Les expériences de Dayton C. Miller, 1925–1926, et la théorie de la relativité.
I – Les réponses à mon article
I – Les réponses à mon article
À la suite de la publication de mon article dans le numéro d’août-septembre 1996 de La Jaune et la Rouge la rédaction et l’auteur ont reçu 21 lettres du 13 septembre au 20 novembre 1996 ; 10 ont été adressées à la rédaction1 et 11 ont été adressées à l’auteur2 ; 12 proviennent d’anciens X des promos 1930 à 19583, et 9 de personnalités extérieures (universitaires, ingénieurs, et chercheurs)4 et 5.
Parmi ces 21 correspondants deux ont une très bonne connaissance de mes travaux sur le pendule paraconique (1954−1960) et ont visité à l’époque mes deux laboratoires de Saint-Germain et Bougival6.
Assez curieusement sur les trente et un lecteurs qui ont adressé des lettres à la rédaction de La Jaune et la Rouge et à Jules Leveugle en avril-septembre 1994 à la suite de l’article de Leveugle « Poincaré et la Relativité« 7, deux seulement ont envoyé des observations à la suite de mon article sur les expériences de Miller8.
Sur les 21 correspondants qui ont écrit à la suite de mon article, six se déclarent explicitement ou implicitement relativistes convaincus9. Cependant deux reconnaissent explicitement l’opportunité des Sections 2, 3, et 4 de mon article10, et l’un des deux souligne expressément qu’il y a un problème11.
Neuf correspondants se déclarent explicitement ou implicitement opposés à la théorie de la relativité12. Quatre approuvent chaleureusement mon article13, et trois en approuvent la substance au moins implicitement14. Deux seulement ont posé des questions15 ; un se borne seulement à une demande d’information16.
Treize correspondants ont envoyé de longs commentaires, des mémoires et des ouvrages17.
Un correspondant a une position particulière. Il considère qu’Einstein, Lorentz, Michelson, Miller, se sont tous trompés, et qu’il en est de même d’Allais18.
Enfin un correspondant déclare que mon article est anti-scientifique et qu’il n’aurait jamais dû être publié19.
Dans l’ensemble, ce qui apparaît comme tout à fait essentiel, c’est qu’aucun correspondant ne conteste explicitement l’existence des régularités sous-jacentes aux observations de Miller que j’ai mises en évidence et que Miller n’a pas aperçues (Sections 3 et 4 de mon article) ; c’est qu’aucun d’eux ne conteste explicitement et de manière motivée les réponses que j’ai données aux trois questions tout à fait fondamentales présentées dans la Section 2 de mon article, ni l’interprétation que j’ai donnée des observations de Miller au regard de leurs régularités dans sa Section 5.
La diversité des observations reçues, et parfois leur complexité, rendent quelque peu difficile une réponse appropriée d’ensemble, mais je m’efforcerai de les grouper et de les analyser sous quelques thèmes généraux.
_____________________________________________ (I)
1. Par ordre alphabétique : Guy Berthault, Jean-Louis Bobin, Jacques Bouet, Nathalie Deruelle, Claude Friang, Jean Gunther, Christian Marchal, Bruno Michoulier, Pierre Naslin, Francis Rey.
2. Par ordre alphabétique : Charles Barrillon, Pierre Blanc, Patrick Cornille, Olivier Costa de Beauregard, Guy de Crest, Thierry Delort, Marcel Macaire, Charles F. Maupas, Paul de Montaigne, René Louis Vallée, Jean Daniel Weber.
3. Par ordre alphabétique : Charles Barrillon (30), Guy Berthault (45), Pierre Blanc (35), Jean-Louis Bobin (54), Jean Gunther (53), Marcel Macaire (42), Christian Marchal (58), Charles F. Maupas (34), Bruno Michoulier (49), Paul de Montaigne (35), Pierre Naslin (39), Jean-Daniel Weber (54).
4. Par ordre alphabétique : Jacques Bouet, Patrick Cornille, O. Costa de Beauregard, Guy de Crest, Thierry Delort, Nathalie Deruelle, Claude Friang, Francis Rey, René Louis Vallée.
5. Les lettres qui me sont parvenues après le 20 novembre 1996 feront éventuellement l’objet d’un commentaire ultérieur.
6. O. Costa de Beauregard et Paul Montaigne.
7. La Jaune et la Rouge, avril et novembre 1994.
8. O. Costa de Beauregard, et Pierre Naslin.
9. Bobin, Costa de Beauregard, Nathalie Deruelle, Gunther, Marchal, Weber.
10. Costa de Beauregard et Marchal.
11. Costa de Beauregard.
12. De Crest, Delort, Friang, Macaire, Maupas, Michoulier, Montaigne, Rey, Vallée. En fait, le classement de Macaire est quelque peu difficile, car il déclare adhérer à la théorie générale d’Einstein tout en soulignant qu’il n’admet pas l’invariance de la vitesse de la lumière dans le vide.
13. Friang, Macaire, Maupas, Montaigne.
14. De Crest, Delort, Michoulier.
15. Berthault et Naslin.
16. Barrillon.
17. Blanc, Bouet, Cornille, Crest, Delort, Nathalie Deruelle, Macaire, Marchal, Michoulier, Montaigne, Rey, Vallée, Weber. Quel que puisse être leur intérêt il va de soi que je ne pourrai analyser ces commentaires, mémoires, et ouvrages que dans la mesure où ils ont une relation directe avec la substance de mon article. Faute de temps il m’a été impossible de commenter, comme je l’aurais souhaité, ces différents textes auprès de leurs auteurs.
18. Rey. Ce dernier me déclare m’avoir envoyé un ouvrage dont il ne m’indique ni le titre ni la date de son envoi. Il m’accuse de ne pas l’avoir lu ; mais encore faudrait-il que je l’ai reçu effectivement.
19. Gunther.
II – PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L’ANALYSE SCIENTIFIQUE
1 – La validité d’une théorie
Avant de répondre aux vingt et un correspondants il me paraît absolument nécessaire de souligner trois propositions essentielles qui sont à la base de toute discipline scientifique
La signification réelle de la vérification d’une théorie par l’expérience
a – Tout d’abord si une théorie a des conséquences vérifiées par l’expérience, cela ne peut en aucun cas signifier que cette théorie est entièrement valable. La conformité de ses implications avec certaines données de l’expérience signifie simplement qu’elle est compatible avec ces données, et rien de plus.
Cette proposition peut être illustrée par de multiples exemples. Je me bornerai ici à trois exemples particulièrement frappants.
- Dans son mémoire de 1905 sur la relativité restreinte Einstein souligne que la théorie présentée permet d’expliquer immédiatement les résultats de l’expérience de Fizeau de 1851. Cependant il omet de signaler que l’expérience de Fizeau a permis de vérifier la validité de la formulation donnée par Fresnel en 1818, soit trente trois ans auparavant1. Ainsi deux théories incompatibles, celles de Fresnel et d’Einstein, permettent d’expliquer le même phénomène2.
De cette double démonstration théorique de la relation de Fresnel, il résulte qu’on ne saurait déduire que l’expérience de Fizeau constitue la preuve de la validité de l’une ou l’autre théorie, mais seulement que chacune d’elles est compatible avec l’expérience3.
Cela démontre que la vérification d’une théorie par l’expérience ne prouve pas que cette théorie soit correcte. Elle montre simplement la compatibilité de la théorie avec l’expérience, et des explications alternatives restent toujours possibles.
- De même on présente généralement l’explication de la dérive de 43″ par siècle du périhélie de Mercure comme l’un des plus grands succès de la théorie de la relativité générale. Cependant l’analyse présentée par Maurice Lévy le 17 mars 1890 à l’Académie des sciences permet de donner également une explication de la dérive de 43″, à partir d’une pondération linéaire des formulations de Weber et Riemann4. Ici encore deux théories entièrement différentes donnent une explication du phénomène considéré.
Il résulte de là encore que la conformité des conséquences d’une théorie avec les données de l’expérience ne saurait être interprétée comme la preuve de sa validité5
- La théorie des épicycles nous offre un autre exemple. Pendant de très nombreux siècles elle a dominé la pensée astronomique en application d’un postulat toujours admis sans discussion : la nature ne pouvait admettre que la symétrie circulaire. Pendant tous ces siècles elle a permis de prévoir le mouvement apparent du soleil, de la lune, et des planètes. Elle a permis de prévoir les éclipses avec une très remarquable précision6 Les découvertes de Képler et la théorie de la gravitation universelle de Newton ont cependant mis fin à la domination de cette théorie.
Ici encore on constate que la vérification d’une théorie par les données de l’expérience ne peut suffire pour constituer une preuve de sa validité.
Les expériences cruciales
b – Par contre, si, dans une de ses hypothèses ou dans une de ses conséquences, une théorie est infirmée par une donnée nouvelle de l’expérience, elle ne saurait être considérée comme valable et elle doit être rejetée.
Il convient de souligner que cette conclusion vaut quelque nombreuses et quelque précises que puissent être les vérifications antérieures de cette théorie. Une seule expérience suffit pour la contredire. Une telle expérience peut alors être considérée comme cruciale.
C’est d’ailleurs sur cette proposition que se sont appuyés Einstein lui-même et ses successeurs pour rejeter l’hypothèse d’un éther immobile, au sein duquel la Terre se déplacerait, en se fondant sur le résultat considéré comme « négatif » de l’expérience de Michelson.
Aujourd’hui la même proposition conduit à rejeter la théorie de la relativité restreinte dès lors qu’il est établi que la vitesse de la lumière n’est pas invariante suivant sa direction.
Comment ne pas rappeler ici ce qu’écrivait Einstein7 :
» L’attrait principal de la théorie (de la relativité) est qu’elle constitue un tout logique.
» Si une seule de ses conséquences se montrait inexacte, il faudrait l’abandonner ; toute modification paraît impossible sans ébranler tout l’édifice. »
Il va de soi que le rejet d’une théorie infirmée par une expérience cruciale ne saurait en tout cas impliquer que, si elles sont valables, les données expérimentales considérées jusque-là comme vérifiant la théorie rejetée doivent être méconnues en quoi que ce soit.
Un tel rejet signifie simplement en effet que les observations expérimentales concernées doivent être expliquées autrement. Comme des faits parfaitement établis sont indiscutables, il est certain qu’il existe une théorie, compatible avec toutes les données de l’observation, qui les explique.
Condition de validité d’une expérience cruciale
c – Naturellement, le rejet d’une théorie à partir d’observations qui la contredisent ne peut être admissible que si la validité de ces observations est parfaitement établie.
C’est donc cette validité que ceux qui s’opposent aux conclusions de mon article devrait mettre en cause. Or précisément aucun de ceux qui déclarent qu’on ne saurait rejeter la théorie de la relativité à partir des régularités et de la cohérence que j’ai mises en évidence dans les observations de Miller, régularités et cohérence que n’a d’ailleurs pas aperçues Miller8, ne conteste ces régularités.
____________________________________ (II.2)
1. Fresnel : Note additionnelle à la lettre à M. Arago, Annales de Chimie et de Physique, 1818, volume 9, p. 286.
2. Il convient d’ailleurs de souligner que Fresnel ne connaissait pas le résultat expérimental de Fizeau, alors qu’Einstein le connaissait.
3. Les partisans de la théorie de la relativité omettent généralement de souligner que Fresnel a déterminé cette formule trente-trois ans avant l’expérience la confirmant de Fizeau, et que cette formule dans la théorie d’Einstein n’est qu’approchée. En fait, certains auteurs relativistes omettent, le plus souvent délibérément, de citer la théorie très antérieure de Fresnel.
4. Il suffit de prendre pour le coefficient alpha de Maurice Lévy (p. 549) la valeur alpha = 2 pour que l’on obtienne une dérive égale à (1 + alpha) x 14″,4 = 43″,2 Dans sa Note du 17 mars 1890 Maurice Lévy part d’une estimation de 38″ pour la dérive du périhélie de Mercure et il est amené à prendre alpha = – 1 + (38÷14,4) = 1,63. Avec l’estimation actuelle de 43″ on arrive à une valeur entière alpha = 2 de alpha, bien plus plausible en l’espèce.
5. Ces indications répondent entièrement à la Première Question de Guy Berthault : « Est-il possible de remettre en cause la Théorie de la Relativité restreinte et générale alors qu’elle donne des explications si frappantes de l’expérience de Fizeau de 1851 et de l’avance de 43 » par siècle du périhélie de Mercure ? »
6. Sur la théorie des épicycles, voir notamment Pierre Duhem, Le système du monde. Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic, Hermann, 1959, tome I, chapitres III et VIII. Voir également, La Science antique et médiévale, PUF, 1957, livre II, chapitre III, et La Science moderne, PUF, 1958, livre I, chapitre II.
7. Albert Einstein, Comment je vois le monde, 1939, Flammarion, p. 213
8. On ne saurait d’ailleurs affirmer comme l’écrit Francis Rey : « Si la cohérence des mesures de Miller est parfaite comme le dit M. Allais…, c’est que ce physicien est meilleur expérimentateur que les autres pour faire apparaître les résultats qui l’arrangent. » Comment donc par exemple Miller aurait-il pu trafiquer ses observations pour faire apparaître la perpendicularité des hodographes des vitesses avec la direction moyenne des azimuts alors qu’il ne connaissait pas cette propriété ? (§ 3.3 de mon article)..;
2 – Principes de toute démarche scientifique
- En fait, trois principes dominent toute démarche scientifique.
1 – La vérification d’une théorie par l’observation n’est pas une preuve de sa validité. Elle montre simplement qu’elle est compatible avec les données de l’observation.
2 – Quels que puissent être le nombre, la qualité et la précision des vérifications antérieures d’une théorie, elle se trouve infirmée si une quelconque de ses hypothèses essentielles ou si une quelconque de ses implications est infirmée par une expérience cruciale.
3 – Pour qu’une expérience incompatible avec une théorie antérieure puisse être considérée comme cruciale, il faut et il suffit que les observations correspondant à cette expérience puissent être considérées comme scientifiquement incontestables.
- Au regard de ces trois principes on ne pourrait valablement réfuter les conclusions de mon article que si l’on pouvait établir la non validité des régularités sous-jacentes aux observations de Miller que j’ai mises en évidence. C’est là le cœur de la question. Pour réfuter valablement les conclusions de mon article il faut donc démontrer la non validité des régularités que j’ai mises en évidence dans les observations de Miller.
3 – Une régularité particulièrement significative
La régularité la plus frappante sous-jacente aux observations de Miller est certainement la perpendicularité des hodographes des vitesses à la direction moyenne des azimuts (§ 3.5 et Graphiques III et IV de mon article).
En fait, après la rédaction de mon article pour La Jaune et la Rouge, j’ai pu déterminer les ajustements elliptiques des hodographes observés1. Les ellipses correspondantes sont représentées sur les Graphiques I et II2.
Cette représentation est bien meilleure que la représentation correspondant aux Graphiques III et IV de mon article. Ce qui est très significatif, c’est que les ellipses d’ajustement sont presque exactement perpendiculaires aux directions moyennes des azimuts.
Toutes ces ellipses sont décrites dans le sens rétrograde (c’est-à-dire avec le même sens de rotation que les étoiles fixes par rapport à la Terre). En outre les concordances de phase en temps sidéral entre les quatre séries d’hodographes calculés et observés apparaissent comme tout à fait remarquables.
C’est là une donnée d’observation incontestable et incontournable, tout à fait inattendue, qu’il est nécessaire d’analyser et d’expliquer. Ses implications ont en effet une portée considérable, car elle infirme à la fois en effet la théorie de la relativité et la théorie classique3.
Sans aucune contestation possible une telle régularité, à elle seule, suffit pour montrer que les observations de Miller ne sauraient résulter d’un effet de température ou de toute autre influence perverse.
________________________________(II.3)
1. Cette détermination fait l’objet d’une Note circonstanciée qu’en novembre 1996 j’ai demandé à M. André Lichnerowicz de bien vouloir présenter à l’Académie des sciences, « Une régularité très significative dans les observations de Dayton C. Miller, 1925–1926 ».
2. La moyenne R = 0,891 des coefficients de corrélation est très élevée.
3. Dans le cas le plus général en effet, et suivant la théorie classique, l’hodographe de la projection de la vitesse de la Terre (vitesse orbitale plus vitesse cosmique) sur le plan horizontal est une ellipse symétrique par rapport au méridien dont le grand axe est perpendiculaire au méridien, et dont le rapport du petit axe au grand axe est égal à sin phi, phi désignant la latitude du lieu. En comptant les abscisses x le long du méridien positivement vers le Nord et les ordonnées y sur la perpendiculaire au méridien positivement vers l’Est, l’équation de l’hodographe est : ( (x – V sin delta cos phi) / sin phi)2+ y2 = V2 cos2 delta où V est la vitesse totale de la Terre et delta sa déclinaison, et où phi est la latitude du lieu d’observation.
III – POINTS DE VUE RELATIVISTES
1 – L’argumentation de Nathalie Deruelle
Au regard des indications que je viens de rappeler il est particulièrement significatif d’examiner la Note de Nathalie Deruelle « Expérience de Miller et validité de la relativité restreinte. Réponse à Maurice Allais« 1. Voici les passages les plus significatifs de cette Note2.
Résumé
a – « Par une série d’expériences effectuée dans les années 20, similaires à celle de Michelson-Morley, Dayton Miller a affirmé avoir mis en évidence un mouvement de la Terre par rapport à l’éther, c’est-à-dire l’espace absolu de Newton … Maurice Allais analyse à nouveau les résultats de ces expériences et conclut qu’ils réfutent la relativité restreinte. Nous montrons qu’il n’en est rien en faisant un bref historique des expériences de ce type, résumant ce qu’elles ont effectivement mesuré et pourraient encore éventuellement montrer. »
Les expériences interférométriques
b – « Les expériences furent menées à l’aide d’interféromètres qui, selon la théorie, devaient mesurer… la vitesse absolue de la terre… Elles furent nombreuses… Aucune de ces expériences ne mesura un effet de l’amplitude escomptée. Ceci étant, aucune, bien sûr, ne mesura un effet strictement nul… Le problème, comme toujours en physique expérimentale, est en effet d’interpréter les effets résiduels, de déterminer s’ils sont significatifs ou imputables à des erreurs expérimentales. Mais tous les expérimentateurs, à l’exception de Dayton Miller, estimèrent que leurs résultats étaient dans les barres d’erreurs de leur expérience et donc compatibles avec zéro…
« Pour interpréter ces résultats bien inférieurs à ceux auxquels on s’attend dans le cadre de la théorie classique et tous compatibles avec zéro, sauf celui de Miller, on peut bien sûr invoquer, comme le fit Lorentz, des phénomènes de contraction de longueur ou d’entraînement de l’éther. Mais on sait que la solution proposée par Einstein l’emporta et ces expériences scellèrent le triomphe de sa théorie de la relativité restreinte… »
Dayton Miller, expérimentateur de haut vol
c – « Dayton Miller était d’après ses contemporains un expérimentateur de haut vol… Son article… de 1933… sur lequel Maurice Allais base son analyse est un modèle de clarté et de rigueur…
« Ses résultats sont… difficiles à interpréter… pour deux raisons, ainsi qu’il le souligne lui-même… Il est obligé d’invoquer un facteur d’entraînement de l’éther… à expliquer. Par ailleurs la direction de la vitesse cosmique de la Terre devrait traverser la ligne Nord-Sud chaque jour à cause de la rotation de la terre sur elle-même. Or, note Miller, si cette direction traverse bien un axe deux fois par jour, cet axe est déplacé par rapport au méridien, de façon variée suivant la période de l’année. C’est en fait cette anomalie azimuthale, plus que le facteur d’entraînement de l’éther, qui semble avoir été la raison du doute jeté dès les années 20 sur ses résultats. »
Les observations de Miller résultent d’un effet de température
d – « En 1935… des chercheurs de Cleveland, Shankland et al. (Review of Modern Physics, vol 27, p. 167) analysèrent à nouveau les données de Miller… Ils confirmèrent que l’amplitude de l’effet mesuré n’était pas un effet du hasard statistique. Mais les anomalies azimuthales les incitèrent à chercher une cause locale plutôt que cosmique à l’effet mesuré… Ils en trouvèrent une : un gradient de température de 0.001 degré d’un bout à l’autre du laboratoire suffisait à produire un effet de 10-9…
« Il semble donc clair que les résultats de Miller concernant l’amplitude de l’effet, c’est-à-dire le module de la vitesse absolue de la terre, ne peuvent plus être retenus, encore moins ceux concernant la direction de cette vitesse… »
La théorie de la relativité restreinte
e - « On présente toujours les résultats compatibles avec zéro des expériences de type Michelson-Morley comme une confirmation éclatante de la relativité restreinte… Cette théorie de la relativité restreinte était une vision révolutionnaire car elle impliquait une modification profonde des représentations de l’espace et du temps ancrées depuis Newton. On se doute qu’un tel changement ne fut pas accepté sans de solides débats et de solides confirmations expérimentales. Ainsi la loi de transformation de Lorentz qui régit le passage d’un repère inertiel à un autre est maintenant vérifiée à 10-22… »
_______________________________________(III.1)
1. Nathalie Deruelle est Maître de conférences à l’École polytechnique, Département d’Astrophysique relativiste et de Cosmologie, Centre national de la Recherche scientifique, Observatoire de Paris.
2. Faute de place il n’est pas possible de reproduire cette Note en entier. Seuls sont reproduits les passages essentiels. Si j’analyse particulièrement la Note de Nathalie Deruelle, ce n’est pas parce que je considère sa valeur scientifique comme supérieure à celle des Notes des autres correspondants relativistes. C’est tout simplement parce que je la considère comme particulièrement significative.
En tout état de cause les notes de Christian Marchal, Jean-Louis Bobin, et Jean-Daniel Weber reprennent des arguments analogues à ceux de Nathalie Deruelle.
2 – La méconnaissance de la substance de mon article
Méconnaissance de mon point de vue
1 -Quand on critique un auteur, un principe essentiel est de ne jamais dénaturer son point de vue.
En fait, je ne m’appuie pas sur « les résultats » des expériences de Miller pour conclure à la réfutation de la théorie de la relativité restreinte, et j’ai souligné que « l’interprétation donnée par Miller à ses observations ne peut être considérée comme valable » (§ 5.3 de mon article).
Je me suis seulement fondé sur les régularités présentées par les observations de Miller et leur cohérence interne (non aperçues par Miller), régularités et cohérence qui sont inexplicables par des effets de température ou tout autre effet pervers, et qu’en fait Nathalie Deruelle n’examine en aucune façon.
En ce qui me concerne, si je considère Miller comme un excellent expérimentateur, je ne puis le considérer comme un bon théoricien. On ne peut en effet construire une bonne théorie d’un phénomène si dès le départ on néglige l’un de ses aspects essentiels, savoir en l’espèce les variations au cours du temps de la moyenne diurne des azimuts, toujours différente de la direction du méridien1.
Au total, ma réfutation de la théorie de la relativité ne se fonde pas sur les développements de l’article de 1933 de Miller, mais seulement sur les régularités que présentent ses observations telles que représentées sur ses huit graphiques fondamentaux de vitesses et d’azimuts en fonction du temps sidéral.
Il convient d’ailleurs de souligner que les régularités constatées contredisent tout autant la théorie classique que la théorie de la relativité. Suivant la théorie classique les hodographes devraient en effet être symétriques par rapport au méridien2.
Un prétendu effet de température
2 – Faute de place je n’ai pu présenter dans mon article de La Jaune et la Rouge une analyse critique de l’article de Shankland et al. que je connais parfaitement3 et qui ne repose que sur de pures affirmations tout à fait superficielles. Il n’explique pas notamment les régularités soulignées par Miller qui apparaissent en temps sidéral et qui disparaissent en temps civil, ce qui est totalement inexplicable par des effets de température.
On ne saurait manifestement non plus expliquer par des effets de température les régularités incontestables et très significatives présentées par les observations de Miller, régularités non aperçues par Miller, et commentées dans mon article d’août-septembre 1996. Il en est ainsi tout particulièrement de la symétrie des hodographes par rapport à la direction moyenne des azimuts, totalement inexplicable par des effets de température.
L’article de Shankland ne tient d’ailleurs aucun compte de la totale cohérence des résultats de Miller avec les résultats antérieurs de Michelson et Morley en 1887, et de Morley et Miller en 1902, 1904 et 19054 . S’il y avait un effet de température, il faudrait admettre que le même effet s’est constaté à l’identique dans les quatre expériences précédentes. C’est tout à fait impossible5.
On ne saurait donc valablement suggérer que mon article est réfuté par les analyses de Shankland. En fait, c’est l’article de Shankland qui est réfuté par mon analyse d’août-septembre 1996.
Comment Nathalie Deruelle pourrait-elle donc s’appuyer sur les analyses (d’ailleurs non valables) de Shankland pour affirmer que les observations de Miller résultent d’un effet de température sans démontrer au préalable que la perpendicularité des hodographes aux directions moyennes des azimuts et leurs concordances de phase en temps sidéral résultent d’un effet de température, qui serait le même pour les quatre hodographes, dont les configurations sont différentes et dont les axes sont différents6.
Méconnaissance des principes fondamentaux de la démarche scientifique
3 -Dans ses commentaires Nathalie Deruelle méconnaît totalement les trois principes fondamentaux de toute démarche scientifique que j’ai rappelés7.
Elle considère que les vérifications nombreuses de la théorie de la relativité sur lesquelles elle s’appuie suffisent pour rejeter en bloc comme non valables les régularités que l’on constate dans les observations de Miller.
Mais en aucun cas on ne peut rejeter a priori et sans aucune justification des résultats expérimentaux sous quelque prétexte que ce soit. Il faut d’abord démontrer qu’ils ne sont pas valables. C’est là le cœur de la question8.
Puis-je rappeler ici que les partisans de la théorie de la relativité restreinte et générale n’ont pas hésité à écarter la théorie newtonienne de la gravitation en la déclarant périmée, alors que la théorie de Newton n’avait cessé d’être vérifiée au cours de plusieurs siècles par des observations de loin bien plus nombreuses que celles dont fait état aujourd’hui l’école relativiste, et cela en s’appuyant précisément sur les trois principes de la démarche scientifique que j’ai rappelés.
Ces trois principes de la démarche scientifique doivent s’appliquer dans tous les cas, et il y a lieu de les appliquer aujourd’hui à l’encontre de la théorie de la relativité tout comme ils ont été appliqués jadis par les relativistes à l’encontre de la théorie classique de la gravitation.
3 – Les commentaires de Christian Marchal
Les commentaires de Christian Marchal sont présentés en quatre parties : le principe des expériences de Michelson, les expériences, discussion, conclusions. Du point de vue de mon article, les passages essentiels en sont les suivants :
Expériences
a – « De 1902 à 1906 Morley et Miller, puis de 1921 à 1926 Miller seul… accumuleront plusieurs centaines de milliers de mesures selon un protocole très strict…
» En définitive Miller pourra proclamer que, même s’il n’obtient pas le mouvement absolu de la Terre, il obtient tout de même des résultats intéressants en désaccord avec la théorie de la Relativité.
» Pendant ce temps d’autres expérimentateurs procèdent à la même expérience sans toutefois multiplier autant les mesures… Tous obtiennent des résultats « négatifs » : pas de déplacement des franges à la précision des mesures… ?
Discussion
b – » Comment ces deux séries de résultats peuvent-elles être aussi différentes ? Miller peut mettre en avant le nombre énorme de ses mesures et la variété de ses conditions expérimentales, ses collègues ont pour eux leur unanimité et l’unicité de leurs résultats…
» Il suffit d’une variation d’un millième de degré pour obtenir les résultats de Miller… Qui sait ? peut-être tout simplement ces résultats indiquent-ils que les coins Nord et Sud de son laboratoire avaient une température moyenne un millième de degré plus faible, environ, que les coins Est et Ouest… et il n’y aurait rien de surprenant à ce que cette différence évolue périodiquement avec les heures et les saisons comme l’indiquent les résultats. Mais il convient aussi d’admirer le sérieux et la remarquable minutie de Miller !
« De toute façon l’expérience de Michelson n’est pas le fondement de la Relativité, c’est tout au plus « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase?. Ce qui se passe dans un cyclotron est bien plus significatif : pour faire tourner à la vitesse V une particule de charge q et de « masse au repos ? m0 sur un cercle de rayon R il faut une induction magnétique B normale au plan du cercle et donnée par une expression typiquement relativiste : B = m0Vq / R rac( 1 – (V2 / c2) )
Conclusion
c – « Les expériences de Dayton Miller ne semblent pas aussi signifiantes que l’on aurait pu l’espérer ou le craindre, mais il faut tout de même remercier Maurice Allais d’avoir attiré notre attention sur ces expériences hérétiques. »
« Nous n’avons que trop tendance à passer sous silence ce qui n’est pas en accord avec nos idées (et personnellement je n’avais jamais entendu parler de Dayton Miller). C’est là un réflexe parfaitement anti-scientifique et stupide, car il y a souvent beaucoup plus à apprendre d’une expérience rigoureusement conduite et qui ne marche pas que d’une expérience qui marche. »
______________________________________(III.2)
1. Cependant, quelque valables que puissent être les critiques, à vrai dire tout à fait fondamentales et décisives, que l’on peut adresser à la théorie de Miller et aux estimations qu’il en a déduites, le fait est que la validité de ses observations en tant que telles en est tout à fait indépendante et qu’elles présentent une cohérence très remarquable qui doit et peut être interprétée et expliquée.
2. Note 3 du § II.3 ci-dessus.
3. J’en avais déjà fait état en effet dans mon mémoire publié en 1958, il y a trente-huit ans, dans Perspectives X, Doit-on reconsidérer les lois de la gravitation ?, p. 103, note 44.
4. Voir la Figure 4 du mémoire de 1933 de Miller (p. 207). Manifestement Francis Rey montre qu’il n’a pas lu le mémoire de Miller quand il met en doute ma réponse à la Deuxième Question de la rédaction en écrivant : » On est loin… des 8 à 9 km sec. vus on ne sait où par M. Allais. ? J’en avais pourtant donné la référence précise. En fait Miller connaissait parfaitement toutes les expériences antérieures. Faute de place je ne puis répondre ici à toutes les assertions de Francis Rey me concernant. Elles sont toutes aussi inexactes que l’assertion ci-dessus.
5. Sur les précautions prises par Miller à l’égard des effets de température et dont Shankland et ses associés ne tiennent pas suffisamment compte, voir tout particulièrement : Miller, 28 avril 1925, Ether-Drift Experiments at Mount Wilson, p. 310–311 ; Miller, 1926, Conference on the Michelson-Morley Experiment, p. 359 ; et Miller, 1933, id., p. 211, 212, 218 et 220. Miller était un expérimentateur très expérimenté qui a analysé à fond les effets possibles de température avec des conditions expérimentales très différentes, et ce n’était pas sans raison qu’il écrivait (1933, id., p. 311) : » The experiments proved that under the conditions of actual observation, the periodic displacement (of the interference fringes) could not possibly be produced by temperature effects. »
6. En tout état de cause le texte de Nathalie Deruelle (§ b) suggère que la théorie de la relativité proposée par Einstein n’admettrait pas « la contraction de longueur invoquée par Lorentz ». En fait il n’en est rien. Le mémoire de 1905 d’Einstein aboutit à la transformation de Lorentz qui implique la contraction des corps suivant leur vitesse.
7. § II.2 ci-dessus.
8. Il me paraît nécessaire de rappeler ici les déclarations d’Einstein dans ses entretiens avec R. S. Shankland (Talks with Albert Einstein, American Journal of Physics, vol. 31, p. 51–52) : « He said several times… that he (and also H. A. Lorentz) considered Miller an excellent experimenter and thought his data must be good… « He emphasized that if there is a systematic effect, however small, it must be explained. »
4 – Des raisonnements surprenants
Ce qui est réellement en question
1 – En fait, comme Nathalie Deruelle, Christian Marchal néglige totalement ce qui est réellement en question, savoir les régularités que j’ai mises en évidence dans les observations de Miller, et tout particulièrement la perpendicularité des hodographes aux directions moyennes des azimuts et leurs concordances de phase en temps sidéral. Ces régularités constituent la substance même de mon article et elles en sont indissociables.
De pures hypothèses
2 – Que penser de l’argumentation de Christian Marchal ? Il nous dit : « Qui sait, peut-être tout simplement que les résultats de Miller s’expliquent par une différence de température d’un millième de degré entre les différentes parties du laboratoire, et il n’y a rien de surprenant à ce que cette différence de température évolue avec les saisons. »
Mais ce ne sont là en réalité que de pures conjectures sans aucune justification réelle1.
La signification réelle de l’expérience de Michelson
3 – À supposer même que la théorie de la relativité soit infirmée par les expériences interférométriques, il n’y aurait pas lieu d’après Christian Marchal d’en tenir compte, puisque les expériences réalisées avec un cyclotron sont bien plus significatives2. Ainsi la validité de la théorie de la relativité serait indépendante des résultats des expériences de Michelson, Morley, et Miller.
Mais c’est là une position difficilement soutenable au regard de ce que disait Einstein lui-même : « Si les observations du Dr Miller étaient confirmées, la théorie de la relativité serait en défaut. L’expérience est le juge suprême » (§ 6.1 de mon article d’août-septembre 1996).
La conclusion de Christian Marchal
4 – Que conclut Christian Marchal ? : « Les expériences de Dayton C. Miller ne semblent pas aussi signifiantes que l’on aurait pu l’espérer ou le craindre. ». Mais sur quoi peut donc se fonder une telle conclusion, puisque Christian Marchal n’examine à aucun moment les régularités que j’ai mises en évidence dans les observations de Miller et qui excluent totalement tout effet pervers, et notamment tout effet de température.
En fait, les régularités que j’ai mises en évidence sont en réalité extrêmement significatives. Elles excluent tout doute, et leur évidence est éclatante. Elles sont incontournables.
Ce qui serait réellement souhaitable
5 – En fait, plutôt que de passer totalement sous silence les régularités que j’ai mises en évidence dans les observations de Miller, il serait bien préférable d’en procéder à un examen approfondi et d’essayer d’en dégager la signification et la portée.
On est notamment devant un fait nouveau et tout à fait inattendu qu’il faut expliquer, la perpendicularité des hodographes à la direction moyenne des azimuts, en contradiction à la fois avec la théorie de la relativité qui postule une constance de la vitesse de la lumière et avec la théorie classique qui postule des hodographes symétriques par rapport au méridien3.
_________________________________ (III.4)
1. Si l’hypothèse de Christian Marchal était fondée, on devrait constater une corrélation de la direction moyenne“A des azimuts A de Miller avec la température au cours de l’année. Or cette température peut se représenter par une sinusoïde d’une période d’un an dont le sommet est en juillet-août. En fait, l’azimut moyen“A de Miller peut se représenter par une sinusoïde d’une période six mois dont le sommet est le 21 mars (mon article, § 4.2 et 4.3, et Tableau III). L’hypothèse de Christian Marchal est donc totalement infirmée par l’expérience.
2. En fait, l’expression rac( 1 – v2/c2) n’a rien de « typiquement relativiste ». C’est une expression qui s’introduit naturellement dans la discussion des potentiels retardés et des mouvements relatifs classiques et non relativistes. Voir par exemple Oliver Heaviside, On the Electromagnetic Effects due to the Motion of Electrification through a Dielectric, Philosophical Magazine, XXVII, 1889, p. 324–339. Dans cet article Heaviside considère le champ magnétique H créé par une charge électrique q se déplaçant avec une vitesse u. Il considère la relation
(1) DELTA A – 1/c2 d2A/dt2 + 4 pi ro u = 0 (remarque : la dérivée d2A/dt2 est une dérivée partielle), définissant le potentiel vecteur A en un point M(relation 16, p. 340) où c est la vitesse des ondes et il montre que l’on a (relation 15)
(2) H = rot A avec (relation 27, p. 331).
(3) A = 1 / rac( 1 – u2 sin2 theta / c2 ) . qu/r où theta désigne l’angle de la direction QM avec la vitesse u. Sur le plan équatorial on a sin theta = 1. Voir également Edmund Whitthaker, 1951, A History of the Theories of Aether and Electricity. The Classical Theories, Nelson, p. 307–309. La formulation d’Heaviside est d’autant plus significative qu’elle est antérieure de plus de quinze ans au mémoire de 1905 d’Einstein sur la relativité restreinte.
3. L’invariance de la vitesse de la lumière postulée par la théorie de la relativité restreinte impliquerait que sur les Graphiques I et II ci-dessus tous les hodographes se réduisent à un point, l’origine O du graphique.
5 – Les commentaires d’Olivier Costa de Beauregard
Olivier Costa de Beauregard a publié de très suggestives analyses sur la théorie de la relativité, dont notamment un très remarquable ouvrage « La Théorie de la Relativité Restreinte » (Masson, 1949), préfacé par Louis de Broglie. Il connaît très bien mes travaux sur le pendule paraconique (1954−1960) et il a visité à l’époque mes deux laboratoires de Saint-Germain et de Bougival. C’est dire qu’il est particulièrement qualifié pour commenter mon article sur les observations de Miller.
- En réponse à l’envoi par Guy Berthault de mon article Costa de Beauregard écrit dans sa lettre du 24 octobre 1996 :
« Merci de l’envoi de l’article de Maurice Allais sur les expériences de Miller. Je suis content d’avoir cette mise au point.
« Il est bien connu que les expériences de Miller « font problème », un problème aggravé par l’analyse qu’en fait M. Allais.
« Cependant la relativité restreinte est une théorie si excellemment self-consistante et si prodigieusement efficace, y compris dans ses extensions vers la relativité générale d’un côté, vers la théorie quantique des champs de l’autre, qu’on la considère à juste titre comme « vérifiée par l’ensemble de ses conséquences »… jusqu’au prochain changement de paradigme, cela va sans dire.
« Ceci vient-il via Miller, sous forme de marche arrière ? C’est bien difficile à « avaler »…
« Il y a donc là un vrai problème ; pour mon compte je le laisse ouvert, en continuant à pratiquer la relativité… » - Dans sa lettre du 30 novembre qu’il m’a adressée Costa de Beauregard m’écrit :
« Ayant relu votre article plus à fond que la première fois voici mes réactions :
» 1) Votre analyse des données de Miller est nouvelle et pertinente (en premier lieu par la présentation en termes du temps sidéral) ; une publication en langue anglaise serait donc justifiée.
» 2) Il n’est pas pensable de révoquer la théorie de la Relativité restreinte, constamment vérifiée par ses conséquences, souvent à une très haute précision.
» 3) Justement, rétorquerez vous, mais voilà une infirmation patente.
» 4) Ne nous emballons pas : il y a un problème, d’accord.
» 5) Pour ne pas provoquer un tollé (et éviter un NIET des referees) il faut donc absolument éviter une agression de front, et toute intransigeance verbale.
» 6) Ceci dit, un article intitulé par exemple Improved Presentation of the Data of Miller’s Ether Drift Measurements, et soumis à une revue à la fois respectée et tolérante… serait à envisager… « Et voilà Cher Monsieur ; une fois de plus vous agitez le chiffon rouge ; je vous souhaite « bon vent ». - Que nous dit Costa de Beauregard ? Il y a un problème qu’il faut reconnaître et qu’il faut examiner. C’est là ce qui est essentiel.
Qu’il ajoute « Il y a donc là un vrai problème ; pour mon compte je le laisse ouvert, en continuant à pratiquer la relativité… », rien de plus naturel, et je comprends parfaitement les réserves de Costa de Beauregard. Il faut manifestement réfléchir, et chacun peut prendre son temps1. - Sur le cinquième point de Costa de Beauregard je ne saurais trop souligner que je ne désire agresser personne et qu’en particulier ma position ne saurait se réduire à une intransigeance verbale.
Mais toute la question est de savoir si c’est une bonne méthode que de s’abstenir d’exprimer ce que l’on croit vrai. La science n’est pas la politique, trop souvent pervertie par les compromissions. Seule compte la recherche de la vérité2.
_________________________________(III.5)
1. Puis-je dire qu’en ce qui me concerne, et par exemple, que ce n’est qu’après des années de réflexion et de très nombreux calculs que je suis arrivé à la conclusion que l’interprétation donnée par Miller à ses observations doit être totalement rejetée.
2. La dernière phrase de la lettre de Costa de Beauregard fait allusion aux anomalies du pendule paraconique que j’ai mises en évidence dans mes expériences de 1954–1960.
6 – Les conditions du progrès
Pour conclure ce premier article1 le mieux me paraît d’en synthétiser la substance par quatre citations, dont trois de relativistes convaincus, citations qu’on ne saurait trop méditer, car elles représentent les principes qu’il convient précisément d’appliquer dans tout analyse critique de mon article si elle veut être scientifique2.
Max Born3 « Ce sont les faits constatables qui ont seuls une réalité physique. »
Louis de Broglie4 « La véritable réalité physique ne réside que dans l’ensemble des résultats expérimentaux. »
Albert Einstein5 « Nos conceptions du réel physique ne peuvent jamais être définitives. Si nous voulons être d’accord d’une manière logique, d’une manière aussi parfaite que possible avec les faits perceptibles, nous devons toujours être prêts à modifier ces conceptions, autrement dit le fondement axiomatique de la physique. De fait, un coup d’œil sur l’évolution de la physique nous permet de constater que ce fondement a subi au cours du temps de profonds changements. »
Henri Poincaré6 « Le physicien qui vient de renoncer à l’une de ses hypothèses devrait être plein de joie, car il vient de trouver une occasion inespérée de découverte. Son hypothèse, j’imagine, n’avait pas été adoptée à la légère : elle tenait compte de tous les facteurs connus qui semblaient pouvoir intervenir dans le phénomène. Si la vérification ne se fait pas, c’est qu’il y a autre chose d’inattendu, d’extraordinaire : c’est qu’on va trouver de l’inconnu et du nouveau. »
____________________________________(III.6)
1. Dans mon prochain article je commenterai les autres observations reçues de mes correspondants.
2. Sur toutes les questions analysées ci-dessus, voir mon ouvrage L’anisotropie de l’espace. La nécessaire révision de certains postulats des théories contemporaines. Les données de l’expérience. (Éditions Clément Juglar, 62, avenue de Suffren, tél. 01.45.67.58.06), chapitre IV, p. 382–426 ; chapitre V, p. 452–468, 474–477, et 482 ; chapitre VII, p. 547–644 ; et chapitre IX, p. 659–674 (voir également le n° de février 1997 de La Jaune et la Rouge, p. 77).
3. Max Born, La théorie de la relativité d’Einstein et ses bases physiques, Gauthier-Villars, 1922, p. 291.
4. Louis de Broglie, 1953, La physique quantique restera-t-elle indéterministe, Gauthier-Villars, p. 96.
5. Albert Einstein, 1939, Comment je vois le monde, Flammarion, p. 194.
6. Henri Poincaré, 1906, La Science et l’Hypothèse, Flammarion, 1927, p. 178.