Les hélicoptères de l’État
Depuis plus de 60 ans, les hélicoptères ont conquis leur place dans le domaine régalien. Ils sont extrêmement engagés, que ce soit dans le domaine militaire ou dans celui du service public. Ils sont utilisés très fortement de nuit, souvent dans des conditions météorologiques difficiles.
L’hélicoptère, grâce à son aptitude au décollage et à l’atterrissage vertical, au vol stationnaire, a une aptitude unique pour certaines missions régaliennes. Si les applications civiles de l’hélicoptère sont nombreuses, ce sont les utilisateurs militaires qui expriment les besoins les plus exigeants et qui font progresser le plus les capacités de ces appareils. Les possibilités des hélicoptères au combat ont été mises en évidence en Indochine ou en Corée, en Algérie comme au Vietnam, d’abord pour des missions de sauvetage, puis des missions de transport de troupes, de reconnaissance et enfin des missions de combat. Les programmes en coopération ont joué un rôle prépondérant.
La production d’hélicoptères en France a commencé sous licence avec Sikorsky particulièrement. La coopération s’est développée d’abord avec le Royaume-Uni, avec Westland, aujourd’hui absorbé par Leonardo. Comme dans d’autres domaines, la coopération, lancée avec les Britanniques, s’est poursuivie avec les Allemands. Le Tigre a été le ferment du rapprochement entre l’Aérospatiale-division hélicoptères, l’industriel français, et MBB, l’industriel allemand, ce qui a donné Airbus Helicopters aujourd’hui. Malheureusement, le NH90 n’a pas eu le même effet bénéfique avec l’italien Agusta – devenu Leonardo – et l’Europe a aujourd’hui deux industriels constructeurs d’hélicoptères concurrents. Les grands programmes de renouvellement de flottes d’hélicoptères sont rares, l’État gardant ses aéronefs longtemps, mais afin d’avoir des aéronefs même anciens toujours adaptés à l’évolution des champs de bataille, ils subissent régulièrement des évolutions de standard qui permettent une évolution capacitaire.
Les orientations à avoir pour l’avenir des hélicoptères de l’État sont selon plusieurs axes : harmonisation et homogénéisation des flottes pour faciliter leur maintien en condition opérationnelle, avec des appareils plus polyvalents, pouvant avoir différents kits pour s’adapter aux missions ; équilibre entre les hélicoptères dérivés d’appareils civils, dont le coût de possession est plus faible, et les hélicoptères spécifiquement militaires particulièrement adaptés aux missions de haute intensité ; prise en compte de la révolution apportée par les aéronefs sans pilote (y compris à voilure tournante) avec développement de couplages entre aéronefs pilotés et aéronefs non pilotés.
REPÈRES
L’État met en œuvre pour ses missions régaliennes près de 500 hélicoptères, qui lui appartiennent dans une très grande majorité. Les hélicoptères sont tous d’origine Airbus Helicopters (soit seul, soit en coopération avec Leonardo) et la motorisation est issue de Safran Helicopter Engines, soit seul, soit en coopération avec des industriels européens (Rolls-Royce, MTU, ITP). En effet le domaine des hélicoptères militaires est l’objet de très anciennes coopérations européennes, tout d’abord entre la France et l’Angleterre dans les années 60, puis entre la France et l’Allemagne dans les années 90. Ces appareils sont de plus de 12 types différents, avec un spectre d’ancienneté très large, les plus anciens appareils ayant été livrés depuis près de 50 ans et les plus récents étant encore en cours de livraison.
Les hélicoptères du ministère des Armées
Une caractéristique des hélicoptères militaires est d’avoir des noms d’animaux. Quand on pense à l’aéronautique militaire, il est naturel de penser à l’armée de l’air. Mais le monde des hélicoptères militaires est majoritairement celui de l’armée de terre. La guerre d’Algérie a réellement marqué la naissance de l’emploi d’hélicoptères intégrés dans la manœuvre terrestre, conduisant à la création en 1954 de l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT).
L’armée de terre
Les 222 hélicoptères de l’ALAT apportent des capacités de feu (canon, roquettes guidées laser, missiles air-air et missiles air-sol à guidage laser), renseignement, mobilité et commandement à partir de l’espace aérien proche du sol. Les munitions à guidage laser permettent le tir au-delà de la vue directe, ce qui renforce la capacité d’action des hélicoptères. Les équipements d’aide au pilotage et de navigation permettent un engagement dans des conditions très dégradées, de jour comme parmi les nuits les plus sombres (nuit de niveau 5). La survivabilité des aéronefs est assurée par la mise en place de systèmes d’autoprotection et par les protections antibalistiques ; à cela s’ajoute l’usage particulier du vol tactique. Le vol tactique, qui consiste à évoluer au plus près du relief en utilisant les masques du terrain, de préférence de nuit, assure une bonne protection par rapport à la menace sol-air.
Chaque hélicoptère est raccordé à la chaîne de commandement numérisée, par la mise en œuvre de systèmes d’information terminaux et par l’usage de postes de commandement tactiques embarqués à bord d’hélicoptères de manœuvre. Les unités d’hélicoptères peuvent produire leurs effets militaires rapidement, dans des zones difficiles, voire impossibles d’accès pour les unités au sol. Elles conservent l’effet de surprise, avec une exploitation en boucle courte du renseignement, en intervenant rapidement sur un adversaire à découvert avant qu’il ne réagisse, et cela de nuit et par tout temps.
Les hélicoptères se répartissent en deux groupes : les hélicoptères de reconnaissance et d’attaque (HRA), que sont les Gazelle et les Tigre, et les hélicoptères de manœuvre et d’assaut (HMA), que sont les Puma, Cougar, Caracal et Caïman. Les HRA apportent des capacités de renseignement et de feu pour des missions de reconnaissance, d’attaque, de destruction, d’escorte. Les HMA assurent des missions d’héliportage et d’hélitransport et d’évacuation sanitaire. Les appareils sont fortement utilisés par les forces spéciales. Ils peuvent être également employés à partir de bâtiments de la Marine nationale. Sur le territoire national, les hélicoptères contribuent aux missions de sauvetage et de recherche au profit des autorités gouvernementales. Par ailleurs, la formation initiale des pilotes est réalisée avec des Colibri, qui sont l’objet d’un partenariat public-privé ; la formation complémentaire (vol aux instruments…) est assurée avec des Fennec. Les hélicoptères de l’armée de terre ont joué un rôle clé dans toutes les opérations extérieures récentes, que ce soit en Afghanistan, en Libye, en République centrafricaine ou au Mali.
La Marine nationale
Les 64 hélicoptères de l’aéronautique navale sont principalement embarqués ; ils assurent les missions de maîtrise de l’espace aérien au-dessus de la mer et la projection de puissance depuis la mer. Conçus pour un emploi par tout temps et à la mer, ces hélicoptères disposent généralement d’un harpon d’ancrage, d’une capacité de pliage des pales, d’un train d’atterrissage à roues, d’une flottabilité de secours et d’un traitement contre la corrosion saline. Leur maintien en condition opérationnelle est adapté pour assurer une disponibilité maximale à la mer ; la maintenance doit pouvoir être réalisée à bord des bâtiments, par des équipes restreintes et dans des environnements exigus. Vecteurs embarqués des missions d’assaut, de lutte antinavire et systèmes d’armes principaux de lutte anti-sous-marine, les hélicoptères sont à la fois les yeux, les oreilles et le bras armé des bâtiments.
Le Caïman est embarqué principalement sur les frégates de premier rang, à qui il donne une capacité de détection, identification, localisation transhorizon, grâce à sa chaîne de détection performante et une capacité d’attaque des menaces sous-marines avec les deux torpilles dont il est armé. Le Panther, de plus petite taille, embarque sur des frégates de classe « La Fayette » et sur les frégates de surveillance déployées outre-mer. Tous les hélicoptères sont dotés de capacités de lutte antinavire. Les hélicoptères sont un acteur important du soutien logistique du bâtiment porteur en facilitant les transferts, de personnel comme de matériel. Ils assurent aussi la projection de force avec les missions de transport de troupes vers la terre.
Concernant l’action de l’État en mer, ils assurent des missions de surveillance de route maritime, de lutte contre les trafics illicites et les pollutions et de contre-terrorisme. Dans ce cadre, ils embarquent un tireur avec une arme légère ou peuvent déposer des commandos par aérocordage. Les Dauphin Pedro assurent les missions de sauvegarde lors des catapultages et appontages à bord du porte-avions. Une quinzaine d’hélicoptères de la marine (Dauphin, Caïman) sont en alerte H24, 7 jours sur 7, pour assurer depuis la terre (en métropole ou à Tahiti) la recherche et le sauvetage en mer. Les Alouette III sont essentiellement utilisées pour la formation aux spécificités du vol à partir d’une plateforme maritime.
L’armée de l’air
Les 75 hélicoptères de l’armée de l’air sont employés dans des missions d’appui, de transfert de personnel, de police du ciel ou de sauvetage. Les Caracal sont employés pour la mission de recherche et sauvetage au combat (CSAR : Combat, Search and Rescue), mission de recherche de pilotes d’aéronef contraints de s’éjecter d’un avion de combat, qu’ils assurent grâce à leurs senseurs et leur armement. Ce sont les seuls hélicoptères de l’État ayant la capacité d’être ravitaillés en vol, soit à partir des A400M, soit à partir des EC130. Ils assurent également des missions au profit des forces spéciales et de contre-terrorisme maritime. Des EC225 sont en permanence mis à disposition de la DGSE.
Les Fennec assurent la police du ciel avec la mission MASA (mise en œuvre des mesures actives de sûreté aérienne), grâce à leur armement et l’embarquement d’un tireur d’élite. Stationnés en métropole et outre-mer, ils assurent tout particulièrement la protection du centre spatial guyanais. Ils sont employés pour le respect des bulles de protection des lieux sensibles (dans le cas d’événements comme le G7 ou des grands événements sportifs). Les Puma assurent des missions de SAR (recherche et sauvetage), en cas d’accident d’aéronef, et Secmar (secours maritime), d’évacuation sanitaire et de soutien aux populations ; ils sont stationnés en métropole et outre-mer. En Guyane, ils ont une mission de lutte contre l’orpaillage. Ils ont une mission commune avec l’armée de terre de transport des militaires du GIGN et du RAID. Les Super Puma assurent le transport des hautes autorités gouvernementales.
Outre les armées, les 9 hélicoptères de la direction générale de l’armement DGA (Puma, Fennec, H225) sont dédiés aux essais en vol.
Les hélicoptères de service public
Les 99 hélicoptères de service public concourent aux missions de sécurité publique, de secours aux personnes et aux biens et d’aide médicale urgente. La sécurité civile a une flotte homogène d’EC145 ; les douanes ont des EC135 et des Écureuil, la Gendarmerie nationale a des EC145, des EC135 et des Écureuil. Ces appareils ont des équipements et des équipages entraînés (vol aux instruments, hélitreuillage), qui leur permettent d’intervenir en environnement périlleux ou hostile et par mauvaises conditions météorologiques. Les pilotes sont très majoritairement d’anciens pilotes militaires, qui ont acquis dans les armées les compétences spécifiques nécessaires.
La mission de sécurité publique relève principalement des hélicoptères de la gendarmerie. La mission de secours aux personnes et aux biens relève de la sécurité civile ; elle bénéficie du renfort de la gendarmerie pour le secours en montagne, ainsi que de la marine et de l’armée de l’air pour le secours en mer. La police nationale ne dispose pas en propre d’hélicoptères et a un droit d’utilisation de ceux de la gendarmerie et de la sécurité civile. Les douanes assurent les missions de surveillance aéromaritimes et aéroterrestres. L’État a également recours à la location d’hélicoptères pour des missions de service public : transport de personnes en situation d’urgence pour les établissements de santé, lutte contre les feux de forêt pour les services départementaux d’incendie et de secours, surveillance et renseignement pour la police de l’air et des frontières.
Petit lexique…
Gazelle : appareil monoturbine, classe 1,5 t, avec un viseur (optique et thermique) ; développé en coopération avec le Royaume-Uni ; âge moyen de la flotte : 35 ans.
Tigre : appareil biturbine, classe 6 t, avec un canon de 30 mm, des roquettes, des missiles antichars et air-air, cellule en composite, canon asservi au casque du tireur, viseur (voie thermique, TV, désignateur laser) ; développé en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne ; âge moyen de la flotte : 8 ans.
Puma : appareil biturbine, classe 7 t, avec mitrailleuse de 7,62 mm ou canon de 20 mm ; développé en coopération avec le Royaume-Uni ; âge moyen de la flotte : 46 ans.
Cougar : appareil biturbine, classe 9 t ; âge moyen de la flotte : 30 ans.
Caracal : appareil biturbine, classe 11 t, avec mitrailleuse 12,7 mm et canon de 20 mm en sabord, caméra infrarouge ; âge moyen de la flotte : 15 ans.
Caïman : appareil biturbine, classe 10 à 11 t, fuselage en composite, commandes de vol électriques, avec une rampe arrière ; développé en coopération avec l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas (et le Portugal) ; âge moyen de la flotte : 4 ans.
Fennec : appareil biturbine, classe 2 t, âge moyen de la flotte : 26 ans.
Caïman : version marine, avec sonar trempé, bouées acoustiques, radar de portée supérieure à 200 nautiques, torpilles ; âge moyen de la flotte : 7 ans.
Panther : appareil biturbine, classe 4 t, avec console tactique ; âge moyen de la flotte : 25 ans.
Dauphin : appareil biturbine, classe 4 t, avec plusieurs standards (N3, Pedro, service public) ; âge moyen de la flotte de 10 ans à 38 ans selon les standards.
Alouette III : appareil monoturbine, classe 1,5 à 2 t, équipé d’un treuil ; âge moyen de la flotte : 45 ans.
EC145 : appareil biturbine, classe 3 t, équipé d’un treuil et d’un phare de recherche, accès arrière de la cabine pour l’emport de brancards.
EC135 : appareil biturbine, classe 3,5 t, équipé d’un treuil et d’un phare de recherche, accès arrière de la cabine pour l’emport de brancards.
Écureuil : appareil monoturbine, équipé d’un treuil, d’un phare de recherche et d’une caméra.