Hélicoptère est utilisé dans la lutte contre l'orpaillage en Guyanne

Les hélicoptères de la Gendarmerie nationale

Dossier : HélicoptèresMagazine N°767 Septembre 2021
Par Emmanuel JOSSE

Le public iden­ti­fie bien les héli­co­ptères de la Sécu­ri­té civile, qu’on voit à la télé­vi­sion lors des catas­trophes, ou ceux de l’armée de terre, sur les théâtres d’opérations exté­rieurs. Il connaît moins ceux de la gen­dar­me­rie, pour­tant nom­breux et très actifs. Fai­sons connais­sance avec les FAGN, les forces aériennes de la Gen­dar­me­rie nationale !

La varié­té des mis­sions des FAGN ne peut être mieux illus­trée que par quelques exemples concrets d’intervention.

Une intervention en montagne

Alors que les sor­ties s’enchaînent en ce mois d’août 2020, l’aéronef Chou­cas de la sec­tion aérienne de gen­dar­me­rie de Cha­mo­nix est enga­gé pour por­ter assis­tance à une cor­dée de deux alpi­nistes blo­qués tech­ni­que­ment à 3 400 m d’altitude dans le sec­teur de l’envers des Aiguilles. Ils ne sont pas bles­sés mais ont sous-esti­mé les dif­fi­cul­tés. Ils sont nichés sur un rocher en pleine paroi. L’endroit est hos­tile. Le pilote éva­lue d’abord les condi­tions aéro­lo­giques. L’analyse de la zone est pri­mor­diale pour cal­cu­ler la marge de puis­sance. C’est grâce à elle qu’il peut déter­mi­ner si l’opération est réalisable. 

À ces alti­tudes l’équipage tra­vaille dans les deux der­niers pour­cents de puis­sance de l’aéronef. Sachant que 1 % cor­res­pond à 80 kg de charge utile, le pilote doit régu­liè­re­ment choi­sir entre l’emport d’une per­sonne et 100 litres de car­bu­rant, c’est-à-dire 20 minutes de vol. Ce jour-là, le vent est mar­qué mais plu­tôt favo­rable, l’opération est réa­li­sable. Les héli­treuillages com­mencent. La coor­di­na­tion pilote-méca­no-secou­riste doit être par­faite et les déci­sions com­prises de tous. 

Le pilote manœuvre l’hélicoptère, le méca­ni­cien treuilliste devient ses yeux et le guide par la voix, le secou­riste sus­pen­du sous l’aéronef doit maî­tri­ser cha­cun de ses gestes. C’est une sorte de chaîne conti­nue où cha­cun tra­vaille pour l’autre. « Chou­cas » se repré­sente et pro­cède à l’extraction. Comme à chaque fois, le cro­chet du treuil arrive dans la main du secou­riste. Le pre­mier secou­riste avec le res­ca­pé s’y attache et décolle len­te­ment. La seconde récu­pé­ra­tion est exé­cu­tée de manière iden­tique. Les gestes sont connus et très pré­cis. Tout le monde est main­te­nant à bord. La mis­sion est terminée.


REPÈRES

Avec un décol­lage toutes les vingt minutes en moyenne, les forces aériennes de la Gen­dar­me­rie natio­nale opèrent, de jour comme de nuit, 56 héli­co­ptères au ser­vice de la sécu­ri­té des citoyens fran­çais. En 2020, près de 18 000 heures de vol (dont 850 au pro­fit de la police natio­nale) ont ain­si été réa­li­sées par les 29 uni­tés opé­ra­tion­nelles répar­ties en métro­pole (23) et outre-mer (6). Elles sont com­man­dées orga­ni­que­ment depuis Véli­zy-Vil­la­cou­blay (78) par le CFAGN (Com­man­de­ment des forces aériennes de la Gen­dar­me­rie natio­nale) mais pla­cées opé­ra­tion­nel­le­ment sous l’autorité des com­man­dants de région de gendarmerie. 

Le type d’hélicoptères uti­li­sé répond à une logique de milieux et de mis­sions : les 26 Écu­reuil AS350 mono­tur­bines sont uti­li­sés en plaine, sur le lit­to­ral et outre-mer pour des mis­sions de sur­veillance, d’intervention et de sau­ve­tage ; les 15 EC145 bitur­bines opèrent en haute mon­tagne et en milieux hos­tiles ou au pro­fit des forces d’intervention spé­cia­li­sées (GIGN, RAID) ; les 15 EC135 bitur­bines, dotés d’équipements optro­niques de pointe, effec­tuent des mis­sions de sécu­ri­té publique géné­rale. La gen­dar­me­rie assure elle-même l’entretien de ces héli­co­ptères au sein de cha­cune des bases et grâce au grou­pe­ment de main­tien en condi­tion opé­ra­tion­nelle (GMCO) basé à Orléans-Bri­cy (45) et Nîmes (30). La dis­po­ni­bi­li­té opé­ra­tion­nelle est proche de 80 %. La for­ma­tion des pilotes et méca­ni­ciens navi­gants est entiè­re­ment assu­rée par le grou­pe­ment d’ins­truc­tion basé à Cazaux. 


La Section Aérienne de Gendarmerie de Cayenne est équipée d'hélicoptères
La Sec­tion Aérienne de Gen­dar­me­rie de Cayenne est équi­pée d’un Écu­reuil AS 350 B2 et d’un EC 145 pour lut­ter contre l’orpaillage illé­gal en Guyane.

La lutte contre l’orpaillage en Guyane

La Guyane, ter­ri­toire aus­si vaste que la Nou­velle-Aqui­taine, voit sa popu­la­tion d’environ 300 000 habi­tants se concen­trer sur la bande côtière. Elle demeure cou­verte à 97 % par une forêt dense prin­ci­pa­le­ment acces­sible par les voies flu­viales, dont la pra­ti­ca­bi­li­té fluc­tue au gré des sai­sons. Sa richesse auri­fère donne lieu à une exploi­ta­tion légale mais aus­si illé­gale. Les esti­ma­tions s’accordent sur un chiffre d’environ 7 000 per­sonnes, prin­ci­pa­le­ment des étran­gers en situa­tion irré­gu­lière, qui s’adonneraient à cette acti­vi­té ayant de forts impacts éco­no­mique, éco­lo­gique et socié­tal, favo­ri­sant toutes sortes de tra­fics et flux de capi­taux illégaux.

“Un décollage toutes les vingt minutes
en moyenne.

La lutte contre l’orpaillage illé­gal, mis­sion inter­mi­nis­té­rielle coor­don­née par la pré­fec­ture de Guyane, s’appuie sur quatre piliers. Le pilier répres­sif, enga­geant notam­ment les forces armées en Guyane et la gen­dar­me­rie, prend le nom d’opération Har­pie. Compte tenu de la confi­gu­ra­tion des lieux, l’hélicoptère est abso­lu­ment néces­saire ; il per­met le trans­port de troupes, le ravi­taille­ment des déta­che­ments iso­lés, mais aus­si la cou­ver­ture sani­taire d’urgence sur tout le territoire. 

La sec­tion aérienne de gen­dar­me­rie de Cayenne, équi­pée d’un Écu­reuil AS350 B2 et d’un EC145, s’est prin­ci­pa­le­ment spé­cia­li­sée dans l’assaut ver­ti­cal. Agis­sant sur ren­sei­gne­ment, le mode d’action consiste à dépo­ser des membres de l’antenne GIGN au cœur des chan­tiers d’orpaillage illé­gaux afin de pro­cé­der aux sai­sies-des­truc­tions des moyens de pro­duc­tion les plus pré­cieux pour les orpailleurs, en géné­ral des moteurs de fortes cylin­drées uti­li­sés pour pom­per les grandes quan­ti­tés d’eau néces­saires à l’extraction du minerai. 

Afin de sur­prendre l’adversaire et l’empêcher de cacher son maté­riel, il faut agir avec une grande rapi­di­té, en met­tant en œuvre la des­cente par corde lisse, la des­cente par treuil lorsque la hau­teur des arbres l’impose ou encore la tech­nique de l’appui patin per­met­tant de dépo­ser le per­son­nel au plus près de l’action en main­te­nant un équi­libre pré­caire avant de redé­col­ler. Les héli­co­ptères ayant fait l’objet de prises à par­tie par le pas­sé, ces opé­ra­tions sont effec­tuées sous appui de tireurs d’élite embarqués.

La lutte contre l’immigration clandestine

La sec­tion aérienne d’Amiens-Glisy apporte son concours dans le cadre de ces mis­sions, d’initiative ou lors de la mise en place de dis­po­si­tifs coor­don­nés, dans les terres et plus par­ti­cu­liè­re­ment sur le lit­to­ral. L’occurrence de ces dis­po­si­tifs est condi­tion­née par les élé­ments natu­rels (marées), la météo­ro­lo­gie pro­pice aux tra­ver­sées (vent, pré­ci­pi­ta­tions, visi­bi­li­té) et la confi­gu­ra­tion du ter­rain favo­ri­sant la dis­si­mu­la­tion de per­sonnes et de maté­riels, tout en ren­dant pos­sible leur mise à l’eau. À noter que les ten­ta­tives de tra­ver­sée sur­viennent majo­ri­tai­re­ment peu avant l’aube, à la faveur de l’obscurité pour la mise en place, sui­vie par la phase diurne faci­li­tant la navi­ga­tion en direc­tion des côtes anglaises, puis la prise en compte par les auto­ri­tés bri­tan­niques une fois les eaux inter­na­tio­nales atteintes. 

Le pro­blème prin­ci­pal sur le lit­to­ral nord en zone de com­pé­tence gen­dar­me­rie pro­vient de condi­tions d’accès dif­fi­ciles asso­ciées à une végé­ta­tion favo­rable aux migrants dans les sec­teurs dunaires. Dans ces sec­teurs l’usage du moyen aérien se révèle par­ti­cu­liè­re­ment effi­cace car il per­met, grâce à ses option­nels (phare et camé­ra), de cou­vrir le ter­rain avec un rap­port espace-temps très avan­ta­geux. À l’aide de la camé­ra ther­mique, l’équipage d’un aéro­nef évo­luant à une hau­teur de 500 mètres en moyenne est capable de détec­ter assez aisé­ment une pré­sence humaine à des kilo­mètres et de déce­ler des atti­tudes cor­res­pon­dant à une ten­ta­tive de tra­ver­sée. Lors des mis­sions de nuit, le phare de recherche per­met d’appuyer les uni­tés au sol en faci­li­tant le contact visuel avec les migrants, tout en impri­mant un impact psy­cho­lo­gique sur ces derniers. 

Le maintien de l’ordre

La Bre­tagne est de longue date une terre d’expression poli­tique et sociale. Les années récentes y ont vu suc­ces­si­ve­ment se déve­lop­per les mou­ve­ments des Bon­nets rouges, des Gilets jaunes, des anti-éco­taxe, des réfrac­taires à la loi tra­vail ou à la réforme des retraites et, plus récem­ment, des oppo­sants à la loi sécu­ri­té glo­bale. Avec le pro­jet aéro­por­tuaire de Notre-Dame-des-Landes, c’est enfin un ter­reau où le phé­no­mène des ZAD a trou­vé une source d’inspiration. Pour appuyer les forces de l’ordre dans leurs actions visant à pro­té­ger les popu­la­tions en conte­nant les excès les plus vio­lents de ces diverses formes d’opposition, la « 3e dimen­sion » s’est pro­gres­si­ve­ment impo­sée comme un pré­cieux moyen.

“Un plan d’action global pour préserver le sentiment
de sécurité.

D’abord simple moyen d’observation au plus près de la manœuvre, l’hélicoptère est aujourd’hui une source de ren­sei­gne­ment à dis­tance que la carence récur­rente ou la des­truc­tion des sys­tèmes de vidéo­pro­tec­tion ne per­met plus de garan­tir. Ain­si, en retrans­met­tant en direct, tant vers l’échelon tac­tique (le com­man­dant d’unité pla­cé au contact sur le ter­rain) que vers l’échelon opé­ra­tif (l’autorité admi­nis­tra­tive char­gée de l’ordre publique), les moyens optro­niques embar­qués per­mettent une remon­tée du ren­sei­gne­ment en amont (nature, volume, atti­tude des mani­fes­tants avant même le début de leur action), en temps réel (anti­ci­pa­tion sur les mou­ve­ments des élé­ments les plus mobiles, maté­ria­li­sa­tion des débor­de­ments), tout comme en aval, pour une éven­tuelle exploi­ta­tion judi­ciaire (sai­sie des images pour jus­ti­fier-infir­mer l’action des forces de l’ordre, tra­vail d’enquête sur les cas­seurs et autres Black blocs…).

Outil poly­va­lent et réver­sible, notam­ment en pas­sant d’une capa­ci­té d’observation à une capa­ci­té de trans­port, ren­for­cée par l’arrivée pro­chaine du H160, adap­té au milieu urbain comme au milieu rural, l’hélicoptère voit désor­mais son emploi com­bi­né avec celui des drones qui per­mettent, selon des cadres régle­men­taires pré­dé­fi­nis, de démul­ti­plier la remon­tée d’informations par l’image.

Des hélicoptères équipés de caméras thermiques et de phares de recherche sont utilisés dans le cadre de missions de lutte contre l’immigration irrégulière et clandestine.
Des héli­co­ptères équi­pés de camé­ras ther­miques et de phares de recherche sont uti­li­sés dans le cadre de mis­sions de lutte contre l’immigration irré­gu­lière et clandestine.

La police judiciaire

« Élément’Air mon cher Wat­son ! » Si Sher­lock Holmes, le plus célèbre des enquê­teurs de Scot­land Yard avait eu des héli­co­ptères à sa dis­po­si­tion, s’en serait-il ser­vi ? On peut le pen­ser, puisque aujourd’hui les voi­lures tour­nantes assurent une per­ma­nence volante H24 au-des­sus de la capi­tale bri­tan­nique. En ce qui concerne la Gen­dar­me­rie natio­nale, on sait déjà qu’elle a fait le choix de ce moyen dès 1953 pour réa­li­ser sa mis­sion de sécu­ri­té publique sur les 95 % du ter­ri­toire fran­çais dont elle a la charge.

Ce que l’on sait moins, c’est que ce choix a aus­si per­mis la créa­tion d’un véri­table savoir-faire, qu’elle est aujourd’hui la seule à maî­tri­ser : l’utilisation de la 3e dimen­sion pour l’exercice de la police judi­ciaire. Un domaine en pleine expan­sion, qui s’accélère avec la démo­cra­ti­sa­tion des drones et l’augmentation de l’offre d’imagerie satel­lite. L’article 14 du code de pro­cé­dure pénale sti­pule que la police judi­ciaire consiste à : consta­ter les infrac­tions, ras­sem­bler les preuves et inter­pel­ler les auteurs.

Face à une délin­quance de plus en plus fluide et com­plexe à appré­hen­der, l’hélicoptère et ses cap­teurs per­mettent jus­te­ment d’agir sur ces trois champs : maté­ria­li­sa­tion de la preuve depuis les airs au moyen de cap­teurs optiques, consta­ta­tions par des navi­gants qua­li­fiés « offi­ciers de police judi­ciaire », appui des dis­po­si­tifs de fila­ture pour inter­pel­la­tion des mal­fai­teurs en fla­grant délit. Les héli­co­ptères de la gen­dar­me­rie sont donc pré­sents sur tout le spectre de la police judi­ciaire. Les plus scep­tiques d’entre nous se pose­ront tou­te­fois la ques­tion de savoir si la mise en œuvre d’un tel moyen est bien utile ?

“Si un vol d’hélicoptère représente plusieurs centaines d’euros,
il permet d’économiser beaucoup d’heures d’observation.

Der­rière l’utilisation du moyen se cache un élé­ment plus essen­tiel, par­ti­cu­liè­re­ment pour une force armée telle que la gen­dar­me­rie : la stra­té­gie. Avant chaque bataille, Napo­léon Bona­parte s’appropriait le ter­rain par de longues obser­va­tions depuis les points hauts. Plus tard, au début de la Grande Guerre, le bal­lon était mis en œuvre pour obser­ver les lignes enne­mies et ajus­ter les tirs d’artillerie. Aujourd’hui, l’institution a plus que jamais des obli­ga­tions de résul­tat pour pré­ser­ver le pacte social ; elle doit donc mettre en œuvre un plan d’action glo­bal pour pré­ser­ver le sen­ti­ment de sécurité.

L’utilisation de la ver­ti­ca­li­té per­met de s’affranchir de la plu­part des obs­tacles en matière d’observation, mais aus­si de créer une véri­table insta­bi­li­té chez les mal­fai­teurs. Eh bien ! cela pour­rait à pre­mière vue sem­bler un luxe, mais d’une part le coût est à rela­ti­vi­ser du fait de la struc­ture inté­grée que consti­tue le modèle gen­dar­me­rie : un maillage ter­ri­to­rial sur lequel on vient gref­fer des moyens d’appui utiles au gen­darme pour rem­plir sa mis­sion quo­ti­dienne. Ain­si les coûts de struc­ture sont lar­ge­ment amor­tis en s’aidant de l’existant. D’autre part, preuve de son effi­cience, on constate que ce modèle se repro­duit ; les forces aériennes de la gen­dar­me­rie aident, entre autres, le Chi­li, la Nami­bie ou encore l’Angola à s’équiper.

Enfin, si un vol repré­sente plu­sieurs cen­taines d’euros, il per­met aus­si de gagner beau­coup de temps d’enquête et donc d’économiser beau­coup « d’heures gen­darme » en matière d’observation. La Gen­dar­me­rie natio­nale pour­suit le déve­lop­pe­ment de ses savoir-faire 3D et de la preuve par l’imagerie aérienne. Elle se posi­tionne aujourd’hui logi­que­ment sur le sec­teur du drone et, pour demain, pour­quoi pas ? sur celui de l’imagerie satel­lite. Affaire à suivre !

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