Les itinéraires d’Émile Guimet
Cet ouvrage collectif, auquel a participé François Chappuis (55), paraît au moment où la réouverture du musée Guimet, après quatre ans de travaux, attire l’attention sur un des plus riches musées d’art asiatique du monde. Son fondateur, Émile Guimet (1836−1918), fut un homme étonnant dont sont retracés les “ itinéraires ” : ceux d’un industriel, d’un voyageur, d’un savant, d’un collectionneur, d’un bâtisseur, d’un musicien, d’un mécène qui offrit à l’État les immenses trésors qu’il avait rassemblés.
Le premier chapitre évoque son père, Jean-Baptiste Guimet (1795−1871), X 1813, fondateur d’un empire industriel grâce à son invention, en 1827, de l’outremer artificiel, le “ bleu Guimet ”, qui lui apporta notoriété et fortune.
Il aurait pu être un héros balzacien : polytechnicien s’échappant de l’École pour combattre les Alliés en 1814, excellent chimiste qui passa dix-sept ans dans le corps des Poudres et Salpêtres, inventeur qui industrialisa et exploita magistralement sa découverte, il créa en 1855 la société qui deviendra Pechiney après avoir été en 1859 la première à produire industriellement l’aluminium ; vingt ans conseiller municipal de Lyon, il apporta à la ville de grandes améliorations : réseau d’alimentation en eau, parc de la Tête d’Or.
Émile Guimet fut le digne successeur de son père dans l’industrie, tout en consacrant une grande partie de son temps et de sa fortune à diverses passions qui l’animèrent toute sa vie :
- la musique qu’il pratiqua en vrai professionnel, composant de nombreuses oeuvres dont un opéra ;
- les voyages, dont un tour du monde en 1876–1877, qui lui fit découvrir l’Asie, en particulier le Japon, et marqua profondément la seconde moitié de sa vie ;
- la collection, qu’il qualifie lui-même d’effrénée, d’objets d’art égyptiens, gréco-romains puis surtout asiatiques, de manuscrits, de livres, etc. ;
- la construction à Lyon d’un théâtre et d’un premier musée, puis du musée de Paris ;
- la philosophie, en particulier l’étude des religions.
Homme exceptionnel voulant faire partager à tous le savoir, l’accès à l’art et à la culture, il fit, en 1885, don à l’État de toutes ses collections, construisit et dirigea le musée qui les abrite, s’attachant à en faire un centre de rayonnement consacré à l’étude des civilisations et des religions asiatiques ainsi qu’au rapprochement entre l’Orient et l’Occident en développant leur connaissance mutuelle.
De la Restauration à la guerre de 1914–1918 les vies de Jean-Baptiste et d’Émile Guimet couvrent un siècle d’histoire de France extraordinairement riche : rayonnement artistique et scientifique, expansion économique et industrielle, prestige mondial. L’un et l’autre y ont tenu un rôle.
Ce livre érudit, mais agréable à lire, riche d’informations variées, remarquablement illustré, en constitue un témoignage intéressant.