Les infrastructures, victimes de la crise et moteurs de la relance
L’essor financier des infrastructures des dernières années a fait place dès le deuxième semestre de 2008 à des incertitudes quant au financement de ces projets. Les années 2009 et 2010 seront marquées par un soutien déterminé des pouvoirs publics à ce secteur, considéré comme prioritaire dans le cadre des politiques de relance.
Après avoir été marqué par un engouement certain ces dernières années, le secteur des infrastructures est certes victime de la crise financière mais il est également perçu comme un remède à la crise économique.
Les délégations de service public transfèrent le risque de disponibilité au secteur privé, en plus du risque de construction
Les investissements privés dans les infrastructures, rendus nécessaires par les contraintes budgétaires des États, ont explosé dans les années 2000 tant sur le marché primaire (appelé aussi le marché greenfield, qui est le marché de la construction sous forme de PPP) que sur le marché secondaire (ou marché brownfield, qui est le marché des acquisitions ou des refinancements des actifs déjà construits).
La multiplication des constructions
Hôpitaux et prisons
L’ordonnance du 4 septembre 2003 sur les baux emphytéotiques hospitaliers et l’ordonnance du 17 juin 2004 sur les Contrats de partenariat ont permis l’émergence de PPP hospitaliers (dont les premiers ont été le Logipôle de Douai et le CHNO des Quinze-Vingts à Paris) et du programme pénitentiaire.
En 2007, la valeur mondiale des PPP dépasse 140 millions de dollars pour plus de cent cinquante transactions. Le marché le plus important est le marché européen et il est largement dominé par le Royaume-Uni depuis le début des années quatre-vingt-dix.
La France, dotée d’une » Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat » (MAPPP), a vu se multiplier les projets, suite à l’adoption d’un nouveau cadre législatif. De nouveaux textes ont en effet autorisé les PPP pour des projets dans lesquels le risque de disponibilité est transféré au secteur privé en plus du risque de construction.
Les projets se sont également multipliés dans le cadre traditionnel des délégations de service public où le risque de demande est transféré au secteur privé en plus du risque de construction : lignes ferroviaires (Perpignan-Figueras, LGV Sud-Europe – Atlantique), centre de traitement des déchets de Fos-sur-Mer, autoroutes, viaduc de Millau, etc.
L’âge d’or des acquisitions
Le projet d’extension en mer de Monaco, tel qu’il aurait vu le jour s’il avait été attribué au Consortium mené par Monte-Carlo Sea Land, filiale commune d’investisseurs monégasques (familles Marzocco, Schriqui et Segond) et de Limitless (groupe Dubai World), l’un des deux finalistes. |
L’évolution la plus remarquable est intervenue ces dernières années dans le marché secondaire. La valeur mondiale totale des transactions sur le marché secondaire a doublé en six ans.
De nouveaux acteurs ont vu le jour sur ce marché. Les acteurs du » capital investissement » (private equity) ont investi dans les infrastructures, sans doute à la recherche de revenus stables de long terme contrairement à leur profil classique d’investissement à risque sur le court terme. Les fonds d’infrastructures se sont multipliés avec, en France, les implantations de Macquarie ou de Babcock & Brown et le développement de fonds dédiés par les grandes banques françaises (Calyon, Natixis, BNP, etc.) ou par des assureurs (AXA Infrastructure). Ces fonds ont également plus que doublé entre 2007 et 2008.
En outre, la fusion de Suez et GDF, l’acquisition de BAA par Ferrovial, les privatisations des autoroutes françaises, l’investissement de Carlyle dans Numéricable, les introductions en Bourse de GDF, EDF, ADP ou EDF EN ou le refinancement du viaduc de Millau sont autant d’opérations qui ont marqué ces dernières années.
Il n’en reste pas moins que le marché français a pris conscience à cette occasion des conséquences que la crise financière pourrait avoir sur les projets au moment même où étaient lancés (ou venaient à terme) plusieurs projets majeurs, en particulier une série de grands projets ferroviaires en PPP, le plan universitaire Campus et d’autres grands projets comme l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, le Canal Seine-Nord, le projet d’externalisation des télécommunications du ministère de la Défense, la construction d’un » Pentagone à la française » ou le Tram-Train de la Réunion. Pour les seuls LGV Sud-Europe – Atlantique, LGV Bretagne – Pays-de-la-Loire et contournement Nîmes-Montpellier, l’investissement cumulé prévu est d’environ 12 milliards d’euros.
Bientôt, à Fos-sur-Mer, un centre de traitement de déchets en PPP.
Relancer l’économie
Télécoms à haut débit
Bouclé en 2009, le projet Opéra consiste en un refinancement d’un portefeuille de 12 concessions de réseaux de télécommunications à haut débit (avec Bouygues, la CDC et le Fideppp comme investisseurs et Banco Santander, Calyon et le groupe Caisse d’Épargne comme prêteurs).
Les atouts des infrastructures ont décidé les États à les placer au cœur de leurs plans de relance. Les infrastructures sont vitales pour le développement et le fonctionnement des économies. Cela est vrai non seulement pour les pays émergents, du fait de l’accroissement de la population, mais également pour les économies développées, comme, par exemple, en Europe, où la construction du marché unique augmente le besoin des réseaux de transport, les progrès technologiques renforcent les besoins de certains types d’équipement et les besoins en services croissent, comme dans l’éducation ou la santé. En outre, les infrastructures sont un véhicule de croissance : les télécommunications, l’électricité et l’eau interviennent dans la production de la quasi-totalité des secteurs, et les transports sont des intrants dans la production des biens. Leurs caractéristiques de base demeurent : en situation de monopole, les infrastructures assurent un service public essentiel et procurent un revenu à faible risque sur le long terme, ce qui leur a d’ailleurs permis de bien résister face à la crise.
Les infrastructures assurent un service public essentiel et procurent un revenu à faible risque
Le risque de demande est généralement faible car la société de projet qui gère les actifs est soit rémunérée par un loyer payé par la collectivité publique (BEH, Contrats de partenariat), soit par une redevance payée par les usagers (concessions de service public) qui est réglementée, ce qui peut permettre son augmentation en dépit d’une baisse de fréquentation de l’ouvrage. Le marché secondaire des acquisitions présente des opportunités importantes, notamment du fait de la multiplication des vendeurs en difficulté pour des motifs financiers (Babcock & Brown) ou liés au droit de la concurrence (BAA). Quant au marché primaire, il est stimulé par les plans de relance.
Le plan de relance français
En France, le plan de relance de 26 milliards d’euros, prévu pour 2009 et 2010, prévoit trois types de mesures principales.
D’abord, les modifications apportées à la législation sur les Contrats de partenariat permettront temporairement aux candidats de soumettre leurs offres finales sans engagements fermes des prêteurs, l’attributaire pressenti disposant d’un délai pour présenter son offre financière définitive ; en outre, les sponsors pourront ne pas prendre en charge l’intégralité du financement de certains projets laissant ainsi une part du financement aux personnes publiques.
Ensuite, afin d’augmenter les disponibilités de financement, la Caisse des dépôts et consignations prêtera 8 milliards d’euros aux sociétés de projet à partir des fonds d’épargne réglementée ; au Royaume-Uni, le Treasury a créé une unité, dotée de 2 milliards de livres sterling pour la période 2009–2010, pour attribuer des prêts en cas d’insuffisance de financement.
Enfin, visant notamment à combler l’absence des monolines, l’État français garantira la dette de plusieurs projets à hauteur de 10 milliards d’euros.
L’aboutissement de certains projets dans les prochaines semaines ou les prochains mois sera un premier test de l’efficacité des mesures décidées dans le cadre du plan de relance.
Linklaters
Fondé en 1838 à Londres, Linklaters LLP est un des plus grands cabinets d’avocats dans le monde avec 2 500 avocats dont 500 associés. Le groupe international d’experts Infrastructure intervient partout dans le monde dans la plupart des transactions phares les plus complexes dans le secteur des infrastructures tant pour des financements de projets que pour des acquisitions d’entreprises ou de participations. Ouvert en 1973, le bureau de Paris compte environ 200 collaborateurs et 35 associés.