Les jeunes ingénieures ont tous les atouts en main
La conjoncture est favorable, car la demande est forte avec la nouvelle révolution industrielle – tous les objets vont être connectés – et les femmes sont reconnues pour enrichir la vision du produit et être sensibles à l’esprit de coopération qui permet de mieux gérer l’ambiguïté et la diversité des regards
Année après année, il se confirme que le diplôme et le métier d’ingénieur offrent de nombreux atouts sur le marché du travail. 95 % des titulaires d’un tel diplôme en France trouvent leur premier emploi dans les six mois suivant leur sortie d’école et beaucoup signent avant l’obtention du diplôme.
Celui-ci ouvre à des métiers stables de cadres bien rémunérés avec des progressions rapides et assez peu de « trous » de carrière. Le taux de chômage des ingénieurs n’est que de 4 %.
Ce phénomène est mondial et les États-Unis sont les premiers à s’inquiéter d’une pénurie de profils scientifiques : les jeunes issus des écoles françaises, et notamment les polytechniciens, y sont très appréciés, que ce soit directement dans les entreprises ou dans les universités de renom que sont Harvard, Stanford ou le MIT.
REPÈRES
Une enquête sur le premier emploi des X a été réalisée en 2014 auprès des élèves diplômés en juin 2013 (majoritairement des X 2008). Le taux de réponse était de 79 %, 16 % des réponses émanaient de filles et 84 % de garçons. Parmi les filles, 24 % se sont dirigées vers les Corps de l’État, 23 % vers un doctorat, 49 % vers l’entreprise et 5 % étaient en recherche d’emploi. 13 % des garçons seulement ont choisi les Corps de l’État, les autres chiffres étant comparables à ceux des filles.
Il existe une disparité de répartition des effectifs masculins et féminins dans les différents secteurs de l’industrie. L’énergie est celui qui attire majoritairement les filles (22 %), à égalité avec le secteur BTP, matériaux de construction et infrastructures et les technologies de l’information. Puis viennent le secteur biotechnologie, pharmacie et cosmétique (17 %), la construction aéronautique, ferroviaire et navale et l’armement (6 %), la chimie (6 %) et enfin les autres secteurs (6 %).
Les garçons se dirigent principalement vers les technologies de l’information (33 %), suivies de l’énergie (25 %), de la construction aéronautique, ferroviaire et navale et l’armement (17 %) et du secteur BTP, matériaux de construction et infrastructures (11 %). Chacun des autres secteurs représente moins de 5 % des choix.
Les polytechniciennes ont leur place dans tous les secteurs de l’industrie. Elles sont même plus recrutées que les garçons en biologie, pharmacie et cosmétique. On trouve pratiquement le même pourcentage (55 %) des filles et des garçons dans les grandes entreprises (plus de 5 000 personnes), dans les moyennes entreprises de 250 à 4 999 personnes (19 % des filles, 18 % des garçons) et dans celles de 50 à 249 personnes (16 % des filles, 17 % des garçons). Le salaire d’embauche moyen annuel brut est pour les filles de 41 500 € et de 45 500 € pour les garçons.
Claudine Hermann, professeure honoraire au département de physique, École polytechnique
Yasmina Mokrane, service Stages, orientation, insertion et entreprises (SOIE), École polytechnique
Un immense champ des possibles
La place croissante des technologies au sein de notre société, dans de nombreux domaines comme le numérique et l’informatique, l’énergie, les matériaux, la santé, l’électronique ou les équipements de transport ne feront que renforcer cette tendance.
“ Les jeunes issus des écoles françaises sont très appréciés aux États-Unis ”
Des entreprises comme LVMH ou Canal+, qui sont moins connues pour leurs dimensions technologiques, ont aussi besoin d’ingénieurs et se battent pour attirer les meilleurs. John Chambers, l’emblématique président de Cisco, disait en novembre 2015 qu’« avec la seconde révolution de l’Internet, tous les pays, les villes, les entreprises, les maisons, les voitures, les objets… tout sera connecté.
Toutes les entreprises deviennent des entreprises technologiques et vont devoir accepter de changer pour ne pas disparaître. Il faut avoir le courage de se réinventer. » Le champ des possibles pour les ingénieurs est donc immense.
Et les entreprises ouvertes savent les faire évoluer dans toutes les fonctions grâce à leurs qualités intellectuelles, leur curiosité, leur capacité à douter et à se remettre en cause.
Un vecteur de réussite
Les ingénieures restent très, trop peu nombreuses et sont sous-représentées à tous les niveaux de l’entreprise, notamment dans les fonctions dirigeantes. Malgré les actions menées depuis quelques années, à peine 28 % des étudiants en écoles d’ingénieurs sont des jeunes filles. À l’X, ce chiffre varie entre 13 % et 19 % seulement ces dix dernières années, ce qui préfigure l’avenir. Ces statistiques sont stagnantes, hélas.
UN AVANTAGE CERTAIN
Les entreprises cherchent actuellement à embaucher et à promouvoir des ingénieures : certaines polytechniciennes que j’ai eu l’occasion de recevoir à l’AX semblent ne pas se rendre compte de l’avantage certain qu’elles pourraient en tirer et ne souhaitent pas que ce critère soit mis en avant en ce qui les concerne.
Nicolas Zarpas (58), responsable du Bureau des carrières de l’AX
Pourtant, un florilège d’études montre que la diversité des profils permet aux entreprises de mieux se développer dans un monde de plus en plus complexe et que les femmes sont un formidable vecteur de réussite.
Sans compter la présence désormais imposée de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés en France, et peut-être bientôt dans les instances dirigeantes des entreprises.
La rareté est une formidable chance pour les ingénieures talentueuses disposant d’une solide formation. La discrimination positive n’est pas toujours bien perçue car nous préférerions être reconnues pour nos compétences.
Peu importe : je suggère aux femmes d’en profiter et de prendre les places qu’elles méritent.
L’intelligence des situations
La culture et les organisations des entreprises changent, notamment pour attirer et accueillir les jeunes générations. Elles sont devenues moins hiérarchiques, plus collaboratives, plus agiles, plus flexibles et combinent créativité, rapidité et plaisir au travail.
J’ai pu constater que les femmes, outre qu’elles enrichissent la vision du produit, sont plus sensibles que les hommes à cet esprit de coopération, à l’intelligence collective et à l’intelligence des situations qui permet de mieux gérer l’ambiguïté et la diversité des regards.
Elles sont souvent également plus travailleuses et surtout plus courageuses.
Se faire confiance
À l’inverse, l’ambition est souvent perçue comme une valeur négative chez les femmes, notamment les jeunes femmes, parce qu’elles manquent de confiance en elles, s’interrogent sur leur disponibilité professionnelle et leur vie de famille.
“ La rareté est une formidable chance pour les ingénieures talentueuses ”
Je me suis résolue chez Canal+, malgré ma réticence initiale, à créer des réseaux de femmes pour qu’elles s’inspirent d’exemples de collègues qui ont du leadership et réussissent dans des postes à responsabilité tout en menant des vies équilibrées sans tomber dans la caricature des superwomen.
Elles pèchent souvent par excès d’humilité et s’inquiètent du bon moment pour avoir leurs enfants.
Comme il n’y en a pas, il faut s’affranchir de la question et se faire confiance pour toujours rebondir.
Foncez
J’ai envie de dire aux jeunes filles qui en ont la capacité : foncez ! En prépa comme à l’X, les études scientifiques sont extrêmement stimulantes et vous serez au contact d’enseignants de haut vol qui vous marqueront pour la vie et éveilleront votre curiosité.
Dans la recherche ou en entreprise, vous serez particulièrement choyées car peu nombreuses, alors même que les défis qui s’ouvriront à vous seront passionnants et que la nouvelle flexibilité du travail vous permettra de les exercer dans de meilleures conditions que vos aînées.