Les facettes du transport maritime
Le transport maritime est une activité aux multiples facettes. Dans un environnement hostile qui fait de chaque traversée une aventure, le recrutement et la formation des hommes sont des éléments clés de réussite. La pénurie d’officiers et de marins qualifiés oblige les armateurs à développer de nouvelles filières de formation et à rendre les carrières plus attractives.
REPÈRES
Le mot anglais pour « transport maritime » est shipping , terme qui recouvre une réalité plus vaste que celle du pur transport : c’est un armement, un embarquement et une expédition.
L’armement : il consiste à entretenir et préparer son navire, y mettre à bord les vivres, les soutes nécessaires à la traversée.
L’embarquement : le navire est destiné à permettre une activité nécessairement fournie en mer, un transport de marchandises ou de personnes, des travaux maritimes (forage pétrolier, étude sismique). Ces activités nécessitent d’embarquer des personnels qualifiés, entraînés. L’une des responsabilités essentielles de l’armateur est de former ces équipages.
L’expédition : l’activité maritime revêt indéniablement un caractère aventureux. La mer est un environnement hostile à l’homme. Cet environnement doit être apprivoisé, l’armateur mesure et encadre ces risques.
Depuis toujours, l’homme est au cœur de l’aventure maritime. Cette aventure est multiple : transport de matières premières, de produits finis… Mais aussi services industriels à haute valeur ajoutée (pose de câbles, études sismiques, remorquages, assistance aux plateformes pétrolières…). Cette diversité impose à l’armateur de savoir former en son sein un couple efficace entre le bord et la terre.
Un navire vraquier capesize [transporteur de charbons ou de minerais]
©Louis Dreyfus armateurs
Des missions très variées
Transporter des passagers modifie la relation entre l’armateur et ses clients
L’activité de transport maritime représente aujourd’hui plus de 95 % des marchandises transportées dans le monde, en volume. Le transport maritime est le vecteur privilégié de la spécialisation internationale.
Grâce à l’accroissement formidable de la taille des navires, les économies d’échelle ainsi générées permettent de transporter à moindre coût les matières premières ou produits finis sur tous les océans du globe. Trois grands flux se partagent ces tonnages : les vracs secs (essentiellement charbon vapeur et à coke et minerai de fer), les vracs liquides (le pétrole brut représente 85 % de ces volumes) et les conteneurs dédiés a priori au transport des produits finis.
Passagers ou marchandises
Activités hors transport
– Assistance à l’offshore pétrolier (ravitailleurs de plateformes, remorqueurs et releveurs d’ancres, navires bases pour plongeurs).
– Transport de colis lourds (navires gréés, navires semi-submersibles).
– Travaux sous-marins (pose et enfouissement de câbles de communication ou de puissance, d’ombilicaux, de pipelines, navires dédiés au dragage).
– Remorquages de haute mer (plateformes, usines flottantes).
– Prospection et recherche sous-marine (navires de recherche sismique, océanographiques, de forages pétroliers ou gaziers).
Le transport des passagers et du fret roulant (qui vont souvent de pair : ferries, rouliers) se distingue du transport des marchandises. Le fait de transporter des passagers modifie radicalement la relation entre l’armateur et ses clients.
Le transport n’est pourtant qu’un aspect des activités nécessairement fournies en mer. Les armateurs opèrent ainsi une flotte innombrable de navires dédiés. Ces activités de transport pur ou de services dédiés à une industrie sont très variées. Elles sont pourtant accomplies par des hommes qui reçoivent la même formation initiale, des hommes qui ont au départ une même vocation.
Une vocation exigeante
Naviguer au commerce, c’est faire preuve d’un nombre important de qualités, faire face à des contraintes fortes et bénéficier d’un statut avantageux.
Les qualités requises à la navigation sont multiples. On l’a dit, la mer est un environnement hostile où l’à-peu-près ne pardonne pas. Le sens des responsabilités, la faculté d’évaluer utilement les risques, l’aptitude à l’initiative sont les clés de fonctionnement d’un bon équipage. À ces qualités s’ajoute aussi, pour certains, l’esprit de commandement. Devenir commandant à 30 ans n’est pas rare et il faut à ces jeunes hommes de solides dispositions pour gérer un équipage composé souvent de plusieurs nationalités. Le travail à la mer est un travail demandant concentration et assiduité. L’absence de risque, surtout en milieu marin, est une utopie : l’attention doit être permanente. À cette contrainte s’ajoute celle, de plus en plus prégnante aujourd’hui, de l’éloignement familial.
Former et retenir de nouveaux talents
Un statut attrayant
Pour conserver aux emplois embarqués suffisamment d’attrait, le statut des marins est devenu avantageux. Les salaires initiaux (à la sortie de l’école) sont élevés : 40 000 euros annuels en moyenne. On peut devenir second capitaine autour de la trentaine (58 000 euros annuels) puis passer commandant vers 35 ans (80 000 euros annuels). Par ailleurs ces salaires sont depuis peu, pour les marins au long cours, défiscalisés puisque acquis en majorité en dehors des eaux territoriales. Enfin, les temps d’embarquement sont de six mois par an pour les officiers et marins français.
Malgré les avantages statutaires offerts, la pénurie d’hommes est là : passé 35 ans plus de 70 % des officiers formés dans les écoles de la marine marchande ne naviguent plus.
Première explication, cette dérive aujourd’hui qui inquiète tous les professionnels : les officiers sont de plus en plus souvent confrontés à la » juridicisation » de leurs activités. La multiplication des règles internationales et malheureusement aussi trop souvent régionales, le renforcement des contrôles imposent aux officiers une connaissance toujours plus importante des codes, règlements, etc.
La mer est un environnement hostile où l’à‑peu-près ne pardonne pas
Les escales sont de plus en plus souvent l’occasion de tracasseries administratives multiples.
Certes, les évolutions récentes du droit qui visent à renforcer la législation, surtout dans le but de protéger notre environnement, sont nécessaires.
La mer n’est plus, comme elle l’a été pendant des millénaires, res nullius, la chose qui n’appartient à personne et dont personne ne se soucie. Il est donc urgent :
– de rééquilibrer les responsabilités : l’armateur reste in fine le donneur d’ordre et le formateur de ses équipages. S’il est difficile d’identifier certains armateurs (raison souvent invoquée pour condamner les membres d’équipage) c’est plutôt cette opacité qu’il faut directement combattre ;
– de ne pas oublier le caractère intrinsèquement dangereux et risqué de la navigation maritime (et de ne pas analyser ces risques à l’aune des risques de pollution terrestre infiniment plus maîtrisables).
De nouvelles écoles de la marine marchande
Des boucs émissaires commodes
Les commandants, seconds capitaines et chefs sont souvent considérés comme des boucs émissaires d’une pollution maritime. Il est tout à fait scandaleux de voir, ces hommes emprisonnés préventivement, voire condamnés sans preuves, pour calmer la vindicte populaire comme cela vient d’être le cas en Corée du Sud. Le Hebei Spirit, pétrolier chargé de 260 000 tonnes de brut, était à l’ancre au large de la Corée du Sud quand une barge qui avait rompu ses amarres l’a heurté. La responsabilité de l’équipage du navire n’aurait jamais dû être évoquée. Pourtant le commandant et le chef mécanicien ont été condamnés à des peines de prison ferme.
Autre voie pour faire face à cette pénurie : réformer les établissements qui forment aujourd’hui nos officiers, les écoles de la marine marchande. Le secrétaire d’État aux transports, M. Dominique Bussereau, a ainsi lancé une réforme qui a pour objectif de concentrer les moyens mis à la disposition des écoles afin de bénéficier de simulateurs modernes ; et d’améliorer les salaires des professeurs pour attirer plus d’officiers encore en activité dans cette voie de la transmission des savoirs.
Ces deux objectifs sont capitaux. La simulation est un outil extraordinaire pour entraîner les équipages aux tâches très spécialisées que sont la gestion de la température des cuves d’un méthanier, le travail sur la plage arrière d’un remorqueur releveur d’ancre, la maîtrise de la position d’un navire au mètre près par force 6… La simulation ne peut remplacer la pratique (notamment à la machine) mais elle est un outil formidable d’apprentissage des savoirs spécialisés.
L’importance de la pratique
Assurer la transmission du savoir par des professionnels de l’enseignement, mais aussi par des officiers en activité qui peuvent apporter toute leur récente expérience serait un progrès utile vers l’amélioration de la qualité des acquis. Notamment, comme on l’a vu plus haut, dans le domaine du droit maritime, de la pratique des tracasseries administratives, de la gestion des intervenants lors des escales, qui sont des domaines où la pratique est au moins aussi importante que la connaissance académique.
Armateurs et équipages
La principale responsabilité de l’armateur reste de former ses équipages et d’entretenir ses navires. Cette formation des équipages doit être une activité permanente. Grâce à une flotte très diversifiée, un armateur comme LDA peut proposer aux officiers de changer de spécialisation : cela apporte de l’intérêt par la remise en cause des acquis et cela permet de briser la routine. Cela passe aussi par une grande attention portée non seulement à la formation, mais également aux considérations sociales : l’homme est l’une des plus grandes richesses de l’entreprise.