de centraliser les documents qui y sont liés. Cet espace personnel est également disponible sous forme d’une application. Nous sommes le seul fabricant de bloc portes en France à disposer d’une application de ce genre. Cela nous semblait évident de proposer ce service étant donnée la mobilité de nos clients sur chantier.
Le recrutement est aussi un enjeu de taille. Dites-nous en plus.
La désindustrialisation de la France a profondément impacté les formations académiques et professionnelles. Avec l’accès de plus en plus libre aux universités, nous constatons qu’il y a certes de plus en plus de diplômés mais avec une adéquation de moins en moins évidente avec la réalité des besoins de notre société. De ce fait, il y a aujourd’hui une véritable tension sur les métiers de la métallurgie et de la logistique où nous avons de vraies difficultés à recruter des chefs de projet, des caristes, des électromécaniciens, des conducteurs de machines automatisées, des soudeurs… L’année dernière, nous avons eu une cinquantaine de postes à pourvoir dans la région de Niort que nous n’avons pas réussi à honorer en totalité. Pour faire face à ce problème, nous nous positionnons de plus en plus comme une entreprise formatrice en nouant des partenariats avec les écoles ou les collectivités locales. En parallèle, nous avons doublé le nombre d’apprentis depuis l’année dernière, pour atteindre une vingtaine au niveau du groupe.
Afin d’aller encore plus loin, nous avons mis en place, avec le MEDEF, de nouvelles formations qualifiantes dans notre région sur différents métiers. Ainsi, les diplômés de ces écoles auront plus d’offres de stage et d’apprentissage et nous auront éventuellement plus de profils à recruter.
Enfin, nous renforçons l’attractivité de l’industrie en étant plus présents sur les réseaux sociaux ainsi qu’en participant aux Forums Emploi.
Comment faites-vous face aux enjeux de fidélisation des collaborateurs ?
La rétention des talents est un volet stratégique pour notre industrie. Nous avons la chance d’être une ETI 100 % familiale (4e génération) avec une vraie culture entrepreneuriale et des chaînes de décision courtes. Engagés dans un processus de digitalisation dans certains de nos métiers, nous avons la possibilité d’attirer et de fidéliser les jeunes diplômés.
Nous développons également la communication interne pour fédérer l’ensemble de nos équipes autour de nos valeurs. Par ailleurs, la richesse de nos métiers nous permet une politique de forte mobilité interne horizontale et verticale. Nous encourageons aussi l’apprentissage et les formations qualifiantes en permettant d’acquérir des compétences de manière progressive et d’être promus en interne.
Et pour conclure, comment qualifiez-vous la place des ETI familiales dans l’industrie française ?
La France dispose d’un très faible réseau d’ETI par rapport à ses voisines, l’Allemagne ou l’Italie. En sus, nous accordons plus d’attention aux entreprises du CAC40 qu’aux PME et ETI. Nous constatons également que lorsqu’une ETI française est rachetée par des capitaux étrangers, cela se traduit d’abord par l’éloignement des centres de décision et souvent, les parts de marché étant acquises, par une délocalisation plutôt que par l’investissement productif. Ceci accélère le déclin de l’industrie française comme certains exemples le montrent encore récemment. La fiscalité contribue aussi à cette situation avec des procédures de transmissions patrimoniales lourdes et des impôts de production n’ayant pas leur égal en Europe.
Et je ne parle pas ici du projet absurde entendu lors de la dernière élection présidentielle de taxer les robots !
Les chefs d’entreprise sont donc parfois poussés à céder leurs parts plutôt que les transmettre de génération en génération. Dans ce cadre, la BPI a un rôle stratégique à jouer dans l’agrégation des PME et leur développement pour qu’elles deviennent des ETI. Plusieurs initiatives sont lancées aujourd’hui notamment dans le secteur aéronautique par exemple, très fragilisé par la crise de la Covid-19. Enfin, il faut aussi encourager les ETI françaises à franchir les frontières et à s’orienter vers l’export pour qu’elles ne soient plus le maillon faible, mais un véritable levier de développement pour la France.
En bref
- Le Groupe Deya fait partie du groupe familial Prévost Industrie basé à La Crèche (79)
- 125 M€ CA
- 650 collaborateurs
- Une fabrication française à 100 %
- 4 sites industriels situés dans les Deux-Sèvres, en Corrèze et dans l’Aube
- Deux grandes lignes de produits :
- les blocs portes techniques bois et métalliques de marque DEYA ;
- les façades de placards et solutions d’aménagement de marque KAZED.
- Un savoir-faire historique, le profilage de l’acier né en 1953 à partir duquel tous les développements internes et externes ont été effectués