Les grands programmes de la marine.
Bien au-delà du seul renouvellement – rendu largement nécessaire par l’âge élevé des bâtiments actuels – des navires de surface et des sous-marins d’attaque, les programmes d’acquisition de la marine nationale visent à la doter d’une panoplie complète de moyens navals, aéronautiques, de commandement et de communication contribuant aux grandes fonctions stratégiques décrites dans le modèle d’armées 2015 dans un cadre certes national, mais de plus en plus européen et interallié.
Le défi majeur à relever pour ceux qui doivent gérer ces programmes consiste à conserver la marge de manœuvre permettant de mener à bien le renouvellement de l’ossature de la marine, constituée principalement par les frégates et les sous-marins d’attaque, ainsi que l’acquisition du deuxième porte-avions, malgré l’importance considérable des engagements déjà pris, et qu’il faut assumer, en faveur de la composante aéronautique embarquée dont l’acquisition se poursuivra jusqu’en 2015 avec le Rafale, et en faveur de la modernisation de la force de dissuasion avec le programme SNLE de nouvelle génération qui se trouve à peu près actuellement à mi-parcours, puis avec les nouveaux missiles stratégiques M51.
Outre ces très grands programmes, on peut citer rapidement parmi les principales acquisitions lancées ces dernières années et actuellement en cours : les hélicoptères NH 90, l’avion de guet aérien Hawkeye dont le troisième exemplaire vient d’être livré, les frégates de défense aérienne et antimissile Horizon réalisées en commun avec l’Italie et qui seront équipées du système d’arme antiaérien PAAMS (Principal Anti-Air Missile System) à base de missiles Aster, la torpille MU 90 également franco-italienne et actuellement en phase de production, ou encore la nouvelle génération de Systèmes d’information et de communication (SIC 21).Je préférerai concentrer ce bref exposé sur trois programmes plus particulièrement novateurs : le BPC (Bâtiment de projection et de commandement), les frégates multimissions, les sous-marins d’attaque Barracuda.
Le BPC (bâtiment de projection et de commandement)
Deux bâtiments (21 000 tonnes, 200 m de longueur) du type Mistral sont actuellement en commande et devraient être livrés en 2005 et 2006. Ce programme est particulièrement novateur dans la mesure où :
- ces bâtiments ne seront plus de simples transports de chalands de débarquement, mais de très grands bâtiments de commandement à la vocation interarmée et interalliée affirmée, capables d’embarquer un état-major de forces de 250 à 300 personnes (le navire possède une surface reconfigurable précâblée de 800 m2 pouvant accueillir 150 postes de travail informatiques). Cela permettra de les utiliser comme centres de commandement dans un cadre de prévention de crise ou de projection de forces. Ils disposent par ailleurs, bien entendu, d’importantes capacités de transport (15 hélicoptères, 60 véhicules blindés, 450 hommes de troupe) et de capacités hospitalières développées ;
- la réalisation de ces navires a fait, afin de maîtriser leur coût, largement appel aux standards de construction civils ; ils sont propulsés par des pods électriques similaires à ceux des paquebots modernes ;
- enfin, le montage industriel retenu est un partenariat entre les Chantiers de l’Atlantique et la DCN.
Les frégates multimissions (FREMM)
La marine prévoit de renouveler les unités vieillissantes (âge moyen : 30 ans !) de la flotte de surface par une série unique de 17 frégates multi-missions réparties en :
La frégate multimissions. © DCN
- 9 frégates d’action vers la terre,
- 8 frégates de lutte anti-sous-marine.
Toutes seront équipées du missile de croisière naval (dérivé du missile aéroporté Scalp de Matra-BAé) qui donnera aux forces françaises une capacité de frappe en profondeur sur des objectifs terrestres analogue à celle du Tomahawk américain.
Ce programme constitue pour la marine un enjeu et un défi majeurs sous plusieurs aspects :
- les performances opérationnelles de ces frégates devront constituer une rupture par rapport aux unités traditionnelles dans la mesure où, en plus de leur capacité de frappe, elles devront recevoir un système de combat apte aux engagements multiplates-formes du futur, permettant d’optimiser l’efficacité d’ensemble d’une force aéronavale,
- l’équipage de ces navires sera réduit (environ 100 personnes contre 190 pour les frégates Horizon) afin de répondre aux défis démographiques et sociologiques actuels. Pour ce faire, l’automatisation sera très poussée,
- enfin, la recherche de la maîtrise des coûts conduit à limiter l’expression de besoin au juste nécessaire et à faire jouer la concurrence.
Nous sommes actuellement en cours de négociation avec l’Italie qui a un besoin analogue et concomitant en vue de lancer ce programme en coopération afin notamment d’augmenter l’effet de série.
Le projet s’oriente vers un navire d’environ 4 500 tonnes et 128 m de longueur. Les livraisons sont attendues entre 2009 et 2017.
Le sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda
Le sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda.
© DCN
Les sous-marins d’attaque du type Rubis et Améthyste actuellement en service auront besoin d’être renouvelés à partir de 2012. Le programme » Barracuda « , actuellement en phase de définition, vise à doter la marine de six unités à propulsion nucléaire d’environ 4 500 tonnes.
Celles-ci assureront comme leurs prédécesseurs les missions de maîtrise de nos espaces maritimes et de garantie de la sûreté de mise en œuvre de la force de dissuasion, constituée par les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. En outre, ces sous-marins seront équipés comme les frégates FREMM du missile de croisière, qui pourra être tiré en plongée.
Conclusion
On ne saurait conclure ce trop bref panorama sans mentionner naturellement le deuxième porte-avions, dont une décision gouvernementale vient de confirmer le choix d’une propulsion » classique « , c’est-à-dire non nucléaire, et qui devrait être mis en service en 2015 pour quarante ans. Ces caractéristiques conduisent à définir un porte-avions de plus grandes capacités que le Charles-de-Gaulle pour faire face notamment aux évolutions du Rafale et de ses futurs armements.
La concomitance des besoins français et britanniques et une conjonction industrielle favorable compte tenu à la fois du rôle important du groupe Thales dans le projet britannique et du changement de statut de la DCN permettent d’examiner de façon concrète les synergies et les gains que devrait apporter la coopération avec la Grande-Bretagne. C’est le début d’une formidable et passionnante aventure pour les ingénieurs. Elle est porteuse d’une intense signification politique à l’échelle européenne et mondiale.