Les expériences d’Arago et la genèse de la relativité
Les lecteurs vont peut-être être surpris en lisant ce récit, mais l’histoire des sciences est remplie de tels faits. Des savants inventent, découvrent, mais ils sont trop en avance pour que leurs résultats puissent être correctement interprétés. Beaucoup plus tard, d’autres expériences vont être imaginées éclairant les travaux anciens d’une nouvelle lumière, avec un nouveau langage. Les pionniers sont oubliés4, seuls les noms des savants ayant réalisé les expériences décisives seront retenus dans les manuels d’enseignement.
I. D’Estagel à l’Observatoire de Paris
Dominique, François, Jean Arago est né en 1786 à Estagel (Pyrénées- Orientales). En 1796, son père occupe un place importante au Directoire départemental, l’amenant à emménager avec sa famille à Perpignan. François Arago va au collège, et acquiert un très bon niveau dans les humanités. En 1800, sa rencontre sur les remparts de la ville avec François Cellini de Cressac (X 1794) est déterminante : il veut entrer à l’École polytechnique pour devenir officier5.
Il se plonge avec acharnement dans les œuvres d’Euler, de Lagrange et de Laplace et il est prêt en 1802 à passer le concours. Mais les épreuves sont annulées à Montpellier, et il doit attendre 1803 pour éblouir Louis Monge, le fils du père de la géométrie descriptive, et entrer dans les tout premiers à l’École. Sa très grande personnalité est très vite remarquée, et il fait une forte impression sur ses professeurs, parmi lesquels Legendre, Lagrange et Monge. Il se lie d’amitié avec Siméon Denis Poisson (X 1794), avec qui il cohabite chez Hachette. Poisson en 1805 va lui faire une étrange proposition : accepter le poste de secrétaire bibliothécaire de l’Observatoire de Paris.
Il peut être surprenant de voir que le major6 de promotion d’une École qui venait d’avoir un statut militaire puisse être chargé d’une telle fonction alors même que ses études ne sont pas achevées. Dans son autobiographie, Histoire de ma Jeunesse, Arago n’en donne pas d’explications très convaincantes. Depuis 1795, l’Observatoire de Paris est placé sous la tutelle du Bureau des longitudes (que nous appellerons par la suite le Bureau). Pierre, Simon de Laplace y domine de son immense stature scientifique. La détermination précise des longitudes reste un objectif essentiel pour la cartographie et la navigation. Les astronomes ont pour tâche de perfectionner les tables astronomiques (éphémérides), et de les publier, ainsi que toute autre information utile aux navigateurs. Le Bureau avait joué un rôle déterminant dans la détermination du mètre, avec la mission de Jean-Baptiste Delambre et de Pierre, André Méchain7. Celui-ci avait mesuré la partie sud de la Méridienne de Paris. Au cours de ses observations, il s’était rendu compte qu’il était possible d’étendre la mesure jusqu’aux Baléares. Le Bureau avait accepté cette proposition et Pierre Méchain était reparti en Espagne en 1803. En passant par Perpignan il a été hébergé par la famille Arago, pour la seconde fois car Méchain avait été aussi accueilli en 1796, lors de la première expédition. Il a découragé le jeune Arago, qui préparait le concours de l’École, de s’engager dans la carrière des sciences, l’estimant trop difficile et pleine de déceptions.
Pierre Méchain meurt au cours de sa mission en 1804. Son fils, secrétaire bibliothécaire de l’Observatoire, démissionne peu après. C’est cet emploi qui est offert à Arago, qu’il commence par refuser, car il a toujours l’ambition de devenir officier. Il est très vraisemblable que le coût élevé des études que venait d’instituer Napoléon Ier a joué un rôle déterminant dans l’acceptation par Arago de cet emploi.
II. L’expérience d’Arago
Le Bureau le place sous la responsabilité de Jean-Baptiste Biot (X 1794), jeune membre de l’Institut et professeur au Collège de France, et grand disciple de Laplace. Ils reprennent les travaux de Borda sur la réfraction des gaz, d’un grand intérêt dans les observations astronomiques. Ces expériences vont jouer un rôle déterminant dans la carrière d’Arago, car elles lui laissent un doute sur la théorie de la lumière à la mode, celle de Newton. À la suite du succès de la théorie de la gravitation universelle, Newton avait en effet proposé que la lumière était constituée de grains, qui étaient captés par le milieu réfringent, déviant ainsi les rayons, conformément à la loi de Descartes. Biot et Arago obtiennent des mesures qui pouvaient s’intégrer dans la théorie de l’émission.
Ce travail inspire à Arago l’idée d’observer l’aberration annuelle des étoiles avec un prisme. Picard8 a mis en évidence en 1669 cette aberration de déplacement d’ensemble des étoiles sur la voûte céleste sur la seule étoile polaire. Ce phénomène n’avait rien à voir avec la parallaxe, phénomène géométrique, ne dépendant que de la distance des étoiles. Bradley a montré en 1728 qu’il s’agissait d’un phénomène systématique, d’une très grande amplitude, puisque toutes les étoiles décrivent une ellipse apparente de 20″ 4 de demi-grand axe, ce qui était parfaitement mesurable au XVIIIe siècle. Bradley a montré que ce mouvement apparent était dû au mouvement de la Terre par rapport à la lumière émise par la source. Aujourd’hui l’interprétation de ce phénomène ne se conçoit que dans un cadre relativiste.
L’interposition d’un prisme conduit à modifier les vitesses relatives. Arago interpose un prisme de 45′, ce qui était suffisant d’après ses calculs pour observer un effet, or il ne détecte aucun déplacement dans la limite de ses erreurs. Il effectue une prédiction pour un prisme d’angle plus grand, toujours dans le cadre de la théorie de l’émission. Il rédige un mémoire en 1806, avant de partir pour l’Espagne reprendre avec Biot le projet d’extension de la Méridienne de Méchain. Ce mémoire présenté à l’Académie est transmis aux rapporteurs Lagrange et Laplace, qui vont le laisser de côté jusqu’au retour d’Arago en 1809.
III. L’odyssée d’Arago
Quand les jeunes savants partent sur les routes du Sud, les relations franco-espagnoles ne sont pas mauvaises. Ils sont accueillis par deux commissaires, Chaix et Rodriguez, qui vont se charger de les aider et de les protéger. En octobre 1806, une première alerte a lieu, avec une fausse nouvelle de guerre entre les deux pays. Fin 1807, l’extension de la Méridienne est finie. Biot revient à Paris, mais Arago veut terminer des mesures aux Baléares pour déterminer une portion de parallèle, désobéissant aux injonctions du Bureau. Au printemps 1808, c’est la guerre, sa situation devient précaire. » Les feux qu’il allumait sur la montagne étaient pris pour des signaux aux bateaux impériaux. » Début juin 1808, il ne doit sa survie qu’en courant pour se porter prisonnier à la prison de Palma. Il y rejoint un officier français, Berthémie, avec lequel il partagera une année d’odyssée.
Le capitaine général de Palma, sous la pression de Rodriguez, fait évader les deux hommes le 28 juillet. Le petit bateau qui les accueille met le cap sur Alger, où ils arrivent le 3 août 1808. Après un bref séjour, ils repartent avec des passeports hongrois sur un navire de la Régence, pour Marseille. Le 16 août ils sont près de la cité phocéenne, mais un corsaire espagnol les accoste et ramène le bateau, avec ses passagers, en Catalogne.
Arago et Berthémie vont rester prisonniers en Espagne, dans des conditions très difficiles, jusqu’au 28 novembre 1808. Le Dey, ayant appris l’arraisonnement du bateau, et la mort d’un des lions qu’il voulait offrir à Napoléon Ier , est entré dans une grande colère, menaçant de déclarer la guerre à l’Espagne. Le bateau fait à nouveau cap sur Marseille. Les voyageurs commencent à apercevoir les collines, quand un violent mistral les renvoie en Afrique. Ils abordent à Bougie le 5 décembre 1808. Pour repartir, ils doivent traverser la Kabylie, aventure particulièrement dangereuse pour des chrétiens à cette époque. Ils arrivent toutefois sains et saufs à Alger le 25 décembre 1808.
L’aventure n’est pas terminée, le nouveau Dey réclame à l’Empire le versement d’une dette importante. Le consul refuse, le Dey déclare la guerre et met les Français en prison. La situation durera jusqu’au versement de la dette par des commerçants d’Alger qui souffrent de la rupture des relations commerciales avec l’Empire9. Le 21 juin 1809 Arago quitte Alger et arrive enfin, après une année d’odyssée, à Marseille.
IV. La constance de la lumière
Le retour d’Arago stupéfie les milieux scientifiques parisiens. On le croyait pendu aux Baléares, ou bien massacré en Catalogne, ou encore pourrissant en Afrique. Il présente ses dernières mesures au Bureau, les ayant conservées pendant toute son aventure. Le poste de Lalande est libre à l’Académie, Arago est élu au détriment de son ami Poisson, malgré l’opposition de Laplace. Cette brillante élection à 23 ans à l’Institut, il la doit en grande partie à l’appui de Lagrange et de Delambre. Selon P. Costabel, il est très probable que ce soit le mémoire de 1806 déposé par Arago, plus que par la mesure de l’extension de la Méridienne qui ait fortement impressionné ce dernier10.
Ce mémoire ressort donc de l’oubli et il est accepté par l’Institut, à la suite de l’avis des deux rapporteurs. Laplace, au nom du Bureau, invite alors Arago à monter l’expérience et à faire les observations correspondantes. En 1806, Arago avait utilisé un prisme de 45′, en 1809 les mesures sont réalisées avec un prisme achromatique d’un angle de 10°, ce qui est largement suffisant pour voir un effet, d’après les calculs d’Arago, repris par Lagrange et Laplace. C’est l’échec : aucun changement n’est visible dans la valeur de l’aberration. Arago reprend l’expérience en 1810 avec un prisme de 22°, et il ne perçoit aucun effet11.
Laplace est très perplexe de ce résultat. Il hésite entre deux explications, soit l’œil ne peut percevoir que des grains de lumière ayant une vitesse donnée, soit la vitesse de la lumière est constante. C’est plutôt la première hypothèse que retient Laplace dans son grand ouvrage, l’Exposition du Système des Mondes12 :
» L’aberration des étoiles dépend de la vitesse de leur lumière combinée avec celle de la Terre dans son orbite ; elle ne serait donc pas la même pour tous les astres, si leurs rayons parvenaient à nous avec des vitesses différentes. Il serait difficile, vu la petitesse de l’aberration, de connaître exactement par ce moyen, ces différences ; mais la grande influence de la vitesse de la lumière sur sa réfraction, en passant dans un milieu diaphane, fournit une méthode très précise pour déterminer les vitesses respectives des rayons lumineux. Il suffit pour cela de fixer un prisme de verre au devant de l’objectif de la lunette et de mesurer la déviation qui en résulte dans la position apparente des astres.
On a reconnu de cette manière que les vitesses de la lumière directe et réfléchie de tous les objets célestes et terrestres étaient exactement les mêmes. Les expériences qu’Arago a bien voulu faire à ma prière ne laissent aucun doute sur ce point de physique important à l’astronomie en ce qu’il prouve la justesse de l’aberration des astres.
» La vitesse de la lumière des étoiles n’est pas, relativement à un observateur, la même dans tous les points de l’orbite terrestre. Elle est la plus grande lorsque son mouvement est contraire à celui de la Terre ; elle est la plus petite quand les deux mouvements conspirent. Quoique la différence qui en résulte dans la vitesse relative d’un rayon lumineux ne s’élève qu’à un cinq millième environ de la vitesse totale, cependant elle peut produire des changements sensibles dans la déviation de la lumière qui traverse un prisme. Des expériences très précises, faites par Arago, ne les ayant point fait apercevoir, on doit en conclure que la vitesse relative d’un rayon lumineux homogène est constamment la même, et probablement déterminée par la nature du fluide qu’il met en mouvement dans nos organes pour produire la sensation de lumière.
Cette conséquence paraît encore indiquée par l’égalité de vitesse de la lumière émanée des astres et des objets terrestres, égalité qui, sans cela, serait inexplicable. Est-il invraisemblable de supposer que les corps lumineux lancent une infinité de rayons doués de vitesses différentes, et que les seuls rayons dont la vitesse est comprise dans certaines limites ont la propriété d’exciter la sensation de lumière, tandis que les autres ne produisent qu’une chaleur obscure. »
V. L’entraînement de l’éther
Nous sommes en 1811. La théorie de l’émission est la théorie dominante. Pourtant plusieurs faits expérimentaux, bien connus, accréditent plutôt la thèse de la nature ondulatoire de la lumière. Arago va s’engager dans cette voie, sous l’influence des travaux d’Étienne, Louis Malus (X 1794). En observant la réflexion du Soleil dans une mare à travers un spath d’Islande, Malus s’était aperçu que de simples réflexions pouvaient polariser la lumière. Il était même possible de faire ainsi disparaître totalement la lumière. La polarisation cristalline, associée à la biréfringence, était connue depuis de longues années. Elle était interprétée dans la théorie de l’émission. La polarisation par simple réflexion par contre était difficilement explicable dans cette théorie.
Arago, reprenant des travaux de Newton sur les lames minces, découvre en 1811 les phénomènes de polarisation chromatique et de polarisation rotatoire. Ceci lui permet de construire un polariscope avec lequel il va découvrir la polarisation des halos de la Lune et du Soleil, l’existence de points neutres dans la polarisation du ciel, la polarisation des mers lunaires… Il a l’idée d’examiner la polarisation des gaz, des liquides et des solides sur leur bord, et montre ainsi en 1814 la nature gazeuse du Soleil.
Il acquiert ainsi une nouvelle célébrité. C’est probablement cela qui va conduire en 1814 Augustin Fresnel (X 1807) à le contacter pour qu’il juge quelques-uns de ses travaux d’optique13. Il commence à lui envoyer un mémoire sur l’aberration annuelle des étoiles, qu’Arago refuse de publier, car il ne contient aucune information nouvelle par rapport aux travaux de Bradley. Fresnel soumet ensuite un second mémoire sur l’interférométrie à partir de trous. Arago accepte de publier ce travail dans le cadre de l’Académie des sciences, bien qu’il n’apporte que peu d’informations par rapport aux travaux de Thomas Young.
Cette publication encourage Fresnel qui veut poursuivre ses travaux d’optique pour valider la théorie ondulatoire de la lumière qu’il met au point. Un concours est organisé par l’Académie des sciences pour la meilleure expérience prouvant la nature de la lumière. Fresnel le remporte brillamment avec sa célèbre expérience de la diffraction à distance finie. Poisson est ébranlé et revient à la séance suivante en prouvant, par la théorie ondulatoire, qu’au centre de l’ombre du disque occulté l’intensité est exactement celle à l’extérieur du disque, ce qui est effectivement vérifié14. Ce n’est pas pour autant que les partisans de la théorie de l’émission renoncent. Laplace, Biot, Cauchy n’accepteront jamais la théorie ondulatoire.
Arago et Fresnel collaborent d’une manière extrêmement fructueuse, en montant des expériences nouvelles d’interférométrie, autant de pierres dans le jardin des partisans des grains de lumière. Ils aboutissent à l’une des plus importantes expériences de la physique : l’absence d’interférences dans le cas de la lumière polarisée. Si chaque voie a une lumière de polarisation contraire, aucune frange n’est visible. Fresnel en déduit la nature transverse de la lumière, contrairement au modèle d’ondes longitudinales. Arago, lui, est perplexe. Cette attitude est souvent mal comprise, mais l’existence d’une onde transverse impliquait la transmission dans un milieu pourvu d’une grande rigidité, alors que les ondes longitudinales se transmettaient dans un milieu élastique15. Il fallait donc introduire un éther cristallin, revenant ainsi à une théorie d’Aristote qui avait été rejetée par les astronomes à partir des travaux de Copernic.
Pendant ces années d’intense collaboration, Arago a eu bien sûr l’idée de demander à son ami d’interpréter dans le cadre ondulatoire son expérience d’aberration des étoiles avec un prisme. Fresnel lui répond dans une lettre célèbre16, qui sera publiée dans les Annales de Chimie et Physique, qu’édite Arago avec Gay-Lussac (X 1797). P. Costabel en a fait une analyse remarquable, montrant d’ailleurs quelques erreurs dans la figure illustrant la démonstration. Fresnel explique à Arago que s’il n’a rien vu, c’est en raison de l’existence d’un entraînement partiel de l’éther par le prisme. Il déduit une formule explicite de ce phénomène, à partir de l’existence de l’absence d’effet constaté par les astronomes.
VI. La vitesse de la lumière
Arago se lance ensuite dans des travaux sur l’électromagnétisme et le magnétisme terrestre. Sa célébrité devient immense. La Royal Society lui décerne en 1825 la médaille Copley pour la découverte du magnétisme de rotation.
En 1830 il est élu triomphalement secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences. Il innove en organisant des séances publiques et en créant les comptes rendus de l’Académie des sciences. Il se bat pour aider les savants, obtenant par exemple une pension pour Louis Daguerre et les héritiers de Nicéphore Niepce, pour l’invention de la photographie qu’il divulgue de manière spectaculaire à l’Académie le 19 août 1839.
Après la révolution de juillet 1830, Arago entre à la chambre des députés. Initialement proche du nouveau régime, il va vite rejoindre l’opposition radicale. Il s’active pour la modernisation de la Nation : machines à vapeur, chemins de fer, aménagement des fleuves, télégraphe électrique, etc. Ses thèses sont parfois maladroites, mal comprises d’hommes politiques peu habitués à entendre un raisonnement scientifique. Par contre son combat sur des thèmes humanistes a plus d’impact, sans pour autant plus de succès : propositions pour le suffrage universel ou pour un enseignement des sciences et des langues vivantes.
Il est aussi membre du Conseil municipal de Paris, et du Conseil de la Seine. Pour alimenter Paris en eau, il prône avec ardeur le percement d’un puits artésien à Grenelle, pour lequel huit années seront nécessaires, mais dont l’eau contribuera à assainir la ville.
Bien sûr ses activités scientifiques se réduisent. Il poursuit de nombreux projets, parfois avec succès, comme pour la photométrie, et parfois c’est l’échec, comme pour la mesure de la parallaxe de 61 Cygni pour laquelle son beau-frère Mathieu (X 1803) et lui se font coiffer sur le fil par Bessel17.
En 1838 Arago prend connaissance du travail de l’Anglais Wheatstone pour la mesure des vitesses de l’électricité (1834). Il en déduit un montage permettant de mesurer enfin la vitesse de la lumière en laboratoire18. Bien sûr Roemer l’avait estimée indirectement en 1676 à l’Observatoire de Paris, à partir du mouvement des satellites galiléens de Jupiter. À partir de l’aberration annuelle, une autre valeur plus précise avait été déduite par Bradley, la parallaxe solaire étant déterminée de manière indépendante. Mais ce ne sont que des mesures indirectes, dans le vide spatial.
La théorie de l’émission et celle des ondes diffèrent de manière radicale sur la valeur de la vitesse dans un milieu réfringent. Dans la première théorie, la lumière va plus vite, alors que dans la seconde c’est le contraire. Mesurer la vitesse dans un tel milieu, comme l’eau ou le verre, présente donc un enjeu scientifique essentiel. Malgré tous les succès remportés par la théorie ondulatoire, les partisans de la théorie de l’émission ne se découragent pas. Pour Arago, la mesure de la lumière constitue une expérience décisive, comme il les aime.
Le montage est difficile, basé sur des miroirs tournant à très grande vitesse. L’artisan Gambey avec lequel il avait développé de nombreux instruments n’est plus aussi habile. Arago se disperse dans de nombreuses activités, et il n’a pas le temps de réaliser cette expérience qu’il estime cruciale. En 1843, il contacte Louis Bréguet, petit-fils du grand horloger Abraham Bréguet, pour réaliser cette expérience.
Avec la révolution de 1848 Arago, malade, presque aveugle, est nommé ministre de la Marine. À ce titre, le 4 mars, il a l’honneur de signer le décret provisoire d’abolition de l’esclavage dans les colonies, après un entretien avec Victor Schoelcher, qu’il charge de préparer le décret définitif19. Il supprime les châtiments corporels dans la marine et améliore l’ordinaire des marins. Il va cumuler cette fonction avec celle de ministre de la Guerre. Aux premières élections au suffrage universel en France, il est élu triomphalement député dans plusieurs circonscriptions. L’assemblée le nomme chef de la commission exécutive, devenant ainsi le premier chef d’État français issu du suffrage universel.
L’affaire des ateliers nationaux tourne vite à l’affrontement, et dans la dernière semaine de juin 1848, c’est le drame, des combats sanglants opposent les émeutiers à l’armée. L’Assemblée nationale donne alors les pleins pouvoirs au général Cavaignac (X 1820). Arago se retire à l’Observatoire, Victor Hugo dira alors » Arago ne paraît plus à l’Assemblée, quand on a ces deux spécialités de regarder le ciel et de regarder la terre, je comprends qu’on préfère le ciel. »
Directeur des observations de l’Observatoire de Paris depuis 183420, il a la responsabilité de plusieurs jeunes astronomes que lui a confiés le Bureau. Deux d’entre eux sont passés à la postérité, Hippolyte, Armand Fizeau et Jean, Bernard, Léon Foucault21. Arago, presque aveugle, laisse les jeunes savants reprendre alors son expérience de détermination de la vitesse de la lumière en laboratoire. Fizeau a l’idée de remplacer le miroir tournant par une roue dentée. Le montage devient plus aisé, et en 1849, il aboutit à la mesure tant souhaitée, avec un instrument construit par Gustave Froment (X 1835). Arago savoure d’autant plus ce succès que Foucault en utilisant un miroir tournant montre que le rapport des vitesses dans l’eau et dans l’air est conforme à la prédiction faite à partir de la théorie ondulatoire. C’est le coup de grâce pour les rares partisans de la théorie de l’émission22.
Arago ressort alors la lettre que lui avait envoyée Fresnel en 1818 sur l’entraînement de l’éther. Il leur suggère d’essayer de mettre en évidence l’entraînement de l’éther à travers un courant d’eau. C’est une expérience très délicate, que réussit Fizeau en 1851, en utilisant le réfractomètre différentiel qu’avait conçu Arago en 181723. L’effet est totalement conforme à la prédiction de Fresnel. Cette théorie devient donc la référence. Elle complète la théorie ondulatoire de la lumière, sans lui être nécessaire.
Ce fut parmi les dernières joies du grand maître. Aveugle, diabétique, souffrant d’urémie, atteint d’une hydropisie de poitrine, il dicte à sa nièce Lucie Laugier des corrections et des compléments pour ses œuvres. Arago meurt le 2 Octobre 1853. Victor Hugo écrira à son frère Étienne : » Une des grandes étoiles du siècle vient de s’éteindre. Il me semble que la mort d’Arago est une diminution de la lumière… Arago était une force vive de la démocratie. Il lui donnait ces deux points d’appui : sa conviction qu’on ne pouvait abattre et sa gloire qu’on ne pouvait nier… »
Jean Augustin Barral (X 1838) a été chargé de l’édition de ses œuvres. Le premier ouvrage parut en 1854, le 17e et dernier en 1860. Arago a consacré le 4e tome de ses notices scientifiques aux phénomènes lumineux. La fin du volume est consacrée à la vitesse de la lumière. Barral note : » Déjà, en 1806, dans une première communication faite à l’Académie, M. Arago avait démontré que la lumière se meut avec la même vitesse, quels que soient les corps dont elle émane, ou du moins, s’il existe quelques différences, elles ne peuvent en aucune manière altérer l’exactitude des observations astronomiques. » Les œuvres d’Arago ont été largement diffusées, en France et dans le monde. Elles sont d’ailleurs très souvent citées. Alors pourquoi n’y a‑t-il aucune référence au travail de pionnier de ce personnage exceptionnel de la science française dans la genèse de la relativité ? On peut avancer plusieurs explications :
- L’interprétation de Fresnel a occulté celle de Laplace. Fresnel a transformé le phénomène en entraînement de l’éther. Arago ne croyait déjà pas à l’éther cristallin, cet entraînement le laissa donc sceptique. Dans une théorie ondulatoire de la lumière, il existe un support, la constance de la vitesse est donc liée aux propriétés de l’éther. Par contre, dans une théorie corpusculaire (balistique), l’existence d’un support est superflue, la particule ne peut qu’avoir une vitesse constante, par rapport à l’étoile qui l’a lancée. Dans le cadre de la mécanique galiléenne, l’observation des étoiles doubles devrait conduire, en raison de leurs mouvements par rapport à l’axe de visée, à des variations de position non observées. Il fallait donc aussi postuler que pour la lumière les vitesses ne pouvaient se composer. Ce n’est donc pas un hasard, s’il y a eu concomitance des articles d’Einstein sur l’interprétation de l’effet photoélectrique, avec un retour à une théorie corpusculaire, et sur la relativité, pour lequel la vitesse de la lumière a une vitesse constante dans tout repère galiléen.
- L’expérience d’Arago est décrite dans le langage de la théorie de l’émission. L’interprétation de Fresnel n’ouvre pas la porte à la discussion sur la constance de la vitesse de la lumière. Avec l’expérience de Fizeau, plus accessible au niveau de la compréhension des phénomènes en présence, la théorie de Fresnel conduit à un résultat juste, alors peut-on remettre en cause cette théorie ?
- L’activité intense, mais très dispersée d’Arago, qui n’a souvent publié ses propres travaux que sous une forme trop concise. C’est seulement à la fin de sa vie qu’il a rédigé dans ses œuvres quelques documents essentiels, concernant non seulement ses travaux sur la vitesse de la lumière, mais aussi sur la nature gazeuse du Soleil ou sur la scintillation des étoiles, travaux en principe bien antérieurs. Le lecteur se perd entre des biographies, des textes de vulgarisation et des mémoires scientifiques originaux. Arago, et son ami Alexandre de Humboldt le lui a reproché, a mélangé dans ses œuvres les aspects purement scientifiques avec des écrits d’un très grand intérêt, même aujourd’hui, mais qui ont beaucoup atténué la portée de ses découvertes.
- Les efforts d’Urbain Le Verrier (X 1820) pour faire disparaître à l’Observatoire de Paris toute influence posthume d’Arago.
L’Observatoire fut pendant la première moitié du XIXe siècle l’un des plus grands instituts scientifiques mondiaux. Les découvertes s’y sont accumulées, non seulement en astronomie, mais dans de nombreuses branches des mathématiques, de la physique et de la géophysique. Ses savants ont contribué de manière majeure à la naissance de l’astrophysique. Lorsque Le Verrier se fit investir de la toute-puissance du titre nouveau de directeur de l’Observatoire de Paris, en le sortant de la tutelle du Bureau, il engagea une politique axée essentiellement sur la mécanique céleste, excluant la plupart des disciples d’Arago, comme Fizeau, ce fut une épreuve pour la physique française. Le Verrier nomma, toutefois, Foucault physicien de l’Observatoire ; il put ainsi y poursuivre ses travaux sur la lumière24.
La mesure de la vitesse de la lumière fut reprise sur des grandes bases par Foucault (1862), puis par Cornu (X 1860) (1872, 1874). Les dernières mesures avec le montage de Cornu furent faites à l’Observatoire de Nice par Perrotin25. Les travaux sur la constance de la vitesse de la lumière furent repris par Airy avec une expérience d’aberration annuelle avec un télescope rempli d’eau (1871)26, et par Mascart, avec des expériences très variées à l’École normale supérieure (1872−1874)27. Sans doute, Albert S. Michelson n’ignorait pas ces travaux. Il a rencontré d’ailleurs Mascart, mais aussi Cornu et Lippman en 1881 à Paris. À cette occasion il a même visité l’École polytechnique28. Il n’est pas sûr qu’il ait rencontré Fizeau, Foucault étant mort en 1868. Albert Michelson en 1879 s’était rendu célèbre pour avoir amélioré la mesure de la vitesse de la lumière de Foucault d’un ordre de grandeur, avec un miroir tournant, c’est-à-dire le montage proposé par Arago en 1838.
En 1881 Michelson monte à Berlin l’expérience de la détermination du vent d’éther29, expérience qu’il reprend aux États-Unis en 1887 avec Morley30. L’apport essentiel de Michelson par rapport à l’expérience d’Arago consiste dans la suppression de tout réfracteur. Il s’agit bien d’examiner l’effet de la vitesse de l’observateur par rapport à la lumière, mais son interféromètre, basé sur des miroirs, conduit à une interprétation plus immédiate du résultat, qui falsifie la théorie de Fresnel.
Il y a donc eu une très grande filiation dans les travaux scientifiques, partant de la découverte et de l’interprétation de l’aberration annuelle des étoiles par Bradley en 1728, et aboutissant à l’expérience de Michelson-Morley en 1887. Au cours de cette période les physiciens français, et particulièrement des polytechniciens, ont été des acteurs essentiels. Si la théorie de Fresnel a été falsifiée, elle a pu conduire à des expériences originales, et à des résultats exacts.
En 1998, l’observation de quelques supernovæ lointaines a conduit à la nécessité d’introduire une constante cosmologique L = 0,7 exprimée en densité critique de l’Univers. Pour quelques chercheurs, cela peut être interprété comme l’existence d’une composante fondamentale de la Matière-Espace-Temps31, possédant une certaine rigidité, et qu’ils ont appelée Quintessence en rappel de cette cinquième composante de la matière imaginée par Aristote, et qu’on appelle aussi éther en français. Des articles sont proposés chaque semaine sur ce nouveau thème. Ceci n’est pas sans rappeler non plus l’éther de Fresnel. Mais alors, la relativité restreinte, et par là même toute la physique de XXe siècle ne risque-t-elle pas d’être remise en question ? Sans aucun doute non, car la relativité restreinte a son domaine de validité, et elle est elle-même incluse dans une théorie plus vaste, la relativité générale. Einstein lui même a introduit la constante cosmologique pour stabiliser l’Univers dans le cadre de la relativité générale. Il a longtemps pensé que c’était l’une de ses plus grandes erreurs scientifiques. Une nouvelle physique est en train d’éclore et les astronomes sont à nouveau aux premières loges. François Arago aurait beaucoup apprécié.
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1. Marchal C., » Henri Poincaré : une contribution décisive à la relativité « . La Jaune et la Rouge, 547, p. 42–46, 1999.
2. M. A. Tonnelat cite cette expérience dans son Histoire du principe de relativité, p. 82, Flammarion 1971, d’une manière très erronée.
3. Cité par J. F. Barral dans la Notice chronologique sur les œuvres d’Arago. Œuvres d’Arago tome XVII, p. CXIII, Gide, Paris. J. F. Barral se réfère à la 4e édition de l’Exposition du système des mondes de P. S. Laplace paru en 1813.
4. Bien évidemment le nom d’Arago n’est pas oublié, mais son rôle sur la mise en évidence de la constance de la lumière l’est à peu près complètement.
5. F. Arago a raconté sa jeunesse épique dans un livre à mettre entre toutes les mains, Histoire de ma jeunesse, publié dans le tome I de ses œuvres, Gide, Paris, 1854. Une réédition de ce livre est récemment parue. M. Daumas a publié une remarquable biographie d’Arago en 1943, elle a été rééditée en 1986 par Bordas à l’occasion du bicentenaire de sa naissance. Les œuvres complètes d’Arago ont été numérisées et sont accessibles en ligne à la Bibliothèque nationale de France (http://www.bnf.fr).
6. Arago est entré 6e de sa promotion, mais de nombreux auteurs indiquent qu’il fut le major de sa promotion à l’École. D’ailleurs une plaque commémore sur la Montagne-Sainte-Geneviève la remise du drapeau de l’École au sergent-major Arago par Napoléon Ier.
7. Guedj D., La Mesure du Monde/La Méridienne, Robert Laffont, Paris, 1997.
8. Arago F., L’astronomie populaire, t. IV, Gide, Paris, 1860.
9. Cette affaire empoisonnera les relations entre la France et la Régence, et elle conduira à la prise d’Alger en juillet 1830.
10. Costabel P., » L’entraînement partiel de l’éther selon Fresnel « , La vie des Sciences, comptes rendus de l’Académie des sciences, 6, p. 327–334, 1989.
11. Ces expériences n’ont été publiées par Arago qu’à la veille de sa mort, en 1853, comptes rendus Académie des sciences, 36, p.38–49. Dans une note, il indique qu’il avait lu ce mémoire le 10 décembre 1810. Laplace et Biot l’ayant cité dans leurs ouvrages, il s’était dispensé d’une publication. Ce n’est qu’en rangeant ses mémoires pour rédiger ses œuvres qu’il l’a retrouvé et reproduit, sans y changer un seul mot.
12. Le premier paragraphe se trouvait dans la troisième édition de l’Exposition du système du Monde, publié en 1808. Le second a été introduit dans la quatrième édition de 1813 (p. 326). Ce texte est cité par J. A. Barral dans la Notice chronologique des œuvres d’Arago, p. CXIII.
13. J. F. Barral dans sa Notice Chronologique sur les œuvres d’Arago, p. XL-XLVII, donne des précisions sur le début des relations entre les deux grands savants.
14. Arago raconte ce fait dans sa notice sur Fresnel, publié dans le tome I de ses œuvres. D’une manière duale, si on éclaire un trou circulaire on observe au centre une tache noire parfois appelée tache noire d’Arago. Je n’ai pas retrouvé dans ses œuvres la justification de cette appellation. Mais ceci n’a rien d’extraordinaire, c’est bien Laplace qui a conçu la notion de potentiel newtonien.
15. J. A. Cawood a discuté ce point d’une manière détaillée dans sa thèse The Scientific work of D. F. J. Arago, p. 136–149, Univ. Leeds 1974. Pour ce chercheur, qui s’est penché d’une manière inégalée en France sur les travaux d’Arago, l’acceptation d’une onde transverse pouvait être possible pour un physicien mathématicien comme Fresnel, car il ne s’agit que d’un modèle, permettant de progresser dans l’interprétation et dans la prédiction des phénomènes, alors que pour Arago, physicien de la nature, cette hypothèse impliquait une description inacceptable de l’univers.
16. Fresnel, A., » Lettre à M. Arago « , et » Note additionnelle à la lettre à M. Arago « , Annales de Chimie et de Physique, vol. 9, 1818.
17. Il est curieux que sur le timbre-poste émis à l’occasion du bicentenaire de la naissance d’Arago un dessin rappelle cet échec du grand savant. Commémore-t-on le 18 juin la défaite de Waterloo ?
18. L’histoire de la détermination de la vitesse de la lumière est brillamment racontée par William Tobin dans Toothed wheels and rotating mirrors : Parisian astronomy and mid-nineteenth century experimental measurements of the speed of light, Vistas in Astronomy, p. 253–294, 1993.
19. Il n’y a aucune ambiguïté historique sur cette signature. Pourtant le rôle d’Arago a été en très grande partie occulté ou contesté à l’occasion des cérémonies commémoratives concernant l’abolition de l’esclavage par la France.
20. Contrairement à une idée reçue Arago n’a jamais eu le titre de directeur de l’Observatoire, cette fonction ayant été supprimée en 1795, et rétablie pour Le Verrier en 1854. Arago a succédé à Laplace à la direction effective de l’astronomie française à la mort de ce savant.
21. Une grande confusion existe sur les prénoms de ces savants, confusion qui existe aussi pour Arago lui-même.
22. C’est donc Foucault qui gagna la course concernant cette expérience décisive. Il publia l’information dans le Journal des Débats le 27 avril 1850. W. Tobin raconte dans son article que Foucault présenta ce travail pour son doctorat, et faillit échouer.
23. P. Costabel, » Le double tube d’Arago « , Studies of the history of Scientific Instruments, p.129–133, 1989.
24. W. Tobin note que les relations entre Arago et Foucault s’étaient détériorées. Leurs caractères étaient très opposés, et Arago n’a pas, semble-t-il, apprécié que Foucault ait repris avec succès la méthode des miroirs tournants. Quant aux relations entre Arago et Le Verrier elles furent totalement détestables à partir de 1847, le gouvernement Guizot ayant voulu réduire l’influence d’Arago, en avançant le pion Le Verrier. La révolution de février 1848 mit fin à ces intrigues, mais Arago conserva une très grande méfiance vis-à-vis de celui qui devint néanmoins son successeur.
25. Perrotin effectua ses mesures entre le Mont-Gros, site de l’observatoire de Nice, et le Mont Vinaigre, situé dans l’Estérel. Il publia ses travaux en 1902 dans les Annales de l’Observatoire de Nice. En 1981 Jean-Paul Zahn, alors directeur de l’Observatoire de Nice, a envisagé de remonter l’expérience de la mesure de la vitesse de la lumière, à l’occasion du centenaire de l’établissement. Le projet n’aboutit pas, mais quelques astronomes niçois l’envisagent toujours à titre pédagogique.
26. G. B. Airy, Proc. Royal Soc. London, A 20, p. 35 1871, A 21 p.121, 1873. Airy ne cite pas Arago. Leur amitié a été rompue après la découverte de Neptune, Arago refusant d’admettre toute paternité d’Adams dans cette découverte. Au xviiie siècle Boscowitch avait réalisé cette expérience avec une lunette remplie d’eau, mais la qualité des mesures n’était pas suffisante pour conclure. D’autres expériences de cette nature ont été montées dans les années 1860 par le Hollandais Hoek et l’Italien Respighi.
27. M. Mascart, » Sur les modifications qu’éprouve la lumière par suite du mouvement de la source lumineuse et du mouvement de l’observateur « , Annales de l’École normale supérieure, p. 167–214, 1872 et p. 353–420, 1874.
Dans l’introduction du premier article Mascart revient longuement sur l’expérience d’Arago et la théorie de Fresnel qui en a résulté. Il conclut dans son premier mémoire :
» Les phénomènes de réflexion de la lumière, de diffraction, de double réfraction rectiligne et de double réfraction circulaire sont également impuissants à mettre en évidence le mouvement de translation de la Terre quand on opère avec la lumière solaire ou avec une source de lumière terrestre. »
À la fin de son second mémoire il note : » La conclusion de ce mémoire serait donc que le mouvement de translation de la Terre n’a aucune influence appréciable sur les phénomènes d’optique produits avec une source terrestre ou avec la lumière solaire, que ces phénomènes ne nous donnent pas le moyen d’apprécier le mouvement absolu d’un corps et que les mouvements relatifs sont les seuls que nous pouvons atteindre. »
En toute rigueur il existe un petit effet dû à l’effet Doppler-Fizeau, le mouvement décalant le spectre de l’objet. Si le prisme est parfaitement achromatique, les positions ne sont pas affectées par ce décalage, sinon la position du photocentre est modifiée, mais l’amplitude du phénomène est en négligeable, sauf si le prisme disperse d’une manière importante. C’est sur ce principe qu’est basée la mesure des vitesses radiales avec un prisme objectif.
28. La fille de Michelson raconte cette visite dans son livre Le Maître de la lumière consacré à la vie de son père.
29. Michelson A. A., » The relative motion of the earth and the luminiferous ether « , American Journal of Science : third series, 22, p. 120–129, 1881.
30. Michelson A. A., Morley E. W., » On the relative motion of the earth and the luminiferous ether « , American Journal of Science : third series, 24, p. 333–345, 1997.
31. Je reprends le titre du remarquable livre de G. Cohen-Tanoudji (58) et M. Spiro (66) d’initiation à la structure intime de la matière, La Matière-Espace-Temps : la logique des particules élémentaires, paru chez Fayard en 1986.